La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
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a transplantation cardiaque, décrite en 1960 par Shum-
way et Lower, est devenue une option thérapeutique de
routine pour les patients en insuffisance cardiaque ter-
minale et réfractaires à un traitement médical optimal.
L’essor de cette chirurgie depuis 1983, contemporain de l’intro-
duction de la ciclosporine, entraîne une augmentation régulière
du groupe des transplantés cardiaques français : chaque cardio-
logue peut donc être amené à suivre au moins un de ses patients
après sa transplantation cardiaque.
Le but de ce dossier est de familiariser le cardiologue avec la prise
en charge du greffé cardiaque.
1. INTRODUCTION ET RÉSULTATS
Les résultats obtenus dans 304 centres de transplantation cardiaque,
rapportant spontanément leurs résultats au registre de la Société
internationale de transplantation cardiaque et pulmonaire (ISHLT),
portent sur 48 541 cas au 31 décembre 1998. Les figures 1 et 2
montrent respectivement le nombre de transplantations cardiaques
rapportées au registre ISHLT et le nombre de transplantations car-
diaques enregistrées par l’Institut français des greffes. La grande
majorité des étiologies amenant à la transplantation cardiaque sont
les myocardiopathies dilatées et ischémiques, en nombre d’im-
portance égale.
DOSSIER
La prise en charge du greffé cardiaque
P. Boissonat*
*Service de cardiologie, hôpital Louis-Pradel, Lyon.
Durant la phase postopératoire, les difficultés sont
essentiellement d’ordre hémodynamique, liées à l’adap-
tation d’un cœur dénervé soumis brutalement à un
régime de pressions pulmonaires élevées.
Le rejet myocardique est fréquemment asymptoma-
tique : sa recherche dans la période précoce doit être
systématique par échocardiographie et biopsie myocar-
dique hebdomadaires.
L’athérosclérose du greffon cardiaque (ou rejet chro-
nique) est le facteur pronostique principal du moyen
terme. Sa prise en charge diagnostique et thérapeutique
est difficile.
Mots-clés : Transplantation cardiaque - Surveillance -
Rejet myocardique - Athérosclérose du greffon.
Points forts
L
189 325
691
1215
2248
2737
3129 3329
3920 3978 3926 4034 4068 394237133534
2961
4 500
3 750
3 000
2 250
1 500
750
0
32
30
28
26
24
22
20
Nombre de transplantations
Âge moyen des donneurs
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Figure 1. Nombre de transplantations cardiaques rapportées au registre
ISHLT au cours des années 1982-1998.
700
600
500
400
300
200
100
0
10 18 19 38
144
295
471
555
626 636 632
559
526
429 408 397 366 369
77
1982
1981
1980
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Figure 2. Nombre de transplantations cardiaques françaises au cours
des années 1980-1998.
La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
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Les figures 3 et 4 montrent respectivement une courbe de survie
globale (incluant l’expérience initiale de la majorité des équipes)
et une courbe de survie selon trois périodes successives
(1980/1985 ; 1986/1990 ; 1991/1997).
L’amélioration des résultats porte essentiellement sur la période
postopératoire, avec une baisse de la mortalité passant de 19 %
à la période initiale à moins de 10 % actuellement. En revanche,
la courbe de survie au-delà de la première année reste stable, avec
une incidence annuelle de décès de 4 %. Cette dégradation secon-
daire des résultats correspond essentiellement à la dégradation
du greffon cardiaque et aux complications du traitement immu-
nosuppresseur.
2. PRISE EN CHARGE DE LA PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE PRÉ-
COCE (RÉANIMATION)
La qualité de la réanimation précoce du transplanté cardiaque
dépend de la qualité du greffon. Celle-ci est étroitement liée à la
perfusion tissulaire chez le donneur en coma dépassé, à la qua-
lité de conservation pendant le transfert vers le receveur, à la durée
d’ischémie froide et chaude, à la reprise de l’activité cardiaque
en fin de circulation extracorporelle (CEC). La durée moyenne
du séjour en réanimation d’un patient dont l’évolution est favo-
rable est de 5 à 10 jours.
La surveillance clinique et hémodynamique du transplanté car-
diaque est identique à celle du patient de chirurgie cardiaque
conventionnelle. L’opéré est installé dans une chambre “proté-
gée” et des mesures d’asepsie et d’hygiène rigoureuses sont indis-
pensables.
