Mucites et candidoses oropharyngées : différences et

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soins de support
en oncologie
Mucites et candidoses
oropharyngées :
différences et intrications
E. Kempf*, F. Scotté*, I. Krakowski**
L
es mucites et les candidoses oropharyngées
sont 2 entités distinctes sur le plan théorique
mais souvent confondues et mal identifiées en
pratique clinique quotidienne. Quelles en sont les
définitions, les physiopathologies ? Comment les
diagnostiquer, peut-on et/ou faut-il les différencier ?
Quels sont les enjeux en termes de prévention, de
traitement ? Quelle extension vers les atteintes des
autres sphères digestives ? Telles sont les questions
posées à travers cette interrogation : “Mucites et
candidoses oropharyngées en oncologie : différences
et intrications ?”
Premier temps : redéfinir
Mucite buccopharyngée
La mucite buccopharyngée est le reflet de l’inflammation douloureuse, voire ulcéreuse, de l’épithélium
oropharyngé.
La mucite, qui est une entité plus large intéressant la
totalité du tractus digestif, de la cavité orale à l’anus,
peut être, de façon artificielle, divisée anatomiquement en 3 localisations : la cavité buccopharyngée ;
le niveau gastroduodénal ; l’intestin grêle.
Candidose oropharyngée
* Service d’oncologie médicale,
hôpital européen Georges-Pompidou,
Paris.
** Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvrelès-Nancy.
La candidose oropharyngée (COP) est l’expression
clinique de la prolifération excessive dans la cavité
orale d’une levure commensale saprophyte du tube
digestif appelée “Candida”. À ce stade, la levure
devient pathogène. Elle se manifeste par 3 grandes
formes cliniques :
➤ ➤ le muguet, ou larges plaques blanchâtres
confluentes sur un fond érythémateux ;
➤ ➤ la perlèche, ou érosion des commissures des
lèvres pouvant être associée à une chéilite ;
➤ ➤ la forme érythémateuse, ou atteinte inflammatoire atrophique des muqueuses.
Second temps : reconnaître
étiologies et incidences
La mucite, en oncologie,
résulte de 2 types d’agression
Le premier type d’agression résulte de l’action directe
des agents cytotoxiques de chimiothérapie et des
rayonnements ionisés de la radiothérapie sur les
cellules muqueuses ; le second est indirect et causé
par le phénomène inflammatoire local, lui-même
majoré par la neutropénie et la présence d’infections
locales (virales, fongiques, bactériennes) [1].
Le premier mécanisme bloque la différenciation
progressive des kératinocytes vers l’acquisition de
leur phénotype final, qui comprend un cytoplasme
contenant des filaments de cytokératine, ainsi que
des protéines de soutien de type profilagrine ou
involucrine et des précurseurs, tous responsables
de l’épaississement et de la résistance mécanique
de la muqueuse (2).
Il en résulte une diminution de l’épaisseur ainsi que
des ulcérations (pertes de substances profondes
atteignant le chorion) de la muqueuse concernée.
L’incidence de la mucite est fonction de la thérapeutique utilisée.
Elle concerne, tous stades confondus, environ 42 % des
patients atteints d’une leucémie aiguë ; le délai moyen
d’apparition est de 9,8 jours (2-20, SD ± 6,09), et
d’une durée moyenne de 7 jours (3-14, SD ± 4,15) [3].
Parmi eux, la moitié est atteinte d’un grade supérieur
à III et les deux tiers nécessitent la mise en place de
traitements antalgiques opiacés (4).
Le phénomène concerne 75 % des patients en situation de transplantation de moelle osseuse (5).
Parallèlement, chez les patients traités par radio­
thérapie pour un cancer de la sphère ORL, l’incidence moyenne est de 80 % (6). Les mucites de
grade III touchent plus de 39 % des patients traités
par radiothérapie seule (IC95 : 29-56 %) ; lorsqu’on
y adjoint de la chimiothérapie de type carboplatine
et 5-FU, ce taux s’élève à 71 % (IC95 : 54-85 %) [7].
