Nouvelles-CATIE
Des bulletins de nouvelles concis en matière de VIH et d’hépatite C de CATIE.
Les trente années du sida—les tendances du cancer, hier et
aujourd’hui
16 janvier 2009
Jusqu’au milieu des années 70, le sarcome de Kaposi (SK) était un cancer rare dans les pays à revenu élevé du
monde. Lorsqu’il se produisait, ses victimes étaient principalement des hommes âgés chez qui on observait des
tumeurs sur les pieds et les jambes. Dans ces cas, le SK provoquait une maladie légère. Toutefois, en 1979 environ,
la situation commençait à changer. Des médecins en Europe occidentale et aux États-Unis observaient alors
occasionnellement des cas de SK chez des hommes jeunes. Ces nouveaux cas de SK étaient particulièrement
troublants parce que les tumeurs apparaissaient n’importe où sur le corps et se propageaient rapidement. Au cours
des deux prochaines années, des dermatologues et des spécialistes du cancer s’apercevaient que de plus en plus
de jeunes hommes consultaient pour cette forme agressive du SK. Ces hommes avaient souvent des ganglions
lymphatiques enflés et certains d’entre eux se plaignaient d’une perte de poids inexpliquée, de fièvres et de fatigue.
Les médecins de New York et de San Francisco qui suivaient ces hommes s’étonnaient de voir leurs patients
présenter subséquemment des complications potentiellement mortelles découlant d’infections peu usuelles :
pneumonie et infections cérébrales causées par des champignons et des parasites, diarrhées et ulcères atroces de
la peau, de la bouche et de la gorge causés par des virus herpétiques déchaînés. Tous ces problèmes laissaient
soupçonner un grave affaiblissement du système immunitaire.
Sexe et microbes
Dès 1981, les médecins avaient recensé de nombreux cas de cette étrange immunodéficience aux États-Unis. En
passant en revue 41 tels cas, le dermatologue new-yorkais Alvin Friedman-Kein était stupéfait de constater
l’apparition soudaine de cancers mortels chez ces jeunes hommes immunodéprimés. Après quelques vérifications
dans les registres du cancer, le médecin a découvert qu’aucun cas de SK n’avait été détecté chez un jeune homme
dans la ville de New York avant 1979. Le Dr Friedman-Kein a également remarqué que tous ses jeunes patients
avaient deux choses en commun : une vie sexuelle très active avec d’autres hommes et de nombreux diagnostics
antérieurs d’infections transmissibles sexuellement, y compris la gonorrhée, l’herpès, l’hépatite A ou B, les parasites
intestinaux et la syphilis. Le fait d’avoir eu un grand nombre de partenaires sexuels augmentait pour ces hommes le
risque d’avoir été exposé à un nouveau microbe transmis par le sexe. Se doutant que ces hommes
immunodéprimés étaient porteurs d’un nouveau syndrome horrible, le dermatologue écrivait en 1981 que ces 41
patients étaient probablement « la pointe de l’iceberg ». Le temps lui a donné raison.
Quelques années plus tard, on a donné le nom sida à ce nouveau syndrome, la cause duquel—un virus transmissible
sexuellement que nous appelons maintenant le VIH—fut découverte en 1983. Mais la perspicacité du Dr Friedman-
Kein ne s’arrêtait pas là. Comme il avait prévu, le SK n’était que le premier de plusieurs cancers associés à l’infection
par le VIH. Dès le début des années 80, on commençait à observer de plus en plus de cas d’un autre cancer du
système immunitaire, le lymphome non hodgkinien, chez des personnes atteintes du sida. De fait, à cette époque-là,
on faisait tellement souvent le lien entre sida, SK et lymphome non hodgkinien que les gens se mettaient à appeler
ceux-ci des « cancers définissant le sida ». Le Dr Friedman-Kein avait donc vu clair : l’iceberg du sida avait fait son
apparition et les cas se multipliaient de façon effrayante. Alors que les cas de sida concernaient principalement des
hommes à la fin des années 70 et au début des années 80, la maladie n’a pas tardé à atteindre les femmes et les
enfants et à évoluer en pandémie mondiale, et on n’a pas hésité longtemps à ajouter le cancer du col de l’utérus à la
liste des cancers définissant le sida.