Évolution simple
La défibrillation du greffon (spontanée ou provoquée) se fait en
général sur un rythme jonctionnel lent, nécessitant de l’isopré-
naline pour obtenir une fréquence entre 80 et 100/minute. La sta-
bilité hémodynamique assurée, l’extubation peut être précoce,
avant la 12eheure postopératoire. Néanmoins, le sevrage des caté-
cholamines sera toujours très progressif, en fonction du rythme
et des pressions. L’ablation des drains et cathéters, suivie de leur
mise en culture, sera effectuée aussi précocement que possible
afin de limiter les risques infectieux.
Évolution compliquée
Complications hémodynamiques
Problèmes hémorragiques : d’origine chirurgicale ou biolo-
gique, ils sont favorisés par des antécédents de sternotomie ou
par les déficits en facteurs de coagulation préopératoire (foie car-
diaque, antivitamines K).
Défaillance droite (1) : elle survient soit en sortie de CEC
(nécessitant une assistance circulatoire de longue durée et par-
fois une assistance mécanique), soit, plus fréquemment, dans les
heures qui suivent l’intervention. Il s’agit alors d’un bas débit
secondaire avec défaillance droite prédominante, liée à l’adapta-
tion d’un cœur dénervé soumis brutalement à une hypertension
artérielle pulmonaire préexistante. La mauvaise adaptation entre
la taille du donneur et du receveur, une qualité “moyenne” du
greffon favorisent cette complication. Le traitement associe caté-
cholamines, inhibiteurs de la phosphodiestérase, prostaglandines,
vasodilatateurs, NO. L’évolution défavorable peut conduire à la
mise en place d’une assistance mécanique droite.
Épanchement péricardique : peu fréquent à cette période.
Complications infectieuses. Les facteurs favorisant l’infection
sont nombreux : patient dénutri par une insuffisance cardiaque
préopératoire prolongée ; antécédents de sternotomie ; ventila-
tion artificielle prolongée ; reprise chirurgicale pour hémorragie ;
éventuels agents pathogènes apportés par le greffon ; principale-
ment, traitement immunosuppresseur donné à très fortes doses
en postopératoire immédiat.
L’antibiothérapie prophylactique est systématique de 24 à
48 heures après la CEC, adaptée en fonction de l’écologie infec-
tieuse du centre de transplantation, visant principalement la pré-
vention de la médiastinite. Les mesures d’asepsie et d’isolement
relatif, l’ablation rapide des diverses portes d’entrée et un traite-
ment chimioprophylactique durant le premier mois postopéra-
toire limitent la fréquence des infections opportunistes.
DOSSIER
Années après transplantation
100
80
60
40
20
0
012345678910
11 12 13 14 15
n = 43 936
Taux de survie (%)
Demi-vie = 8,8 années
11,5 années
Demi-vie après exclusion
des patients décédés
dans le premier mois
postopératoire
}
Figure 3. Courbe de survie globale après transplantation cardiaque
(ISHLT).
100
90
80
70
60
50
40
0612 18 24 30 36
Taux de survie (%)
Mois après transplantation
80-85 : demi-vie = 5,3 années ;
demi-vie après exclusion des patients
décédés dans le premier mois postopératoire = 9,4 années
80-85 vs 86-90 : p 0,0001 80-85 vs 95-98 : p 0,0001
86-90 vs 95-98 : p 0,0001
80-85 vs 91-94 : p 0,0001
86-90 vs 91-94 : p 0,0001
86-90 : demi-vie = 8,9 années ;
demi-vie après exclusion des patients
décédés dans le premier mois postopératoire = 11,4 années
1980-1985
n = 1 980
1986-1990
n = 12 586
1991-1994
n = 13 759
1995-1998
n = 10 870
Figure 4. Courbe de survie après transplantation cardiaque selon l’an-
née de transplantation (ISHLT).
La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
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Les complications infectieuses seront détaillées dans la période
postopératoire tardive.
Rejet aigu du greffon cardiaque. Le rejet aigu myocardique,
dans son mécanisme habituel, n’apparaît pas en général avant le
7e/10ejour postopératoire, et sera traité dans la période postopé-
ratoire tardive. Cependant, le rejet humoral, faisant intervenir
l’immunité de type humoral, peut apparaître dès les premiers jours
postopératoires. Il s’agit de patients immunisés avant la trans-
plantation et présentant des anticorps anti-HLA. La recherche de
ces anticorps est systématiquement effectuée par des tests de lym-
phocytotoxicité chez le futur receveur. La population à risque de
rejet humoral est représentée par les femmes ayant eu des gros-
sesses, les patients aux antécédents de transfusion sanguine, de
greffe d’organe ou d’assistance circulatoire.
