La recherche de l’agent causal a été à la base du succès de la lutte contre la plupart
des maladies infectieuses. On aurait pu penser que l’acquisition des outils néces-
saires pour détecter la présence des papillomavirus humains (HPV) aurait été sui-
vie rapidement d’une large utilisation de ces tests pour détecter les femmes à haut
risque de néoplasies cervicales présentes ou à venir. Cependant, bien que des sondes
moléculaires pour la recherche des HPV aient été disponibles dès 1983, les méde-
cins ne se sont pas intéressés tout de suite aux applications cliniques potentielles de
ces tests. La raison de ce désintérêt réside, en partie tout au moins, dans les concep-
tions erronées créées par les premières études de PCR qui utilisaient des modalités
très imprécises. Ceci a conduit à des publications montrant une faible sensibilité,
une spécificité médiocre et à des estimations considérablement atténuées quant à la
relation entre l’infection à HPV, l’activité sexuelle et les néoplasies cervicales.
Une nouvelle génération de tests HPV a permis de montrer l’étroite association
entre l’infection à HPV et le cancer invasif du col utérin. Leur forte sensibilité et
une spécificité acceptable ont été rapportées. La revue des études épidémiologiques
sur l’infection à HPV établit le rôle de ces virus comme facteur causal indépendant
des néoplasies cervicales intraépithéliales (Cervical Intraepithelial Neoplasia, CIN)
et du cancer du col. Ces données prouvent aussi la valeur potentielle du test HPV
dans le domaine clinique.
Les associations importantes, rapportées dans la littérature, peuvent être résu-
mées comme suit : des études cas-contrôles ont établi que la plupart des femmes
ayant une CIN ont un HPV détectable dans des proportions significativement plus
élevées que les contrôles ; la détection des HPV est associée à un risque de néopla-
sie cervicale au moins dix fois plus élevé que les sujets HPV négatifs ; plus la dys-
plasie a un grade élevé, plus forte est la prévalence de l’infection à HPV ; le risque
relatif d’association d’une CIN 3 avec l’HPV est de 40 ; le pourcentage des CIN at-
tribué à une infection à HPV est d’au moins 90 % ; la détection des HPV chez des
femmes ayant des frottis normaux est un facteur prédictif de risque accru de détec-
Infections génitales à HPV.
Bases fondamentales
tion de CIN futures ; enfin, le risque de progression de lésions liées aux HPV peut
être corrélé aux types viraux (1).
Étant donné l’association très forte qui existe entre les HPV et les néoplasies cer-
vicales et la possibilité que les quelques tumeurs HPV négatives puissent représen-
ter de rares exemples de détectabilité réduite, l’infection virale a été proposée comme
l’événement précurseur plus ou moins lointain susceptible de conduire au cancer
du col.
Caractéristiques des HPV. Biologie virale
Les HPV sont des virus de petite taille (de 45 à 55 nm de diamètre), non envelop-
pés, composés de 72 capsomères disposés selon une symétrie icosaédrique. Leur gé-
nome est constitué d’une molécule circulaire d’ADN double brin de 8 000 paires
de bases environ. La diversité génomique des HPV a permis d’individualiser plus
de 120 génotypes (2).
Leur classification, basée sur le génotype et l’analyse phylogénétique (fig. 1), per-
met de les différencier en fonction de leur tropisme (cutanés ou muqueux), de leur
propriété biologique et de leur potentiel oncogénique (bas risque et haut risque)
(3). Parmi les HPV cutanés, les HPV 1, 2, ou 4 sont responsables des verrues plan-
taires et palmaires. Quant aux HPV 5 et 8, ils sont majoritairement retrouvés chez
des patients atteints d’une génodermatose rare, l’épidermodysplasie verruciforme.
Parmi les HPV muqueux, les HPV dits à bas risque oncogène (HPV 6, 11) sont res-
ponsables de lésions anogénitales bénignes telles que les condylomes acuminés et
les HPV à haut risque oncogène (HPV 16, 18, 31, 45) sont associés aux lésions pré-
cancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus (tableau I). Toutefois, il n’est pas rare
de détecter plusieurs types d’HPV au sein d’une même lésion.
L’analyse comparée des séquences nucléotidiques des papillomavirus dans les
différentes espèces a révélé une organisation génétique commune. Une dizaine de
phases ouvertes de lecture ou ORF (open reading frame des Anglo-Saxons) portées
par un seul des deux brins d’ADN sont groupées en une région E (early) codant
pour des protéines non structurales et une région L (late) codant pour les protéines
de capside (fig. 2, tableau II). La région non codante (non coding region, NCR) com-
prenant 400 à 1 000 nucléotides et située entre les ORF L1 et E6/E7 est très variable.
