Troubles du rythme chez la femme enceinte

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DOSSIER THÉMATIQUE
Troubles du rythme
chez la femme enceinte
Arrhythmias during pregnancy
B. Brembilla-Perrot*
C
lassiquement, la grossesse aggrave ou
engendre les troubles du rythme. Y a-t-il
réellement des différences avec la femme
non enceinte? Oui, car il y a au moins 1 fœtus en
plus et le souci du cardiologue va être de le protéger
en même temps qu’il s’occupe de sa mère.
Comment la grossesse
peut-elle provoquer ou aggraver
les troubles du rythme ?
Pendant la grossesse, il y a une augmentation de près
de 50 % du volume sanguin, et donc du volume télédiastolique. La tension artérielle (TA) baisse du fait
de la vasodilatation systémique, elle-même liée aux
estrogènes et au facteur natriurétique cardiaque. Le
débit cardiaque augmente de 30 à 45 % à la dixième
semaine. Le stress et l’anxiété sont importants. Les
estrogènes augmentent la sensibilité aux catécholamines.
Ces modifications apparaissent dès le premier
trimestre et sont maximales au milieu de la grossesse. Elles augmentent au cours de l’accouchement et les modifications du volume plasmatique
ne reviennent à la normale que 6 à 8 semaines après
l’accouchement.
Conséquences
électrophysiologiques
La grossesse est associée à une tachycardie sinusale d’environ 10 battements supplémentaires par
minute, avec pour conséquence un raccourcissement
des périodes réfractaires et une accélération des
vitesses de conduction.
D’une façon générale, la grossesse est associée à
une augmentation des catécholamines et les arythmies observées sont celles qui sont sensibles aux
catécholamines.
Conséquences cliniques
La grossesse peut aggraver des troubles du rythme
préexistants ou provoquer pour la première fois une
arythmie.
➤➤ Les extrasystoles auriculaires (ESA) sont les
plus fréquentes (1). Elles sont bénignes et le rôle du
médecin ou du cardiologue est de rassurer la patiente
et de lui demander de diminuer les excitants (café,
tabac, bêtastimulants utilisés à visée obstétricale).
➤➤ Les extrasystoles ventriculaires (ESV) peuvent
être présentes. Elles sont habituellement bénignes
et il faut éviter un traitement préventif. Cependant,
il sera nécessaire d’écarter la possibilité d’une cardiopathie après l’accouchement.
➤➤ Les tachycardies jonctionnelles paroxystiques
sont les arythmies soutenues les plus fréquentes. La
grossesse en est le facteur révélateur dans 3,9 % des
cas. Les crises préexistantes (96 %) ne sont aggravées
que dans 22 % des cas avec des crises plus fréquentes
ou moins bien tolérées (2). Sinon, les tachycardies
sont bien tolérées ; toutefois, une tachycardie supérieure à 250 battements par minute prolongée peut
perturber la perfusion fœtale.
➤➤ En cas de syndrome de préexcitation ventriculaire, la patiente jusqu’à présent asymptomatique
peut avoir sa première crise pendant la grossesse.
Il peut s’agir exceptionnellement d’une arythmie
maligne (fibrillation auriculaire à conduction très
rapide par le faisceau accessoire) [1 cas sur 778 de
préexcitation ventriculaire est apparu sous salbutamol dans notre expérience]. En général, il s’agit
* Service de cardiologie, hôpital
cardiologique, CHU de Brabois,
Vandœuvre-lès-Nancy.
La Lettre du Cardiologue • n° 458 - octobre 2012 | 19 Points forts
Mots-clés
Grossesse
Tachycardie
supraventriculaire
Tachycardie
ventriculaire
Bradycardie
Antiarythmique
Highlights
»» Supraventricular or rarely
ventricular catecholamine
sensitive tachycardias are often
benign and pre-existing.
»» Maintenance treatment only
if symptoms are intolerable
or if the tachycardia causes
hemodynamic compromise or
in case of long QTsyndrome;
metoprolol is recommended.
