Prologue

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Daniel Horowitz
La Quatrième Période
Un amour sans retour
Éditions EDILIVRE APARIS
93200 Saint-Denis – 2012
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www.edilivre.com
Edilivre Éditions APARIS (Collection Coup de cœur)
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50 – mail : [email protected]
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle
réservés pour tous pays.
ISBN : 978-2-332-48127-6
Dépôt légal : avril 2012
© Edilivre Éditions APARIS, 2012
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Bien qu’inspirée en partie de faits réels, toute ressemblance
avec des situations réelles ou avec des personnes existantes
ou ayant existé ne saurait être que fortuite
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Prologue
D’après Arielle, il fallait distinguer trois périodes
dans notre histoire, parce que chacune de celles-ci fut
caractérisée par des rapports très différents entre
nous. La première s’étend de notre rencontre
adolescente jusqu’à son mariage. Le deuxième fut un
long silence, excepté de rares échanges au cours de
nos vies conjugales respectives, et la troisième
période prit corps avec nos retrouvailles adultérines.
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Première Période
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J’avais dix-sept ans quand je rencontrai Arielle, et
elle dix-huit. J’étais en quête non pas d’amour mais
d’intelligence, alors c’est tout naturellement qu’elle
m’éblouit dès les premiers instants. Disposant d’une
perspicacité redoutable, elle voyait, comprenait et
anticipait tout chez ses interlocuteurs, si bien que
ceux-ci ne pouvaient qu’entériner ce mélange subtil
d’intuition et de raison.
C’était une jolie fille, une brune aux longs cheveux
bien avant la mode des brunes aux cheveux longs.
Elle était mince et menue, et avait une manière
effacée de se servir de son corps, qu’elle déplaçait
avec une délicatesse qui tenait un peu de la danse.
Tout dans son allure, sa voix, sa virtuosité verbale,
me charma dès les premiers instants.
Elle surgit dans ma vie à un moment où j’aspirais à
une rencontre importante, tout en étant persuadé que
je n’en serais pas à la hauteur. C’était tellement vrai
qu’étant de taille modeste cela me semblait relever
d’une plausible fatalité.
Je connus Arielle dans une de ces institutions qui
organisaient des vacances dans le but de favoriser les
contacts parmi la jeunesse juive pour la préserver de
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l’assimilation. Mais Arielle n’était juive qu’à moitié,
et encore par la mauvaise moitié, si j’ose dire,
puisque c’était sa mère qui ne l’était pas. Comme
d’après la religion, c’est à la mère de transmettre
l’appartenance, Arielle n’était en fait pas juive du tout
de ce point de vue là.
Ce fut par cette ironie du sort que je fis une
rencontre à laquelle j’étais censé échapper dans un
cadre qui devait veiller à ce que le sang juif ne se
diluât pas. Je ne compris que plus tard que le
judaïsme n’était pas affaire de sang, mais bien de
culture.
Il n’est pas tolérable de prononcer d’exclusive à
l’encontre de quiconque pour des raisons autres que
celles qui relèvent de la personne elle-même.
Beaucoup de gens s’accordent là-dessus, mais là
théorie se heurte à la pratique quand il s’agit d’épingler
le mal. Au nom de la religion, en tout cas, ma mère
considérait que si j’épousais une fille qui n’était pas
juive, ce serait une tragédie pour elle-même, un
désastre pour moi et un malheur pour la fille en
question. Elle n’eut cependant pas identifié la moindre
marque d’un préjugé dans cette manière de voir.
– Je ne suis pas juive.
– Mais ton nom est juif.
– Oui, mais ma mère ne l’est pas.
– Tu es donc à moitié juive.
– Tu sais bien qu’un juif ne m’épouserait pas pour
cette moitié-là.
– On ne peut pas savoir.
– Moi je sais. On me l’a dit.
– Mais pour moi, tu es juive.
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– Tu es gentil, mais il n’en est rien.
– Alors pourquoi aimes-tu fréquenter les juifs ?
– Pour vérifier qu’on ne veut pas de moi, bien que
juive.
– Mais tu viens de dire que tu ne l’étais pas.
– Mais tu viens de me dire que je l’étais.
– Tu es donc d’accord avec moi.
– Avec toi oui, mais ça ne suffit pas.
– Ça ne suffit pas pour quoi ?
– Pour qu’un juif m’épouse.
– C’est si important que ça, de se faire épouser ?
– Oui, non, mais ça le devient dès qu’on m’en
empêche.
Je n’ai jamais éprouvé de sentiments religieux.
Très tôt j’avais fait la part entre le mystère de
l’existence et les réponses ineptes, simplistes et
parfois monstrueuses auxquelles cette interrogation
pouvait donner lieu. Je fus rationnel avant même de
connaître la signification de ce terme, ce qui m’amena
à penser que l’on naissait croyant ou athée sans que
l’éducation eût grand-chose à y voir. À mon sens il
n’y avait pas de différence de nature entre superstition
et religion, l’une et l’autre m’apparaissant comme une
affaire intime et subjective, mais respectable.
La Torah m’impressionnait par son souffle
littéraire et son parfum d’universalité. Le judaïsme
faisant partie de mes racines j’en étais imprégné, et
lui trouvais du sens. Seule l’exégèse – donc la raison
– faisant autorité en matière de judaïsme, on pouvait
tout interpréter dans la Torah, ce qui somme toute
était un apprentissage intellectuel qui en valait bien
d’autres.
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Respecter des opinions qu’on ne partage pas
représente toujours un effort. C’est un dosage subtil
entre de l’empathie et un souhait inavoué de rallier,
malgré tout, les autres à sa manière de voir. Je ne me
prononçais donc pas sur la pertinence de la foi, pas
plus que je ne me permettais de le faire sur celle de
l’amour, dont je trouvais le fondement tout aussi
indémontrable. Je m’en tenais à la mise en évidence
de contradictions, mensonges, escroqueries et
contrevérités insoutenables. Au final je me dis que la
question d’un Dieu personnel intervenant dans
l’Histoire était extravagante dès lors que Lui-même
ne prenait pas la peine de se manifester. C’est ainsi
que la notion de surnaturel n’eut jamais de sens pour
moi. Je ne pouvais me rallier à l’illogisme d’une force
régissant la nature sans en faire partie du même coup.
La seule réponse au « pourquoi » métaphysique ne
pouvait donc qu’être « pourquoi pas ».
Donner un sens à la vie et vivre avec plaisir sont
des notions différentes. Elles ont chacune leur logique
propre et conditionnent nos priorités. Pour ma part je
pose que la vie n’a pas de sens. Je suis en revanche
porté à croire que je fais partie d’un tout, que même le
vide n’est pas vide et que tout est en mouvement, ce
qui fait que rien n’existe en soi, puisque dès que
quelque chose existe c’est déjà autre chose. Mais la
vie, l’humaine conscience de vivre, est absurde. Nous
naissons, aimons, souffrons et mourons sans avoir la
moindre réalité avant ou après. Nous sommes tout
pour nous-mêmes pendant un moment, et rien dans la
nuit des temps. Et ça, c’est long.
Toujours est-il que je me forgeai la conviction que
l’existence ne menait à rien, qu’elle était dénuée de
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