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traitement marche bien. En revanche, si nous
observons les réponses CD4 mémoire, c’est à
dire la capacité du système immunitaire à
répondre à l’antigène VIH lorsqu’on le
restimule vis à vis des antigènes de rappel et
la réponse mémoire, cette réponse est forte
et elle est même équivalente à celle des
champions de la réponse immunitaire anti
VIH que sont les asymptomatiques à long
terme. Alors que nous avions vu qu’au bout
d’un an nous n’avions aucune restauration de
l’immunité anti VIH, à dix ans nous avons des
réponses qui sont fortes et qui pourraient
avoir un impact en clinique. Dans la
muqueuse intestinale, la restauration a lieu
mais elle n’est probablement pas d’aussi
bonne qualité que dans le sang. Si nous
regardons les sujets contrôles, le
pourcentage de CD4 dans la muqueuse
intestinale n’atteint pas les chiffres initiaux,
même après cinq ans de traitement
antirétroviral bien conduit. À un an, nous
sommes à des niveaux proches de ceux de
l’infection non traitée.
Au moment de l’initiation du traitement
antirétroviral, la charge VIH va baisser à des
niveaux complètement indétectables, ce qui
va diminuer la nécessité de produire des
réponses CD4 et CD8 effecteurs spécifiques
du VIH. Les réponses contre les pathogènes
d’infections opportunistes vont rapidement
être restaurées en concomitance avec une
diminution de la charge antigénique des
infections opportunistes (bactériennes, CMV,
tuberculose, etc…). Et c’est seulement au
bout de dix ans, que nous aurons des CD4
mémoires spécifiques du VIH qui vont pouvoir
être restaurés. Nous faisons l’hypothèse que
cette restauration des réponses CD4
mémoires est probablement en lien avec la
persistance du réservoir VIH, qui est présent
dans les cellules CD4 infectées sous la forme
d’ADN VIH intégré ou non, qui reste persistant
et qui va pouvoir établir la restauration
immunitaire des CD4 anti VIH.
J’ajouterais un petit mot sur l’activation à
long terme. Nous avons mené une étude à la
Pitié-Salpétrière, sur la persistance de
l’activation immunitaire après 10 ans en
moyenne de traitement anti rétroviral chez
des sujets qui n’appartenaient pas à des
cohortes particulières, certains avaient un
nadir bas, d’autres non. Ce que nous voyons
c’est que chez certains patients, il y a une
persistance de l’activation CD4, et c’est la
même chose pour l’activation CD8. Mais cette
persistance n’est pas présente chez tout le
monde. Il faut s’interroger : Quelle est
l’implication clinique de cette activation
persistante ? Pourquoi cette activation
persiste t-elle chez certains sujets et pas
d’autres ? Nous avons pu voir que cette
activation était inversement corrélée au nadir
des CD4 et que plus on était descendu bas en
CD4, même dix ans auparavant, plus on
restait activé dix ans après, même avec une
remontée satisfaisante des CD4. Il reste
« une cicatrice indélébile », liée peut-être à
la diminution muqueuse persistante et à la
translocation des composants bactériens, qui
va continuer à se faire malgré la restauration
dans le sang périphérique. Le nadir est peut-
être très important et pourrait participer à la
persistance de l’activation.
Le contrôle de la réplication virale est très
important pour la restauration immunitaire.
Une charge virale indétectable est la
condition pour avoir une pente positive des
CD4. Les succès de la restauration
immunitaire sont : le nombre de CD4 par
millimètre cube, les cellules naïves, les
réponses spécifiques d’infections
opportunistes, ce qui peut permettre de
diminuer voire de supprimer les
complications infectieuses de l’infection au
VIH. Les limites sont : le syndrome de
restauration immunitaire, les non répondeurs
(une petite frange de la population ne répond
pas au traitement antirétroviral en termes de
CD4), la reconstitution muqueuse, qui n’est
pas très bonne, l’activation et l’inflammation
chronique qui persiste chez certains patients,
la toxicité des antirétroviraux, et les réponses
spécifiques d’infections opportunistes qui
peuvent participer elles-mêmes à l’activation
chronique, en particulier les réponses
spécifiques du CMV. Ceci pourrait avoir un
impact sur les complications cliniques à long
terme, en particulier l’activation et
l’inflammation chronique. Nous avons quand
même l’impression qu’il faut traiter le plus tôt
possible l’infection au VIH pour limiter
l’établissement d’une cicatrice indélébile, à la
fois sur les CD4 et sur l’activation. n