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 « 7 Milliards de Voisins, On est ensemble » Transcription de l’émission de radio Partie 1: Emmanuelle Bastide : Bienvenue, si vous nous rejoignez, la suite de 7 Milliards de Voisins consacré aux images chocs et autres publicités qui font scandale avec Sylvain Parasi dans le studio. Vous êtes sociologue et vous avez retracé l’histoire de la publicité dans un livre qui s’appelle « Et maintenant une page de pub ». Emmanuel Pierrat au téléphone avec nous, vous êtes avocat spécialiste de la censure et vous publiez un livre album : « 100 images qui ont fait scandale. » Partie 2: Emmanuelle Bastide : On était en train de discuter du scandale des fameuses pubs Benetton, Emmanuel Pierrat, qui sont en fait des coups, hein, des coups médiatiques… heu… vraiment très très savamment orchestrés par la marque italienne. Quelles sont aujourd’hui les images qui font le plus l’objet de procès, de procédures juridiques, Emmanuel Pierrat? Emmanuel Pierrat : Aujourd’hui je pense qu’il y a une montée très importante sur les thèmes de la santé, sur les thèmes de la mort aussi, deux choses qui sont assez corrélées Que ce soit dans la publicité d’ailleurs, ou dans d’autres types de media : des affiches de films, des pochettes de disque, tout un tas d’images qui peuvent passer sur des jeux vidéos ou ainsi de suite… Emmanuelle Bastide : Sachant qu’une affiche de film ou une pochette de disque, c’est finalement quand même, c’est un message commercial, c’est « allez voir le film » donc ça peut s’assimiler à une publicité d’une certain façon? Emmanuel Pierrat : Oui bien sûr, ça peut s’assimiler à une publicité, puis on a des publicités, on a des affiches de…des publicités pour des films qui ne sont pas la reprise de l’affiche du film, donc des publicités qui sont faites sur un format particulier destiné à vanter les mérites du films et qui ne sont pas celles que l’on voit accrochées sur la devanture du cinéma, donc on a des publicités pour des produit culturels… mais ce qui m’intéresse c’est de voir comment depuis quelques années les..des thèmes ou des types d’images, par exemple la cigarette ou l’alcool, ont peu à peu disparu de ces affiches ou des ces images en quelque sorte, comment également l’anorexie… Anderson Language Technology Center | French Refresher| CU Boulder Emmanuelle Bastide : Ben, parce qu’il y a les lois … les lois de santé publique qui interdisent de …c’est ça d’inciter à fumer ou à boire. Emmanuel Pierrat : Oui, il y a des lois de santé publique qui interdisent de montrer…alors en France on appelle ça la loi Évin, du nom du Ministre de la Santé de l’époque qui avait fait passer au Parlement la loi interdisant la promotion de la cigarette, et on va dire par une sorte d’extrapolation juridique, on en arrive aujourd’hui à considérer que… une affiche montrant par exemple, Jacques Tati en train de fumer… heu… Jean Paul Sartre pour une expo à la Bibliothèque Nationale de France avec …en train de fumer son mégot, etc., seraient des incitations à consommer du tabac… donc des problèmes de santé publique, on en arrive à considérer que montrer des bouteilles d’alcool est un problème également de santé publique …heu et ainsi de suite …jusqu’ à des affiches qui provoquent aujourd’hui ou des publicités qui provoquent également des indignations et des retraits et des procès qui vont depuis l’anorexie, je ne sais pas si vous vous souvenez de cette publicité qui a été faite l’année dernière ou il y a deux ans … heu avec cette jeune femme, ce mannequin totalement anorexique, c’était pour une autre marque de vêtement que Benetton, heu …donc depuis d’ailleurs, elle en est morte de cette anorexie… c’était une image extrêmement choquante ou extrêmement forte, heu en Angleterre, heu, ces derniers mois a été retiré une publicité avec une jeune fille, heu pour des vêtements qui pose assise sur des rails de chemin de fer, comme si elle attendait heu, la mort, comme si elle tentait de se suicider en quelque sorte. Donc nous sommes arrivés dans une société ou on ne montre finalement plus que des individus qui sont sains de corps, à défaut de l’être d’esprit (rire), c’est à dire qui sont en parfaite santé, qui mangent un nombre de fruits et légumes par jour suffisant, qui ne fument pas, qui ne boivent pas, qui ne sont ni obèses ni décharnés, qui ne pensent pas à la mort et surtout qui ne meurent pas. Partie 3 : Emmanuelle Bastide : Silvain Paras… Emmanuel Pierrat : Vous ne voyez plus de mort… Emmanuelle Bastide : Ouais, Silvain Parasi vous vous partagez cette analyse ? La publicité se serait aseptisée en quelque sorte ? Silvain Parasi : Heu, c’est à dire que je suis entièrement d’accord avec ce constat, hein, il y a effectivement une montée en puissance de ces questions de santé, à ce point je voudrais simplement… Emmanuelle Bastide : Plus que finalement la religion, ca peut paraître étonnant mais on pourrait penser qu’il y a plus de procès pour des publicités scandaleuses qui utilisent la religion ? Anderson Language Technology Center | French Refresher| CU Boulder Silvain Parasi : C’est à dire que la vraie différence, c’est l’encadrement juridique, c’est à dire qu’en matière de santé, il y a tout un ensemble de réglementations et de lois de santé publique qui… Emmanuelle Bastide : Sont contraignantes… Silvain Parasi : Voilà, qui sont contraignantes, alors que pour les autres thèmes qui, je pense, sont aussi très importants aujourd’hui…La question par exemple des discriminations faites aux minorités, ca c’est une thématique qui est croissante dans la plupart de pays, heu voilà mais qui heu.. Emmanuelle Bastide : Mais qui fait l’objet d’un encadrement