La dysfonction érectile en 2011
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2011 ; 13 (suppl´
ement 1) : 5-12
L’érection : comment c¸a marche ?
Erection: How it works
Laurent Wagner
Hôpital Carremeau,
Service d’uro-andrologie,
place du Pr Debré,
30029 Nîmes Cedex, France
<laurent.wagner@chu-nimes.fr>
Résumé. L’érection est un phénomène neuro-vasculo-tissulaire. Les artères péniennes (dorsales
et caverneuses) se relaxent ou se contractent de fac¸on synchrone avec les fibres musculaires
lisses (FML) aréolaires. Il s’agit d’un phénomène actif, secondaire à l’action de neuromédiateurs
au niveau des terminaisons nerveuses intrapéniennes. L’état de flaccidité est l’état habituel de
la verge. L’érection ne survient qu’en situation de stimulation sexuelle. En période de flacci-
dité, les FML ne sont pas au repos mais contractées du fait de la présence d’une stimulation
continue d’origine végétative (orthosympathique). L’érection, au cours d’une activité sexuelle
normale, est d’abord psychogène. Elle s’installe en premier, à partir d’un désir sexuel. Cette
érection, chez l’homme normal, est complète, rigide, permettant la pénétration et un rapport
sexuel complet. La stimulation de la verge lors du coït permet aux mécanismes qui contrôlent
l’érection réflexe de participer à son maintien jusqu’à l’éjaculation. L’érection réflexe est aussi
une voie possible de suppléance, utilisée pour renforcer une érection psychogène incomplète.
Mots clés : érection, physiologie, dysfonction érectile
Abstract. Erection is a neurovascular, tissue related phenomenon. The penile arteries (dorsal
and cavernous) relax or contract in synchrony with aerial smooth muscle fibers (SMF). This
is an active phenomenon, secondary to the action of neurotransmitters at intrapenian nerve
endings. The penis is normally flaccid, and erection occurs only upon sexual stimulation.
When flacid, the SMFs are not relaxed, but to the contrary are contracted due to a continuous,
orthosympathic stimulation. During normal sexual activity, erection is primarily psychogenic
and arises from sexual desire. A normal erection is complete, rigid and allows penetration and
full sexual intercourse. Stimulation of the penis during intercourse allows mechanisms, which
control the erection reflex to participate in its maintenance until ejaculation. The erection
reflex is also a possible means of substitution, used to strengthen an incomplete psychogenic
erection.
Key words: erection, physiology, erectile dysfunction
L’ érection est un phénomène
vasculo-tissulaire complexe,
sous contrôle neurohumoral, permet-
tant au pénis de passer de l’état de
flaccidité (fonction mictionnelle et
de repos) à l’état de rigidité (fonction
copulatoire). Cette rigidité permet au
pénis de pénétrer dans le vagin afin
de déposer les gamètes mâles dans
les voies génitales de la femelle. La
pénétration est nécessaire dans les
espèces où le mode de reproduction
est la fécondation interne.
De nombreux travaux ont étudié
la sexualité humaine, en particulier
ceux de Master et Johnson dans les
années 1960 [1]. La prévalence des
dysérections est estimée aux alen-
tours de 10 % dans la population
générale (de 18 à 59 ans), de 20 %
dans une tranche plus âgée (de 50 à
59 ans). En 1994, Feldman a étudié
1 290 hommes âgés de 40 à 70 ans
[2] et a défini la prévalence cumulée
des troubles érectilesà2%répar-
tis en trois degrés d’impuissance :
minime (17,2 %), modérée (25,2 %) et
complète (9,6 %). En France, l’étude
Spira (1993) portant sur près de
9 000 sujets masculins retrouve 19 %
de dysérection [3]. Schématiquement,
nous retiendrons qu’au moins un tiers
de la population franc¸aise âgée de
60 à 80 ans présente une insuffi-
sance érectile totale ou partielle [4].
Toutes ces études sont descriptives et
n’abordent que peu la qualité de la
relation avec le partenaire : les critères
qualitatifs du désir et du plaisir.