Insuffisance rénale aiguë. Elle est fréquente, liée aux conditions
hémodynamiques pré- et postopératoires, à une insuffisance
rénale préexistante, à la néphrotoxicité de la ciclosporine (ou
d’autres thérapeutiques néphrotoxiques) ou à l’association de ces
différentes étiologies. Cette altération est réversible lorsque la
posologie de ciclosporine est réduite. Il s’agit d’une vasocons-
triction intrarénale, aboutissant à une réduction du débit sanguin
rénal et du débit de filtration glomérulaire. Sa prévention passe
par l’introduction progressive de la ciclosporine, après reprise
correcte de la diurèse postopératoire, en évitant les ciclosporiné-
mies au-dessus de la fourchette thérapeutique.
Traitement immunosuppresseur
Chaque centre de transplantation emploie un protocole immuno-
suppresseur qui lui est propre, et associe en général :
les globulines antilymphocytaires (ou traitement d’induction)
durant environ 5 jours ;
les corticoïdes en peropératoire puis à la dose de 1 mg/kg/j ;
l’azathioprine (Imurel®) en per os, dès que la voie orale est uti-
lisable, adaptée sur le nombre de leucocytes ;
la ciclosporine (Néoral®) en intraveineux ou per os dès que pos-
sible, adaptée aux dosages sanguins et au degré d’insuffisance
rénale éventuelle.
3. PRISE EN CHARGE DE LA PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE TAR-
DIVE (JUSQU’AU TRENTIÈME JOUR)
À sa sortie de réanimation, le transplanté cardiaque est transféré
dans un secteur “moins chaud” pendant une période d’environ un
mois. La surveillance comprendra examen clinique, radiographie
pulmonaire et électrocardiogramme quotidiens. Cette période est
dominée par les risques de rejet aigu myocardique et d’infection
(2, 3).
Rejet aigu myocardique (rejet)
En dépit des progrès réalisés dans le domaine de l’immunosup-
pression (en particulier dans les deux dernières années), le rejet
reste une cause importante de morbidité et de mortalité. Il cor-
respond à une réaction allogénique du receveur vis-à-vis des anti-
gènes du complexe majeur d’histocompatibilité HLA classes I et
II du donneur. Il met essentiellement en jeu la réaction immuni-
taire de type cellulaire. Les lymphocytes T précurseurs recon-
naissent les antigènes membranaires spécifiques du donneur et
vont ensuite se différencier en lymphocytes T effecteurs cyto-
toxiques, capables de détruire le greffon myocardique, en asso-
ciation avec des cellules non spécifiques activées (macrophages,
cellules NK).
L’introduction de la ciclosporine a profondément modifié le pro-
fil clinique du rejet, lui conférant un caractère insidieux. Les signes
cliniques sont souvent totalement absents. Le tableau clinique peut
regrouper des symptômes peu spécifiques (asthénie, fébricule,
nausées ou vomissements) ou plus évocateurs dans un contexte
de rejet plus sévère (dyspnée, hépatalgie, malaise ou syncope). De
ce fait, à cette phase, la recherche du rejet est systématique par
échographie doppler et biopsie myocardique hebdomadaires.
Diagnostic échographique (4, 5). Le rejet myocardique, dans sa
forme échographique habituelle, est associé à la présence d’un
profil de type restrictif du remplissage ventriculaire gauche, carac-
térisé par une diminution du temps de relaxation isovolumétrique
du ventricule gauche (tri-VG), du T demi-mitral avec augmenta-
tion de la vitesse E mitrale. Les mécanismes physiopathologiques
à l’origine de cette dysfonction ventriculaire gauche diastolique
aiguë (sans altération des index de performance systolique) sont
représentés par une altération des propriétés élastiques intrin-
sèques du myocarde avec réduction de la compliance par
l’œdème interstitiel, l’infiltration cellulaire et l’ischémie myo-
cardique contemporains du rejet. Après traitement efficace du
rejet, ce profil “restrictif” disparaît chez 70 % des patients : une
normalisation histologique (biopsie) sans normalisation écho-
graphique serait un risque de récidive rapprochée.
