L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 med.harvard.edu/wmh/). Nous remercions l’équipe coordinatrice World Mental Health (WMH) pour leur aide concernant les outils de mesure et pour leur conseil en matière de procédures opérationnelles. INTRODUCTION La France est le pays européen où la prescription et l’usage de médicaments psychotropes sont les plus élevés (26). L’analyse des ventes en pharmacie en France a montré que cinq psychotropes, trois antidépresseurs (AD) et deux antipsychotiques (AP), figuraient parmi les cinquante médicaments les plus coûteux pour l’Assurance-maladie en 2002. En outre, pour la même année, sept psychotropes, deux AD, deux hypnotiques (HY) et trois anxiolytiques (AX), se trouvaient parmi les cinquante médicaments les plus vendus (2). Parallèlement, diverses enquêtes épidémiologiques conduites en population générale en France ont décrit une prévalence d’usage des benzodiazépines et des AD relativement élevée par rapport aux autres pays européens (7, 17, 32, 33, 35, 36). Une étude d’un large échantillon d’ordonnances a été réalisée en 2000 concernant la population bénéficiaire du régime général de l’Assurance-maladie. Celle-ci conclut que 25 % de la population de l’analyse a bénéficié d’au moins un remboursement suite à la prescription d’un psychotrope dans l’année (17 % pour les AX, 10 % pour les AD, 9 % pour les HY et 3 % pour les AP) (24). Cependant, une telle étude, à partir d’ordonnances, ne permet pas d’estimer l’utilisation réelle des psychotropes du fait de l’inobservance particulièrement importante en France dans ce domaine thérapeutique (4, 9, 15). Par ailleurs, une augmentation de l’usage de certaines classes de psychotropes depuis dix ans a été rapportée en France, comme dans d’autres pays (22, 42), notamment pour les AD et, à un moindre degré, pour les AP et les HY (2). Au total, les AD et les AP font partie des dix classes thérapeutiques contribuant le plus à la croissance annuelle des dépenses liées aux médicaments en France (1, 3). Cette augmentation a accompagné de récentes innovations thérapeutiques, qui ont conduit à la mise sur le marché de nouveaux médicaments psychotropes plus coûteux, mais aussi plus facilement prescrits. C’est notamment le cas en médecine générale (5), du fait de la meilleure tolérance des produits récents comparée aux médicaments plus anciens (11, 34). Des études menées en France ou ailleurs, quoique relativement anciennes, suggèrent que la part de la consommation d’AD non cliniquement justifiée serait faible (20, 37, 38). En revanche, la proportion des sujets déprimés non traités qui pourraient bénéficier d’un traitement serait élevée (18, 28, 35, 41). Dans le contexte thérapeutique actuel, on peut se demander si cette facilité d’utilisation contribue soit à un « dérapage des prescriptions », soit à une facilité d’accès au traitement (16). À notre connaissance, aucune étude permettant de répondre à ces deux questions n’a jamais été réalisée, en population générale, en France. Une Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France grande étude européenne sur la santé mentale, ESEMeD/ MHEDEA 2000 (appelée ci-après ESEMeD) nous offre la possibilité d’apporter des réponses à cette problématique. Notre étude visait trois objectifs. Premièrement, elle cherchait à décrire l’usage des psychotropes déclarés (globalement et par classe thérapeutique) afin d’en évaluer la prévalence annuelle, les durées de traitement et les facteurs démographiques associés à leur utilisation. Deuxièmement, nous avons voulu estimer la proportion des sujets présentant un trouble anxieux, dépressif ou lié à l’alcool (abus ou dépendance) qui sont effectivement traités par AD ou AXHY. Enfin, nous avons cherché à évaluer la proportion des usagers de psychotropes répondant aux critères diagnostiques de troubles dépressif, anxieux, ou lié à l’alcool. Les résultats globaux de l’étude ESEMeD analysant l’ensemble des six pays européens ont été récemment publiés (14). Certains sont représentés ici, parallèlement aux résultats de l’échantillon français, afin de pouvoir mettre en perspective la situation en France par rapport à celle des six pays européens dans leur ensemble. MÉTHODES La méthodologie de l’étude ESEMeD a été largement décrite par ailleurs (13) et dans l’article publié dans ce même numéro (29). Population et mode d’enquête Il s’agit d’une enquête transversale réalisée entre 2001 et 2003 en population