Rappel anatomique
Le gland, situé à l’extrémité distale
de la verge a pour rôle d’assurer la
qualité de la fécondation en mainte-
nant le pénis en place dans le vagin
lors de l’éjaculation [5]. La saillie de
doi:10.1684/mte.2011.0327
médecine thérapeutique
Médecine
de la Reproduction
Gynécologie
Endocrinologie
5
Pour citer cet article : Wagner L. L’érection : comment c¸a marche ? mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2011 ; 13 (suppl´
ement 1) :
5-12 doi:10.1684/mte.2011.0327
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La dysfonction érectile en 2011
crochets cornés (cobayes) ou d’épines cartilagineuses
(requins) lors de l’érection du gland permet de compren-
dre cette fonction qui, pour s’être émoussée au cours de
l’évolution phylogénétique, n’en reste pas moins présente
chez l’homme sous la forme d’une saillie conoïde de tissu
spongieux taillée en biseau aux dépens de sa face infé-
rieure.
Les corps caverneux pairs et symétriques, de forme
cylindrique, sont fixés aux branches ischiopubiennes et
entourés par les muscles ischiocaverneux au niveau de
leur racine. Au niveau du corps du pénis les corps caver-
neux sont accolés en canon de fusil et communiquent
entre eux au niveau du septum médian. Ils sont entourés
d’une membrane peu extensible de2à4mmd’épaisseur :
l’albuginée. Les corps caverneux et les muscles ischioca-
verneux sont les acteurs principaux de la rigidité pénienne.
Dans certaines espèces, un os pénien situé au sein du tissu
érectile des corps caverneux complète l’action de ces deux
éléments.
Le corps spongieux qui fait suite au bulbe et entoure
l’urètre pénien jusqu’au gland occupant ainsi la gouttière
située à la face inférieure des corps caverneux. D’un point
de vue phylogénétique son apparition est plus récente et
permet de prolonger le sinus urogénital jusqu’à l’extrémité
du pénis. Cette acquisition fait disparaître le cloaque et
donne au pénis des mammifères cette dualité morpholo-
gique et fonctionnelle : flaccidité et miction - érection et
copulation.
Le tissu des corps érectiles du pénis est constitué d’un
enchevêtrement de fibres musculaires lisses, de fibres
élastiques et de fibres collagènes délimitant des lacunes
vasculaires bordées de cellules endothéliales : les espaces
sinusoïdes. Ces espaces sont vascularisés par les artères
hélicines, branches terminales des artères péniennes. Clas-
siquement, l’origine de ces artères est l’artère pudendale
interne ; branche terminale antérieure de l’artère iliaque
interne, elle naît dans le pelvis et en sort par la grande
incisure ischiatique pour pénétrer dans le périnée où elle
chemine dans le canal honteux, à la face interne de
la branche ischiopubienne, sous le muscle élévateur de
l’anus, et donne ses branches collatérales : des rameaux
musculaires, l’artère rectale inférieure, les artères péri-
néales, des branches collatérales intrapelviennes (vésicale
antérieure et rétrosymphysaire), l’artère bulbo-urétrale,
les artères caverneuses, puis traverse le faisceau latéral
du ligament fundiforme (suspenseur) du pénis et devient
l’artère dorsale du pénis.
L’innervation végétative des corps érectiles est assurée
par les nerfs caverneux qui cheminent, recouverts par le
fascia pelvien, en dehors et en arrière de la prostate puis
s’enroulent progressivement autour du sphincter strié et de
l’urètre membraneux pour devenir antérieurs et traverser le
plancher périnéal. Ils sont issus du plexus pelvien (plexus
hypogastrique inférieur), situé dans les lames sacro-recto-
génito-pubiennes, qui rec¸oit les fibres parasympathiques
pré ganglionnaires efférentes (pro-érectiles) des centres
sacrés (S2 à S4) ainsi que les fibres sympathiques (anti-
érectiles) des centres thoracolombaires (T11 à L2) et des
ganglions sacrés (S3 et S4).
L’innervation sensitive du gland et des enveloppes du
pénis est assurée par le nerf dorsal du pénis branche du
nerf pudendal. Ce nerf, satellite de l’artère et formé par
la réunion des racines antérieures de S2 à S4, assure éga-
lement, par ses motoneurones, l’innervation des muscles
striés ischiocaverneux et bulbospongieux situés à la racine
des corps érectiles.
