Réalité de la stratégie économique américaine face à l

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Ambre AZALBERT Guillaume BEAUME Marie HEGLY Jean-Charles KULICH Antoine RIOUAL
Emma THEVENAU
Réalité de la stratégie économique
américaine face à l’Europe
Avant et après Trump
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Sommaire
Introduction .............................................................................................................................. 3
PARTIE I UE/USA : Des cas de nationalismes économiques conquérants depuis 20 ans .......... 4
1. Quelques leviers de la stratégie américaine ...................................................................................4
(a) La domination américaine : des outils au service du rayonnement de la puissance ....................... 4
(b) Lobbying à l’UE : influence et extension du concept de sécurité nationale .................................... 5
2. La collusion Public-Privé au service d’une stratégie globale ............................................................7
PARTIE II Les conséquences éventuelles de la politique de Trump sur la montée de(s)
nationalisme(s) européens ....................................................................................................... 9
1. Le nationalisme économique de Donald J. Trump : des mesures protectionnistes, des Etats à la
scène internationale ..........................................................................................................................9
(a) Un programme nationaliste pour le marché intérieur .................................................................... 9
(b) Trump face au reste du monde : la volonté d’un nationalisme économique meneur dans les
relations internationales ..................................................................................................................... 10
2. Trump vs Europe : Un nationalisme économique qui change les relations transatlantiques .......... 11
(a) L’Union Européenne n’est plus un allié mais un concurrent économique comme les autres de
l’espace globalisé ................................................................................................................................. 11
(b) Ce qu’il se passe en Europe et comment la politique de Trump pourrait participer à la montée
des mouvements nationalistes ........................................................................................................... 12
Conclusion ....................................................................................................................................... 14
Annexes .................................................................................................................................. 15
Annexe A Liste des litiges et contentieux entre l’Union Européenne et les Etats-Unis devant
l’Organisation Mondiale du Commerce ............................................................................................ 15
Annexe B Trois exemples de mesures phares de dumping fiscal dans l’Union Européenne ............ 15
(a) Luxembourg : Accords sur mesure ................................................................................................. 15
(b) Irlande : Fiscalité avantageuse pour les salariés et pour les entreprises ...................................... 15
(c) Belgique : La pratique des rescrits fiscaux ..................................................................................... 16
(d) Pays-Bas : Combo « régime mère-fille » et « sandwich hollandais » ............................................ 17
(e) Royaume-Uni : exemple différentiel au niveau de l’attractivité fiscale ......................................... 17
Annexe C Etude de cas : Le libre-échange qui fait monter les prix ? ............................................... 18
Bibliographie .......................................................................................................................... 19
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Introduction
La fin de la Guerre Froide a marqué le début d'un changement de paradigme, notamment entre les Etats-
Unis et l'Europe. Jusqu’en 1991, les pays étaient rassemblés en blocs. Afin de maintenir cette logique de
blocs, notamment celui de l’ouest (États-Unis, Europe de l'Ouest, Canada et d'autres pays), il était
impossible de montrer ostensiblement une quelconque compétition, ne serait-ce qu'économique. Dans ce
contexte, l’Europe constituait une forme de rempart contre le bloc soviétique. Les relations diplomatiques
entre les États-Unis et l'Europe étaient donc le fruit de calculs d'intérêts économiques et géopolitiques
nécessaires aux deux pays qui sont donc des compétiteurs alliés, en somme. Suite à la chute du mur et la
victoire du bloc ouest, les considérations stratégiques des états se modifient. En effet, la démonstration
de puissance d'un état ne se traduit plus par sa stratégie militaire et sa capacité à conquérir des territoires,
mais par son économie et sa capacité à rester compétitif face aux autres pays. De ce fait, de nouveaux
plans d'action, ciblant le terrain économique, doivent être mis en place. Les États-Unis s'éloignent alors de
l'Europe, qui n'a plus besoin de son soutien, afin de se recentrer sur son accroissement de puissance.
Jusqu'alors grande alliée privilégiée, l'Europe se retrouve en posture de concurrent principal. S'en suit la
création du National Economic Council (NEC) par l'ordre exécutif en 1993, qui a pour mission principale de
mettre l'économie au cœur de la politique et donc au service de leur puissance.