»» Increased risk in heart
disease (congenital or acquired)
and permission to use conventional treatments used outside
of pregnancy in cases of lifethreatening arrhythmias.
»» Bradycardia is exceptional
and usually benign.
Keywords
Pregnancy
Supraventricular tachycardia
Ventricular tachycardia
Bradycardia
Antiarrhythmic drug
»» Les tachycardies sont souvent bénignes et préexistantes, de type catécholergique, supraventriculaires,
rarement ventriculaires.
»» Un traitement d’entretien est préconisé seulement si les symptômes sont intolérables, si la tachycardie
cause un retentissement hémodynamique ou en cas de QT long ; le métoprolol est recommandé.
»» Les risques augmentent en cas de cardiopathie (congénitale ou acquise) et il est permis d'instaurer les
traitements conventionnels utilisés en dehors de la grossesse en cas de menace vitale.
»» Les bradycardies sont exceptionnelles et habituellement bénignes.
d’une tachycardie orthodromique. La première crise
peut survenir pendant la grossesse, plus fréquemment que pour les tachycardies par réentrée intranodale (7 % versus 1 %), mais il peut aussi s’agir
d’une patiente qui avait déjà des tachycardies, qui
deviennent plus fréquentes et mal tolérées dans la
moitié des cas (3).
➤➤ Les tachycardies auriculaires, le flutter auriculaire
et la fibrillation auriculaire sont exceptionnels et
surviennent en cas de cardiopathie sous-jacente
ou de cardiopathie valvulaire ou congénitale opérée
(5 %) ; la grossesse, déconseillée, est alors rare. Le
risque thromboembolique est similaire à celui des
autres sujets et dépend de la durée de l’arythmie et
de la cardiopathie. Lorsque l’arythmie est rapide, elle
peut entraîner des effets hémodynamiques délétères
pour la mère et le fœtus.
➤➤ Les tachycardies ventriculaires (TV) sont également rares. Elles sont généralement idiopathiques, le
plus souvent infundibulaires et venant du ventricule
droit (VD) avec un retard gauche et un axe droit ; plus
rarement, elles sont provoquées par les catécholamines, sensibles au vérapamil, venant du ventricule
gauche avec un retard droit et un axe hypergauche
ou hyperdroit ; elles sont alors bien tolérées (4).
Avant de considérer le diagnostic de TV idiopathiques, il faut écarter la possibilité d'une anomalie
héréditaire et d'une cardiopathie sous-jacente en
examinant l’histoire familiale et en effectuant des
tests diagnostiques appropriés pendant ou après
la grossesse.
En effet, il peut aussi s’agir de l’apparition ou de
l’aggravation d’une TV compliquant une cardiopathie
congénitale opérée (tétralogie de Fallot, etc.), une
dysplasie arythmogène du VD qui peut se révéler
pendant la grossesse et qui doit être écartée chez les
femmes présentant une TV au cours des 6 dernières
semaines de la grossesse ou à l’accouchement, ou
d’une TV compliquant un infarctus lié à la grossesse
(88 cas répertoriés en 1991) ; cette dernière cause
serait plus fréquente du fait de l’augmentation des
facteurs de risque (obésité, diabète, âge). Le risque
reste néanmoins très faible (0,7/100 000).
La tolérance des TV en cas de cardiopathie est moins
bonne et le traitement plus difficile.
➤➤ Le risque d’arythmie ventriculaire grave lié au
syndrome du QT long congénital est beaucoup mieux
20 | La Lettre du Cardiologue • n° 458 - octobre 2012
connu (5) ; les risques d’arythmie grave, de torsades
de pointe, de fibrillation ventriculaire sont surtout
importants dans la période du post-partum, évalués
à 23 %, alors qu’ils sont à 9 % pendant la grossesse et
à 4 % avant la grossesse. Ces risques s’expliqueraient
par le ralentissement de la fréquence cardiaque, le
stress post-partum, le manque de sommeil et l’arrêt
des bêtabloquants.
➤➤ Les bradycardies sont rares, puisque la grossesse
provoque une tachycardie sinusale. Les troubles
conductifs organiques sont exceptionnels chez la
femme jeune ; souvent, un trouble conductif congénital a été détecté avant la grossesse et traité.
