La psychologie politique
La recherche d'une typologie politique n'a cessé de revenir sur des formes diverses. Elle
correspond, assez bien à une sorte de psychologie du quotidien ou du bon sens, chacun
reconnaît les siens, à la façon de s'habiller, de se vêtir, de parler et même de fumer
:
« Nous
pensons tous que Millerand a trahi (la gauche) et que Briand n'a point trahi. Nous voyons bien
comment il tient sa cigarette » (Meynaud et Lancelot 1964).
C'est un ouvrage à la démarche complexe qui a donné ses lettres de noblesse et ses
premiers outils méthodologiques à l'étude de la personnalité politique. La recherche d'Adorno
et de l'équipe de Berkeley, très souvent citée, quoique peu lue, est un repère stable, malgré les
nombreuses critiques dont elle a fait l'objet (Christie et Jahoda 1954, Rokeach 1960, Ray 1979).
Elle montre en fait l'existence d'un type de personnalité politique
:
l'autoritaire. Une personnali-
té fascinante, prête à participer à des mouvements antidémocratiques et sensible à la propa-
gande antisémite, dont les traits les plus caractéristiques sont
:
une morale conventionnelle, la
tendance à la soumission, des jugements stéréotypés, l'agressivité...
D'autres chercheurs ont approfondi la question, tout en formulant des critiques à l'égard
de l'expérience d'Adorno. Eysenck (1954) introduit une approche bidimensionnelle (dur-
tendre et extrémiste-conservateur), Wilson (1973) montre une corrélation entre son échelle
d'anxiété et l'échelle «F» d'Adorno. Par ailleurs, Frenkel-Brunswik (1949) constate une
tolérance à l'ambiguïté plus élevée chez les libéraux que chez les conservateurs, tandis que
Kreml (1977) essaie de caractériser la personnalité antiautoritaire, dont les traits sont:
anti-ordre, antipouvoir, impulsivité, introspection.
Pour Rokeach (1960-1973) le dogmatisme est une dimension générale, car la mentalité
fermée ne se rencontre pas exclusivement à droite. Le dogmatisme est une variable stylistique
structurante, une vision autoritaire de la réalité, et une attitude intolérante face à ceux qui ont
des croyances opposées. D'après cet auteur, le système fermé de croyances a pour fonction la
protection. C'est le type de solution trouvée au confluent, entre le besoin de savoir et le besoin
de se défendre de toute nouveauté, donc d'une remise en cause, qui distingue l'esprit ouvert de
l'esprit fermé. La référence à Machiavel est directe dans l'expérience de Christie et Geis (1970).
Pour ces chercheurs la coupure introduite par le Florentin dans sa conception de la politique
:
morale d'un côté et politique de l'autre, est repérable au niveau psychologique. Le sujet
machiavélien donne une grande priorité au pragmatisme sur la morale. Il est calme, non
personnel, peu sensible aux idéologies et aux conventions, il aime la concurrence, n'a pas
d'émotion
;
il prend plaisir au jeu de la manipulation d'autrui, et résiste à l'influence sociale,
autrement dit, c'est un « politique ».
Enfin, le psychologue peut se demander si les questions sur la personnalité politique ne
sont pas à poser au niveau de l'État. En effet, l'homme d'État est un politique auquel son rang
lui confère une puissance considérable. De ce fait, l'homme d'État investit l'État, de même qu'il
est investi par lui. Quelques travaux sur les présidents américains (Hermann 1977, Kinder et
Fiske 1986) font alors penser qu'il est raisonnable de s'interroger sur l'influence de l'État, donc
du commandement exercé sur les citoyens.
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