Colloque par la REGULATORY LAW REVIEW (RLR), en partenariat avec les éditions LEXTENSO
Le rôle des Cours suprêmes en matière économique
III. NOTES DE TRAVAIL
3.1. QUEST-CE QUUNE COUR SUPREME ?
3.2. QUEST-CE QUE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE ?
3.3. QUEST-CE QUE LA MATIERE ECONOMIQUE ?
1. QU’EST-CE QU’UNE COUR SUPRÊME
Dans une définition presque intuitive, on pourrait dire qu’une Cour suprême est une juridiction qui
a le pouvoir légitime d’imposer des choix de société pour la Nation.
Dans une définition plus technique, ce pouvoir s’exprime à travers le fait d’être le gardien
juridictionnel des droits et libertés fondamentaux des individus, dont certains sont issus de la
Constitution, laquelle contient en outre les règles d’organisation politique de la Nation, ses principes
institutionnels de fonctionnements. La flexibilité de la catégorie des libertés et droits fondamentaux
1
et
son entropie donne un grand pouvoir politique à la Cour suprême.
Au sens strict, il y a une nette différence entre une « Cour suprême » et une « Cour
constitutionnelle », mais les deux notions sont en train de se rapprocher.
La notion de Cour suprême est apparue aux Etats-Unis, cette Cour est la plus haute juridiction,
qui intervient à l’occasion d’un litige entre particuliers ( « différend justiciable »), c’est-à-dire un
litige pouvant être résolu par voie de décision de justice. La Cour suprême veille à écarter de son
examen d’une part les affaires qui ne constituent pas un différend entre justiciables, et d’autre part les
affaires politiques de répartition des pouvoirs entre les organes exécutif et législatif.
La Cour suprême est exclusivement la gardienne des droits et libertés à l’égard d’un justiciable,.
C’est en cela qu’au sens strict, la Cour suprême se distingue d’une Cour constitutionnelle, qui
contrôle pour sa part la conformité des lois au regard de la Constitution et l’exercice des pouvoirs par
les organes politiques du pays.
Cependant, les Cours constitutionnelles sont aussi gardiennes des droits et libertés fondamentaux,
puisque ceux-ci sont reconnus par les Constitutions et c’est en cela qu’elles se rapprochent de la nature
d’une Cour suprême et qu’elles peuvent y être assimilées au sens large.
Pour la rédaction de la présente note, on peut donc retenir une acception large de la notion de Cour
suprême, y incluant les Cours constitutionnelles.
1
Par exemple la « liberté d’expression », quasiment sans limite aux Etats-Unis » ou le « développement de la
personnalité de l’individu » en Europe, ouvrent des emprises maximales.
La présente note expose tout d’abord les domaines sur lesquels s’exerce le contrôle des cours
suprêmes (1), les différentes normes juridiques qui sont contrôlées (2), la façon dont les Cours
suprêmes exercent leur contrôle (3), le moment où le contrôle est exercé (4), les personnes qui peuvent
demander à la Cour d’exercer ce contrôle (5), les moyens par lesquels celles-ci accèdent à la Cour (6)
et les effets des décisions de la Cour (7).
Par ailleurs, la note expose les modes de désignation des membres de la Cour (8) ainsi que le statut
de la Cour et de ses membres (9).
1. LES PRINCIPAUX DOMAINES DANS LESQUELS S’EXERCE LE
CONTROLE D’UNE COUR SUPREME
1) LA PROTECTION DES LIBERTES ET DROITS FONDAMENTAUX
La protection des libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution est l’une des
missions principales des Cours suprêmes. En témoigne, pour ne citer que quelques exemples, la
jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui, au nom de la protection de la liberté d’association
(décision du 16 juillet 1971), de la liberd’entreprendre (décision du 18 janvier 1982), du droit de
libre communication des pensées et des opinions (décision du 11 octobre 1984), des droits de la
défense (décision du 23 janvier 1987), a apporté des limites au pouvoir du législateur.
2) LA DELIMITATION DES COMPETENCES RESPECTIVES DES ORGANES DE L’ETAT
Les Cours constitutionnelles tranchent des conflits d’attribution de compétences entre l’organe
exécutif et l’organe législatif. Il s’agit, par exemple, de vérifier si une loi ne porte pas sur des matières
qui relèvent du seul domaine réglementaire autonome.
3) LA DELIMITATION DES COMPETENCES ENTRE LA FEDERATION ET LES ETATS FEDERES
Lorsque l’Etat est fédéral, comme les Etats-Unis, l’Allemagne ou le Brésil, la Constitution
prévoit la répartition du pouvoir législatif entre l’Union et les collectivités fédérées. La Cour suprême,
en assurant la protection de la limite constitutionnelle des compétences entre Union et Etats-membres,
est également juge des limites posées par le Constituant aux pouvoirs de l’Union comme à ceux des
Etats, et donc de la répartition des compétences entre les gouvernements des différents échelons de la
Fédération.