juridique par exemple ? Silvain Parasi : C’est à dire qu’il y a effectivement des lois qui encadrent le fait de ne pas discriminer, etc… mais c’est plus souple, l’application est plus souple, c’est un peu selon l’ère du temps . Moi je me souviens par exemple d’un cas en Grande Bretagne où l’instance qui contrôle l’ensemble des publicités faisait un peu …a publié son classement des 10 publicités qui ont le plus choqué en 2007, et bien le… Emmanuelle Bastide : En regardant les plaintes Silvain Parasi : En regardant les plaintes…C’est un nombre assez réduit de plaintes, le maximum étant de l’ordre de 800 plaintes pour la publicité qui choque le plus. La publicité qui choque le plus, heu… on rejoint les problématiques de santé puisque c’est une publicité anti-­‐tabac, hein, qui montre les choses de manière particulièrement forte. Elle choque énormément …Et tout de suite, derrière on trouve une publicité qui est accusée, c’est une publicité pour les chewing gum Cadbury, la marque britannique, heu, où on accuse… un grand nombre de téléspectateurs, accusent cette publicité d’être discriminatoire et d’utiliser le stéréotype du noir caribéen de manière particulièrement agressive. Emmanuelle Bastide : Parce qu’on voit un Noir qui mange un chewing gum, c’est ca ? Silvain Parasi : Pas seulement, qui parle, heu qui parle avec un accent particulièrement fort… Emmanuelle Bastide : Et pour la cigarette on voyait quoi ? Silvain Parasi : Dans cette publicité la, c’était pas forcement quelqu’un de très malade avec quelque chose de très ..voilà ..de particulièrement horrible. On voyait heu un hameçon planté dans la joue d’un homme. Anderson Language Technology Center | French Refresher| CU Boulder Emmanuelle Bastide : [rires] Oui effectivement, les Anglais sont beaucoup plus créatifs de ce côté là, ont parfois des idées parfois assez tordues, non ? Silvain Parasi : En tout cas, c’est une publicité, notamment la publicité télévisuelle britannique qui est une publicité qui a beaucoup de succès, qui est très inventive. Emmanuelle Bastide : Emmanuel Pierrat vous voulez réagir… Emmanuel Pierrat : Oui, juste… sur effectivement ce point où les images de santé publique ne sont pas nécessairement des images enfin des images qui posent problème et qui susciteront des plaintes, des procès, des scandales etc., ne sont pas nécessairement des images négatives …Ce qui est pourchassé à la fois, c’est d’un côté le fait de montrer effectivement les dégâts que ça peut poser mais plus généralement ce qui stigmatisé, c’est de montrer le côté jouissif ou plaisir que pourrait procurer une cigarette ou un verre d’alcool …C’est à dire que des publicités de gens bien portants en train de fumer sont considérées comme plus dangereuses et plus scandaleuses que des publicités qui montrent comme on le voit sur des paquets de cigarettes aujourd’hui dans certains pays, des poumons avec des cancers, donc le paradoxe, c’est que finalement, on pourchasse, ou on stigmatise des images de personnes qui ont l’air de tirer plaisir de quelque chose qui est autorisé dans la vie publique et réelle mais qu’il est interdit de montrer de façon figurée. Silvain Parasi : Oui tout a fait, non, simplement, un des exemples qui pour moi est tout à fait révélateur de ça c’est le fait qu’aujourd’hui on est particulièrement attentifs et on contrôle strictement la représentation des enfants qui ont un rapport compulsif ou en tout cas qui sont très attirés par un produit, par un yaourt, par un chocolat …Ca c’est quelque chose que les contrôleurs de la publicité en France notamment surveillent de très près. Mais moi, ce que je voudrais dire par rapport à ça, c’est qu’effectivement, je suis tout à fait d’accord avec Emmanuel, il y a une rupture entre ce qu’on peut faire dans la vie de tous les jours et ce qui est représenté dans la publicité, ceci dit moi en tant que sociologue, ce que je considère, c’est que ce changement, cette transformation, elle dit quelque chose de ce qui compte pour nous, en tant que société, de sujets absolument majeurs … Emmanuelle Bastide : Oui justement, quel miroir ça nous renvoit ? Silvain Parasi : En tout cas, cette question du rapport au corps, du rapport à l’alimentation, c’est un problème publique majeur qui donne lieu à beaucoup de réflexion, beaucoup de débats collectifs et voilà, moi je pense que si on est davantage choqué par ce genre de publicité aujourd’hui, c’est que ca dit quelque chose de très fort de notre rapport à l’alimentation et des limites que collectivement, on essaye de mettre dans ce rapport à l’alimentation et à la santé. Anderson Language Technology Center | French Refresher| CU Boulder Emmanuelle Bastide : Et finalement on finit par se demander : la pub nous parle ou parle de nous ? Silvain Parasi : Elle nous parle directement, je pense que pour la plupart des annonceurs, il essayent, dans cette espèce d’océan de publicités auquel on est confronté perpétuellement, ils essaient de soulever notre attention, donc d’être sur une limite un peu pour essayer de choquer, de frapper, de heurter notre sensibilité. En même temps elle nous parle parce que fondamentalement je pense que d’ailleurs la publicité Benetton est tout a fait emblématique de ça, ca permet à des associations, ou a des personnages publiques, ou a des militants ou même aux simples téléspectateurs de mettre en débat tout un ensemble de questions qui sont tout à fait importantes. Emmanuelle Bastide : Ca crée le débat. Emmanuelle Bastide : Ca crée le débat Emmanuelle Bastide : La preuve on en discute aujourd’hui ! Anderson Language Technology Center | French Refresher| CU Boulder 
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