générale, auprès de sujets de plus de 18 ans, non institutionnalisés et ayant un domicile fixe, en Allemagne (n = 3 555), en Belgique (n = 2 419), en Espagne (n = 5 473), en France métropolitaine (n = 2 894), aux Pays-Bas (n = 2 372) et en Italie (n = 4 712). Dans chaque pays, la base de sondage disponible la plus représentative a été utilisée : la liste électorale en Italie, le registre postal aux Pays-Bas, une liste de numéros de téléphone générés aléatoirement en France et des registres de résidents pour l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne. Les sujets ont été interrogés à domicile en face-à-face par des enquêteurs professionnels de l’institut IPSOS, préalablement formés à l’utilisation du WMH-CIDI (19) par une équipe de l’OMS. En France, 6 796 personnes ont été incluses et 2 894 interrogées, ce qui correspond à un taux de participation pondéré de 46 % (ce taux est de 61 % pour les six pays). Parmi les non-participants, 705 n’ont jamais pu être contactés par téléphone, malgré 50 tentatives d’appels à des jours et heures différents. Les caractéristiques démographiques de l’échantillon français et des six pays réunis sont présentées dans le tableau I. L’échantillon français est comparable à celui des six pays ESEMeD. Les femmes sont légèrement sur-représentées en France comme dans l’échantillon total ; l’âge moyen est de 46,3 ans dans l’échantillon français et de 47,0 ans dans l’échantillon total. Les caractéristiques démo197 I. Gasquet et al. L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 TABLEAU I. — Caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon français (n = 2 894) et de l’ensemble des six pays ayant participé à l’étude (n = 21 425). France n = 2 894 n Six pays n = 21 425 % pondérés n % pondérés Age 18-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 233 510 942 719 11,6 19,0 28,8 20,7 1 790 3 798 6 450 4 986 11,4 18,4 27,8 21,8 > 65 ans 490 20,0 4 401 20,7 Sexe Homme 1 329 47,8 9 953 48,2 Femme 1 565 52,2 11 472 51,8 Nombre d’années de scolarité manquant 2 72 0-12 ans 1 876 66,1 13 407 65,3 > 13 ans 1 016 33,9 7 946 34,7 Statut matrimonial 1 978 70,8 14 552 66,4 Précédemment marié Marié/vie maritale 409 11,6 2 802 11,6 Jamais marié 507 17,7 4 071 22,0 Mode de vie Vit seul Vit avec quelqu’un 554 15,8 3 554 15,4 2 340 84,2 17 871 84,6 Zone d’habitation < 10 000 habitants 1 564 49,1 6 269 33,2 10 000-100 000 habitants 870 33,9 9 292 38,7 > 100 000 habitants 460 17,0 5 864 28,1 Situation professionnelle 1 738 59,0 11 471 53,8 Chômeur/sans emploi Emploi rémunéré 174 6,4 1 299 6,8 Retraité 658 24,8 4 854 23,6 Au foyer 161 4,6 2 358 9,0 Etudiant 57 2,1 516 2,9 Congé maternité 30 0,8 130 0,8 Congé maladie 27 1,1 170 0,7 Invalide/handicapé 31 0,7 454 1,5 Autre 9 0,2 87 0,3 Ne sait pas/refuse de répondre 9 0,3 86 0,6 graphiques de l’échantillon français sont proches des caractéristiques de la population nationale décrite dans le dernier recensement de l’INSEE (INSEE, Paris ; http://www.insee.fr) (tableau I). Ces caractéristiques sont décrites de manière plus détaillée dans l’article ci-joint (29). 198 Données recueillies Le WMH-CIDI-2000 (Composite International Diagnostic Interview) (19) a été utilisé pour le recueil des données sur les troubles psychiatriques. Il s’agit d’un questionnaire structuré qui permet de générer les diagnostics DSM IV des troubles psychiatriques les plus fréquents. Nous L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 avons identifié les troubles présents dans les douze derniers mois ainsi qu’au cours de la vie entière. Les sujets ont été interrogés sur leur usage de psychotropes au cours des douze derniers mois. Les noms des spécialités et le nombre de prises ont été notés. Cinq classes de psychotropes se sont distinguées : AD (tricycliques, inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine, autres), HY (benzodiazépines et apparentés) et AX (benzodiazépines, buspirone), AP (antipsychotiques) et thymorégulateurs (TY) (lithium, valproate, carbamazépine). Un livret de photographies en couleur des boîtes des produits, des blisters et du produit lui-même, pour les spécialités les plus largement utilisées dans chaque pays, était réalisé. Celui-ci était présenté aux sujets lors de l’entretien afin de faciliter la remémoration et l’identification des médicaments psychotropes. L’enquêteur avait pour consigne d’encourager le sujet à contrôler directement son traitement (vérification des