En revanche, les malaises vagaux sont fréquents et
aggravés par la grossesse, car il y a une diminution
de la pression artérielle. Une bradycardie sinusale
due à un réflexe similaire à celui observé pendant une
“manœuvre de Valsalva” peut apparaître pendant
l’accouchement. Des pauses sinusales ont été
rapportées en position couchée par compression
de la veine cave inférieure par l’utérus. Il faut simplement conseiller à la mère d’adopter une position en
décubitus latéral gauche.
Il est plus rare de découvrir un trouble de la conduction organique.
Le bloc auriculoventriculaire (BAV) du premier degré
est généralement suprahisien et ne progresse pas
vers le troisième degré.
Le BAV du deuxième degré est rare et est habituellement associé à la présence d’une cardiopathie
sous-jacente réparée (tétralogie de Fallot ou, moins
souvent, communication interventriculaire) ou peut
être dû à un médicament. Il s’agit généralement d’un
BAV de type I (Wenckebach) et il n’est pas associé
à des bradycardies symptomatiques.
Le BAV du troisième degré est également souvent
associé à une cardiopathie congénitale opérée,
mais 30 % des BAV complets congénitaux restent
inconnus jusqu’à l’âge adulte et sont susceptibles
d’être découverts pendant la grossesse. L’évolution
est favorable, principalement en cas d’échappement
à QRS fins. La stimulation pendant la grossesse ou
pendant l’accouchement n’est généralement pas
nécessaire.
Si le BAV a été découvert pendant la grossesse,
l’attitude est identique à celle prise en dehors de la
grossesse : évaluation de la tolérance et recherche
DOSSIER THÉMATIQUE
des signes de risque de mort subite (MS), comme le
ralentissement de la fréquence cardiaque, l’apparition d’une ESV ou la présence d’un QT long.
Conduite à tenir
Contexte étiologique
Comme en dehors de la grossesse, la première étape
consiste à évaluer rapidement le contexte étiologique (surtout en cas de tachycardies auriculaires
et de TV) en étudiant l’histoire clinique et en pratiquant un examen clinique, un ECG et un échocardio­
gramme. Il s’agit d’un préalable obligatoire à la prise
en charge (sauf en cas d’urgence).
Nature des troubles du rythme
Il est nécessaire d’établir la nature des troubles du
rythme, essentiellement en effectuant un holter ECG
et éventuellement en recherchant une tachycardie
à QRS larges au moyen d'une étude transœsophagienne ne nécessitant pas de scopie. En présence
d’une TV (surtout à retard gauche), le bilan étiologique est complété après l’accouchement par
différents examens afin d'écarter la possibilité d'une
cardiopathie sous-jacente (ECG de haute amplification, holter ECG, épreuve d’effort, IRM cardiaque,
etc.).
Traitement (tableau)
Tous les antiarythmiques franchissent la barrière
placentaire et passent dans le lait ; leur utilisation
doit donc être limitée. Les risques tératogènes sont
maximaux durant les 2 premiers mois de la grossesse.
Le traitement vient de faire l’objet de recommandations européennes (6). Il est identique à celui des
traitements des femmes non enceintes (7) et il faut
garder à l’esprit que les risques tératogènes sont
maximaux pendant les 2 premiers mois.
Les effets des médicaments changent pendant la
grossesse en raison de modifications de l’absorption
digestive et de la biodisponibilité. La concentration plasmatique chez la mère n’est pas corrélée
aux effets thérapeutiques ou toxiques.
◆◆ Traitement de la crise
En cas de tachycardie jonctionnelle, les manœuvres
vagales doivent d’abord être tentées (recommman-
dation Ic) ; en cas d’échec, l’injection de triphosadédine est utilisée (recommandation Ic) [8] ; si la
crise ne s’arrête pas, l’injection de métoprolol est
recommandée (recommandation IIa c), mais ce
produit n’est pas disponible en France. Le vérapamil
doit être utilisé prudemment du fait des risques de
bradycardie maternelle et fœtale (recommandation IIb c) et il est contre-indiqué dans les préexcitations ventriculaires. Si la tachycardie ne s’arrête
pas, il faut éviter de proposer une stimulation auriculaire transœsophagienne dans les centres qui la
pratiquent.
