Traitement de consolidation dans les cancers de l`ovaire

Traitement de consolidation
dans les cancers de l’ovaire
J.-F. Geay, I. Ray-Coquard, H. Curé et É. Pujade-Lauraine
Pourquoi un traitement de consolidation?
Le standard de traitement de première ligne d’une patiente atteinte d’un cancer
de l’ovaire de stade IC-IV est une chirurgie d’exérèse maximale suivie ou enca-
drée par six cycles de chimiothérapie à base de platine.
Cette stratégie permet d’obtenir une rémission complète clinique chez 75-
80% des patientes. Malheureusement, ce bon résultat initial ne se maintient
pas dans le temps et globalement 70% des patientes atteintes d’un cancer de
l’ovaire avancé vont rechuter dans les cinq ans, avec une médiane de durée de
survie sans progression de seulement dix-huit mois.
C’est cette frustration née du contraste entre un résultat thérapeutique
initial de qualité et un résultat global médiocre qui explique la recherche dans
les cancers de l’ovaire d’un traitement de consolidation efficace, complémen-
taire au traitement d’induction.
Traitement de consolidation
ou traitement de maintenance?
Actuellement les deux termes, consolidation ou maintenance, sont employés
indifféremment. L’imprécision sémantique souligne celle de la notion de
consolidation. En effet, sous ce terme, se cache diverses conceptions.
Le renforcement du traitement initial comprenant six cycles de chimiothé-
rapie peut se faire par :
la prolongation ou l’intensification du traitement chimiothérapique initial.
Dans ces cas, le traitement de consolidation reprend l’essentiel des médica-
ments efficaces de la chimiothérapie de départ ;
l’administration de traitements cytotoxiques différents du traitement initial :
drogues différentes de chimiothérapie, ou radiothérapie, ou traitement biolo-
gique, dans l’espoir d’agir directement sur les clones tumoraux résistants ;
L’administration de traitements d’immunothérapie pour moduler les
défenses de l’hôte vis-à-vis des cellules tumorales
La variété des concepts du traitement de consolidation se retrouve égale-
ment dans la durée de ce traitement qui varie entre un cycle (intensification) et
plusieurs mois étalés jusqu’à la progression.
Nous prendrons les définitions suivantes : la maintenance est un traitement
prolongé administré jusqu’à progression, tandis que la consolidation est un
traitement de durée limitée. Dans les deux cas, le traitement est indiqué après
une réponse à la première ligne de chimiothérapie.
Les différentes traitements utilisés en maintenance/consolidation seront
présentés successivement.
La radiothérapie
Radiothérapie abdominale totale
L’analyse de la radiothérapie en consolidation des cancers de l’ovaire souffre du
faible nombre d’essais randomisés et du petit nombre de patientes dans les
études. C’est la conclusion de la méta-analyse de G.M. Thomas réalisée à partir
de 28 essais réunissant un total de 713 patientes traitées par radiothérapie après
laparotomie de deuxième regard (1). Le tableau I montre la corrélation entre le
résidu à la laparotomie de deuxième regard et le pronostic, ce qui ne donne pas
d’indication sur l’efficacité de la radiothérapie. Selon l’auteur, les données ne
sont pas en faveur d’un rôle curatif de la radiothérapie. Néanmoins, les
patientes qui pourraient bénéficier le plus d’une évaluation de la radiothérapie
de consolidation sont celles qui n’ont plus de résidu ou seulement des résidus
microscopiques.
Plus récemment, Sorbe et al. ont rapporté les résultats d’une étude rando-
misée comparant radiothérapie abdominale totale, chimiothérapie ou absence
de traitement chez 172 patientes FIGO de stade III en rémission complète
chirurgicale après le traitement initial (2). Les 98 patientes en rémission
318 Les cancers ovariens
Taille du résidu Survie sans progression Nombre de patientes
Pas de résidu 76% (83/113)
< 5 mm 43% (77/158)
> 5 mm 17% (34/202)
Tableau I – Résultats de la méta-analyse de la radiothérapie en consolidation après la chimio-
thérapie dans les cancers de l’ovaire (1).
