LE 9 NOVEMBRE 2016
ACTUALITÉ
4 / JOURNAL LE NORD-CÔTIER
Absence de pathologiste
Gymnastique quotidienne
pour opérer sur la Côte-Nord
Sept-Îles – Depuis plusieurs
mois, les patientes de la Côte-
Nord en attente d’une mastectomie
doivent se faire opérer les lundis
et mardis avant 14h sinon, elles
risquent de devoir attendre de
6 à 8 semaines avant de débuter
leur traitement. Une situation
inacceptable qu’a dénoncée la
chirurgienne Dre Marion
L’Espérance dans une lettre
publiée dans La Presse.
FANNY LÉVESQUE
La Côte-Nord est une région
«orpheline» de pathologistes, les
postes sont à pourvoir à Sept-Îles
et Baie-Comeau depuis 2012. Il
revient donc au CISSS de «négocier»
un corridor de services pour
la pathologie, mais ceux qui pour-
raient aider se font rares. Les
chirurgiens, tout comme les
gestionnaires, doivent alors se
soumettre à une gymnastique
quotidienne pour que les analyses
des mastectomies soient faites
dans les temps.
«C’est inacceptable», a martelé la
chirurgienne, qui pratique à Sept-
Îles depuis 2009. «Peu importe où
le patient habite, il a le droit
d’avoir une analyse (de son
cancer) faite dans des délais
raisonnables et où l’on connaît
aussi les pathologistes qui la fait»,
poursuit-elle.
La situation sur la Côte-Nord s’est
détériorée depuis janvier, après
que «l’entente transitoire» mise
en place avec Rimouski pour
l’analyse des échantillons ait pris
fin en décembre 2015. La région
n’a eu d’autres choix que de faire
appel à un laboratoire privé de
l’Ontario pour l’examen des
tumeurs retirées. «On a frappé à
toutes les portes», soutient la
directrice des services professionnels,
Chantale Baril.
Depuis l’automne, le CIUSSS du
Saguenay-Lac-St-Jean a accepté
d’analyser une partie des «pièces»
de la Côte-Nord, mais pas plus
que deux par semaine. Le CISSS
de la Côte-Nord dessert des
patients de Sept-Îles et Baie-
Comeau, mais aussi ceux de la
Minganie et Fermont, entre
autres. «Il y a une semaine, il y
en avait sept à opérer», note
Dre L’Espérance.
«Ce n’est pas acceptable de dire à
une madame: «Cette semaine on
en a trois, alors vous ne serez pas
opéré même si j’ai le temps et que
le bloc est disponible». C’est
impensable». Au-delà de deux
cas, les échantillons prennent le
chemin de l’Ontario. «Il faut
vérifier avec eux que le test arrive
dans les délais alors on manage du
cancer chaque semaine à la
pièce», rajoute Mme Baril.
Les analyses doivent être expédiées
par avion pour être reçues dans les
72 heures suivant l’ablation. «On
paye pour toutes les pièces, ça
coûte une fortune», assure la
directrice des services professionnels.
«C’est compliqué, on gère des
pièces toutes les semaines pour
savoir où on va les envoyer (…)
Le corridor de services n’est pas
optimal parce qu’il y a des délais».
Contrainte du temps
Avec la contrainte de temps, les
opérations ne peuvent
qu’avoir lieu les lundis
ou mardis et avant 14h,
sinon pas de
transporteur. Ce qui
occasionne forcément
des délais dans les chi-
rurgies. «Quand on a
un cancer, on veut être
opéré hier», illustre la
chirurgienne. «Des fois,
avant, ça s’organisait
dans la même journée et c’est sal-
vateur pour un patient».
Pour les tumeurs analysées en
Ontario, les patientes doivent
attendre cinq semaines pour leurs
résultats plutôt que deux dans la
normale. «Avec tout le côté pratico-
pratique, ça veut dire qu’on ne
peut pas commencer la chimio
avant 6 à 8 semaines après la
chirurgie», indique Dre L’Espérance,
alors que le délai raisonnable est
de 4 semaines.
Pas le même service
Selon Chantale Baril, «quelqu’un
devra faire le ménage» pour que la
situation se résorbe. «Sur la Côte-
Nord actuellement, on n’a pas,
avec nos impôts, le même service
que la patiente qui se fait opérer à
Québec. Ça ne peut pas continuer»,
lance-t-elle. Mme Baril est d’avis
que le problème se situe bien
au-delà de son pouvoir.
«C’est le CISSS qui négocie ses
corridors de services. La négociation
devrait plutôt se faire entre le
ministère (de la Santé) et
l’Association des pathologistes du
Québec», soulève-t-elle. Une
proposition qui fait écho chez la
Dre L’Espérance, qui réclame la
mise en place d’une politique «de
couverture pan provinciale» pour
la pathologie qui «fera fi du code
postal du patient».
La chirurgienne Dre Marion L’Espérance a tiré la sonnette d’alarme en publiant une lettre dans La Presse.
(Photo : Le Nord-Côtier)
(F.L) Pour l’heure, 17 postes
de pathologistes, dont ceux de
Sept-Îles et Baie-Comeau, sont
vacants à travers la province. La
Côte-Nord est sans pathologistes
depuis 2012.
En entrevue, la directrice des
services professionnels du CISSS
soulevait que les postes vacants de
pathologistes «uniques» trouvent
difficilement preneurs en «milieu
isolé», notamment parce que les
finissants ont plutôt intérêt à
travailler en équipe au début de
leur pratique.
Par ailleurs, les médecins et
gestionnaires rencontrés par Le
Journal s’entendent pour dire que
le retour d’un pathologiste sur la
Côte-Nord ne règlerait pas tous
les problèmes. «C’est normal de
faire affaire avec un centre
référent en pathologie, mais il faut
que ce soit fluide», soulevait
la chirurgienne, Dre Marion
L’Espérance.
En ce sens, la négociation des
services devrait se faire entre
Québec et l’Association des
pathologistes, croient les interve-
nants rencontrés. Le projet
Optilab prévoit sur papier que la
pathologie de la Côte-Nord
sera desservie par le CIUSSS
Saguenay-Lac-Saint-Jean, à
compter d’avril 2017, mais bien
peu de détails au sujet de la
réorganisation, qui créée l’ire des
syndicats, ne sont encore connus.
Un problème
de recrutement?
«Ce n’est pas acceptable de
dire à une madame: ‘’Cette
semaine on en a trois, alors
vous ne serez pas opéré même
si j’ai le temps et que le bloc
est disponible’’»
- Dre L’Espérance
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