Elle contient un site ori (site d’origine de la réplication virale), les promoteurs des
gènes précoces et des séquences de régulation de la réplication et de la transcrip-
tion. Ces séquences sont des sites reconnus par des facteurs d’origine cellulaire ou
virale.
La protéine virale E2 intervient à la fois dans la réplication et la modulation de
la transcription du génome des HPV. La réplication virale est étroitement contrô-
lée par la protéine E1, couplée à la protéine E2. L’hétérodimère E1-E2 se lie à la sé-
quence ori qui possède un site de liaison pour E1 (E1BS : E1 binding site) flanqué
lui-même de plusieurs sites de liaison pour E2 (E2BS). La protéine E2, sous forme
d’homodimère module la transcription des gènes E6/E7 ; elle bloque l’expression
de ces gènes. Les protéines E5, E6 et E7 sont impliquées dans les processus d’im-
4 Infections à papillomavirus
Infections génitales à HPV. Bases fondamentales 5
Fig. 1 - Arbre phylogénique basé sur la séquence de E6.
6 Infections à papillomavirus
Tableau I - Types d’HPV dans les lésions génitales.
Fig. 2 - Organisation du génome d’HPV 16.
Types de lésion
génitale
Types d’HPV
Moins prévalents Plus prévalents
Condylomes
acuminés 42, 44, 51, 53, 83 6,11
Lésions
intraépithéliales
18, 26, 30, 33, 34, 35, 39, 40, 42, 43, 45,51,52, 57,
58,59, 61, 62, 64, 53, 54, 55, 56, 66, 67, 68,
69, 70, 71, 73, 74, 79, 81, 82, 83, 84, 6, 11
16
Cancers cervicaux
et anogénitaux
18,31,33,35,39,45,51,52, 54, 56,
58,59, 66, 68, 69 16
mortalisation et de transformation cellulaire. La protéine L1 est la protéine majeure
de capside. Capables de s’auto-assembler en l’absence d’autres protéines virales pour
former des particules virales vides ressemblant à des capsides et dénommées VLP
(virus like particules), ces protéines L1 possèdent les mêmes épitopes conformation-
nels que la protéine native et sont hautement immunogènes. Elles sont une source
d’antigènes pour le développement de tests sérologiques ELISA et pour la produc-
tion de vaccins. La protéine L2, protéine mineure de capside, est capable de lier
l’ADN viral et de le positionner correctement au sein de la capside. En association
avec la protéine L1, elle permet l’assemblage du virus et la stabilisation de la cap-
side.
Les HPV infectent les cellules souches basales des épithéliums pluristratifiés vrai-
semblablement au profit d’une microlésion. Selon le génotype, l’entrée des virus
dans les cellules se fait par endocytose. Le transport cytosolique des particules vi-
rales emprunte alors les réseaux de microtubules et des filaments d’actine pour se
diriger vers le noyau. Enfin, la translocation de l’ADN des HPV dans le noyau cel-
lulaire nécessite le démantèlement de la capside virale (4).
Le cycle viral (fig. 3) comporte deux phases distinctes (5). La première, non pro-
ductive, est observée dans les cellules basales de l’épithélium qui conservent des pro-
priétés de division. Le nombre de génomes d’HPV atteint alors 50 à 100 copies par
noyau. Le nombre de copies d’ADN viral est ensuite maintenu dans les cellules filles
dont l’arrêt du cycle cellulaire et la différenciation, normalement observés lors de
l’ascension des cellules dans l’épithélium, sont retardés par l’infection. La réplica-
tion du génome viral se fait classiquement sous forme épisomale, sous le contrôle
des deux protéines E1 et E2. Cette réplication est à l’origine d’un effet cytopatho-
gène caractéristique des infections par HPV. La seconde phase conduit, en plus de
l’amplification des génomes viraux, à l’expression des protéines tardives et à la pro-
duction de virions. Cette phase, étroitement dépendante du processus de différen-
Infections génitales à HPV. Bases fondamentales 7
Tableau II - Rôle des protéines des papillomavirus à haut risque.
Protéine Fonction
E1
E2
E3
E4
E5
E6
E7
E8
L1
L2
Réplication de l’ADN viral
Réplication, régulation de la transcription
Pas de fonction connue
Maturation des virions
Stimulation de la prolifération cellulaire
Protéine oncogène, favorise la dégradation de la protéine p53
Protéine oncogène, favorise la dégradation de la protéine de susceptibilité au
rétinoblastome pRb
Pas de fonction connue
Protéine majeure de capside
Protéine mineure de capside
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