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UdPPC AIC-2011 - dossier n°11a - Présentation 14/03/2011
L’élément Polonium
Po (Z = 84)
Robert Guillaumont
Un élément éphémère…
Abondance dans la nature
Le polonium est un radioélément, 25 isotopes aux propriétés nucléaires variées sont connus (192 <
A < 218). Plusieurs isotopes du polonium existent dans les minerais d’uranium U (A = 218, 214,
215, 210) et de thorium Th (A = 212, 216) ils sont en équilibre séculaire avec 238U, 235U ou
232Th si les minerais ne sont pas altérés. On en trouve certains ailleurs, dans la nature, comme
descendants des isotopes du radon, Rn, omniprésent dans l’atmosphère en raison de l’exhalaison
des terrains renfermant de l’uranium et du thorium (218Po puis des années plus tard 210Po).
D’autres sources existent, naturelles (volcans, grands incendies de la biomasse) ou artificielle
(activités de forage, industries des phosphates et de l’uranium, centrales au charbon). Le seul
isotope naturel important est 210Po car sa période de 140 jours permet une certaine accumulation
(74 microgrammes par tonne de U naturel). Sa découverte dans la pechblende de Joachimsthal
par Pierre et Marie Curie en 1898 est célèbre. Les rares quantités de 210 Po couramment séparées
des minerais de U n’ont jamais passé le milligramme (0,1 mg en 1910, puis plus ensuite). Un lot
exceptionnel de 9 mg a été obtenu aux USA à partir de 37 tonnes de résidus de l’extraction
d’uranium (1956). Les sources classiques de 210Po au laboratoire sont les solutions de lavage
légèrement acides des vieilles ampoules de radium ou de radon qui contiennent 212Pb (période de
22 ans), lequel génère 210Po. Les isotopes artificiels 208Po et 209Po synthétisés par irradiation de
209Bi avec les protons d’un cyclotron, qui ont des périodes de 2,9 ans et 100 ans restent une
curiosité. Depuis que l’on dispose de réacteurs nucléaires comme intense source de neutrons on
prépare 210Po jusqu’à l’échelle du milligramme selon la séquence nucléaire : 209Bi (n, gamma) 210Bi,
bêta moins, 210Po. La première synthèse a toutefois été réalisée dès 1936 avec une source de
neutron 210Po/Be. On récupère simplement 210Po par volatilisation en chauffant le Bi irradié à
700°C ou en le dissolvant dans l’acide chlorhydrique puis en le précipitant à l’état élémentaire par
dépôt spontané ou réduction. 210Po est un émetteur alpha (5,3 MeV) quasiment pur (1,25 quantum
de 0,8 Mev/100 kBq) donnant 206Pb stable, situation unique en radioactivité. Il est donc
pratiquement indétectable par les détecteurs classiques de rayonnements.
Propriétés physicochimiques
Les propriétés physicochimiques du polonium ont été essentiellement établies par les méthodes
de la radiochimie sur des quantités impondérables de l’élément, par manque de quantités
significatives séparées mais aussi à cause de l’activité spécifique élevée de 210Po (4,5 kCi/g ou
0,16 EBq/g, 140 W/g) qui conduit à de très forts effets de radiolyse. Le Polonium est
l’homologue du tellure, Te, mais son comportement chimique est beaucoup moins bien connu que
celui du tellure et il reste limité à une chimie élémentaire qualitative.
Le métal gris-argent (jaune à rouge en couche mince) est mou. On l’obtient par décomposition de
PoS à 275 °C ou par d’autres voies de dépôts sur une surface métallique. Il a deux formes
allotropiques (cubique jusqu’à 36 °C puis rhomboédrique jusqu’à la fusion à 254°C en couche
mince). La température d'ébullition est évaluée à 962 0C. Il se vaporise à des températures
dépendant du support sur lequel il est déposé (100 à 500 °C) et peut être ainsi transporsous
vide en phase vapeur. Le métal est soluble dans l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique
concentrés.
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Il forme avec O2 deux oxydes, PoO (noir) et PoO2 (jaune) et avec Cl2 et Br2 les halogénures PoX4.
PoCl2 est un solide rouge foncé. Un hydrure PoH2 est connu. Tous ces composés sont plus ou moins
solubles dans l’eau, les acides et les bases. Le sulfure PoS est obtenu en traitant une solution
chlorhydrique de Po(IV) par H2S. Divers poloniures solides ont épréparés (degré d’oxydation
du Po : 2-)
En solution aqueuse les degrés d’oxydation courants sont 4+ (polonites dans l’ancienne
nomenclature) et 2+ (hypo-polonites). Le plus stable est le 4+. Po(VI) (polonates) peut être
obtenu transitoirement. Pour des raisons de préparation de sources de 210Po c’est la chimie en
solution qui a été la plus étudiée.