Il existe d’autres profils échographiques moins fréquents ren-
contrés au cours du rejet : altération de la contractibilité, forme
hypertrophique parfois obstructive, épanchement péricardique.
La connaissance de ces profils échocardiographiques analysés
avec rigueur et leur répétition dans le temps, malgré des réserves
inhérentes à la méthodologie doppler, sont d’un apport important
dans le diagnostic du rejet.
Diagnostic histologique (biopsie myocardique) (6).L’étude his-
tologique est réalisée sur trois à cinq fragments de myocarde ven-
triculaire droit prélevés à l’aide d’un biotome descendu dans un
désilet après ponction de la veine jugulaire interne droite. Le rejet
histologique est classé en quatre grades, selon la sévérité de l’in-
filtrat lymphocytaire et de la nécrose des myocytes.
Le traitement du rejet myocardique tient compte à la fois du degré
histologique et de son retentissement hémodynamique apprécié
par la clinique, l’échocardiographie et le cathétérisme droit. Lors-
qu’il existe une discordance entre les résultats de la biopsie et de
l’échocardiographie, l’examen le plus péjoratif est pris en compte.
Le traitement curatif de rejet passe par des corticoïdes par voie
orale (1,5 mg/kg/j pendant 5 jours) ou par voie intraveineuse
(1,5 mg/kg/j pendant 3 jours), associés ou non aux sérums anti-
lymphocytaires mono- ou polyclonaux.
Complications cardiaques en dehors du rejet myocardique
Dysfonction ventriculaire droite. Pendant une période plus
ou moins longue, des signes droits, secondaires à une hyperten-
sion artérielle pulmonaire persistante, peuvent ne pas disparaître.
DOSSIER
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Le diagnostic différentiel avec un rejet ou un épanchement péri-
cardique passe par la biopsie myocardique (pas de rejet) et l’écho-
cardiographie (ventricule droit dilaté ; pas d’épanchement péri-
cardique).
Épanchement péricardique. Fréquent entre le 12eet le 20ejour
postopératoire, son début est insidieux (associant hépatomégalie,
oligurie, discrets œdèmes des membres inférieurs) et peut évo-
quer un rejet. La radiographie (augmentation de la silhouette car-
diaque) et l’échocardiographie permettront d’apporter le dia-
gnostic et de quantifier l’épanchement et son caractère
compressif. Le traitement est le drainage chirurgical.
Dysfonction sinusale.Au cours du sevrage de l’isoprénaline,
une dysfonction sinusale avec rythme jonctionnel lent peut appa-
raître. Un traitement par théophylline permet dans certains cas de
différer l’indication de stimulation définitive. Si la dysfonction
sinusale persiste au-delà de la 3
e
semaine postopératoire, le patient
devra être appareillé définitivement.
Troubles du rythme supraventriculaires. Ils sont liés à la
suture auriculaire et/ou à la compétition entre l’activité auricu-
laire du donneur et celle du receveur, mais peuvent parfois être
révélateurs d’un rejet (biopsie). Il répondent bien à la prescrip-
tion d’amiodarone, qui peut être stoppée au bout de quelques
semaines.
Complications infectieuses
(7)
Les infections, associées ou non au rejet, constituent une cause
de morbidité et de mortalité importante après transplantation car-
diaque. Elles surviennent selon une séquence temporelle : les
infections bactériennes sont les plus fréquentes au cours du pre-
mier mois ; les infections fongiques sont rencontrées lors des deux
premiers mois ; les infections virales ont un pic d’incidence lors
du deuxième mois et les infections parasitaires vers les quatrième
à sixième mois.
Dans le premier mois après la transplantation, les infections sont
dominées par l’infection du site opératoire, les infections pul-
monaires et les septicémies.
Médiastinite. Elle apparaît vers le dixième jour postopéra-
toire. Les facteurs de risque particuliers sont un diabète insulino-
dépendant, une réintervention thoracique, une période préopéra-
toire en réanimation (intubation) ou une assistance circulatoire.
Le tableau clinique associe les signes généraux (fièvre) et les
signes locaux (rougeur, douleur). La confirmation du diagnostic
repose sur la culture positive de la ponction de médiane, des
drains, électrodes ou hémocultures. Le traitement en est médical
(antibiothérapie adaptée) et chirurgical.