boîtes ou de l’ordonnance). Un contrôle qualité, indépendant de la société de sondage en charge des entretiens, a été réalisé. Il a comporté, entre autre, une vérification des réponses auprès d’un sous-groupe aléatoire de sujets, une analyse systématique de cohérence interne des données et une surveillance en temps réel des durées moyennes des entretiens. Analyse des données Des pondérations ont été appliquées sur les données afin de prendre en compte, d’une part, l’écart entre les caractéristiques sociodémographiques de chaque échantillon national et celles de la population nationale et, d’autre part, de corriger la proportion relative de chaque pays dans l’échantillon des six pays. Les poids optimaux ont été utilisés, prenant en compte les échantillons ayant répondu à la version complète du questionnaire (1 436 sujets en France et 8 796 pour les 6 pays). La même méthode et le même mode de calcul des poids ont été utilisés par l’OMS dans l’étude World Mental Health (WMH ; http:// www.hcp.med.harvard.edu/wmh/). Les analyses effectuées ici intégraient ces poids, sauf indication contraire. Toutes les données ont été contrôlées, validées et calculées de façon centralisée. Des analyses descriptives classiques ont été réalisées (effectif, pourcentage, moyenne, écart-type et médiane). La prévalence de la prise d’un traitement psychotrope a été évaluée, en fonction du sexe, sur les douze derniers mois et sur les trente derniers jours. Le nombre moyen de jours de prise de traitement, pour la France et pour l’ensemble des six pays, a été noté. Pour les sujets ayant pris au moins une fois un AX-HY ou un AD au cours des douze derniers mois, la répartition en fonction du nombre de jours de prise a été représentée. Les relations entre la prise d’un psychotrope au cours des douze derniers mois et les caractéristiques sociodémographiques ont été étudiées par le calcul des prévalences et des odds ratios associés, ajustés sur l’âge et le sexe. Parmi les sujets Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France ayant un trouble psychiatrique (sur douze mois ou au cours de la vie), la proportion des sujets ayant pris un psychotrope au cours des douze derniers mois a été étudiée, ainsi que le nombre moyen de jours de prise correspondant. Parmi les sujets ayant pris au moins une fois un AXHY ou un AD au cours des douze derniers mois, la proportion de sujets présentant un trouble psychiatrique (sur douze mois ou au cours de la vie) a été représentée. Le risque de première espèce (alpha) a été fixé à 5 %. L’analyse a été réalisée à l’aide des logiciels SAS (version 8.2) et SUDAAN (version 8.0.1). RÉSULTATS Prévalence et durée d’utilisation des psychotropes Sur les 2 894 personnes interrogées en France, 21,4 % (n = 590) ont déclaré avoir pris au moins un médicament psychotrope au cours des douze derniers mois et 14,1 % (n = 399) au cours du mois précédent. La prévalence annuelle de l’usage d’AX ou d’HY était de 19 %. Parmi les usagers de psychotropes, 87 % ont pris au moins une fois un AX ou un HY dans l’année. Pour les AD, la prévalence annuelle était de 6,0 %, ce qui représente 28 % des usagers de psychotropes. Pour les AP et les TY, les prévalences annuelles étaient respectivement de 0,8 % et 0,4 % (tableau II). Par rapport à l’ensemble de la population des six pays de l’étude, les prévalences annuelles et mensuelles sont plus élevées en France pour toutes les classes thérapeutiques, à l’exception des AP dont les taux sont équivalents (tableau II). Chez les sujets ayant pris un psychotrope au moins une fois au cours des douze derniers mois en France, la durée moyenne de traitement était la plus courte pour les AXHY (105 jours sur l’année), intermédiaire pour les AD et les AP (182-198 jours) et la plus longue pour les TY (239 jours) (tableau II). Les durées de traitement étaient systématiquement plus courtes en France que dans l’ensemble des six pays de l’étude pour toutes les classes, à l’exception des AP, pour lesquels le nombre moyen de jours de prise était plus élevé en France (tableau II). Pour les AX-HY et les AD, les médianes étaient beaucoup plus courtes que les moyennes, ce qui suggère une distribution non gaussienne des durées de traitement (tableau II). En effet, comme l’illustre la figure 1, la distribution des AX-HY était plutôt bimodale, 44 % des sujets ayant une durée cumulée de prise très courte (≤ 15 jours) et 23 % ayant pris un médicament de ces classes plus de six mois. Pour les AD, 21 % ont eu une durée de traitement inférieure à deux semaines et 42 % une durée de traitement supérieure à six mois (figure 1). La proportion des traitements de très courte durée (≤ 15 jours) était plus élevée en France que dans l’ensemble de la population des six pays d’ESEMeD pour les AXHY (44 % vs 40 %) et les AD (21 % vs 16 %). 