plus qu'autre chose,et peuvent même se démoraliser.Le toro est un ani-
mal sujet au stress.S'il se sent physiquement diminué,cela peut influer
sur son mental ».Depuis le début,on a donc pris l'habitude chez Fuente
Ymbro de préparer les toros un an à l'avance,sur terre battue,à la spartiate :
alimentation hors sol afin de tout contrôler, suivi sanitaire minutieux,
puis musculation progressive.« Une fois qu'ils ont leur poids d'adulte,
faire courir les toros permet de les muscler tout en travaillant leur toni-
cité et leur endurance.Plus que la violence de l'effort demandé,c'est sa
répétition qui importe ».Trois fois par semaine,par lots d'une vingtaine,
tous les toros et novillos qui seront lidiés l'année suivante parcourent
donc le « taurodrome » de terre. Deux tours, trois kilomètres en tout.
« Et au début, quand je ne lidiais que des novillos, c'étaient les erales
que nous préparions ainsi… »Comment s'étonner alors de l'intérêt sus-
cité chez les aficionados par ces novillos au poil lustré, doté d'un
souffle de marathonien, de pattes de sprinters, d'une caste piquante…
ainsi que parfois aussi d'une certaine malice ? Car avec le bétail brave
rien n'est innocent.Lors de l'affrontement face au picador dans la soli-
tude du campo,ou lors des longues séances de training poussés par les
chevaux, certains apprennent plus qu'il ne conviendrait au goût des
toreros… Ce que le ganadero et son mayoral démentent d'une seule
voix : « La finca est tellement bien conditionnée que l'on diminue au
maximum les risques d'apprentissage par les toros ».Pour en apporter
la preuve,deux cavaliers se dirigent vers les enclos. Et pour montrer sa
maîtrise, Alfonso installe même devant lui sa petite sauvageonne.
Quelques borborygmes rauques, et les plus paresseux se lèvent.
Attendri par la beauté de ses toros, Ricardo Gallardo les regarde
s'ébrouer. La poussière dont ils se recouvrent pour se protéger des
mouches retombe en cascade de leurs dos.Les deux cavaliers manoeu-
vrent au pas,regroupent la troupe dans un coin de l'enclos,puis la pous-
sent vers le grand portail d'angle.Il est 20heures.41°.Ricardo a réfléchi
toute la journée en vendant des meubles. Les deux becerros tientés le
matin par Perera auront droit à dix vaches chacun. Borja est d'accord
avec lui.Une voix plus forte, et le commando se met en branle.Au trot
d'abord,puis dans un galop léger.Le soleil couchant pare les toros d'une
auréole dorée tamisée par un voile de poussière.Un faucon fauve plane
au-dessus des enclos. Le vieux semental jabonero s'éloigne en bou-
gonnant de son laurier rose et Ricardo Gallardo contemple en souriant
son fleuve brave qui se prépare à déferler ■