RICSP, 2014, n. 11, p. 1-14
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relations publiques le sont. Toutefois, aux yeux des théoriciens, les relations publiques sont
intrinsèquement reliées à l’éthique, à la responsabilité sociale et à la durabilité.
Edward L. Bernays, sans doute le tout premier théoricien des relations publiques, a
expliqué aux éducateurs membres de l’AEJMC (Association for Education in Journalism and
Mass Communication) qui s’étaient réunis en 1980 que les « relations publiques constituent
la pratique de la responsabilité sociale; elles sont la clé pour l’avenir des États-Unis1 ». En
plus de Bernays, qui associe relations publiques et responsabilité sociale, John F. Budd (un
professionnel des relations publiques très respecté à la n du XXe siècle) soutient que les
professionnels peuvent remplir les fonctions de conseillers en matière d’éthique auprès des
dirigeants d’entreprise. Ces derniers recevraient ainsi les recommandations spécialisées
qu’Earl Warren (ancien juge de la Cour suprême des États-Unis) estime nécessaires à la
prise de décision éthique. Dans Streetwise Public Relations (1992), Budd explique : « Au
sens où nous travaillons régulièrement avec des éléments intangibles comme la conance et
la réputation (des valeurs abstraites que les dirigeants d’entreprise, axés sur les chiffres, ont
du mal à évaluer), nous exauçons le vœu de Warren » (p. 87).
Ryan et Martinson (1983) ont peut-être été les premiers universitaires à appuyer l’idée
selon laquelle les praticiens des relations publiques doivent jouer le rôle de conscience
éthique pour leurs organisations. Ryan (1986) a poussé plus loin en enquêtant auprès des
praticiens an de vérier s’ils étaient d’accord; presque toutes les personnes interrogées
croyaient effectivement que les praticiens des relations publiques doivent faire ofce de
conscience d’entreprise, qu’ils doivent participer activement à la dénition du rôle social
de l’entreprise, et que ces dernières doivent tenter d’évaluer l’incidence que leurs décisions
majeures auront sur la société avant d’agir. L’Etang (2003) et Bowen (2008) ont sondé
les professionnels des relations publiques plus récemment et elles ont découvert que, non
seulement croient-ils que le rôle de conscience d’entreprise est une partie intégrante de leur
identité professionnelle, mais qu’en plus ils s’acquittent de cette responsabilité. Cependant,
les résultats des enquêtes indiquent également que les praticiens ayant reçu la formation
appropriée ou disposant des outils théoriques nécessaires sont peu nombreux.
La GAPRCM (Global Alliance for Public Relations and Communication Management) a
publié une déclaration concernant la nature de la profession intitulée Accords de Stockholm
en 2010, suivie du Mandat de Melbourne en 2012. Dans sa première déclaration, l’alliance
afrmait que les relations publiques devaient : « fournir, en temps opportun, des analyses
et des recommandations qui permettront une gouvernance efcace des relations avec
les intervenants, en misant sur la transparence, les comportements dignes de foi et une
représentation authentique et contrôlable, de manière à maintenir le “permis d’exploitation”
de l’organisation » (p. 5). Dans leur deuxième déclaration, les membres de la GAPRCM
afrmaient que : « les professionnels des relations publiques et des communications ont
pour mandat de dénir le caractère et les valeurs d’une organisation » et « d’inculquer des
comportements responsables aux personnes et aux organisations » (p. 1).
Les théoriciens de la gestion ont également suggéré que ces « responsables de l’éthique »
étaient nécessaires, mais ils sont peu nombreux à avoir compris que les professionnels
des relations publiques pouvaient remplir ce rôle. Par exemple, dans leur essai intitulé
Corporate Strategy and the Search for Ethics (1988), Freeman et Gilbert soulignent deux
« découvertes » des théoriciens de la gestion : 1) les organisations sont composées d’humains
porteurs de valeurs, et ces valeurs aident à expliquer comment les gestionnaires prennent
leurs décisions stratégiques; 2) les choix stratégiques des organisations sont inuencés
par des tierces parties (les intervenants) comme les clients, les fournisseurs, la collectivité,
1. Toutes les citations sont traduites de l’anglais.