General Henri Berthelot

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Général Henri Berthelot »
Le 16 octobre 1916.
Pour la France en guerre, 1916, est une année noire. Sur le front oriental,
la Roumanie menace de s’effondrer. Il faut remettre d’aplomb son armée. Joffre
dépêche un général à poigne.
En France, il est inconnu. En Roumanie, son nom appartient à la mémoire
collective. La figure du général Berthelot est ressuscitée par Michel Roussin, qui
fut officier de gendarmerie et officier de renseignements avant d’être directeur
de cabinet de Jacques Chirac à la Mairie de Paris, puis préfet, député et ministre.
Et amoureux d’un Etat danubien aux racines latines, depuis toujours de la
France et nourri de sa culture : Roussin était encore étudiant aux Langues
Orientales pour y apprendre le roumain quand il découvrit les aventures du
général Berthelot au détour de 1968.
Deux années plus tard, après avoir étudié les archives de cette histoire au
service historique des armées, il était envoyé en mission à Bucarest. C’était alors
la capitale d’un pays plongé dans la guerre froide en même temps, peut-on
supposer, qu’un carrefour de contacts pour des agents secrets a la recherche
d’informations. Michel Roussin avait un bon prétexte pour être sur place :
reconstituer la mission du général Berthelot.
A l’époque où commence cette histoire, la Roumanie, constitué en
royaume en 1859 avec la Valachie et une partie de la Moldavie, n’est encore
qu’un modeste Etat peuplé de 7 millions d’habitants. Ses voisins : la Bulgarie,
l’Empire Austro-hongrois, la Russie, l’Empire Ottoman, l’enferment dans un
cercle redoutable. A sa tête : un prince Ferdinand Ier, de la famille
Hohenzollern-Sigmaringen, branche ainée de la famille qui règne alors sur
l’Empire allemand.
Cette Roumanie était liée à triple-alliance ou triplice, qui unit
l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, par son roi Carol Ier, cousin du
Kaiser.
Le 3 août 1914, au
moment ou éclate la première Guerre mondiale, elle proclame sa neutralité et
rompt par conséquent son alliance. Une situation qui évolue au fil des mois,
notamment sous l’influence de Marie d’Edimbourg, petite-fille de la reine
Victoria, épouse de Ferdinand Ier, successeur de son oncle Carol Ier, décédé le
10 octobre 1914, et d’une opinion publique très favorable à la Russie et à la
France. Le peuple roumain n’a en effet oubliée ni sa formation spirituelle,
nature, ni sa culture française, ni sa contribution du Second Empire ni la
formation de son état national.
Le soldat roumain est courageux, endurant et sobre, mais mal commandé.
Pour la Roumanie, qui a rejoint le camp des Alliés comme l’Italie, le début de la
guerre se solde par un désastre. La déclaration de la guerre à l’Autriche-Hongrie
date du 17 août 1916. Dés le soir de la déclaration de guerre, la capitale,
Bucarest, est bombardée par un dirigeable allemand, que d’autres suivront au fil
des nuits. Fin septembre, des avions attaquent la ville en plein jour. La panique
gagne la population. La capitale roumaine tombera le 6 décembre 1916. Les
habitants ont pris la fuite, le roi et son gouvernement se sont repliés à Iasi, à
l’Est du pays.
Mackensen, qui commande les troupes austro-allemande, fera une entrée
triomphale dans la ville. La France s’inquiète. Joffre envoie sur place un général
qui fasse le poids : c’est Berthelot, 54 ans, haute taille et forte corpulence, bon
vivant, formé aux fonctions d’officier d’état-major. Après avoir commandé le
32e Corps d’Armée sur le front occidental, il a désormais pour mission d’assister
l’armée roumaine dont on peut craindre le pire. Il ne connait pas la Roumanie. Il
la découvre, le 16 octobre 1916, a la tête d’une mission militaire française a
laquelle se sont joints quelque 80 officiers du service de Santé. Il rejoint Iasi, la
nouvelle capitale roumaine après l’abandon de Bucarest, ou il peut mesurer
l’étendue du désastre. Victime des combats, l’armée roumaine l’est aussi du
typhus. Ils sont nombreux à succomber à cette terrible épidémie.