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Toutes tumeurs solides confondues, les mucites
concernent 32 % des patients sous chimiothérapie
conventionnelle (au plus bimensuelle), répartie
selon : 11 % de grade OMS I ; 17 % de grade OMS II ;
4 % de grade III ; pas de grade IV dans ces conditions
conventionnelles (8). En revanche, la moitié de ces
patients présente des signes cliniques de surinfection
candidosique (9).
La candidose oropharyngée peut être
attribuée à différentes sous-espèces
de Candida
Candida albicans, la plus répandue, est incriminée
dans la grande majorité des cas d’infections (78 %),
ainsi que dans des cas de colonisation simple (environ
73 % des patients traités) [10].
La colonisation à Candida saprophyte concerne 43 %
des patients atteints de cancer de la sphère ORL
avant toute radiothérapie ; cette proportion s’élève
à 62 % en cours de traitement et à 75 % après radiothérapie (du fait de l’apparition d’une hyposialie)
[p ≤ 0,0001].
Parmi ces patients traités par radiothérapie, 17,4 à
27 % développeront une candidose clinique, expression de la pathogénicité de la levure, en raison
d’un environnement affaibli, propice à sa multi­
plication (11).
Facteurs de risque
Au sujet des mucites, les facteurs de risque indépendants et statistiquement significatifs retrouvés sont :
le nombre de cycles de chimiothérapie (p = 0,001),
une tumeur de type hématologique (p = 0,02), le sexe
féminin (p = 0,003), l’âge extrême (p = 0,05), l’utili­
sation d’anthracyclines (p = 0,001), de vinca-­alcaloïdes
(p = 0,001), de cyclophosphamide (p = 0,001),
de fludaramide (p = 0,01), de sels de platines
(p = 0,05), d’une radiothérapie de type conventionnel
(p = 0,005) [8], une xérostomie de base (OR = 10,0),
une xérostomie pendant la chimiothérapie (OR = 4,5),
une neutropénie (p ≤ 0,05) [OR = 3,9] (12), l’intensité, les voies d’administration des traitements cytotoxiques, un faible indice de masse corporelle associé
à une augmentation du risque (OR = 0,92) [9].
Chez les patients traités pour un cancer du côlon en
adjuvant avec du 5-FU, le statut “afro-américain”
était associé à une diminution du risque par rapport
au statut “caucasien” (p < 0,001) [13].
Enfin, le profil allélique, qui induit l’expression
variable de gènes pro- et antiapoptotiques selon
les différents sites du tractus gastro-intestinal et
selon les différents individus, est incriminé dans les
différences d’incidences cliniques des mucites (14).
Concernant les COP, les facteurs de risque indépendants suivants ont été identifiés : l’âge extrême,
la présence d’une hyposialie, la iatrogénie par
antibiothérapie large spectre ou corticothérapie
prolongée, un régime riche en hydrocarbures, le port
de prothèses dentaires, le tabagisme, le statut diabétique, un hypercorticisme, l’existence de tumeurs,
l’immmunosuppression, l’éthylisme chronique, la
xérostomie, le mauvais état buccodentaire et un
manque d’hygiène orale (8).
Ainsi, on constate une majorité de facteurs de risque
communs aux 2 pathologies, de physiopathologie
respective pourtant bien distincte.
Conséquences
à plus ou moins long terme
Les conséquences des mucites et des COP se
ressemblent, en raison de la localisation similaire
ainsi que du type lésionnel muqueux.
Considérées comme la sixième des complications
les plus pénibles sous chimiothérapie − après la
fatigue, l’alopécie, les nausées, les paresthésies, la
diarrhée (qui peut également être un signe de mucite
digestive basse), et plus importante que l’anxiété
ou les épigastralgies (8) −, les mucites impactent
négativement la qualité de vie des patients atteints
et génèrent une situation de handicap (15). En effet,
de celles-ci résultent des troubles de l’élocution,
ainsi que de la sociabilité, liés à la non-alimentation
et à la douleur, pouvant aboutir à une mauvaise
compliance thérapeutique.
