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d’officielles. À l’échelle locale, ces dernières prennent la forme de motions,
vœux et délibérations formulés par l’instance représentative des
Étampois, en l’occurrence le Conseil municipal. Assez peu fréquentes,
elles traduisent soit la fierté des élus de se sentir Français, par exemple à
l’annonce d’une victoire militaire ou du sacre d’un nouveau roi, soit leur
inquiétude devant un évènement national ou international dont les ondes
de choc auraient pu ébranler l’ordre économique et social entre Juine et
Chalouette.
L
e troisième type de sources – celui de la presse locale – est à notre
sens le plus intéressant, dans la mesure où il réunit l’appréciation
personnelle et la dimension publique. C’est la raison pour laquelle nous
l’avons retenu en priorité. À la charnière des XIXe et XXe siècles,
Étampes demeurait la principale ville entre Paris et Orléans, tant pour
son peuplement que pour sa puissance économique et commerciale. Elle
était dirigée par des élites soucieuses de la défense de ses intérêts et par là
même intéressées à l’existence d’une presse d’opinion bien informée.
Deux journaux à fort tirage se partageaient alors les faveurs du public :
L’Abeille d’Étampes et Le Réveil d’Étampes, traitant le plus souvent
des mêmes sujets, mais selon une sensibilité politique dissemblable. Née
sous la monarchie de Juillet, L’Abeille se voulait conservatrice, sa voix
celle des possédants et des notables, bref de l’ordre moral, ce qui ne
déplaisait pas à la petite et moyenne bourgeoisie. Quant au Réveil, son
concurrent le plus sérieux et le plus récent, il se réclamait des principes
républicains, ouvrant volontiers ses tribunes aux idées progressistes,
radicales et socialistes, sans toutefois appeler à la lutte des classes.
M
iracle de l’Union sacrée… et pis-aller face à l’évanouissement des
moyens financiers autant qu’humains, les deux organes de presse rivaux
finirent par fusionner au début de la Grande Guerre. Cependant, pour
la période qui nous intéresse ici, à savoir celle des presque cinquante ans
ouverte avec le conflit franco-prussien de 1870-1871 et close avec l’été de
1914, les deux journaux conservèrent des particularismes dont nous
mesurerons la richesse à propos des questions de politique internationale,
notre souhait étant d’éclairer par leur intermédiaire comment et combien
les Étampois s’ouvrirent aux affaires étrangères. À ce titre, les
éditoriaux et articles de la presse locale possèdent pour l’historien
d’aujourd’hui une double qualité. D’une part, ils constituent un
baromètre de ce qui passionnait ou non l’opinion publique, en sachant
qu’au-delà du critère de l’information les journalistes ambitionnèrent
plus ou moins consciemment de chauffer ou refroidir le mercure…
D’autre part, ces mêmes journalistes n’ayant pas abdiqué leur statut de
citoyens doués d’une opinion personnelle, prenons garde de ne pas oublier
que leur plume pouvait aussi délivrer des nuances éloignant le texte de la
ligne éditoriale communément suivie ou du projet didactique revendiqué
par le propriétaire du titre.
D
’une manière générale, pour ce qui fut de la prise en compte des
évènements internationaux, de la place qui devait être celle de la France
dans le monde, et de la rivalité du pays avec son remuant voisin
germanique, les deux principaux hebdomadaires de la région d’Étampes
épousèrent les phases de tension et de détente reconnues depuis longtemps
par la recherche spécialisée dans la politique étrangère et les relations
franco-allemandes. Entre 1871 et 1890, L’Abeille et Le Réveil
s’effrayèrent tout d’abord d’une France isolée face à l’hégémonie
allemande sur le continent. Amputé d’une partie de son territoire, mutilé
et meurtri, le pays se sentait surveillé, sans amis véritables, soumis aux
pressions y compris anglaises et italiennes. Il cherchait des coupables à sa
défaite contre les Prussiens, pansait ses plaies, se remettait en cause et