Les relations euro-américaines se retrouvent à nouveau bouleversées dans le contexte actuel, post-
élection de Donald Trump en tant que Président des États-Unis. Cet évènement inattendu marqua l'année
2016 de par le programme choc du président élu. Celui-ci prône un nationalisme économique affiché et
favorable à une dislocation européenne. Bien qu’il soit désormais affiché, il ne constitue en rien une
nouveauté. Nous réaliserons tout d’abord une analyse des différents leviers de nationalisme économique
utilisés par les américains ces 20 dernières années face à ce concurrent qu’est l’Europe1. La seconde partie
sera consacrée aux conséquences de la politique de Trump sur la montée de(s) nationalisme(s)
européen(s) (abolition du TAFTA, autres cas de Brexit...).
1 Ce listing n’a pas vocation à être exhaustif, mais à être illustratif
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PARTIE I UE/USA : Des cas de nationalismes économiques
conquérants depuis 20 ans2
1. Quelques leviers de la stratégie américaine
Les cas de litiges commerciaux portés devant l’OMC constituent la partie la plus visible des stratégies
étatiques de nationalisme économique. Ils constituent parfois, comme dans l’affaire du bœuf aux
hormones, de véritables bras de fer interétatiques. Dès 1988, l’Union Européenne avait ainsi une
législation visant à protéger ses consommateurs d’un éventuel risque de santé publique liée à l’usage
d’hormones de croissance dans les élevages bovins. Le « boycott » de facto qui en découla fit l’objet, à la
suite d’un arbitrage de l’ORD (Organe de Règlement des Différends), de mesures de rétorsions via l’OMC
de la part du Canada et des Etats-Unis, mécontents de ne pouvoirs écouler leurs productions de viande
bovine sur le marché européen. Le droit de l’OMC prévoyant la loi du Talion en cas de boycottage illégal,
des sanctions douanières furent imposées à la Communauté Européenne par les Etats-Unis et le Canada.
Cela passa notamment par l’augmentation des droits de douanes sur les produits agricoles en 1999, ou
encore par une taxe ad valorem de 100% sur les produits à base de viande bovine et porcine au Canada.
De nouvelles sanctions devaient être appliquées, mais un accord fut trouvé en Mai 2009. Ce dernier a
imposé un triplement des importations européennes de viande bovine américaine. En Décembre dernier,
prenant ombrage de la diminution de leurs importations en Union Européenne, les Etats-Unis menacèrent
d’installer des droits de douanes importants sur divers produits tels que le roquefort, la moutarde ou
encore la truffe. L’incident, même si résolu, illustre les dynamiques de guerre commerciale sous-tendant
les affrontements au sein de l’OMC. De 1995 à 2005, on dénombre 48 de ces incidents entre l’Union
Européenne et les Etats-Unis. Ils concernent une grande variété d’opérations, de nombreux secteurs, et
sont souvent porteurs de lourdes conséquences financières et commerciales.
La domination américaine : des outils au service du rayonnement de la puissance
Les Etats-Unis usent également de l’extraterritorialité de leur droit afin d’assurer la pérennité de leur
économie. Leur outil favori en la matière est le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). Loi fédérale
américaine de 1977 dont l’objectif primaire est de lutter contre la corruption, elle s’est vue donner une
portée extraterritoriale. Son entrée en vigueur est conditionnée par un important éventail de facteurs, lui
assurant une portée très étendue. En l’occurrence, dès lors qu’une entreprise non américaine utilise la
monnaie américaine dans son activité, possède des filiales sur le territoire américain, utilise un FAI ou un
opérateur téléphonique américain, ou répond à un appel d’offre la mettant en concurrence avec une
entreprise américaine. Elle tombe sous l’égide, ipso facto, du droit américain. Ce maillage législatif,
inévitable pour toute multinationale de taille respectable, assure aux Etats-Unis un levier puissant dans la
préservation de leurs intérêts économiques et politiques. Le FCPA leur permet en effet d’accéder à un
éventail d’actions. Elle permet de facto un processus de veille constante à l’égard des entreprises
étrangères. Cette veille peut se combiner avec une surveillance accrue par le biais du FBI ou de la NSA, sur
la base de simples soupçons. Enfin, elle place le gouvernement des Etats-Unis en position de belligérant
potentiel vis-à-vis des entreprises se dressant contre ses intérêts. Cela peut permettre, au-delà de
l’affaiblissement des entreprises étrangères sur des secteurs stratégiques, de placer les entreprises
américaines en bonnes positions pour exploiter ces faiblesses, soit en les rachetant, soit par la constitution
de quasi-monopoles.