Physiologie de l’érection
À l’état flaccide, le tonus sympathique maintient les
espaces sinusoïdes fermés par contraction des fibres mus-
culaires lisses caverneuses. Le déclenchement d’une érec-
tion est le résultat d’une cascade d’événements initiés au
niveau local par la libération de neuromédiateurs du sys-
tème parasympathique (acétylcholine, monoxyde d’azote,
neuromédiateurs nonadrénergiques-noncholinergiques).
Le relâchement des fibres musculaires lisses caverneuses
et de la paroi des artères caverneuses permet le rem-
plissage des espaces sinusoïdes par du sang artériel.
L’augmentation de volume des corps caverneux met en
tension l’albuginée bloquant par compression le retour
veineux. La pression intracaverneuse atteint ainsi des
valeurs proches de la pression artérielle systolique. La
rigidité est obtenue grâce à la contraction des muscles
ischiocaverneux qui chasse le sang de la racine des corps
caverneux vers leur partie libre où la pression atteint alors
des valeurs suprasystoliques (1 500 à 2 000 mmHg chez
l’animal).
Le fonctionnement des corps érectiles peut être assi-
milé à celui d’une éponge active [6, 7]. Les corps
caverneux et spongieux sont formés de fibres musculaires
lisses organisées en aréoles (ou alvéoles) capables de se
contracter ou de se relaxer (figure 1).
Lors de la relaxation, les aréoles se remplissent de sang,
la verge augmente de volume (tumescence) puis durcit
(rigidité).
Lors de la contraction, le sang quitte les tissus érectiles,
la verge perd sa rigidité, diminue de volume (détumes-
cence) puis redevient complètement flasque (flaccidité).
L’érection : phénomène
neuro-vasculo-tissulaire
Les artères péniennes (dorsales et caverneuses) se
relaxent ou se contractent de fac¸on synchrone avec les
fibres musculaires lisses aréolaires. Il s’agit d’un phéno-
mène actif, secondaire à l’action de neuromédiateurs des
terminaisons nerveuses intrapéniennes.
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Prostate
Nerf dorsal
(somati
que
)
Nerf dorsal
(somati
que
)
Nerf caverneux
(autonomie)
Flaccid
ité
En
é
rection
Veine dorsale profonde
Artère dorsale
Artère dorsale
Artère
circonflexe
Espaces
sinusoïdes
Veine
circonflexe
Artères hélicines
Veine dorsale profonde
Tunique albuginéale Muscle lisse
trabéculaire
Espaces sinusoïdes
Corps caverneux Plexus veineux
sous-albuginéal
Artère caverneuse
Figure 1. Physiologie de l’érection : phénomène neuro-vasculo-tissulaire (D’après : «Lue T. NEJM 2000 ; 343 : 1801-13 »).
L’état de flaccidité est l’état habituel de la verge : acti-
vités professionnelles, sportives, repos et sommeil (sauf
sommeil paradoxal). L’érection ne survient qu’en situation
de stimulation sexuelle. En période de flaccidité, les fibres
musculaires lisses ne sont pas au repos mais contractées
du fait de la présence d’une stimulation continue d’origine
végétative (orthosympathique) (figure 2).
L’enveloppe des corps caverneux, ou albuginée, est
formée de fibres collagènes liées entre elles par des
ponts élastiques d’où émanent de nombreuses cloisons
qui forment une véritable charpente sur laquelle s’insèrent
les alvéoles musculaires. Cette enveloppe est extrêmement
solide mais aussi extensible, ce qui permet l’augmentation
de volume et de longueur de la verge en phase de tumes-
cence.
Lorsque l’albuginée est parvenue à son extension
maximale (alvéoles complètement remplies) c’est sa soli-
dité qui permet aux corps caverneux de se rigidifier, tandis
que ses cloisons internes maintiennent la forme oblongue,
cylindrique, de la verge (figure 3).
Déclenchement et maintien de l’érection
L’homme a trois types d’érection : l’érection psycho-
gène est secondaire au désir sexuel, aux fantasmes ;
l’érection réflexe apparaît après une stimulation des récep-
teurs sensitifs (du gland, de la verge) ; l’érection spontanée
survient essentiellement pendant le sommeil paradoxal (en
dehors d’une situation d’activité sexuelle).
L’érection au cours d’une activité sexuelle normale est
d’abord psychogène. Elle s’installe en premier, à partir
d’un désir sexuel. Cette érection, chez l’homme normal,
est complète, rigide, permettant la pénétration et un rap-
port sexuel complet.