Tableau. Résumé concernant les principaux troubles du rythme, leur fréquence pendant la
grossesse, le risque de cardiopathie, le traitement préventif et curatif.
Arythmie
Fréquence
Cardiopathie
Réduction
Entretien
ESA
Fréquentes
0
0
0
ESV
Peu fréquentes
À rechercher
0
0
TRIN
Assez fréquentes
0
ATP (Ic)
Vérapamil (IIb)
0 si possible
Sinon, métoprolol (Ic)
Peu fréquentes
0
ATP (Ic)
0 si possible
Sinon, métoprolol (Ic)
Flécaïnide (IIa)
TV
Rares
0
Xylocaïne®
Amiodarone i.v.
Cardioversion (Ic)
0 si possible
Sinon, métoprolol (Ic)
Vérapamil (Ic)
Flécaïnide (IIb)
Ablation (IIb)
TV
Très rares
Cardiopathie
congénitale
DAVD
Infarctus
Xylocaïne®
Amiodarone i.v.
Stimulation
Cardioversion (Ic)
Métoprolol (Ic)
Propranolol (Ic)
Sotalol (IIa)
Amiodarone ou DAI (IIa)
si risque vital
TSV/WPW
QT long
Peu fréquent
Bêtabloquants (Ic)
TA/FA
Très rares
0
HNF/HBPM
Flécaïnide i.v.
si < 48 h
Métoprolol
TA/FA
Rares
Cardiopathie
HNF/HBPM
Digoxine ou
métoprolol (Ic)
Anticoagulants si
CHA2-DS2-VASc ≥ 2
Digoxine ou métoprolol
(Ic)
Vérapamil (IIb)
BAV 1 ou 2
Rare
0
Très rare
Cardiopathie
congénitale
0 (congénital)
0
0
PM si syncope (IIa)
BAV 3
ATP : adénosine triphosphate ; BAV : bloc auriculoventriculaire ; DAI : défibrillateur automatique
implantable ; DAVD : dysplasie arythmogène du ventricule droit ; ESA : extrasystole auriculaire ; ESV :
extrasystole ventriculaire ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée ;
i.v. : intraveineux ; PM : pacemaker ; TA/FA : tachycardies auriculaires, fibrillation auriculaire ; TRIN :
tachycardie par réentrée intranodale, TSV/WPW : tachycardies associées à un syndrome de WolffParkinson-White ; TV : tachycardie ventriculaire.
Le niveau de recommandation est indiqué entre parenthèses.
La Lettre du Cardiologue • n° 458 - octobre 2012 | 21 DOSSIER THÉMATIQUE
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Troubles du rythme chez la femme enceinte
En cas de TV bien tolérée, la lidocaïne peut être
utilisée ; le sotalol i.v. recommmandé (recommandation IIa) n’est pas disponible : l’amiodarone
(30 mg/­kg) peut donc être proposée (recommandation IIa) ; le sulfate de magnésium est autorisé. En
cas d’échec, il est possible d’effectuer une stimulation endocavitaire ventriculaire en limitant la scopie,
par l’utilisation de l’échographie pour placer le
cathéter et en protégeant le ventre par un tablier
plombé. Si la TV est mal tolérée, la cardioversion
électrique est nécessaire (recommandation Ic). Elle
est sans risque pour le seuil fibrillatoire du fœtus,
mais certains auteurs conseillent de surveiller le
rythme fœtal (9).
En cas de tachycardie auriculaire, de flutter ou de
fibrillation auriculaire, il faut d’abord penser au
risque thromboembolique.
Dans l’arythmie de moins de 48 heures, un traitement par héparine ou par héparine de bas poids
moléculaire (HBPM) entourera la régularisation
spontanée ou médicamenteuse.