Il s’agit d’un effet secondaire très douloureux, peu
sensible aux antalgiques opiacés systémiques,
entraînant une diminution de l’alimentation avec
dénutrition secondaire, et constituant un site ou
une porte d’entrée potentielle d’agents infectieux
de la flore saprophyte (OR = 2,24 ; p < 0,0001) [16].
Il peut ainsi s’agir d’un facteur de risque de bactériémie à streptocoque β-hémolytique chez les
patients en aplasie prégreffe (17).
Il s’agit d’un effet secondaire pronostique, dans la
mesure où il limite la dose-intensité de la radio­
thérapie de 11 % des carcinomes ORL et digestifs (6).
Il induit donc une diminution de la survie globale,
et ce dans un contexte où les nouvelles techniques
(du type hyperfractionnement et accélération, et
combinaison avec la chimiothérapie) augmentent
le contrôle de la maladie et diminuent les toxicités
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tardives, mais au prix d’une augmentation notoire
de la toxicité aiguë (18).
Environ la moitié des patients traités par chimio­
thérapie pour un cancer solide et atteints d’une
mucite développe des lésions d’une sévérité telle
qu’elles nécessitent une modification du protocole
et/ou l’utilisation d’opiacés parentéraux (19).
Parallèlement, la survenue d’une mucite est associée
à une augmentation du taux d’hospitalisation (elle
concerne 16 % des patients quel que soit le type
de traitement, et jusqu’à 32 % des patients sous
radiothérapie), ce qui implique un surcoût de la prise
en charge des patients en termes de santé publique
(durée moyenne de séjour, traitements antalgiques,
nutrition entérale ou parentérale, etc.).
Enfin, les mucites sont associées à une augmentation du risque d’hémorragie digestive (OR = 2,0 ;
p = 0,01) [16].
Tableau I. Caractérisation des mucites buccopharyngées (OMS).
Grade 0
Pas de mucite
Grade 1
Érythème, sensation désagréable (douleur)
Grade 2
Érythème, ulcères, alimentation solide possible
Grade 3
Ulcères, alimentation liquide uniquement possible
Grade 4
Alimentation per os impossible ; alimentation entérale par sonde ou parentérale
obligatoire
Tableau II. Critères de toxicités aux chimiothérapies au niveau buccopharyngé.
Grade 0
Pas de mucite
Grade 1
Érythème de la muqueuse
Grade 2
Plaques pseudomembraneuses < 1,5 cm et non confluentes
Grade 3
Plaques pseudomembraneuses confluentes > 1,5 cm
Grade 4
Ulcération avec nécrose
Tableau III. Critères de toxicités aux chimiothérapies au niveau intestinal.
Grade 0
Pas de diarrhée
Grade 1
Augmentation de moins de 4 selles de plus que le nombre habituel par jour
Grade 2
Augmentation de 4 à 6 selles de plus que le nombre habituel par jour
Hydratation intraveineuse d’une durée inférieure à 24 heures
Pas d’impact sur les activités de la vie quotidienne
Grade 3
Augmentation supérieure à 7 selles de plus que le nombre habituel par jour
Hydratation intraveineuse d’une durée supérieure à 24 heures
Hospitalisation requise
Grade 4
Pronostic vital engagé (signe de choc, sepsis, etc.)
Les COP partagent les mêmes implications fonctionnelles que les mucites, ainsi que des risques de
dénutrition, de déshydratation, d’infections invasives œsophagiennes ou systémiques fongiques, de
surcoûts et de retard dans le suivi des protocoles de
chimiothérapie. Mais elles sont elles-mêmes l’une
des premières complications des mucites.
Diagnostic
Dans les 2 cas, le diagnostic est clinique et résulte
d’un interrogatoire précis sur les symptômes du
patient ainsi que d’une inspection attentive avec
lampe frontale, abaisse-langue et miroir des 7 faces
de la cavité buccale. Seul un examen de la bouche
systématique à chaque consultation ou visite permet
un diagnostic de certitude.