Quelques mois plus tard, Berthelot reçoit sur son bureau le bilan de la 4e
division roumaine : « Elle se compose de 300 officiers et 17749 hommes de
troupe. Sur cet effectif, du Ier au 28 février 1917, 4573 personnes sont entrées à
l’hôpital, 629 sont mortes. Du 1er au 7 mars, on compte 991 entrants et 292
sortants par décès. » Si cette division devait se déplacer, plus de 4000 hommes
seraient indisponibles. Prés d’un quart de l’effectif. Le colonel Pétin, chef d’étatmajor de Berthelot, rend visite a la même époque au 2e régiment d’infanterie.
Même constat accablant. L’effectif de ce régiment s’élève à 2200 hommes, 1800
sont malades… Le service de Santé roumain n’est pas mieux loti : 68 médecins
sont affectés a la 4e division : le médecin-major français constate que 43 sont
absents « sans cause bien connues ». L’armée roumaine manque de tout :
d’armes, de matériels, de véhicules. Les Alliés vont lui en fournir, via
Arkhangelsk, avec la crainte permanente de voir les Russes se servir au passage
car les fournitures doivent transiter par leur territoire, en chemin-de-fer, avant de
parvenir à destination. L’objectif : rendre opérationnelle, le plus rapidement
possible, quinze divisions avant de pouvoir passer à l’offensive.
Encore faudrait-il que le soldat retrouve le moral. Plusieurs siècles
d’occupation diverses (dont celle de la Turquie) ont fait des Roumains un peuple
passif, habitué a la soumission. L’encadrement est déficient, dépourvu d’esprit
d’initiative, prompt a s’affoler. Il faudra beaucoup de temps et de patience aux
artilleurs français pour former leurs homologues roumains à l’emploi des armes
modernes. Heureusement, Berthelot possède un atout précieux : la confiance
amicale que lui manifeste le roi Ferdinand, soutenu par la reine Marie. En
février 1917, un événement majeur bouleverse les Alliés : la révolution en
Russie. Heureusement, les nouveaux dirigeants russes proclament leur volonté
de respecter leurs engagements internationaux et de continuer à combattre les
empires centraux.
Et, en août 1917 se déroule en Roumanie la bataille de Marasesti,
opposant 26 divisions roumaines et allemandes. Miracle, cette bataille tourne à
l’avantage des roumains. L’aide alliée et le travail de revigoration de Berthelot
ont porté leurs fruits. Mais cette victoire est éphémère. Car au mois d’octobre
1917, Lénine s’empare du pouvoir, en Russie. Or, il veut la paix a tout prix, pour
consolider sa révolution.
Un message bien compris dans une armée russe a bout de souffle, saignée
à blanc par trois années de guerre. Le 15 décembre 1917, Trotski signe avec les
allemands un armistice à Brest-Litovsk qui met fin a la guerre sur le front de
l’Est. Pour la Roumanie c’est une catastrophe de plus. Privée de son allié
oriental, coupée de ses approvisionnements qui transitaient par le territoire russe,
elle se retrouve seule face à l’ennemi. A terme elle est condamnée. Elle passe
sous le protectorat des empires centraux.
Heureusement rien n’est joué à l’Ouest, ni les allemands croyant pouvoir
l’emporter définitivement grâce a leurs divisions rapatriées du front oriental. Il
n’en fut rien. L’ultime offensive de Ludendorff, au printemps 1918, tourne court
malgré une dangereuse percée initi
ale en direction de la Marne. Le 11
novembre 1918, l’Allemagne, a bout de force et dont l’Empereur vient d’être
contraint à l’abdication, capitule à Rethondes.
Les traités consécutifs à l’armistice, ceux de Neuilly et de Trianon,
apportent à la Roumanie des gains substantiels. Son territoire s’agrandit. Le 1er
décembre 1918, le roi Ferdinand revient dans sa capitale a la tête des armées
roumaines et des contingents alliés. Dans sa suite : le général Berthelot. Il a vécu
deux ans en Roumanie entrecoupée d’autres missions. Il finira sa carrière
comme gouverneur militaire de Metz, puis de Strasbourg avant de mourir à Paris
en janvier 1931.
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