2 Liste des litiges et contentieux entre l’Union Européenne et les Etats-Unis auprès de l’Organisation Mondiale du
Commerce est disponible en Annexe A.
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On peut ainsi dresser une liste non exhaustive des récentes sanctions prises à l’encontre d’entreprises
européennes. ALSTOM fut ainsi condamné en 2014 pour corruption par le DOJ américain à 772,29 millions
de dollars d’amendes. De même BNP PARIBAS a dû s’acquitter d’une amende de 8,9 milliards en 2015 suite
à une accusation de violation des embargos américains. La même année, TOTAL fut accusée par la FERC
(Federal Energy Regulatory Commission) d’avoir manipulé les prix du gaz naturel. Le démenti du groupe a
débouché sur une enquête de la CFTC (Commodity Futures Trading Commission). On pense également au
cas de VOLKSWAGEN en 2016. L’entreprise allemande s’est vue forcée à un paiement de 15 milliards de
dollars pour échapper à un procès aux Etats unis. Ce compromis prévoirait également le paiement d’une
amende de 2,7 milliards aux agences fédérales et californienne de protection de l’environnement, ainsi
que le financement à hauteur de 2 milliards de dollars de technologies d’émissions propres. Là encore la
même année la DEUTSCH BANK, accusée d’avoir joué un rôle important dans la crise des Subprimes en
ayant trompé les investisseurs en leur vendant des produits toxiques s’est vue demandées 14 milliards de
dollars d’amende. La grande efficacité de cet outil réside dans sa légitimité apparente. Les objectifs
affichés de ces actions législatives sont en effet louables (lutte contre la corruption, pour la juste
concurrence mondiale, pour l’efficacité économique), mais elles n’en demeurent pas moins un outil
puissant au service des intérêts américains. Cette dimension morale est par ailleurs renforcée par
l’intervention régulière d’Organisation non gouvernementales en amont des accusations américaines.
Un autre outil de domination économique américain est la prise de contrôle des entreprises étrangères
jugées stratégiques pour les intérêts américains. L’exemple le plus parlant est sans doute « In-Q-Tel ».
Fond d’investissement privé à but non lucratif créé en 1999 par un ancien agent de la CIA, sa seule mission
est la détection et l’acquisition d’entreprises dont la technologie et les brevets pourraient servir les
intérêts américains, notamment dans le domaine de la sécurité. Les technologies et brevets ainsi
contrôlées sont mis à la disposition des institutions de renseignement américaines. Le cas le plus
emblématique de ces manœuvres est l’entreprise française GEMPLUS, aujourd’hui GEMALTO,
développeur du premier lecteur de cartes à puces. L’entreprise fut l’objet d’une prise de participation
rapide par le fond d’investissement américain Texas Pacific Group, qui aboutit à la nomination de l’ancien
administrateur d’In-Q-Tel à la tête du conseil d’administration. Si l’Etat français récupère en 2009 le
contrôle de l’entreprise par le biais du Fond Stratégique d’Investissement (FSI), les technologies relatives
aux cartes à puces ont déjà été transférées. Le fond d’investissement « The Carlyle Group », créé en 1987,
constitue un autre exemple édifiant. Ce dernier repose sur un réseau puissant comprenant notamment
d’ex-membres de l’administration et des services de renseignement américains et investit massivement à
l’étranger, notamment en Europe. Parmi les entreprises françaises ayant été rachetées par ce fond, on
note ainsi CAMECA, leader mondial spécialisé dans les instruments d’analyse de matériaux, ou encore
SAGECOM, leader européen dans les communications haut-débit, et terminaux de communication.
Lobbying à l’UE : influence et extension du concept de sécurité nationale
Le Parlement Européen est un autre lieu d’expression de la puissance américaine. Alors que 30% des
lobbyistes enregistrés à Bruxelles représenteraient des intérêts économiques américains, on ne peut que
comprendre l’influence des Etats-Unis dans le processus législatif européen, et l’avantage concurrentiel
lié à leur capacité à modifier ou à influencer le cadre législatif du marché. La guerre des normes, centrale
dans les activités de lobbying, est ainsi animée par divers groupes de pression comme la Chambre de
Commerce Américaine en UE (Amcham EU), représentant les intérêts de plus de 160 grandes entreprises,
majoritairement américaines. Disposant d’un budget annuel annoncé de plus d’un million d’euros, elle
promeut, comme d’autres entités, les intérêts économiques américains. Cela est entre autre passé par la
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