Maladie de Parkinson et Anticholinergiques

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N°3 Novembre 2005
AVIS D’EXPERT
Maladie de Parkinson et
Anticholinergiques
L
➢ Dr Loïc Le Normand Urologue, CHU Nantes
a lésion responsable de la maladie de Parkinson est une
dégénérescence du locus niger,
situé dans la partie haute du tronc
cérébral, dont les neurones dopaminergiques inhibent les neurones cholinergiques du noyau
caudé et du putamen (ou striatum). Dans la maladie de
Parkinson, l’altération des premiers entraîne une libération
accrue d’acétylcholine par les
seconds. Quand apparaissent les
premiers signes de la maladie, il
existe déjà une baisse de 80% de la
dopamine nigro-striatale. En
réalité, les lésions sont plus diffuses, touchant le locus coeruleus
(rôle dans la régulation de la TA et
de la fréquence cardiaque), le
noyau dorsal du vague (motricité
digestive et vésico-sphinctérienne, salivation), l’hypothalamus
(température, poids), les ganglions sympathiques. On peut
donc résumer en disant qu’il y a
trop d’acetylcholine par manque
de dopamine.
La maladie de Parkinson est associée à un taux important de troubles mictionnels. 50% des parkinsoniens auraient des troubles mictionnels et ces troubles urinaires
seraient révélateurs de la maladie
dans 10% des cas. En cystomano-
métrie, il existe une hyperactivité
du détrusor dans plus de 60%
des cas. Il peut donc être parfois
utile de traiter cette hyperactivité
vésicale et on serait tenté de prescrire un anticholinergique chez
ces patients.
Cependant, quelques précautions
doivent être prises :
• S’agissant de patients âgés, la
recherche d’une obstruction
sous vésicale, diagnostiquée
par une diminution du débit
mictionnel maximum contrastant avec une forte contraction
vésicale, doit inciter à la prudence du fait des risques de
rétention urinaire. De plus,
l’obstruction en elle même
peut être responsable des
signes irritatifs indépendamment de la maladie de
Parkinson. C’est dans cette
situation que la mise en place
d’une prothèse uréthrale prostatique permettra de lever
l’obstruction mais risque de
démasquer alors une incontinence par impériosité. L’essai
d’anticholinergiques avec prothèse en place peut alors être
justifié.
• Les effets des anticholinergiques sur le système nerveux
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central sont nombreux et s’expliquent par la richesse de
neurones cholinergiques au
niveau du cerveau, particulièrement dans les zones impliqués dans la mémoire et la
cognition. Ces effets sont plus
ou moins sévères, et beaucoup
plus fréquents chez les sujets
âgés : (Tableau 1)
• Le risque de syndrome confusionnel provoqué par les anticholinergiques est important
chez le parkinsonien, surtout
s’il s’agit d’un patient âge ou
présentant
des
troubles
congnitifs, et théoriquement, il
convient de préférer ceux qui
ont moins d’effet central :
Le passage de la barrière
hémato-encéphalique dépend
en grande partie de la liposulubilité de la molécule. A ce
titre, le chlorydrate de
trospium, est une amine quaternaire qui est peu liposoluble
comparé aux amines terciaires
que sont la toltérodine et surtout l’oxybutinine (1). Cela est
conforté par les études cliniques. En comparant les effets
électroencéphalographiques
de l’oxybutinine et du chlorydrate de trospium (Ceris®)
chez des volontaires sains, on
AVIS D’EXPERT
N°3 Novembre 2005
Maladie de Parkinson et Anticholinergiques
Tableau 1 : Effets secondaires centraux des anticholinergiques
Faibles
Assoupissement
Fatigue
Légères pertes de mémoire
Modérées
Excitation
Confusion
Troubles de la mémoire
Sévères
REFERENCES
1. Scheife R, Takeda M. Central nervous system safety of anticholinergic drugs for the treatment of
overactive bladder in the elderly.
Clin Ther. 2005;27:144-153.
2. Pietzko A, Dimpfel W, Schwantes
U, Topfmeier P. Influences of
trospium chloride and oxybutynin on quantitative EEG in healthy volunteers. Eur J Clin
Pharmacol. 1994;47:337-343.
Agitation
Hallucinations
Bouffées délirantes
Ataxie
Mouvements anormaux
Crises convulsives
Troubles cognitifs
Coma
remarque une diminution de
l’activité alpha et beta 1 avec
l’oxybutinine qui n’existe pas
avec le trospium (2). Des résultats assez similaires sont retrouvés en comparant les effets de
la toltérodine (detrusitol®), du
trospium et de l’oxybutinine,
les deux premiers n’induisant
aucun effet (sauf pour les
ondes théta) contrairement à
l’oxybutinine
(3).
Théoriquement, la solifénacine
(Vésicare®) ne devrait pas non
plus passer la barrière hémato
encéphalique.
Cependant, la prescription d’un
anticholinergique chez le sujet
parkinsonien n’est pas une aberration puisque c’est un des traitements proposés pour améliorer
les troubles moteurs de cette
affection. Il faut d’ailleurs savoir
3. Todorova A, Vonderheid-Guth B,
Dimpfel W. Effects of tolterodine,
trospium chloride, and oxybutynin on the central nervous system.
J Clin Pharmacol. 2001;41:636-644.
étudier le traitement du patient
pour savoir si des médicaments à
action anticholinergiques ne
seraient pas déjà prescrits (biperidène, trihexyphénidyle, tropatépine, scopolamine N oxyde).
En Pratique
➟ Ne pas prescrire les anticholinergiques si le patient présente déjà
des troubles cognitifs et être particulièrement prudent chez le
sujet âgé.
➟ Préférer les anticholinergiques ne passant pas la barrière hémato-encéphalique (Chlorydrate de Trospium – CERIS®)
➟ Informer le patient et son entourage sur les effets secondaires
qui imposeraient l’arrêt du traitement.
➟ Ne pas hésiter à contacter le neurologue en cas de doute.
➟ Un meilleur équilibre thérapeutique de la maladie de Parkinson
diminue souvent l’hyperactivité vésicale.
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