Dans le cas des mucites, le patient se plaindra avant
tout d’une douleur, mal calmée par les antalgiques
usuels, ainsi que d’une dysphagie pouvant être
à l’origine d’une dénutrition par diminution des
apports ; enfin, les mucites peuvent se traduire par
une dysphonie ou une sensation de brûlure buccale.
L’inspection retrouvera des ulcérations, des érosions
muqueuses, sur un fond œdématié érythémateux.
À l’inverse des atteintes candidosiques, l’inspection
ne retrouvera pas d’enduit blanchâtre.
La classification OMS (classification des mucites
selon l’Organisation mondiale de la santé, 1979)
permet une meilleure caractérisation de la mucite
buccopharyngée et est nécessaire pour une bonne
analyse clinique ainsi que pour le suivi évolutif
(tableau I).
La classification des critères de toxicités aux chimiothérapies définie par le National Cancer Institute
(NCI-CTC [Common Toxicity Criteria] version 3.0)
a également produit une évaluation des mucites :
➤➤ au niveau buccopharyngé (tableau II) ;
➤➤ au niveau intestinal (tableau III).
Dans la situation des COP, la principale plainte du
patient sera la survenue d’une dysgueusie ou d’une
odynophagie allant parfois jusqu’à la dysphagie ;
à noter qu’une certaine proportion des COP sont
asymptomatiques.
À l’inspection, selon les formes de présentation, on
pourra rencontrer un muguet, une forme érythémateuse atrophique, une perlèche.
Dans les cas de résistance à un traitement local
adapté et bien mené, le clinicien sera conduit à effectuer des prélèvements fongiques afin de déterminer
l’espèce en cause ainsi que sa sensibilité aux agents
anti-infectieux (fongigramme).
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en oncologie
Pour autant, la différence clinique entre les 2 entités
étudiées reste difficile à déterminer, et ce malgré
leur origine physiopathologique différente.
Prise en charge
Prévention
Actuellement, les bonnes pratiques cliniques
reposent sur plusieurs mesures préventives des
mucites buccales :
➤ ➤ les bains de bouche non médicamenteux pluriquotidiens avec l’utilisation d’agents neutres (par
exemple, bicarbonate 1,4 %) ;
➤ ➤ une hygiène buccale soignée, avec utilisation de
brosses à dents souples ;
➤ ➤ la cryothérapie orale chez les patients traités
par 5-FU en bolus ;
➤ ➤ les caches focaux en regard de l’œsophage chez
les patients traités par radiothérapie.
En revanche, l’aciclovir, la chlorhexidine et les bains
de bouche avec facteurs de croissance leucocytaires
n’ont pas de place dans la prévention des mucites
oropharyngées. Il n’y a donc pas de recommandation d’utilisation d’antiseptiques ou d’agents anti-­
infectieux (antiviraux, antibiotiques et antifongiques).
La prévention des mucites gastroduodénales repose
sur l’administration d’oméprazole à la dose de
20 mg/j, per os, pendant une durée de 7 jours (20).
Seule la sulfasalazine, administrée 2 fois par jour, est
recommandée dans la prévention des mucites intestinales sous radiothérapie, sans toutefois que le produit
ait reçu l’autorisation de mise sur le marché (AMM).
Par ailleurs et de façon non encore validée, de
nombreuses thérapeutiques sont étudiées dans
cette indication préventive.
Les interventions ayant déjà démontré une différence
significative versus placebo ou absence d’intervention sont :
➤ ➤ l’amifostine, qui a l’AMM dans la prévention des
xérostomies aiguës et tardives postradiques, pour
les mucites légères (RR = 0,95 ; IC95 : 0,92-0,98) et
moyennes (RR = 0,88 ; IC95 : 0,80-0,98) ;
➤ ➤ la médecine chinoise pour les 3 niveaux de
mucite (OR = 0,44, IC95 : 0,20-0,96 ; OR = 0,44,
IC95 : 0,33-0,59 ; OR = 0,16, IC95 : 0,07-0,35 par ordre
de sévérité croissant) ;
➤ ➤ les enzymes hydrolytiques pour les mucites
modérées (RR = 0,52 ; IC95 : 0,36-0,74) et sévères
(RR = 0,17 ; IC95 : 0,06-0,52) ;
➤ ➤ le fait de sucer des glaçons durant le traitement
(RR = 0,64, IC95 : 0,50-0,82 ; RR = 0,38, IC95 : 0,230,62 ; RR = 0,24, IC95 : 0,12-0,48) [21].