En cas d’arythmie de plus de 48 heures, ou lorsque
la durée est inconnue, les patientes sans cardio­
pathie et sans facteurs de risque thromboembolique
(CHA2-DS2-VASc égal à 0 ou à 1) ont un faible risque
d’accidents thromboemboliques et ne nécessitent
pas d’anticoagulation ni de thérapie antiplaquettaire
pendant la grossesse (sauf si une cardioversion est
indiquée) [7]. En cas de score de CHA2-DS2-VASc
supérieur ou égal à 2, les anticoagulants, à l’exception du dabigatran, sont indiqués : la warfarine doit
être remplacée par une héparine non fractionnée
(HNF) ou par une HBPM pendant le premier et le
dernier trimestre de la grossesse.
Ensuite, le ralentissement ou la tentative de régularisation de l’arythmie sont envisagés.
En cas d’arythmie récente chez une patiente sans
cardiopathie, la régularisation pharmacologique peut
se faire par ibutilide i.v., non disponible en France, ou
par flécaïnide i.v. (10). L’amiodarone i.v. est utilisée
uniquement lorsque ces traitements ont échoué, et
à la dose minimale efficace.
Devant toute arythmie, le contrôle de la fréquence
cardiaque doit se faire en utilisant un digitalique i.v.,
sauf en présence d’un syndrome de Wolff-ParkinsonWhite (recommandation Ic), ou des bêtabloquants
(recommandation Ic) [11] ; le vérapamil ne sera
utilisé qu’après l’échec des traitements précédents
(recommandation IIb). Le diltiazem est contreindiqué, car il peut être toxique pour le fœtus.
Une cardioversion électrique doit être effectuée
en cas d’instabilité hémodynamique ; sinon, il vaut
mieux attendre après l’accouchement (9).
22 | La Lettre du Cardiologue • n° 458 - octobre 2012
En cas de tachycardie auriculaire ou de flutter auriculaire, on peut tenter une réduction par stimulation
transœsophagienne.
◆◆ Traitement d’entretien
Le traitement d’entretien ne doit être envisagé
qu’avec réticence. Il ne doit pas être prescrit pour
des ESA ni pour des ESV.
En présence de tachycardies supraventriculaires ou
ventriculaires (sur cœur sain), le traitement n’est
indiqué que si les symptômes sont intolérables ou
si la tachycardie cause un retentissement hémodynamique.
Si la digoxine peut être prescrite en prévention
d’une tachycardie supraventriculaire (recommandation Ic) [6], on se tourne plutôt vers les bêta­
bloquants pour les tachycardies supraventriculaires
ou ventriculaires. Il faut privilégier le métoprolol
(recommandation Ic) ou le propranolol (recommandation Ic). Il faut rappeler les effets indésirables
liés aux bêtabloquants (12), comme le retard de
croissance utérine, un faible poids de naissance, la
bradycardie, l’apnée, l’hypoglycémie, l’hyperbilirubinémie, l’augmentation du risque de mort du
fœtus et l’augmentation de la contractilité utérine.
L’aténolol doit être évité (recommandation IIIc), du
fait d’un risque d’hypotrophie fœtale important.
En cas d’échec, le sotalol (recommandation IIa)
peut être utilisé en surveillant le QT. La flécaïnide
peut être utilisée (recommandation IIa c), voire la
propafénone (recommandation IIb c) ou la quinidine
(recommandation IIb). Le vérapamil n’est utilisé
qu’en cas d’échec de ces médicaments en prévention
des tachycardies par réentrées intranodales (recommandation IIb c) ou des TV sensibles au vérapamil
(recommandation Ic).
L’amiodarone doit être évitée, sauf en cas de cardiopathie évoluée et de risque vital chez la mère lié
à la tachycardie. Il y a des risques importants de
dysfonctionnement de la thyroïde (hypothyroïdie),
de retard du développement, de goitre, de naissance
prématurée, de grande fontanelle chez le bébé.