Ces trois types de pouvoirs que la Cour suprême détient pour exercer ses devoirs (garanties des
libertés et droits, répartition des compétences entre les pouvoirs publics, délimitation des
compétences dans un système fédéral) sont à la fois des garanties de l’Etat de droit et une grande
puissance juridique et politique données à la Cour suprême.
C’est sans doute pourquoi pour l’instant la France, qui n’a pas cette tradition politique, n’a pas
développé pleinement ce type d’organe, à l’inverse notamment des Etats-Unis (v. infra), en ne donnant
pas au Conseil Constitutionnel tous les attributs d’une Cour suprême (par exemple le contrôle a
posteriori n’a été inséré qu’en 2008 et le Conseil Constitutionnel ne choisit pas les affaires sur lesquels
il veut statuer, contrairement à la Cour suprême des Etats-Unis).
2. LES NORMES JURIDIQUE CONTROLEES PAR LA COUR SUPREME
La détermination des normes qui font l’objet du contrôle exercé par les Cours suprêmes varie selon
les pays, et dépend en général de la jurisprudence de la Cour.
Le contrôle a pour premier objet la loi ordinaire, mais il peut également concerner d’autres actes,
comme les révisions constitutionnelles, les actes de l’Exécutif et les Traités internationaux.
En outre, dans les pays qui adoptent une structure fédérale, le contrôle porte non seulement sur les
lois fédérales mais encore sur les lois des Etats.
En France, le Conseil Constitutionnel ne se reconnaît pas compétent pour contrôler la
constitutionnalité d’une révision constitutionnelle (Décision du 26 mars 2003 sur la révision
constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République). En revanche, dans certains
pays comme l’Inde ou le Brésil, les Cours suprêmes n’hésitent pas à contrôler les révisions
constitutionnelles, ce qui leur confère un pouvoir considérable dans la mesure le législateur ne
pourra pas surmonter une éventuelle décision de censure prononcée par la Cour.
3. LA FACON DONT LES COURS EXERCENT LE CONTROLE LES DEUX
GRANDS MODELES DE CONTROLE
Les deux modèles que l’on va décrire ne sont pas uniques, mais ce sont des modèles de référence
sur la base desquelles les autres pays se sont inspirés pour établir les modalités de contrôle de leur
propre Cour.
1) LE CONTROLE ISSU DU SCHEMA NORD-AMERICAIN :
1. Les origines du contrôle :
C’est aux Etats-Unis qu’est apparu le mécanisme de contrôle juridictionnel de la
constitutionnalité des lois par l’arrêt Marbury vs. Madison de 1803
2
par lequel la Cour
suprême fédérale s’est reconnue compétente pour examiner la conformité d’une loi par rapport
à la Constitution.
2
24 février 1803, 5 U.S. 137.
2. Les traits essentiels un contrôle diffus et concret :
Le contrôle est dit diffus car le contrôle de constitutionnalité peut être exercé par n’importe
quel juge (fédéral ou étatique), à n’importe quel échelon de la hiérarchie juridictionnelle.
Le contrôle est dit concret car il s’exerce à l’occasion de cas concrets et de litiges particuliers.
Il demeure qu’à cette occasion, les Cours suprêmes n’hésitent pas à créer des principes
juridiques très innovants et à effets politiques majeurs, comme le fît la déclaration
d’inconstitutionnalité de la discrimination raciale aux Etats-Unis.
2) LE CONTROLE ISSU DU SCHEMA EUROPEEN :
1. Les origines du contrôle :
Alors que le modèle nord-américain s’est construit sur une décision de la Cour suprême, le
modèle européen s’est construit sur la pensée d’un auteur autrichien, à la fois juriste et
philosophe : Hans Kelsen. C’est à partir de ses propositions que fut instauré en 1920 le
Tribunal Constitutionnel d’Autriche, première juridiction de contrôle constitutionnel en
Europe. Le schéma est diamétralement opposé au précédent.
2. Les traits essentiels un contrôle concentré et abstrait :
Le contrôle est dit concentré car il est exercé uniquement par une Cour spécialisée qui
possède le monopole d’appréciation de la constitutionnalité des lois, les autres juges ou
tribunaux n’ayant pas cette compétence à propos des lois. .
Il y a contrôle abstrait des normes dans la mesure la question de conformité à la
Constitution est posée en soi à la Cour, en dehors de tout procès. Cela modifie la portée du
contrôle (v. infra).
4. LE MOMENT DU CONTROLE DE LA COUR
Le contrôle de constitutionnalité peut être soit préventif (a priori) soit ce que la doctrine
constitutionnaliste désigne comme un contrôle « répressif » (a posteriori).
Dans le premier cas, la loi a été adoptée par le Parlement et, avant sa promulgation, la Cour est
saisie pour apprécier sa conformité à la Constitution.
Dans le second cas, la Cour se prononce sur une loi déjà en vigueur dans l’ordre juridique.
Jusqu’à la réforme de 2008, la France avait limité le système à un contrôle a priori. Par l’insertion
de la « question prioritaire de constitutionnalité » dans le système juridique, le droit français admet un
contrôle a posteriori.
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