Le TFF (TreFoil Factor [peptides en trèfles]) est
impliqué dans la régénération de l’épithélium et la
sécrétion de mucus. Son efficacité préclinique a été
démontrée in vitro sur la réparation et la viabilité
de l’épithélium chez des modèles murins traités
par chimiothérapie et radio-chimiothérapie (22).
La seule prophylaxie reconnue par la Food and Drug
Administration (FDA) est l’administration d’un
facteur de croissance appelé KGF1 (Keratinocyte
Growth Factor 1) [palifermine], durant 3 jours (23). Ce
produit a l’indication en France dans la réduction de
l’incidence, de la durée et de la sévérité des mucites
buccales chez les patients atteints d’hémopathie
maligne recevant un traitement myéloablatif associé
à une incidence élevée de mucite sévère et nécessitant
un support autologue par cellules souches hémato­
poïétiques. L’interleukine 11 semble également
efficace sans AMM reconnue. Ces 2 molécules favorisent la prolifération basale des cellules, empêchent
l’apoptose et semblent améliorer cliniquement les
mucites causées par les protocoles de chimiothérapie
à haute dose. Dépourvu d’effets secondaires, le KGF1
est actuellement testé en phase II (24).
Enfin, la technique de radiothérapie avec modulation
d’intensité semble améliorer la qualité de vie des
patients traités pour un cancer ORL par rapport à la
radiothérapie conventionnelle (25), de même que
les nouvelles techniques conformationnelles (18).
La prophylaxie par fluconazole (qui a reçu l’AMM
dans cette indication) a permis une réduction
statistiquement significative de l’incidence des
mucites sévères chez des patients traités par radiothérapie (14,7 versus 44,8 % ; p = 0,018) ainsi que
des interruptions de traitement (0 versus 17,2 % ;
p = 0,017) [26].
Concernant les COP, la prophylaxie par fluco­nazole
(dont le produit a reçu l’AMM) a permis une réduction statistiquement significative de l’incidence des
candidoses (0 versus 34,5 % ; p = 0,001), avec une
diminution significative du portage fongique de
40,7 % (p = 0,001) [26].
Chez les patients neutropéniques, l’administration
quotidienne de fluconazole est plus efficace que les
polyènes oraux dans la prévention des COP (27).
Pour autant, la prophylaxie par fluconazole n’est pas
recommandée en raison de l’écologie microbienne,
avec le risque croissant d’émergence de souches
candidosiques résistant à cette molécule.
Enfin, des données récentes précliniques suggèrent
que les protéines telles que les α-défensines,
β-défensines, LL-37 ou histatine possèdent des
rôles distincts dans la prévention de l’infection
buccale (virale, bactérienne, fongique), les bactéries
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soins de support
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Retrouvez l’intégralité
des références
bibliographiques
sur www.edimark.fr
commensales jouant ainsi un rôle de prévention des
candidoses (28).
Y a-t-il donc une réelle différence dans la prévention
de l’une ou l’autre des formes ? Tout dépend en fait
du diagnostic posé et de l’examen clinique pratiqué.
En l’absence de ce dernier, les mesures préventives
restent très semblables et mêlent mesures hygiéno­
diététiques et traitements curatifs (tels que les antifongiques).
Traitement des mucites
Une prise en charge antalgique spécifique des
mucites buccales est indispensable en raison de
leur bruyante traduction clinique, alors que les
antalgiques opiacés systémiques ne sont pas d’une
efficacité majeure.
La chlorhexidine et le sucralfate ne sont pas recommandés en curatif (grade IIA).