complète histologique ont été randomisées entre radiothérapie (n = 32),
chimiothérapie (n = 35) et absence de traitement (n = 31), tandis que les 74
patientes qui avaient des lésions microscopiques recevaient de la radiothérapie
ou de la chimiothérapie. La survie sans progression des patientes en rémission
complète histologique traitées par radiothérapie (116 mois) était supérieure à
celle des patientes traitées par chimiothérapie (37 mois) ou par simple obser-
vation (32 mois). Le faible effectif des bras comparés incite à garder quelques
réserves sur ces résultats néanmoins encourageants en faveur de la radiothérapie
de consolidation chez les patientes en rémission complète histologique à la
laparotomie de deuxième regard. À noter une incidence de 10% de toxicité
intestinale sévère, principalement des occlusions.
Radiothérapie par voie intrapéritonéale
La radiothérapie sous forme de 32P administré par voie intrapéritonéale a été
évaluée au cours d’une large étude de 267 patientes atteintes d’adénocarcinome
ovarien de stade III en rémission complète chirurgicale à la laparotomie de
deuxième regard (3). Aucune différence n’a été observée, aussi bien en terme de
survie sans progression (43,3 mois pour le 32Pversus 32,9 mois pour la
surveillance) qu’en terme de survie à cinq ans.
Une autre technique de radiothérapie consiste à administrer par voie intra-
péritonéale un anticorps monoclonal anti-mucine (antigène MUC1) pour
pouvoir mieux cibler l’administration d’yttrium-90 couplé à l’anticorps
(HMFG1). L’étude SMART de Seiden et al. comprenant 447 patientes n’a pas
montré de différence en terme de survie et de qualité de vie entre les patientes
traitées par HFMG1-Y-90 par voie intrapéritonéale ou celles soumises à une
simple surveillance (4).
Au total, un seul essai avec seulement 32 patientes dans le bras expérimental
a démontré une augmentation de la survie sans progression grâce à la radiothé-
rapie abdominale totale chez les patientes en rémission complète histologique à
la laparotomie de deuxième regard. Ces données restent insuffisantes pour que
la radiothérapie soit un standard en consolidation des cancers de l’ovaire.
La chimiothérapie
Poursuite de chimiothérapie
Huit essais randomisés ont exploré la prolongation de la chimiothérapie au-
delà des six cycles standards (tableau II). Dans quatre essais, le traitement de
consolidation a consisté à poursuivre la chimiothérapie à base de platine à
raison de trois à six cycles supplémentaires (5-7, 11). Le platine pouvait être
Traitement de consolidation dans les cancers de l’ovaire 319
administré en monothérapie par voie intraveineuse, ou par voie intrapérito-
néale, ou en association avec l’administration de doxorubicine et de
cyclophosphamide. Aucun de ces essais n’a démontré de bénéfice en faveur de
la prolongation de la chimiothérapie avec platine. Néanmoins, en raison du
faible nombre de patientes incluses dans ces essais (de 78 à 233), il est difficile
d’affirmer que la question est parfaitement close.
Dans deux essais, les patientes ont été randomisées après six cycles de carbo-
platine-paclitaxel pour recevoir quatre cycles de topotecan ou être soumises à
une simple surveillance (9, 10). L’essai AGO-GINECO est l’essai de consoli-
dation le plus important à ce jour (1 308 patientes). Aucun avantage n’a été
observé chez les patientes traitées par quatre cycles de topotécan supplémen-
taires. Un autre essai de taille modeste (n = 162) n’a pas montré de gain à
l’addition de quatre cycles d’epirubicine (8).
