POLYNOMES (2) 1. Polynômes d’interpolation de Lagrange Soient a, b, c trois nombres réels distincts. a) Chercher un polynôme P1 de degré inférieur ou égal à 2, tel que P1 (a) = 1, P1 (b) = 0, P1 (c) = 0 . Est-il unique? b) Chercher des polynômes P2 et P3 de degré inférieur ou égal à 2, tels que P2 (a) = 0, P2 (b) = 1, P2 (c) = 0 et P3 (a) = 0, P3 (b) = 0, P3 (c) = 1 . c) Soient α, β, γ, trois nombres réels quelconques. Chercher un polynôme Q de degré inférieur ou égal à 2, tel que Q(a) = α, Q(b) = β, Q(c) = γ . [Indication : chercher Q comme combinaison des polynômes P1 ,P2 ,P3 ]. Le polynôme Q est-il unique? d) Voici une tentative de généralisation de a). Soient a, b, c, d quatre nombres réels distincts. Il existe un polynôme P de degré inférieur ou égal à $ tel que P1 (a) = 1, P1 (b) = 0, P1 (c) = 0, P1 (d) = 0 . Remplacer le signe $ par un entier convenable, puis démontrer la proposition. e) Proposer un énoncé du théorème analogue à c), ou trois est remplacé par quatre. f) Généralisation pour n nombres distincts a1 ,a2 , . . . ,an . 2. Calculer sur les racines d’un polynôme sans les connaı̂tre Soient a, b, c, d quatre nombres complexes avec a 6= 0. On note z1 , z2 , z3 les trois racines (distinctes ou confondues) de l’équation az 3 + bz 2 + cz + d = 0. a) En utilisant la factorisation du polynôme P (z) = az 3 + bz 2 + cz + d en facteurs du premier degré, calculer en fonction de a, b, c, d les expressions z1 + z 2 + z 3 , z 1 z 2 + z 2 z3 + z3 z 1 , z 1 z 2 z3 . b) Exprimer en fonction de a, b, c, d les expressions z12 + z22 + z32 , z13 + z23 + z33 . c) A quelle(s) condition(s) portant sur a, b, c, d peut-on être sûr que 0 n’est pas racine de l’équation? Dans ce cas calculer (toujours en fonction de a, b, c, d) l’expression 1 1 1 + + . z1 z2 z3 1 3. Racine commune à deux polynômes a) On considère les deux polynômes suivants : P (X) = 2X 4 + X 3 − X 2 + 2X − 1 et Q(X) = 4X 3 + 4X 2 − X − 1 . Montrer qu’ils ont une racine commune α que l’on déterminera. [Indication : effectuer la division euclidienne de P par Q pour obtenir un polynôme de degré plus petit que ceux de P et Q admettant encore pour racine α ; itérer cette procédure]. b) Même question pour les polynômes : P (X) = X 4 − (1 + i)X 3 + X 2 + (1 + i)X − 2 4. et Q(X) = X 3 + (2 + 2i)X 2 + 2iX − 1 . Les nombres algébriques Un nombre complexe α est dit algébrique, s’il existe un polynôme P , à coefficients entiers tel que P (α) = 0. On note A l’ensemble des nombres algébriques. a) Montrer que tout nombre rationnel est algébrique. √ √ b) Montrer que les nombres de la forme a + b, et a + i b où a est entier, et b est entier positif, sont algébriques. c) Montrer que si α est un nombre algébrique non nul, 1/α est algébrique. d) Montrer que si α est un nombre algébrique et n un entier, toute racine n−ième de α est algébrique. √ √ e) Soient a et b deux√entiers positifs. On veut montrer que α1 = a + b est algébrique. On √ introduit α2 = a − b. Etudier le polynôme P (X) = (X − α1 )(X + α1 )(X − α2 )(X + α2 ) et conclure. (Remarque : on peut démontrer de manière générale que la somme de deux nombres algébriques est algébrique). f) Soit P un polynôme de degré 3 à coefficients entiers, et α1 , α2 , α3 les racines (distinctes ou non) de P . En utilisant l’exercice 2, calculer les nombres α12 + α22 + α32 , α12 α22 + α22 α32 + α32 α12 et α12 α22 α32 en fonction des coefficients de P . En déduire un polynôme dont les racines sont α12 , α22 et α32 . Qu’en déduit-t-on? (Remarque : on peut démontrer de manière générale que le produit de deux nombres algébriques est algébrique). 2 Corrigé 1. a) Le polynôme est de degré au plus 2, et admet pour racines b et c. Il se factorise donc sous la forme P1 (X) = λ(X − b)(X − c) . On détermine la constante λ en écrivant que P1 (a) = λ(a − b)(a − c) = 1 , ce qui donne P1 (X) = (X − b)(X − c) , (a − b)(a − c) et l’on trouve un seul polynôme répondant à la question. b) On obtient par la même méthode que dans a) P2 (X) = (X − a)(X − c) (b − a)(b − c) et P3 (X) = (X − a)(X − b) . (c − a)(c − b) c) Cherchons le polynôme Q sous la forme Q = λ1 P1 + λ2 P2 + λ3 P3 . On a alors α = Q(a) = λ1 P1 (a) + λ2 P2 (a) + λ3 P3 (a) = λ1 , β = Q(b) = λ1 P1 (b) + λ2 P2 (b) + λ3 P3 (b) = λ2 , et γ = Q(c) = λ1 P1 (c) + λ2 P2 (c) + λ3 P3 (c) = λ3 . On trouve donc comme solution le polynôme Q = αP1 + βP2 + γP3 . Si le problème a deux solutions Q1 et Q2 . La différence Q1 − Q2 est un polynôme de degré 2 au plus admettant trois racines a, b, c. C’est donc le polynôme zéro, et l’on en déduit que Q1 = Q2 . Il y a donc unicité. Ce calcul montre en particulier que pour tout polynôme Q de degré 2 au plus, on a Q = Q(a)P1 + Q(b)P2 + Q(c)P3 . d) Pour utiliser le même argument que dans a), on cherche un polynôme de degré 3 au plus. Alors il se factorise donc sous la forme P1 (X) = λ(X − b)(X − c)(X − d) . On détermine la constante λ en écrivant que P1 (a) = λ(a − b)(a − c)(a − d) = 1 , ce qui donne P1 (X) = (X − b)(X − c)(X − d) . (a − b)(a − c)(a − d) 3 En construisant de même les polynômes P2 (X) = (X − a)(X − c)(X − d) , (b − a)(b − c)(b − d) P3 (X) = (X − a)(X − b)(X − d) , (c − a)(c − b)(c − d) P4 (X) = (X − a)(X − b)(X − c) . (d − a)(d − b)(d − c) et L’unique polynôme Q tel que Q(a) = α, Q(b) = β, Q(c) = γ,Q(d) = δ est le polynôme Q = αP1 + βP2 + γP3 + δP3 . e) Ceci se généralise pour n nombres a1 ,a2 , . . . ,an . On construit le polynôme de degré n Pk (X) = (X − a1 ) · · · (X − ak−1 )(X − ak+1 ) · · · (X − an ) , (ak − a1 ) · · · (ak − ak−1 )(ak − ak+1 ) · · · (ak − an ) qui est tel que Pk (ak ) = 1 et Pk (ar ) = 0 si r 6= k. L’unique polynôme Q tel que, si 1 ≤ k ≤ n, on ait Q(ak ) = αk , est le polynôme Q= n X αk Pk . k=1 2. a) Le polynôme se factorise sous la forme P (z) = a(z − z1 )(z − z2 )(z − z3 ) . En développant, il vient P (z) = a z 3 − (z1 + z2 + z3 )z 2 + (z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 )z − z1 z2 z3 , et en identifiant, − a(z1 + z2 + z3 ) = b , a(z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 ) = c et d’où z 1 + z2 + z3 = − c b , z 1 z2 + z2 z 3 + z 3 z1 = a a et − az1 z2 z3 = d , z 1 z2 z3 = − d . a b) On a (z1 + z2 + z3 )2 = (z12 + z22 + z32 ) + 2(z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 ) . Donc z12 + z22 + z32 2 b c b2 − 2ac = (z1 + z2 + z3 ) − 2(z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 ) = −2 = . a a a2 2 On a aussi (z12 + z22 + z32 )(z1 + z2 + z3 ) = z13 + z23 + z33 + z12 z2 + z12 z3 + z22 z1 + z22 z3 + z32 z1 + z32 z2 . 4 Mais z12 z2 + z22 z1 = z1 z2 (z1 + z2 ) = z1 z2 (z1 + z2 + z3 ) − z1 z2 z3 , z12 z3 + z32 z1 = z1 z3 (z1 + z3 ) = z1 z3 (z1 + z2 + z3 ) − z1 z2 z3 , et z22 z3 + z32 z2 = z2 z3 (z2 + z3 ) = z2 z3 (z1 + z2 + z3 ) − z1 z2 z3 . Donc on obtient z12 z2 + z22 z1 + z12 z3 + z32 z1 + z22 z3 + z32 z2 = (z1 + z2 + z3 )(z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 ) − 3z1 z2 z3 . Alors z13 + z23 + z33 = (z12 + z22 + z32 )(z1 + z2 + z3 ) − [(z1 + z2 + z3 )(z1 z2 + z2 z3 + z3 z1 ) − 3z1 z2 z3 ] bc d b b2 − 2ac = − − − +3 a a2 aa a 3 2 −b + 3abc − 3da = . a3 Pour cette dernière formule on pouvait également procéder ainsi : on remarque que P (z1 ) + P (z2 ) + P (z3 ) = 0, mais cette expression s’écrit a(z13 + z23 + z33 ) + b(z12 + z22 + z32 ) + c(z1 + z2 + z3 ) + 3d = 0 . On a alors 1 z13 + z23 + z33 = − [b(z12 + z22 + z32 ) + c(z1 + z2 + z3 ) + 3d)] , a et en remplaçant les sommes z12 + z22 + z32 et z1 + z2 + z3 par leur valeur, on retrouve facilement le résultat. c) Le produit des racines vaut −d/a. Donc ce produit est nul si et seulement si d = 0. Si d 6= 0, le polynôme n’admet pas la racine nulle. Alors, en réduisant au même dénominateur, 1 1 z1 z 2 + z 2 z3 + z3 z 1 c 1 + + = =− . z1 z2 z3 z1 z2 z2 d 3. Si l’on effectue une division euclidienne A = BQ + R, on constate que α est à la fois racine de A et de B, si et seulement si α est à la fois racine de B et de R. On utilise cette propriété dans les calculs suivants. a) Effectuons la division euclidienne de P par Q. 2X 4 +X 3 −X 2 +2X −1 4X 3 +4X 2 −X −1 4 3 2 −2X −2X +X /2 +X/2 X/2 −1/4 −X 3 −X 2 /2 +5X/2 −1 X3 +X 2 −X/4 −1/4 X 2 /2 +9X/4 −5/4 Donc 2X 4 + X 3 − X 2 + 2X − 1 = (X/2 − 1/4)(4X 3 + 4X 2 − X − 1) + X 2 /2 + 9X/4 − 5/4 . 5 Il en résulte que α est racine de P et de Q, si et seulement si elle est racine de Q et de X 2 /2 + 9X/4 − 5/4, ou, en multipliant par 4, de Q et de R(X) = 2X 2 + 9X − 5. Effectuons la division euclidienne de Q par R. 4X 3 +4X 2 −X −1 2X 2 +9X −5 3 2 −4X −18X +10X 2X −7 −14X 2 +9X −1 14X 2 +63X −35 72X −36 Donc 4X 3 + 4X 2 − X − 1 = (2X − 7)(2X 2 + 9X − 5) + 72X − 36 . Le polynôme 72X − 36 a pour racine 1/2. et l’on vérifie que 1/2 est racine de 2X 2 + 9X − 5. Alors, 1/2 est racine de 4X 3 + 4X 2 − X − 1 et de 2X 2 + 9X − 5, puis de A et de B. b) On utilise la même technique que ci-dessus. Effectuons la division euclidienne de P par Q. X4 −(1 + i)X 3 +X 2 +(1 + i)X −2 X 3 +(2 + 2i)X 2 +2iX −1 4 3 2 −X −(2 + 2i)X −2iX +X X −3 − 3i −(3 + 3i)X 3 +(1 − 2i)X 2 +(2 + i)X −2 (3 + 3i)X 3 +12iX 2 +(−6 + 6i)X −3 − 3i (1 + 10i)X 2 +(−4 + 7i)X −5 − 3i Il en résulte que α est racine de P et de Q, si et seulement si elle est racine de Q et de R(X) = (1 + 10i)X 2 + (−4 + 7i)X − 5 − 3i. Effectuons la division euclidienne de Q par R. X3 −X 3 +(2 + 2i)X 2 − −4 + 7i 2 X 1 + 10i + −14 + 15i 2 X 1 + 10i 14 − 15i 2 X 1 + 10i −1 +2iX + − 5 + 3i X 1 + 10i (1 + 10i)X 2 +(−4 + 7i)X −5 − 3i X 1 + 10i −15 + 5i X 1 + 10i + −14 + 15i (1 + 10i)2 −1 (−4 + 7i)(−14 + 15i) (5 + 3i)(−14 + 15i) X + 2 (1 + 10i) (1 + 10i)2 −16 + 13i X (1 + 10i)2 + −16 + 13i (1 + 10i)2 −16 + 13i (X + 1), et a pour racine −1. On vérifie alors que −1 est racine (1 + 10i)2 de (1 + 10i)X 2 + (−4 + 7i)X − 5 − 3i. Alors, −1 est racine de (1 + 10i)X 2 + (−4 + 7i)X − 5 − 3i Le reste vaut donc 6 et de Q, puis de P et de Q. 4. a) Le nombre rationnel α = p (où p et q sont entiers et q 6= 0), est racine du polynôme q P (X) = qX − p. b) Le nombre a + √ b est racine de √ √ P (X) = (X − a + b)(X − a − b) = (X − a)2 − b = X 2 − 2aX + a2 − b , √ et a + i b est racine de √ √ P (X) = (X − a + i b)(X − a − i b) = (X − a)2 + b = X 2 − 2aX + a2 + b , qui sont des polynômes à coefficients entiers. c) Soit α une racine non nulle du polynôme P (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n . Si a0 = · · · = aq = 0, et aq+1 6= 0, le nombre α serait aussi racine de Q(X) = aq+1 + · · · + an X n−q . On peut donc se ramener au cas où le terme constant n’est pas nul. On suppose donc que α est racine de P (X) = a0 + a1 X + · · · + an X n avec a0 et an non nuls. Alors R(X) = X n P (1/X) = a0 X n + a1 X n−1 + · · · + an , est encore un polynôme à coefficients entiers, et 1 1 R = n P (α) = 0 . α α Donc 1/α est racine du polynôme R dont les coefficients sont entiers. C’est bien un nombre algébrique. d) On suppose que α est racine du polynôme P (X) à coefficients entiers. Alors si ω est une racine n−ième de α P (ω n ) = P (α) = 0 . Il en résulte que ω est racine du polynôme P (X n ) qui est aussi à coefficients entiers. C’est bien un nombre algébrique. e) Si l’on développe, on obtient P (X) = (X 2 − α12 )(X 2 − α22 ) = X 4 − (α12 + α22 )X 2 + α12 α22 . Mais √ √ √ √ α12 + α22 = (a + 2 a b + b) + (a − 2 a b + b) = 2a + 2b , et α12 α22 = (α1 α2 )2 = (a − b)2 . Donc P (X) = X 4 − 2(a + b)X 2 + (a − b)2 , et c’est un polynôme à coefficients entiers. Alors α1 est racine de P . C’est donc un nombre algébrique. 7 f) Si P (X) = aX 3 + bX 2 + cX + d, on a obtenu dans l’exercice 2) α12 + α22 + α32 = b2 − 2ac . a2 On obtient immédiatement α12 α22 α32 = (α1 α2 α3 )2 = d2 . a2 Enfin α12 α22 + α22 α32 + α32 α12 = (α1 α2 + α2 α3 + α3 α1 )2 − 2(α12 α2 α3 + α1 α22 α3 + α1 α2 α32 ) = (α1 α2 + α2 α3 + α3 α1 )2 − 2α1 α2 α3 (α1 + α2 + α3 ) c 2 bd = −2 a aa c2 − 2bd = . a2 Alors (X − α12 )(X − α22 )(X − α32 ) = X 3 − b2 − 2ac 2 c2 − 2bd d2 X + X − . a2 a2 a2 Donc en multipliant par a2 , les nombres αk2 sont racines du polynôme à coefficients entiers : Q(X) = a2 X 3 − (b2 − 2ac)X 2 + (c2 − 2bd)X − d2 . Il en résulte que ces nombres sont algébriques. 8