199 I. Gasquet et al. L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 TABLEAU II. — Prévalence sur le mois et sur l’année de la consommation des différentes classes de psychotropes en France et dans l’ensemble des six pays ayant participé à l’étude. France n = 2 894 Six pays n = 21 425 Nombre de jours de traitement n %* Nombre de jours de traitement Moyenne (écart type)* Médiane* n %* Moyenne (écart type)* Médiane* 105 (175) 182 (167) 30 126 2 329 856 10,2 3,5 127 (187) 202 (168) 30 180 Au moins une prise dans les 12 derniers mois AX ou HY 511 18,6 AD 180 6,0 AP 36 0,8 198 (150) 180 269 1,0 171 (171) 90 TY 9 0,4 239 (200) 365 30 0,2 281 (169) 365 590 21,4 111 (174) 30 2 853 12,4 134 (191) 42 158 (196) 60 1 697 7,0 175 (191) 100 Tout psychotrope Au moins une prise dans les 30 derniers jours AX ou HY 320 AD 138 4,9 211 (176) 210 661 2,7 241 (162) 362 AP 28 0,8 215 (163) 365 186 0,7 213 (170) 280 8 0,4 238 (213) 365 28 0,2 281 (172) 365 399 14,1 155 (190) 70 2 120 8,7 178 (194) 120 TY Tout psychotrope 11,3 AX : anxiolytique ; HY : hypnotique ; AD : antidépresseur ; AP : antipsychotique ; TY : thymorégulateur. * Statistiques pondérées. 1 - 15 jours 16 - 30 jours 31 - 90 jours 91 - 180 jours 181 - 365 jours 50 45 44,2 40 41,6 TABLEAU III. — Prévalence sur le mois et sur l’année de la consommation des différentes classes de psychotropes en France en fonction du sexe. Prévalence (% pondérés) OR [IC 95 %]* % pondérés 35 Total 30 22,7 25 20,8 20 15 17,6 12,9 13,5 10 12,3 6,7 7,8 Au moins une 1 prise dans les 12 derniers mois AX ou HY 18,6 6,1 12,6 2,2 [1,8-2,7] AD 6,0 2,2 3,8 1,7 [1,2-2,3] AP 0,8 0,4 0,4 1,0 [0,4-2,2] TY 5 Tout psychotrope 0 AX-HY AD FIG. 1. — Répartition du nombre de jours de prise de traitement au cours des douze derniers mois pour les anxiolytiqueshypnotiques (AX-HY) et pour les antidépresseurs (AD). L’analyse par sexe et par classe thérapeutique montre que la probabilité d’utilisation des AD et des AX-HY, au cours des douze derniers mois, était deux fois supérieure chez les femmes que chez les hommes. En revanche, aucune différence significative selon le sexe n’était mise en évidence pour les AP et TY (tableau III). 200 0,4 0,1 0,3 1,7 [0,5-5,5] 21,4 7,1 14,3 2,2 [1,8-2,6] Au moins une 1 prise dans les derniers 30 jours AX ou HY 11,3 3,3 8,0 2,4 [1,9-3,1] AD 4,9 1,9 3,0 1,5 [1,1-2,1] AP 0,8 0,4 0,3 0,7 [0,3-1,6] 0,4 0,1 0,3 1,6 [0,5-5,4] 14,1 4,6 9,5 2,1 [1,7-2,6] TY Facteurs démographiques et usage de psychotropes Hommes Femmes Tout psychotrope AX : anxiolytique ; HY : hypnotique ; AD : antidépresseur ; AP : antipsychotique ; TY : thymorégulateur. * Classe de référence = hommes. Les Odds ratios notés en gras sont statistiquement significatifs. L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France L’usage de psychotropes augmente avec l’âge et il est globalement plus élevé chez les femmes que chez les hommes (tableau IV). De même, nous constatons un nombre d’usagers plus important dans les groupes de personnes précédemment mariées, vivant seules, ayant suivi des études supérieures, vivant en milieu urbain ou sans emploi rémunéré (tableau IV).Pour l’ensemble de ces facteurs, les mêmes associations étaient observées au sein de l’échantillon français et dans l’ensemble des six pays ESEMeD (tableau IV). TABLEAU IV. — Relation entre les caractéristiques démographiques et l’usage de psychotropes (prévalence annuelle) en France et dans l’ensemble des 6 pays ayant participé à l’étude. France n = 2 894 Six pays n = 21 425 n %* ORa [IC 95 %]** n %* ORa [IC 95 %]** 590 21,4 – 2 853 12,4 – Homme 180 14,9 1 884 8,7 1 Femme 410 27,4 2,2 [1,8-2,6] 1 969 15,7 1,9 [1,7-2,1] 18-24 ans 31 15,4 1 127 6,4 1 25-34 ans 76 15,6 1,0 [0,7-1,5] 318 8,2 1,3 [1,1-1,6] 35-49 ans 194 22,6 1,6 [1,1-2,3] 746 11,1 1,8 [1,5-2,2] 50-64 ans 167 26,7 2,0 [1,4-2,8] 770 14,5 2,5 [2,1-2,9] > 65 ans 122 23,1 1,6 [1,1-2,2] 892 18,9 3,2 [2,7-3,9] Total Sexe Age Nombre d’années d’études manquant 0 8 0-12 ans 379 20,8 1 > 13 ans 211 22,5 1,3 [1,1-1,6] Marié/vie maritale 376 20,0 1 Précédemment marié 123 35,9 91 Vit seul Vit avec