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La dysfonction érectile en 2011
protéine kinase
GMPc-spécifique
Cellule
endothéliale
L-Arginine
O
2
Guanylate
cyclase
GTP
GMPc
(actif)
K+
Ca2+
Diminution
[Ca2+]
Relaxation
musculaire
lisse
et érection
Monoxide
d’azote NO
Cellule musculaire
lisse
5' GMP
(inactif)
PDE5
Nerf
caverneux
Stimulation
sexuelle
Figure 2. Contrôle local de l’érection : relaxation du muscle lisse caverneux.
Organisation
générale des
corps érectiles,
détail de
l’albuginée et de
ses cloisons de
refend
Albuginée
Cloisons
de refend
Aréoles
musculaires
Figure 3. Anatomie des corps érectiles (les structures de soutien).
La stimulation de la verge lors du coït permet aux
mécanismes qui contrôlent l’érection réflexe de partici-
per à son maintien jusqu’à l’éjaculation. L’érection réflexe
est aussi une voie possible de suppléance, utilisée pour
renforcer une érection psychogène incomplète.
Le désir sexuel : point de départ de l’érection
psychogène
Le désir sexuel est une manifestation physiologique
du comportement dont le point de départ se situe très
probablement au niveau des centres sous-corticaux [8]:
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3 noyaux hypothalamiques :
– l’aire médiane pré-optique : comportement copulatoire ;
– le noyau para-ventriculaire : déclenchement de l’érection
(via l’ocytocine) ;
– le noyau latéral para-gigantocellulaire : inhibition de l’érection.
Figure 4. Les centres de l’activité sexuelle.
thalamus, hypothalamus et système limbique... structures
profondes, «archaïques », partagées avec tous les animaux
(figure 4).
Rôle du cortex sur le désir sexuel
Le cerveau influence notre désir sexuel. Cette
influence peut se faire dans les deux sens : activation ou
inhibition. Notre imaginaire peut augmenter notre désir
(nous parlons alors de fantasmes). Mais notre désir est aussi
influencé par notre éducation, notre expérience passée, la
situation dans laquelle nous nous trouvons au moment où
notre désir s’installe...
Le désir sexuel peut ainsi avoir pour origine les organes
des sens (vue, toucher, odorat, goût, ouïe) mais aussi
l’imaginaire et le plus souvent, les deux à la fois (figure 5).
Le contrôle cortical de l’érection
Certains médiateurs centraux impliqués dans la régula-
tion du désir sont connus : la noradrénaline, la dopamine
et son précurseur l’apomorphine favorisent le comporte-
ment sexuel. La sérotonine est par contre inhibitrice.
Toutes les informations confluent sur l’aire médiane
pré-optique puis sur le noyau paraventriculaire. Ces
structures comportent des récepteurs à dopamine qui
déclenchent le réflexe d’érection par transmission d’influx
activateurs sur les centres médullaires via l’ocytocine.
Contrôle médullaire de l’érection
L’érection nécessite tout d’abord une inhibition du
centre orthosympathique, dont le tonus permanent est à
l’origine de la flaccidité de la verge. La diminution de son
activité (désir, fantasmes) permet le début de la relaxation
des tissus érectiles. La stimulation du centre parasym-
pathique (stimulation de la verge : caresses...) renforce
la relaxation des fibres musculaires lisses aréolaires et
l’érection.
Le centre orthosympathique contrôle la survenue des
érections psychogènes, le parasympathique celui des érec-
tions réflexes. Le centre somatique sacré commande la
contraction volontaire et réflexe des muscles striés du
périnée (ischio- et bulbocaverneux), entraînant 1’augmen-
tation de rigidité de la verge.
Le point de départ de l’innervation sensitive se situe
au niveau des récepteurs de la muqueuse du gland (sillon
balanique et frein de la verge). L’information sensitive
va d’abord influencer les trois centres médullaires (per-
mettant notamment l’érection réflexe [9]), puis remonter
jusqu’au cerveau et transmettre la sensation du plaisir
(figure 6).
Le centre orthosympathique a un rôle clé. Sa mise
en jeu au cours d’une érection (stress) peut provoquer
une détumescence de la verge, parfois une disparition
complète de l’érection. Il est alors difficile de rétablir
l’érection malgré le recours aux fantasmes et aux stimu-
lations de la verge. Sa relaxation semble conditionner
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