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On peut ainsi dresser une liste non exhaustive des récentes sanctions prises à l’encontre d’entreprises
européennes. ALSTOM fut ainsi condamné en 2014 pour corruption par le DOJ américain à 772,29 millions
de dollars d’amendes. De même BNP PARIBAS a dû s’acquitter d’une amende de 8,9 milliards en 2015 suite
à une accusation de violation des embargos américains. La même année, TOTAL fut accusée par la FERC
(Federal Energy Regulatory Commission) d’avoir manipulé les prix du gaz naturel. Le démenti du groupe a
débouché sur une enquête de la CFTC (Commodity Futures Trading Commission). On pense également au
cas de VOLKSWAGEN en 2016. L’entreprise allemande s’est vue forcée à un paiement de 15 milliards de
dollars pour échapper à un procès aux Etats unis. Ce compromis prévoirait également le paiement d’une
amende de 2,7 milliards aux agences fédérales et californienne de protection de l’environnement, ainsi
que le financement à hauteur de 2 milliards de dollars de technologies d’émissions propres. Là encore la
même année la DEUTSCH BANK, accusée d’avoir joué un rôle important dans la crise des Subprimes en
ayant trompé les investisseurs en leur vendant des produits toxiques s’est vue demandées 14 milliards de
dollars d’amende. La grande efficacité de cet outil réside dans sa légitimité apparente. Les objectifs
affichés de ces actions législatives sont en effet louables (lutte contre la corruption, pour la juste
concurrence mondiale, pour l’efficacité économique), mais elles n’en demeurent pas moins un outil
puissant au service des intérêts américains. Cette dimension morale est par ailleurs renforcée par
l’intervention régulière d’Organisation non gouvernementales en amont des accusations américaines.
Un autre outil de domination économique américain est la prise de contrôle des entreprises étrangères
jugées stratégiques pour les intérêts américains. L’exemple le plus parlant est sans doute « In-Q-Tel ».
Fond d’investissement privé à but non lucratif créé en 1999 par un ancien agent de la CIA, sa seule mission
est la détection et l’acquisition d’entreprises dont la technologie et les brevets pourraient servir les
intérêts américains, notamment dans le domaine de la sécurité. Les technologies et brevets ainsi
contrôlées sont mis à la disposition des institutions de renseignement américaines. Le cas le plus
emblématique de ces manœuvres est l’entreprise française GEMPLUS, aujourd’hui GEMALTO,
développeur du premier lecteur de cartes à puces. L’entreprise fut l’objet d’une prise de participation
rapide par le fond d’investissement américain Texas Pacific Group, qui aboutit à la nomination de l’ancien
administrateur d’In-Q-Tel à la tête du conseil d’administration. Si l’Etat français récupère en 2009 le
contrôle de l’entreprise par le biais du Fond Stratégique d’Investissement (FSI), les technologies relatives
aux cartes à puces ont déjà été transférées. Le fond d’investissement « The Carlyle Group », créé en 1987,
constitue un autre exemple édifiant. Ce dernier repose sur un réseau puissant comprenant notamment
d’ex-membres de l’administration et des services de renseignement américains et investit massivement à
l’étranger, notamment en Europe. Parmi les entreprises françaises ayant été rachetées par ce fond, on
note ainsi CAMECA, leader mondial spécialisé dans les instruments d’analyse de matériaux, ou encore
SAGECOM, leader européen dans les communications haut-débit, et terminaux de communication.
Lobbying à l’UE : influence et extension du concept de sécurité nationale
Le Parlement Européen est un autre lieu d’expression de la puissance américaine. Alors que 30% des
lobbyistes enregistrés à Bruxelles représenteraient des intérêts économiques américains, on ne peut que
comprendre l’influence des Etats-Unis dans le processus législatif européen, et l’avantage concurrentiel
lié à leur capacité à modifier ou à influencer le cadre législatif du marché. La guerre des normes, centrale
dans les activités de lobbying, est ainsi animée par divers groupes de pression comme la Chambre de
Commerce Américaine en UE (Amcham EU), représentant les intérêts de plus de 160 grandes entreprises,
majoritairement américaines. Disposant d’un budget annuel annoncé de plus d’un million d’euros, elle
promeut, comme d’autres entités, les intérêts économiques américains. Cela est entre autre passé par la