La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
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Les complications infectieuses seront détaillées dans la période
postopératoire tardive.
Rejet aigu du greffon cardiaque. Le rejet aigu myocardique,
dans son mécanisme habituel, n’apparaît pas en général avant le
7e/10ejour postopératoire, et sera traité dans la période postopé-
ratoire tardive. Cependant, le rejet humoral, faisant intervenir
l’immunité de type humoral, peut apparaître dès les premiers jours
postopératoires. Il s’agit de patients immunisés avant la trans-
plantation et présentant des anticorps anti-HLA. La recherche de
ces anticorps est systématiquement effectuée par des tests de lym-
phocytotoxicité chez le futur receveur. La population à risque de
rejet humoral est représentée par les femmes ayant eu des gros-
sesses, les patients aux antécédents de transfusion sanguine, de
greffe d’organe ou d’assistance circulatoire.
Insuffisance rénale aiguë. Elle est fréquente, liée aux conditions
hémodynamiques pré- et postopératoires, à une insuffisance
rénale préexistante, à la néphrotoxicité de la ciclosporine (ou
d’autres thérapeutiques néphrotoxiques) ou à l’association de ces
différentes étiologies. Cette altération est réversible lorsque la
posologie de ciclosporine est réduite. Il s’agit d’une vasocons-
triction intrarénale, aboutissant à une réduction du débit sanguin
rénal et du débit de filtration glomérulaire. Sa prévention passe
par l’introduction progressive de la ciclosporine, après reprise
correcte de la diurèse postopératoire, en évitant les ciclosporiné-
mies au-dessus de la fourchette thérapeutique.
Traitement immunosuppresseur
Chaque centre de transplantation emploie un protocole immuno-
suppresseur qui lui est propre, et associe en général :
–les globulines antilymphocytaires (ou traitement d’induction)
durant environ 5 jours ;
–les corticoïdes en peropératoire puis à la dose de 1 mg/kg/j ;
–l’azathioprine (Imurel®) en per os, dès que la voie orale est uti-
lisable, adaptée sur le nombre de leucocytes ;
–la ciclosporine (Néoral®) en intraveineux ou per os dès que pos-
sible, adaptée aux dosages sanguins et au degré d’insuffisance
rénale éventuelle.
3. PRISE EN CHARGE DE LA PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE TAR-
DIVE (JUSQU’AU TRENTIÈME JOUR)
À sa sortie de réanimation, le transplanté cardiaque est transféré
dans un secteur “moins chaud” pendant une période d’environ un
mois. La surveillance comprendra examen clinique, radiographie
pulmonaire et électrocardiogramme quotidiens. Cette période est
dominée par les risques de rejet aigu myocardique et d’infection
(2, 3).
Rejet aigu myocardique (rejet)
En dépit des progrès réalisés dans le domaine de l’immunosup-
pression (en particulier dans les deux dernières années), le rejet
reste une cause importante de morbidité et de mortalité. Il cor-
respond à une réaction allogénique du receveur vis-à-vis des anti-
gènes du complexe majeur d’histocompatibilité HLA classes I et
II du donneur. Il met essentiellement en jeu la réaction immuni-
taire de type cellulaire. Les lymphocytes T précurseurs recon-
naissent les antigènes membranaires spécifiques du donneur et
vont ensuite se différencier en lymphocytes T effecteurs cyto-
toxiques, capables de détruire le greffon myocardique, en asso-
ciation avec des cellules non spécifiques activées (macrophages,
cellules NK).
L’introduction de la ciclosporine a profondément modifié le pro-
fil clinique du rejet, lui conférant un caractère insidieux. Les signes
cliniques sont souvent totalement absents. Le tableau clinique peut
regrouper des symptômes peu spécifiques (asthénie, fébricule,
nausées ou vomissements) ou plus évocateurs dans un contexte
de rejet plus sévère (dyspnée, hépatalgie, malaise ou syncope). De
ce fait, à cette phase, la recherche du rejet est systématique par
échographie doppler et biopsie myocardique hebdomadaires.
Diagnostic échographique (4, 5). Le rejet myocardique, dans sa
forme échographique habituelle, est associé à la présence d’un
profil de type restrictif du remplissage ventriculaire gauche, carac-
térisé par une diminution du temps de relaxation isovolumétrique
du ventricule gauche (tri-VG), du T demi-mitral avec augmenta-
tion de la vitesse E mitrale. Les mécanismes physiopathologiques
à l’origine de cette dysfonction ventriculaire gauche diastolique
aiguë (sans altération des index de performance systolique) sont
représentés par une altération des propriétés élastiques intrin-
sèques du myocarde avec réduction de la compliance par
l’œdème interstitiel, l’infiltration cellulaire et l’ischémie myo-
cardique contemporains du rejet. Après traitement efficace du
rejet, ce profil “restrictif” disparaît chez 70 % des patients : une
normalisation histologique (biopsie) sans normalisation écho-
graphique serait un risque de récidive rapprochée.
Il existe d’autres profils échographiques moins fréquents ren-
contrés au cours du rejet : altération de la contractibilité, forme
hypertrophique parfois obstructive, épanchement péricardique.
La connaissance de ces profils échocardiographiques analysés
avec rigueur et leur répétition dans le temps, malgré des réserves
inhérentes à la méthodologie doppler, sont d’un apport important
dans le diagnostic du rejet.
Diagnostic histologique (biopsie myocardique) (6).L’étude his-
tologique est réalisée sur trois à cinq fragments de myocarde ven-
triculaire droit prélevés à l’aide d’un biotome descendu dans un
désilet après ponction de la veine jugulaire interne droite. Le rejet
histologique est classé en quatre grades, selon la sévérité de l’in-
filtrat lymphocytaire et de la nécrose des myocytes.
Le traitement du rejet myocardique tient compte à la fois du degré
histologique et de son retentissement hémodynamique apprécié
par la clinique, l’échocardiographie et le cathétérisme droit. Lors-
qu’il existe une discordance entre les résultats de la biopsie et de
l’échocardiographie, l’examen le plus péjoratif est pris en compte.
Le traitement curatif de rejet passe par des corticoïdes par voie
orale (1,5 mg/kg/j pendant 5 jours) ou par voie intraveineuse
(1,5 mg/kg/j pendant 3 jours), associés ou non aux sérums anti-
lymphocytaires mono- ou polyclonaux.
Complications cardiaques en dehors du rejet myocardique
✔
Dysfonction ventriculaire droite. Pendant une période plus
ou moins longue, des signes droits, secondaires à une hyperten-
sion artérielle pulmonaire persistante, peuvent ne pas disparaître.
DOSSIER