quelqu’un - 1 932 12,7 1 913 11,7 1,3 [1,2-1,5] 1 817 12,2 1 1,9 [1,4-2,5] 617 19,2 1,2 [1,1-1,4] 17,3 1,2 [0,9-1,6] 419 9,2 1,2 [1,0-1,4] 137 29,1 1 621 15,8 1 453 19,9 0,6 [0,5-0,8] 2 232 11,7 0,8 [0,8-0,9] < 10 000 habitants 302 18,5 1 871 12,0 1 10 000-100 000 habitants 183 23,8 1,3 [1,1-1,6] 1 144 13,2 1,1 [1,0-1,2] > 100 000 habitants 105 24,8 1,7 [1,3-2,1] 838 11,6 1,0 [0,9-1,1] 300 18,6 1 1 067 9,3 1 44 21,9 1,5 [1,0-2,3] 172 10,0 1,3 [1,1-1,6] Retraité 164 25,1 1,6 [1,1-2,2] 905 17,9 1,4 [1,2-1,6] Autre*** 82 28,4 1,4 [1,0-1,9] 709 15,6 1,4 [1,2-1,6] Statut matrimonial Jamais marié Mode de vie Zone d’habitation Situation professionnelle Emploi rémunéré Chômeur/sans emploi * Pondéré. ** Odds ratios ajustés sur le sexe et sur l’âge. *** Au foyer, étudiant, congé maternité, congé maladie, invalide/handicapé, ne sait pas et refuse de répondre. Les Odds ratios notés en gras sont statistiquement significatifs. 201 I. Gasquet et al. Diagnostics psychiatriques et usage de psychotropes L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 Diagnostic dans les 12 mois Parmi les sujets correspondant aux critères diagnostiques de troubles dépressifs, anxieux ou liés à l’alcool dans l’année, 49 % ont pris au moins une fois au cours des douze derniers mois un psychotrope, 42 % un AX-HY et 18 % un AD. Par rapport à un diagnostic au cours de la vie entière, les taux sont respectivement de 32 %, 26 % et 12 % (tableau V). L’analyse par type de diagnostic dans l’année montre un taux d’utilisation de psychotropes élevé dans tous les groupes diagnostiques : 52 % pour les sujets déprimés, 49 % pour les sujets anxieux et 63 % pour les sujets avec un trouble lié à l’alcool. L’usage des AD était plus élevé chez les déprimés que chez les anxieux (28,5 % vs 16,4 %), tandis que celui des AX-HY était à peu près similaire dans les deux groupes (43,4 % vs 42,5 %). L’usage des AX-HY était important chez les personnes ayant un problème lié à l’alcool, mais celui des AD beaucoup plus rare (63 % et 9,3 % respectivement) (tableau V). Le tableau V fournit également les données d’usage en fonction des troubles diagnostiqués sur la vie entière. Il est intéressant de noter que, parmi les sujets ne répondant à aucun des critères diagnostics sur leur vie entière, 14 % et 2,0 % ont respectivement pris au moins un AX-HY et un AD dans les douze derniers mois (tableau V). Pour l’ensemble des sujets ayant pris un AX-HY dans l’année, un tiers a présenté un trouble caractérisé anxieux, dépressif ou lié à l’alcool dans les douze derniers mois (32,4 %) ; concernant les AD, cette proportion s’élève à 44 % (figure 2). Ainsi, les sujets ayant présenté un trouble dépressif, lors des douze derniers mois, correspondent à 15,7 % des utilisateurs d’AX-HY et à 30,8 % des utilisateurs d’AD. Les sujets ayant reçu un diagnostic de trouble anxieux dans l’année précédente représentent respectivement 22,2 % et 27,2 % d’utilisateurs de ces deux classes de médicament. Les sujets ayant présenté dans l’année un trouble lié à l’alcool ne constituent qu’une faible minorité des consommateurs (2,5 % pour les usagers d’AX-HY et 1,1 % pour les usagers d’AD). La proportion de sondés pour lesquels aucun des diagnostics cités n’a été établi dans l’année est de 67,6 % chez les usagers d’AX-HY et de 56 % chez les usagers d’AD (figure 2). Nous avons également réalisé cette même analyse par rapport aux sujets qui ont reçu un diagnostic au cours de la vie. Les résultats diffèrent de ceux déclinés ci-dessus pour les diagnostics sur une année, tout particulièrement en ce qui concerne les AD. Ainsi, près des deux tiers des usagers d’AD ont présenté au cours de la vie un trouble dépressif (64,1 %) et la moitié un trouble anxieux (50,1 %). En revanche, 20,3 % des usagers d’AD n’ont jamais répondu, à aucun moment de leur vie, aux critères diagnostiques de troubles anxieux, dépressifs ou liés à l’alcool. En ce qui concerne les usagers d’AX-HY, plus d’un tiers a présenté un trouble dépressif (38,6 %) et un tiers un trouble anxieux (36,7 %) au cours de la vie, tandis que près de la moitié n’ont jamais rempli aucun de ces diagnostics dans leur vie (45,6 %). 