Dans le cas de la tachycardie auriculaire, du flutter ou
de la fibrillation auriculaire, l’anticoagulation prophylactique doit être également envisagée en fonction
du score de CHA2-DS2-VASc. S’il est supérieur ou
égal à 2, le traitement antithrombotique doit être
continué (warfarine, remplacée par une HNF ou une
HBPM au cours du premier et du dernier trimestre).
Dans le cas du syndrome du QT long congénital, le
traitement par bêtabloquants est impératif pendant
la grossesse (recommandation Ic), et surtout au
moment du post-partum.
DOSSIER THÉMATIQUE
Dans le cas exceptionnel d’arythmies réfractaires
aux traitements médicamenteux, mal tolérées
et mettant en jeu le pronostic maternel, et donc
fœtal, tous les moyens utilisables chez la femme
non enceinte sont permis.
Il peut s’agir de l’ablation par radiofréquence d’une
tachycardie supraventriculaire ou ventriculaire
pendant la grossesse, en limitant l’exposition aux
radiations (13). L’ablation doit se faire si possible
à partir du deuxième trimestre, dans un centre
expérimenté et avec une protection plombée du
fœtus, en utilisant si possible un système de guidage
par échographie ou, idéalement, par cartographie
électro­anatomique. La durée d’une ablation est
souvent imprévisible. On peut tolérer une irradiation maximale de 5 mSv sans risques.
L’implantation d’un pacemaker (PM) peut être exceptionnellement nécessaire. Les risques de l’implantation permanente d’un PM (de préférence une
chambre) sont faibles, surtout si le fœtus a dépassé
les 8 semaines de gestation. Il est conseillé de guider
l’implantation par échographie (recommandation IIa c). Une stimulation temporaire peut être
effectuée lors de l’accouchement chez les femmes
ayant un BAV complet mal toléré (syncope).
La pose d’un défibrillateur automatique implantable
(DAI) est possible pour traiter les TV résistantes qui
mettent en jeu la vie maternelle ou les TV associées
à une cardiopathie évoluée avec lesquelles le risque
de MS est élevé (recommandation IIa).
Enfin, dans tous les cas, il faut organiser la grossesse
et l’accouchement avec la maternité.
◆◆ Traitement préventif
Le traitement préventif chez la jeune femme avant
la grossesse est particulièrement important.
Un syndrome de préexcitation ventriculaire asymptomatique doit être exploré chez les jeunes patientes
afin de détecter des formes potentiellement graves
(5 à 10 % des cas).
En présence de tachycardies paroxystiques récidivantes, il faut proposer l’ablation de la voie lente s’il
s’agit d’une tachycardie par réentrée intranodale, ou
l’ablation d’un faisceau accessoire latent ou patent,
responsable de tachycardies par réentrées.
Il faut détecter des arythmies chez les patientes qui
ont une cardiopathie congénitale, opérée ou non,
et proposer une ablation si la patiente présente des
tachycardies auriculaires ou un flutter auriculaire.
La pose d’un DAI doit être envisagée chez des
patientes ayant des facteurs de risque de MS (recommandation Ic) ou ayant présenté une TV dans un
contexte de cardiopathie, comme une dysplasie
arythmogène du VD. L’implantation d’un PM est
habituellement conseillée, même chez des patientes
asymptomatiques ayant un BAV complet congénital.
En cas de grossesse chez une jeune femme ayant une
cardiopathie congénitale opérée à risque d’arythmie
(transposition corrigée, tétralogie de Fallot, etc.), la
surveillance par holter ECG doit se faire en début et
en fin de grossesse.
Conclusion
Les troubles du rythme de la grossesse sont de
moins en moins fréquents, car les cardiopathies
congénitales sont opérées plus tôt et les cavités
ne sont plus dilatées ; les troubles du rythme des
jeunes femmes sont rapidement pris en charge. Les
arythmies pendant la grossesse sont généralement
bénignes. Aucun traitement n’est sûr à 100 % ; le
traitement antiarythmique ne doit donc être prescrit que si les symptômes sont intolérables ou si
la tachycardie entraîne un retentissement hémodynamique. ■
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La Lettre du Cardiologue • n° 458 - octobre 2012 | 23 
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