On peut utiliser des antalgiques topiques, tels que
la lidocaïne ou la morphine.
Le traitement au laser à basse énergie a également
été proposé par plusieurs équipes et est régulièrement
présenté dans les congrès internationaux avec des
résultats intéressants, notamment chez les patients
sous chimiothérapie à haute dose. Les limites du
traitement par laser sont les difficultés liées à l’acquisition du matériel ainsi que la nécessité d’un temps
de formation pour les soignants devant l’utiliser.
L’existence de lésions hémorragiques peut amener le
prescripteur à proposer des bains de bouche d’acide
tranexamique, dont l’action sera topique locale.
Dans tous les cas, les mesures hygiénodiététiques
habituelles telles que bains de bouche au bicarbonate, soins de bouche, brossage des dents avec une
brosse à poils souples, éviction des aliments agressifs, etc., doivent être poursuivies.
Pour mémoire, les recommandations récentes de
Saint-Paul-de-Vence dans le cadre du cancer du
sein proposent, pour les mucites digestives basses,
le maintien d’une hydratation per os adéquate, la
prescription de gélules de lopéramide 4 mg, pour une
dose totale maximale de 16 mg/j. La manifestation
de ce type de mucite, sous forme de selles liquides,
devra impérativement être corrélée au transit habituel du patient (par exemple, un patient n’aura un
diagnostic de diarrhée qu’en cas de transit supérieur à
4 selles quotidiennes par rapport au débit habituel).
En cas d’échec à 48 heures, on peut administrer de
l’octréotide par voie sous-cutanée, à la dose de 100 μg
toutes les 8 heures, posologie pouvant aller jusqu’à
500 μg par prise. Cette indication n’est pas spécifiée
actuellement dans le libellé d’AMM du produit.
Traitement des candidoses
oropharyngées
Pour diminuer le risque d’émergence de résistances,
les molécules topiques sont à privilégier dès la
première ligne et dans les cas de forme localisée
oropharyngée. Les traitements azolés systémiques,
qu’ils soient administrés par voie orale ou injectable, sont à réserver aux cas de non-réponse aux
topiques ou d’atteinte œsophagienne ou systémique (29).
Le fluconazole bénéficie d’un profil de tolérance bien
établi ; il s’agit d’un antistatique fongique, recommandé dans cette indication. Il est actif contre les
levures, mais résistant à Candida krusei, et de sensibilité diminuée à Candida glabrata (30).
Un essai de non-infériorité a comparé 2 galéniques
du miconazole : une tablette de 50 mg mucoadhésive buccale (1 dose/24 h) versus un gel oral à
500 mg (4 doses/24 h) dans les cancers de la sphère
ORL. À J7, l’efficacité thérapeutique était de 56 versus
49 % respectivement (p < 0,0001), avec une observance supérieure à 80 % en faveur du comprimé
muco-adhésif, justifiant la préférence de cette galénique pour le traitement local des COP (31).
Tous ces produits ont l’AMM dans l’indication du
traitement des candidoses chez le patient immuno­
déprimé.
Conclusion
La mucite et la candidose digestive, a fortiori oropharyngées, sont 2 entités pathologiques distinctes, la
seconde venant souvent compliquer la première.
Pour autant, seul un examen clinique rigoureux et
complet permettra de différencier les 2 entités et
d’obtenir une prise en charge adéquate des patients.
Les formes localisées restent accessibles à des
traitements sous forme de topique local, avec des
progrès récents faits dans la galénique d’administration, notamment avec les formes muco-adhésives.
Plusieurs études sont encore en cours afin d’améliorer l’efficacité des traitements, notamment en
termes de prévention. Encore faut-il rester vigilant
vis-à-vis de ces symptômes parfois secondaires en
fonction des disciplines, et s’imposer une rigueur
d’évaluation clinique des patients. Seule cette
évaluation clinique rigoureuse permettra d’évaluer
au mieux l’incidence de la mucite et de la candidose
oropharyngée. Le traitement proposé pourra alors
suivre les recommandations existantes, que chaque
équipe doit s’approprier.
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soins de support
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