portée à la démarche anthropologique. Les classements IMEC sont un état provisoire. Tâche
difficile à qui n’est pas familier de l’œuvre : les précieuses notes, feuillets semi A4 ou fiches
bristol, ne sont pas datées. Seuls leur contenu ou l’attribution d’un titre permettent de les
rapporter à la trilogie « séminaires, cours, ouvrages ». Un reclassement futur devrait
davantage se référer à la recension annuelle des travaux formulée par Georges Duby lui-
même pour l’Annuaire du Collège de France. Des distorsions dans la section intitulée
séminaires et cours (cotes 30-49 et 57-59) doivent au parti-pris de l’IMEC de faire démarrer
l’annuité à l’année civile, au mois de janvier, alors qu’il fallait adopter le tempo de l’année
universitaire. Dans certains dossiers préparatoires, le regroupement de pièces relevant de
diverses catégories et dates (notes de lecture, fiches bibliographiques, textes d’intervenants,
courriers) montre comment le thème parenté s’inscrit tôt dans le parcours avant de prendre
toute sa place dans le séminaire, les cours et les publications. Ainsi, à la cote DBY 30, sous le
titre « famille, mariage, parenté », une chemise, la troisième, intitulée « séminaire le mariage
dans la société du haut M.A. », réunit, autour d’un séminaire tenu à Aix-en-Provence, des
éléments rapportés à l’année 1958-1959 et d’autres notes rédigées après 1971, à preuve le
support papier à en-tête du Collège de France, ainsi qu’un des schémas conceptuels si
caractéristiques de la démarche. Une chemise intitulée « séminaire sur la famille,
problématique d’après Schmidt », toujours DBY 30, contient, sur des moitiés d’A4, des notes
de la main de l’auteur sur les recherches récentes de Gert Tellenbach et d’autres auteurs
germaniques et anglo-saxons à propos de la famille médiévale et, en outre, un échange avec
Roger Aubenas (1903-1989), historien et juriste bien connu des méridionalistes, spécialiste du
droit provençal, daté du 29 septembre 1958, sur l’intérêt des cartulaires d’Arles pour l’étude
de la parenté aux Xe et XIe siècles. Une autre lettre du même correspondant, du 28 décembre,
témoigne déjà du projet dubien d’une synthèse sur le droit de la famille à l’époque féodale.
Un feuillet non rapporté, tapuscrit où un paragraphe a été souligné, conseille de s’intéresser à
« une collaboration entre anthropologues d’une part, historiens et philologues de l’autre ».
Voilà pour la profondeur du thème dans le projet général. Georges Duby n’a pas frontalement
accordé de place dans ses séminaires ou ses ouvrages et articles aux anthropologues
proprement dit, tout en usant de leurs démarches et de leurs concepts. Il en a répercuté les
trouvailles. Le dialogue avec Guy Lardreau souligne très justement ce « bricolage
conceptuel », les emprunts permettant à Georges Duby d’ouvrir son champ d’étude, d’élargir
son éventail métaphorique, de séduire, pour finalement déboucher sur une réflexion sur
l’anthropologie historique, construction assise sur la lecture des textes normatifs, de la
littérature généalogique et sur des enquêtes monographiques à partir des archives. Malgré le
voisinage des anthropologues au Collège de France, dans les années 1974-1978, des membres
du Laboratoire d’anthropologie sociale n’ont participé que sporadiquement à son séminaire.
Une distance relative. Il les lisait et les citait et, si l’on n’observe aucune incidence directe des
textes d’anthropologie dans ses écrits, on observe une attention grandissante après 1973 aux
domaines constitutifs de l’anthropologie et à leur articulation : la symbolique, la parenté, la
sexualité, la maison, le corps, le privé, la perception… Georges Duby revendique une
conception globalisante de l’histoire sociale qu’il attribue à sa formation de géographe, à
l’intérêt porté aux « paysages » c’est-à-dire à « des ensembles »… aux mouvements
d’interaction de tous les facteurs. En 1984, il date son intérêt pour l’anthropologie des années
1970 : « la lecture assidue des anthropologues au moment où je travaillais sur la
trifonctionnalité […] m’a amené à considérer que les rapports de parenté intervenaient d’une
manière décisive dans les rapports de production de ce temps-là » ; un engrenage qui le
conduit à l’histoire des femmes. C’est à la fois dans une conviction intellectuelle profonde et
une distance plus que prudente – qu’explique le désir d’autonomie, de contrôle de sa
production –, que Georges Duby installe l’anthropologie au cœur de son atelier d’historien.