Les infections pulmonaires. Ce sont les infections les plus
fréquentes du premier mois, dominées par une étiologie bacté-
rienne. Cependant, il faut souligner que les infections plurimi-
crobiennes ne sont pas rares : un atteinte virale ou fongique peut
coexister avec une atteinte bactérienne. Sur le plan clinique, elles
associent signes généraux et symptômes respiratoires : râles,
encombrement, dyspnée, et parfois insuffisance respiratoire. La
radiographie peut montrer des opacités pulmonaires diffuses ou
en foyer. Il est important d’effectuer des prélèvements appropriés
par lavage broncho-alvéolaire, pour adapter l’antibiothérapie.
Les septicémies. Il s’agit de la deuxième cause d’infection
après transplantation cardiaque, souvent d’origine iatrogène, asso-
ciée ou non aux infections précitées. Les septicémies à levures
sont rares.
L’infection à cytomégalovirus. Le cytomégalovirus (CMV)
appartient à la famille des Herpesviridae et se caractérise par son
ubiquité et sa latence dans les cellules de l’organisme après l’in-
fection initiale. Il s’agit de l’infection la plus fréquente et la plus
préoccupante en transplantation d’organe. La survenue d’une
infection à CMV est influencée par des facteurs épidémiologiques
(âge...), immunologiques, virologiques (sérologie du donneur et
du receveur) et thérapeutiques (utilisation de globulines anti-
lymphocytaires). On distingue la primo-infection survenant chez
des receveurs séronégatifs (habituellement plus sévère) et les
infections récurrentes associant réactivation d’un virus latent et
surinfection par une nouvelle souche de virus. Les manifestations
cliniques sont polymorphes : l’infection peut être asymptoma-
tique, révélée par une virémie ou une virurie ; il peut s’agir d’une
fièvre isolée associée à des signes biologiques évocateurs (leu-
coneutropénie, cytolyse hépatique) ou de manifestations viscé-
rales (digestives, pulmonaires, rarement myocardiques ou réti-
niennes). Une surveillance virologique est proposée une fois par
semaine, à la recherche de marqueurs directs de l’infection (viré-
mie et/ou antigénémie pp65 et/ou amplification génique par PCR
[quantification]). Un traitement prophylactique (traitement de
l’ensemble des patients) ou un traitement préemptif (en fonction
de la surveillance virologique) est appliqué selon les centres de
transplantation. Le traitement curatif passe par le ganciclovir.
Complications dues au traitement immunosuppresseur
(en dehors des infections)
Insuffisance rénale. Se reporter à “Prise en charge de la période
postopératoire précoce”, p. 24.
Complications métaboliques. Il s’agit essentiellement de l’appa-
rition de désordres glucidiques, secondaires aux corticoïdes à fortes
doses, nécessitant une insulinothérapie en général transitoire.
Hypertension artérielle. Elle est multifactorielle, incluant la res-
ponsabilité des corticoïdes et principalement de la ciclosporine.
Elle est fréquente, nécessitant un traitement antihypertenseur chez
les trois quarts des patients.
Complications neurologiques. Les crises comitiales sont peu
fréquentes, secondaires à une ciclosporinémie élevée, aggravée
par de fortes doses de corticoïdes. Il faudra rechercher de prin-
cipe une lésion cérébrale au scanner et introduire un traitement
anticomitial.
Complications digestives. Des hémorragies digestives, souvent
indolores, sont secondaires aux fortes doses de corticoïdes. Le
traitement préventif par anti-H2et antiacides est la règle.
4. PRISE EN CHARGE EN RÉÉDUCATION CARDIAQUE
Malgré la restauration des possibilités hémodynamiques après
transplantation cardiaque, la performance à l’exercice demeure
abaissée. Les causes de cette limitation sont multiples, schéma-
tiquement liées aux conséquences de la dénervation extrinsèque,
aux effets des traitements immunosuppresseurs et au décondi-
tionnement physique prolongé préopératoire.
DOSSIER
La Lettre du Cardiologue - n° 328 - avril 2000
27
Anomalies de la fréquence cardiaque. La section des
connexions nerveuses explique une fréquence de repos élevée
(90-110/mn) par perte du tonus vagal. À l’exercice, la réponse en
accélération est très atténuée par perte de la stimulation nerveuse
sympathique du nœud sinusal. L’hypersensibilité bêta-adréner-
gique du myocarde explique l’accélération de la fréquence au-
delà de l’arrêt de l’effort et le retour très lent à la fréquence de
repos, en réponse aux catécholamines circulantes.