202 15,7 30,8 22,2 27,2 2,5 1,1 67,6 56,0 % pondérés Diagnostic au cours de la vie Trouble dépressif 38,6 Trouble anxieux 36,7 Trouble lié à l’alcool Aucun trouble 64,1 50,1 6,6 7,8 45,6 20,3 % pondérés FIG. 2. — Prévalence sur douze mois et au cours de la vie des troubles dépressifs, anxieux ou liés à l’alcool chez les usagers d’anxiolytiques-hypnotiques (AX-HY ; ⵧ) et d’antidépresseurs (AD ; 䊏) au cours des douze derniers mois. DISCUSSION Limites de l’étude Le taux de participation à l’étude est faible (46 %) malgré la mise en place d’une procédure de motivation des enquêteurs et des enquêtés adaptée au fur et à mesure de l’enquête. Ce faible niveau de participation est lié à la nature même de l’enquête (thème abordé, entretien long à domicile…). Ceci peut avoir induit un biais de sélection lié à un taux de participation différent selon la présence ou non d’un trouble psychiatrique et, par conséquent, de la prise ou non de psychotropes. Cependant, la prévalence a été pondérée de manière à tenir compte de la répartition de la population nationale par sexe et par tranche d’âge, deux variables connues pour être associées à la prévalence des troubles psychiatriques étudiés et à la consommation de psychotropes. Ce biais serait ainsi minimisé. Par ailleurs, les données sont obtenues à partir des déclarations des sujets. Ces informations peuvent s’avérer imprécises du fait d’oublis ou d’erreurs d’appréciation. Néanmoins, les autres sources d’information (médecins prescripteurs, pharmaciens, ordonnances…) sont également entachées d’erreurs, qui sont probablement encore plus importantes (prescription non achetée, médicaments achetés ou remboursés non consommés ou partagés entre diverses personnes, sous-déclaration des prescriptions de la part du prescripteur…) (8). L’utilisation d’un questionnaire totalement structuré et la réalisation des entretiens en face-à-face ont, néanmoins, permis de standardiser le recueil d’informations et d’assurer une bonne comparabilité des sujets, notamment, entre les pays participants. Enfin, cette étude ne reflète pas les prescriptions médicales du fait des phénomènes d’inobservance et d’autoadministration relativement importants pour ce type de médicaments. Ceci a peut-être entraîné une sous-estimation du nombre de sujets présentant un 29,3 % (214) 30,4 % (188) 22,0 % (30) 26,1 % (291) 13,9 % (220) 43,4 % (87) 42,5 % (105) 63,0 % (8) 41,9 % (157) 14,7 % (354) % (n) 80 (205) 119 (159) 116 (205) 122 (166) 115 (140) 93 (185) 117 (156) 70 (189) 127 (159) 21 30 10 30 30 20 30 10 60 30 15,7 % (116) 13,5 % (79) 7,2 % (11) 12,3 % (135) 2,0 % (45) 28,5 % (60) 16,4 % (47) 9,3 % (3) 18,2 % (81) 3,9 % (99) % (n) Moyenne Médiane (écart type) 115 (142) Usager Nombre de jours de priseb 178 (277) 177 (154) 152 (155) 158 (152) 193 (149) 192 (195) 160 (144) 240 (110) 137 (135) 210 120 90 90 160 160 90 240 90 90 36,0 % (262) 36,5 % (216) 24,7 % (36) 31,8 % (347) 14,9 % (243) 51,9 % (104) 49,0 % (119) 63,0 % (8) 49,0 % (184) 16,7 % (406) % (n) Moyenne Médiane (écart type) 172 (145) Usager 83 (216) 129 (159) 120 (172) 118 (158) 141 (147) 106 (192) 120 (150) 73 (174) 119 (147) 136 (145) 15 30 12 30 60 16 36 10 60 60 Moyenne Médiane (écart type) Nombre de jours de priseb Tout psychotropea Nombre de jours de priseb AD a. Anxiolytique, hypnotique, antidépresseur, antipsychotique ou thymorégulateur. b. Nombre de jours de prise dans les 12 derniers mois. c. Épisode dépressif majeur ou dysthymie. d. Agoraphobie, trouble anxieux généralisé, trouble panique, état de stress post-traumatique, phobie sociale, phobie spécifique. e. Trouble dépressif, anxieux ou abus-dépendance à l’alcool. * Les données observées ne sont pas toujours conformes aux indications validées en France pour ces différentes classes thérapeutiques. Les durées globales de traitement à ne pas dépasser en France, pour la majorité des patients, sont de 4 à 12 semaines pour les AX, de 2 à 4 semaines pour les HY et de plusieurs mois pour les AD. AX : anxiolytique ; HY : hypnotique ; AD : antidépresseur. 1 781 Aucun trouble 202 Abus ou dépendance d’alcool 1 113 603 Trouble anxieux d Au moins un trouble e 721 2 497 397 Trouble dépressif c Diagnostic vie entière Aucun trouble Au moins un troublee 39 254 Trouble anxieuxd Abus ou dépendance d’alcool 186 Trouble dépressifc Diagnostic dans les 12 derniers mois n Usager AX ou HP TABLEAU V. — Usage dans les 12 derniers mois de psychotropes (anxiolytique-hypnotique, antidépresseurs, tous psychotropes) chez les sujets présentant un trouble dépressif, anxieux, un abus-dépendance d’alcool ou aucun de ces troubles (n = 2 894) *. L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France 203 I. Gasquet et al. trouble anxieux ou dépressif et auquel un