Contrairement à tous les essais précédents dont les résultats étaient négatifs,
l’essai randomisé du SWOG a montré une différence significative de survie
sans progression pour les patientes traitées par douze cycles de paclitaxel à la
dose de 135 mg/m2par mois par rapport à celles traitées par seulement trois
cycles supplémentaires (11). Les 277 patientes incluses dans cet essai étaient en
rémission clinique complète après les cinq à six cycles initiaux de carboplatine-
paclitaxel. Le traitement prolongé par paclitaxel a entraîné une plus grande
fréquence de neurotoxicité, mais a permis un retard significatif de la rechute
(28 mois versus 21 mois; p < 0,005). Malheureusement, étant donné que l’ob-
jectif principal était atteint, le Comité indépendant de surveillance a arrêté
320 Les cancers ovariens
Référence Nombre Traitement Résultats
de patientes
Hakes et al. 78 5 versus 10 cycles de CAP Pas de différence avec 10 cycles
(5)
Bertelsen et al. 202 6 versus 12 cycles de CAP Pas de différence en réponse,
(6) médiane de survie
Lambert et al. 233 5 versus 8 cycles de cisplatine Pas de différence de survie sans
(7) ou carboplatine progression et globale
Scarfone et al. 162 Observation versus epirubicine x 4 Pas de différence de survie
(8)
Pfisterer et al. 1,308 Observation versus topotecan x 4 Pas de différence de survie sans
(9) progression et globale
Pignata et al. 273 Observation versus topotecan x 4 Pas de différence de survie sans
(10) progression
Piccart et al. 153 4 cycles de cisplatine intrapéri- Pas de différence de survie sans
(11) toneal (90 mg/m2) ou observation progression et globale
Markman et al. 277 3 or 12 cycles de paclitaxel Survie sans progression en
(12) tous les 28 jours faveur de 12 cycles (28 m versus
21 m; p < 0,005)
Tableau II – Corrélation entre le résidu à la laparotomie de deuxième regard et le pronostic.
l’essai avant que le nombre de patientes nécessaires pour détecter une différence
de survie aient pu être incluses. En l’absence de données sur la survie, l’intérêt
de traiter par paclitaxel les patientes douze mois supplémentaire pour retarder
la rechute de sept mois reste discuté en regard des effets secondaires du pacli-
taxel (alopécie, neurotoxicité).
Au total, un seul essai randomisé de poursuite de la chimiothérapie au-delà
des six cycles standards a montré un bénéfice significatif en terme de survie sans
progression. Ce résultat est à ce jour insuffisant pour que la poursuite de la
chimiothérapie au-delà de six cycles soit considérée comme un standard.
Chimiothérapie de consolidation à hautes doses
Dans cet essai du GINECO-FNCLCC-SFGM, H. Curé et al. ont inclus
110 patientes très sélectionnées (moins de 60 ans, répondeurs à la chimiothé-
rapie, résidus > 2 cm à la laparotomie de deuxième regard) pour recevoir, soit
un cycle à hautes doses de carboplatine (1600 mg/m2)-cyclophosphamide
(6g/m2) avec support de cellules souches, soit trois cycles de la même associa-
tion à dose standard. La survie sans progression (17, 5 mois versus 12,2 mois)
et la survie globale (54 mois versus 42 mois) sont supérieures chez les patientes
traitées par la chimiothérapie à hautes doses, mais la différence n’est pas signi-
ficative (13).
Traitement de maintenance par immunothérapie
La modulation des défenses immunitaires ou la stimulation des défenses diri-
gées contre les cellules tumorales sont deux voies particulièrement séduisantes
pour tenter de maintenir la réponse anti-tumorale obtenue par l’association de
la chirurgie et de la chimiothérapie.
Dans un premier essai randomisé, 300 patientes en rémission complète
clinique ou stable après la chimiothérapie ont été randomisées entre
surveillance ou traitement par interféron alpha administré trois fois par
semaine en sous-cutané jusqu’à progression (14). Aucun bénéfice en termes de
survie sans progression ou de survie globale n’a été observé chez les patientes
traitées par interféron.
L’activité de l’anticorps MAab B4313 dirigé contre le CA 125 a été évaluée
en traitement de maintenance au cours d’un essai randomisé qui a inclus 345
patientes en rémission complète clinique après la chirurgie et la chimiothérapie
initiale (15). Le MAab B4313 est un anticorps monoclonal de souris qui
génère chez les patientes des anticorps antisouris (HAMA) dont on peut
espérer qu’il vont cibler les cellules tumorales où s’est fixé le MAab B4313. Le
MAab B4313 est administré par voie intraveineuse aux semaines 0, 4, 8, 12,
puis toutes les douze semaines jusqu’à la progression. Aucune différence signi-
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