Anomalies de la fonction ventriculaire gauche. En l’absence
de rejet myocardique, la contractibilité est normale au repos. À
l’effort, l’essentiel de l’augmentation du débit cardiaque est assuré
par le mécanisme de Starling.
Vasomotricité périphérique perturbée. La redistribution des
flux sanguins locaux au profit des muscles actifs est souvent per-
turbée.
Le bénéfice attendu d’un programme de réentraînement physique
est en rapport avec la grande hétérogénéité des patients dans leur
possibilité d’adaptation à l’effort. Le bilan final quantifiera les
progrès réalisés sur le plan cardiorespiratoire (épreuve d’effort)
et sur le plan locomoteur (testing musculaire).
La poursuite d’un programme sportif après le retour à domi-
cile est indispensable.
5. PRISE EN CHARGE PAR LE CARDIOLOGUE TRAITANT APRÈS
LE RETOUR À DOMICILE
Le rôle du cardiologue traitant va véritablement commencer deux
à trois mois après la transplantation. Les complications présen-
tées, précédemment dominées par le rejet et les infections, sont
encore fréquentes jusqu’au sixième mois. C’est la raison pour
laquelle la surveillance doit être extrêmement rapprochée, avec
une collaboration rapide et efficace avec le centre de transplan-
tation. La règle est de conserver une surveillance mensuelle auprès
de l’équipe de transplantation pendant la première année.
Le suivi à moyen terme est dominé par une complication car-
diaque (le rejet chronique) et de multiples complications extra-
cardiaques liées aux effets secondaires des immunosuppresseurs.
Rejet chronique ou athérosclérose accélérée du greffon car-
diaque
(8, 9, 10)
L’athérosclérose du greffon cardiaque (ou rejet chronique) est le
facteur pronostique principal du moyen terme après transplanta-
tion cardiaque. La prévalence de cette pathologie, estimée en
coronarographie, est d’environ 50 %, trois ans après la greffe. Les
lésions histologiques sont différentes de l’athérosclérose clas-
sique. Il s’agit d’une atteinte diffuse et distale du réseau corona-
rien avec un épaississement intimal (prolifération de cellules mus-
culaires lisses) associé ou non à de la thrombose (figure 5). La
pathogénie n’est pas totalement précisée. Les facteurs immuno-
logiques, représentés par le conflit entre deux identités tissulaires
différentes, sont reconnus comme les éléments principaux de
déclenchement de l’athérosclérose. De multiples facteurs indé-
pendants de la stimulation allogénique interviennent dans la pro-
gression rapide de cette pathologie : âge du donneur, infection à
cytomégalovirus, dyslipidémie, hyperagrégabilité plaquettaire...
Prise en charge diagnostique. L’angine de poitrine est en géné-
ral absente (dénervation) ; le diagnostic clinique est lié aux consé-
quences myocardiques de l’ischémie : mort subite, infarctus, dys-
fonction du greffon. Les tests non invasifs (holter, scintigraphie
au thallium) ne sont pas sensibles. L’échographie de stress est en
cours d’évaluation (11). La coronarographie (12) est l’examen
habituellement utilisé, réalisé de façon répétitive (figure 6).
Cependant, cet examen sous-estime les lésions face à l’étude ana-
tomique ou l’étude endocoronarienne par échographie endovas-
culaire (qui explore l’ensemble de la paroi artérielle) (13).
Prise en charge thérapeutique
Préventive : une seule classe médicamenteuse a montré actuel-
lement son efficacité, à savoir les statines, avec la simvastatine et
la pravastatine ;
Curative : le pontage aorto-coronaire est exceptionnellement pos-
sible. L’angioplastie associée ou non à un stent est possible dans
les atteintes plutôt localisées. Dans les atteintes sévères et dif-
fuses, seul un deuxième geste de greffe peut être proposé.
L’insuffisance rénale chronique
Tous les transplantés recevant de la ciclosporine présentent un
certain degré de néphrotoxicité, comme le montrent l’augmenta-
DOSSIER
Figure 5. Athérosclérose du greffon cardiaque.
Figure 6. Coronarographie.
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