traitement psychotrope a effectivement été prescrit. Cependant, la procédure de recueil des données utilisée (entretien à domicile avec la possibilité de contrôle des boîtes et utilisation de photos des médicaments) minimise ce risque d’erreur. Prévalence et durée de la prise de psychotropes L’étude ESEMeD est la première enquête menée en France métropolitaine dont l’échantillon est de taille suffisante pour estimer, avec précision, à la fois l’usage des psychotropes et la prévalence des troubles psychiatriques en population générale. La prévalence de la prise d’au moins un médicament psychotrope dans l’année était globalement de 21 %. Celle-ci est plus élevée que la prévalence rapportée pour l’ensemble des six pays participant à l’étude (12 %). Ceci s’explique par une importante différence de prévalence entre, d’une part, les trois pays dont la consommation est proche de celle de la France (16 % pour l’Espagne, 14 % pour l’Italie et 13 % pour la Belgique) et, d’autre part, deux pays dont la consommation s’avère beaucoup moins importante (6 % pour l’Allemagne et 7 % pour les Pays-Bas) (14). Cette étude confirme l’augmentation sensible du nombre d’usagers d’AD en France depuis vingt ans. Les taux sont, en effet, passés de 2 % environ dans les années 1980 (17, 35) à plus de 3 % (7) dans les années 1990 et à 6 % en 2002. Le taux estimé dans l’étude ESEMeD est, cependant, inférieur à celui de 9 % issu de l’enquête menée en 2000 à partir des remboursements de médicaments prescrits (24). Ceci est probablement lié au fait que, d’une part, tous les médicaments achetés ne sont pas consommés et que, d’autre part, la population de cette enquête est plus âgée que celle de notre étude. En effet, les deux études montrent une augmentation importante, avec l’âge, de l’usage de toutes les classes de psychotropes. En revanche, les taux d’usage des AX et des HY semblent plutôt avoir diminué ces dernières années. La prévalence de 19 % identifiée dans notre étude contraste avec celles de 25 % à 30 % observées dans les années 1990 (17, 36). Par ailleurs, nos résultats concordent avec ceux d’autres études récentes (22) et sont, notamment, proches des taux rapportés par l’étude de l’Assurancemaladie (18 % pour les AX et 8 % pour les HY). La prévalence d’usage des AX et des HY est, cependant, plus élevée que celle de 7,5 % rapportée pour les benzodiazépines en 2001 par Lagnaoui et collaborateurs (21). Cette incohérence peut s’expliquer, d’une part, par la différence de période de référence (actuel vs douze mois) entre les deux études et, d’autre part, par une utilisation indéterminée de médicaments non benzodiazépiniques dans notre étude. Pour les TY et les AP, les données obtenues sont moins précises du fait d’effectifs plus faibles, mais sont, néanmoins, très proches de celles obtenues pour l’ensemble de l’échantillon européen (14). Comme précédemment, les taux de pré204 L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 valence issus de l’étude de l’Assurance-maladie sont, à nouveau, plus élevés que ceux de notre étude. En effet, le taux d’usage des AP est le triple du nôtre (2,7 % vs 0,8 %). Les raisons de cette discordance sont probablement les mêmes que celles déjà avancées, par exemple, un effet lié à l’âge ou à des médicaments achetés non consommés. L’analyse des durées de traitement montre que la consommation plus importante des AX-HY en France par rapport à la moyenne européenne de l’étude ESEMeD s’explique, en bonne partie, par un usage ponctuel plus fréquent (moins de 15 jours de traitement par an). D’après nos données et celles de l’étude de la CNAM, 5 % de la population française utiliseraient les AX-HY de manière chronique. Il s’agit, soit de sujets utilisant ces médicaments pour au moins six mois dans notre étude, soit de sujets remboursés plus de six fois au cours de l’année dans l’étude CNAM. Néanmoins, cette utilisation chronique semble avoir diminué par rapport à des études plus anciennes qui montraient des valeurs plus élevées (7 % pour les AX et 4 % pour les HY) (17, 36). Démographie et usage de psychotropes La prise de médicaments psychotropes s’avère plus élevée chez les femmes que chez les hommes pour les AXHY et les AD. Cette différence en fonction du sexe est également retrouvée dans l’ensemble des six pays de l’étude ESEMeD (14), dans l’étude CNAM menée en France (24), ainsi que dans de nombreuses autres études (30). Cette différence peut s’expliquer par le