L’hydroxyde de Po(IV) précipite en milieu non complexant par simple dilution d’une solution acide
et il est amphotère. Avec H+ il donne des ions hydroxo Po(OH)x(4-x)+ et avec OH- des anions
polonites. PoO32- serait présent dès les pH supérieurs à 7 et prédominant en milieu basique.
Cette forme existerait ou coexisterait avec PoO(OH)2 dans les milieux aquatiques naturels.
Po(IV) donne des complexes hexa-coordonnés en milieux complexants (par exemple PoCl62- ) et
des sels alcalins correspondants sont connus (M2PoX6). Dans les solutions de Po(IV) très diluées
en élément et peu acides la formation de colloïdes (ou de pseudo-colloïdes) est inéluctable et
rapide (le premier colloïde jamais décrit est un colloïde de Po visualisé par autoradiographie en
1929). Le comportement du Po peut être alors aléatoire et dicté par les autres éléments
présents dans les solutions (sorptions et coprécipitations). Po(IV) est réduit en Po(II) par N2H2,
C2O4H 2 ou SO2 et les réducteurs plus forts comme SnCl2 donnent Po métallique. Durant une
électrolyse le Po(IV) se dépose à la cathode et/ou à l’anode mais alors probablement sous forme
d’oxoperoxyde : PoO3 . Le comportement électrochimique de Po a été très étudié pour obtenir
des sources sans matière par électrodéposition. Il se dépose spontanément sur l’argent métal (et
d’autres métaux Ni, Pd, Pt, Bi) en milieu faiblement acide et en très faible concentration ce qui
est moyen très commode pour le récupérer des solutions extrêmement diluées (E[Po/Po(IV)] =
0,77 V en milieu acide nitrique) et de préparer des sources. Po(IV) est oxydé par Ce(IV) ou
Cr2O7K2 en Po(VI) sauf en quantité pondérable car il s’auto-réduit alors par radiolyse
(E[Po(IV)/Po(VI)] = 1,55 V en milieu acide chlorhydrique 6M).
Toxicité
210Po est un poison d’une extrême radiotoxicité : moins de 10 microgrammes suffisent largement
à tuer un humain adulte. Il passe rapidement dans le sang et se concentre dans certains organes
(foie, rate, rein et os). Sa période biologique est de 50 jours. Les facteurs de dose par ingestion
et inhalation sont de 1,2 et 4,3 microSievert/Bq. Il faut donc ingérer ou inhalé très peu de 210Po
pour atteindre une dose annuelle de 1 milliSievert/an (ingestion de 5 10-12 g) ou subir une
irradiation nérale de quelques Grays (2 à 3 microgrammes), qui est thale. Plusieurs accidents
sont connus ainsi que le célèbre meurtre de Litvinenko en 2006. En raison de l’utilisation
d’engrais à base de phosphate qui contient des traces infimes de 210Po le tabac en contient
également. La toxicité du Po dans la fumée inhalée provient du tabac mais aussi des aérosols de
l’air sur lesquels l’oxyde de 218Po (et ses descendants) provenant de la décroissance du Rn s’est
fixé. Avec la chaleur il est rapidement volatilisé et va dans les poumons.
En raison de cette radiotoxicité la distribution du Po dans tous les compartiments de
l’environnement a été mesurée ainsi que les transferts entre végétaux, animaux et homme. C’est
un élément peu mobile dans la géosphère en raison de la forte hydrolyse de Po(IV). La voie
d’entrée dans les plantes se fait par les feuilles il reste (pas de translocation). Il passe
ensuite dans les animaux. Les animaux marins le concentrent dans certains organes.
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Utilisations
210Po a été utilisé comme source de rayonnement alpha entre 1898 et 1940 (sources jusqu’à
quelques GBq, la limite de dépôt adhérent au support du 210Po est de quelques
microgrammes/cm2). Il a ainsi contribué à d’importantes découvertes (noyau de l’atome,
existence du neutron, radioactivité artificielle, fission nucléaire). Il est utilisé pour éliminer les
charges statiques dans divers dispositifs (pouvoir ionisant de dizaines de MBq de 210Po) et pour
fabriquer d’intenses sources de neutrons Po/Be initiatrice de réaction de fission (premières
armes atomiques comme Trinity et réacteurs nucléaires). Son usage comme source d’énergie
thermo électrique à basse tension dans le spatial est restée très modérée (robot russe Lunokhod
sur la lune, 1970) .
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