fait que les troubles pour lesquels seraient prescrits des traitements AX et AD sont plus fréquents chez les femmes (troubles anxieux et dépressifs), alors que les troubles psychotiques et bipolaires, qui représentent les indications principales des AP et des TY, sont mieux répartis entre les sexes (6, 31). L’usage de psychotropes est également plus important dans les tranches d’âge les plus élevées, malgré une diminution de la prévalence des troubles mentaux avec l’âge au sein de cette même population (14, 24, 29). Comme dans l’ensemble des six pays de l’étude, nous observons une consommation de psychotropes plus élevée chez les individus divorcés ou veufs, vivant seuls, sans emploi rémunéré, ayant suivi des études supérieures ou vivant en milieu urbain. En revanche, l’étude CNAM ne montre aucune différence dans les taux de remboursement de psychotropes entre les différentes régions et départements de la France métropolitaine (25). Usage de psychotropes et diagnostic psychiatrique La proportion de sujets ayant présenté un trouble dépressif au cours de l’année précédente et qui ont été traités par AD pendant cette même période était de 29 %. Cette valeur est comparable à celle issue de l’étude DEPRES, menée en France en 1995 (40), mais supérieure à celles observées ailleurs, par exemple, l’étude NEMESIS menée aux Pays-Bas en 1996 (39), une étude L’Encéphale, 2005 ; 31 : 195-206 finlandaise menée en 1996 (23) ou encore une étude réalisée aux États-Unis entre 1988 et 1994 (10). L’usage des AX-HY reste élevé chez le sujet déprimé et supérieur à celui des AD, ce qui traduit probablement des difficultés encore importantes dans l’établissement du diagnostic de la dépression ou dans sa prise en charge, en médecine générale. En ce qui concerne la prise en charge des troubles anxieux (anxiété généralisée, phobie sociale ou phobie spécifique, trouble panique, agoraphobie, état de stress post-traumatique), notre étude révèle également une faible proportion de sujets effectivement traités, avec seulement la moitié déclarant avoir pris au moins un traitement psychotrope. Par ailleurs, nous avons constaté qu’aucun trouble, ni dépressif, ni anxieux ni lié à l’alcool, n’a jamais été diagnostiqué au cours de la vie chez 15 % des usagers de psychotropes. Cet usage pourrait, en partie, correspondre à un traitement d’autres troubles exclus de cette analyse, tels que les troubles de sommeil, dont la prévalence en population générale est estimée à 19 % (27), les troubles psychotiques, les troubles obsessionnels-compulsifs, les troubles bipolaires et les troubles alimentaires. Il est également à noter qu’un biais de remémoration des troubles anciens pourrait mener à une surestimation de la proportion d’utilisateurs non diagnostiqués. Bien que la moitié des usagers d’AX-HY aient présenté un trouble dépressif, anxieux ou lié à l’alcool au cours de la vie, cette proportion s’élève à 80 % chez les usagers d’AD. Ce dernier résultat va à l’encontre de l’impression actuelle de certains médecins et des autorités sanitaires, selon laquelle il existerait une utilisation massive et inappropriée des AD comme médicaments de confort dans des situations cliniques qui ne relèveraient pas d’un tel traitement. D’autres études spécifiques devront être menées pour vérifier ce résultat très important, qui représente une évaluation directe du niveau du service médical rendu par ces médicaments en France. CONCLUSION GÉNÉRALE L’étude ESEMeD montre que 21 % de la population française a utilisé un psychotrope dans l’année, une proportion plus élevée que celle observée dans les cinq autres pays inclus. L’usage des AX-HY (19 %) semble avoir diminué ces dernières années. Il s’agit d’un usage ponctuel dans près de la moitié des cas, ce qui pourrait suffire à expliquer un usage plus fréquent en France que dans les autres pays de l’étude. En revanche, l’usage des AD (6,0 %) a augmenté en France depuis vingt ans. Les AX-HY sont plus fréquemment utilisés que les AD dans les troubles dépressifs ou anxieux récents. Enfin, 80 % des usagers d’AD ont présenté au moins un épisode pathologique anxieux, dépressif ou lié à l’alcool au cours de la vie, alors que ce n’est le cas que pour la moitié des usagers d’AX-HY. Ces résultats ne soutiennent pas l’hypothèse d’un mésusage généralisé des AD. Usage des psychotropes et troubles psychiatriques en France Références 1. AMAR E. 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