ALEXANDRE DARGOMIJSKI ET LA VIE MUSICALE EN RUSSIE AU

publicité
ALEXANDRE DARGOMIJSKI
ET
LA VIE MUSICALE EN RUSSIE
AU XI Xe SIECLE (1813-1869)
Vers l'affirmation d'une école nationale avec
La Roussalka (1856)
Collection Univers Musical
dirigée par Anne-Marie Green
La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux
qui produisent des études tant d'analyse que de synthèse concernant le
domaine musical.
Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de
promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en
éveil la réflexion sur l'ensemble des faits musicaux contemporains ou
historiquement marqués.
Dernières parutions
GARANT Dominic, Tristan Murail : une expression musicale modélisée,
2001.
DALLET Sylvie et VEITL Anne, Du sonore au musical, cinquante ans
de recherches concrètes (1948-1998), 2001.
GIACCO Grazia, La notion de «figure» chez Salvatore Sciarrino, 2001.
CICCONE Louis, Les musiciens aveugles dans l'histoire, 2001.
VICHERAT Mathias, Pour une analyse textuelle du rap français, 2001.
GILLES Clotilde, Un univers musical martiniquais: les swarès bèlè du
Nord atlantique, 2001.
MAS Christian, CI. J. Rouget Lisle: une interprétation politique, entre
lettres et musique, 2001.
ROSSELOT Bernard, Aventuriers et griots, de la galère à la profession,
2001.
GUILLON Roland, Le jazz de quatre cités, hard hoppers de Chicago,
Detroit, Pittsburgh et Philadelphie, 2000.
BARAT Sylvie, Jorge Donn par le ballet du xrme siècle, 20001.
PECOT-DOUATTE Sylvie, A la recherche d'Edelmann, le musicien
guillotiné, 2001.
FAURE Michel, José Serebrier, un chef d'orchestre et compositeur à
l'aube du XX/me siècle, 2002.
Leiling Chang Melis, Métissages et résonances, 2002.
JEDRZEJEWSKI Franck, Mathématiques des systèmes acoustiques.
Tempéraments et modèles contemporains, 2002.
GOMES RIBEIRO Paula, Le drame lyrique au début du xx!me siècle.
Hystérie et Mise en Abîme, 2002.
BOYER Henri, Les cantates sacrées de Jean-Sébastien Bach, 2002.
ROY Stella-Sarah, Musique et traditions ashkénazes, 2002.
GASQUET Lisou, Gainsbourg en vers et contre tout, 2003.
GUILLON Roland, Musiciens de jazz New-Yorkais, 2003.
WALTER ZIDARIC
ALEXANDRE DARGOMIJSKI
ET
LA VIE MUSICALE EN RUSSIE
AU XIxe SIECLE (1813-1869)
Vers l'affirmation d'une école nationale avec
La Roussalka (1856)
Préface de Danièle Pistone
~L'Hannattan,2003
ISBN: 2-7475-4195-9
Je tiens à remercier Danièle Pistone pour ses précieux conseils
et sa fine relecture du manuscrit, ainsi que Jean-Christophe
Deschemin, et Pascale Thuillier pour l'aide fournie lors du
choix des exemples musicaux.
À la mémoire de Jan
et à Benoît
Assurance, audace et sérénité: telle doit être
notre devise, et telle a dû être celle de
Dargomijski, parce qu'il a apporté quelque
chose que personne avant lui n'avait
soupçonné, une chose que, de son vivant et
même depuis sa mort, on ne croit pas
vraiment possible. C'est ainsi qu'il faut aller
de l'avant, parce qu'il y a ce quelque chose.
(Lettre de Moussorgski à Rimski-Korsakov,
Saint-Pétersbourg, 23 juillet 1870)
Préface
Il est peu de travaux français consacrés à la musique
russe. Il faut donc se réjouir d'emblée de la publication de
celui-ci. Son intérêt est d'ailleurs rendu plus grand encore par
le choix du sujet et par la place qu'y tient La Roussalka, cet
opéra de 1856 encore si peu connu en France, alors que
Dargomijski est essentiellement pour nous le compositeur du
Convive de pierre, entendu à l'Opéra-Comique il y a une
quinzaine d'années et déjà bien diffusé par le disque grâce au
Chant du Monde. Mais la réussite du présent volume est due
encore davantage à la personnalité de notre collègue
Walter Zidaric, russisant et spécialiste du domaine italien,
réunissant en fait les compétences idéales pour analyser la
place de cet ouvrage dans la société pétersbourgeoise, face à
l'engouement suscité par les compositions et les prouesses
des musiciens transalpins.
Car l'auteur se livre ici à un double travail d'approche.
Le premier concerne l'analyse proprement opératique qui
montre bien comment Dargomijski réussit à rénover le genre
non seulement par le recours à des textes de grande valeur
(Pouchkine), voire en conférant un nouvel intérêt dramatique
à la scène de folie -
déjà quasi traditionnelle, mais surtout
par le retour à ce « réalisme intonatoire », à ce nouveau recitar
cantando où la musique se coule dans les inflexions de la
phrase parlée, d'une façon qui saura même plus tard servir
d'exemple à Debussy. D'autre part, il était capital également
de replacer cette évolution dans un temps où les changements
furent importants, tant en ce qui concerne les goûts musicaux
que les bouleversements sociaux (émergence d'un nouveau
public, abolition du servage...).
Qui plus est, Dargomijski nous laisse maints
témoignages de ses voyages en Europe. Il séjourna à Paris en
1844-1845, comme en 1865 ; et son regard n'épargne aucun
des travers artistiques de notre capitale. Ce sont donc
également de riches et nouvelles appréciations sur l'art
musical européen que recèlent les documents inédits traduits
dans les présentes pages.
Entre Glinka et le fameux Groupe des cinq, il
manquait en français une contribution récente à la vie et à
l'œuvre d'un des musiciens les plus méconnus de la Russie
d'autrefois; le livre de Walter Zidaric vient combler cette
lacune pour le plus grand plaisir de l'amateur comme du
spécialiste. Souhaitons-lui bonne route.
Danièle Pistone
Professeur à l'Université
de Paris-Sorbonne
10
Avaut-propos
L'idée de ce travail me fut suggérée par un ami
musicologue, aujourd'hui malheureusement disparu, fin
connaisseur d'opéra, qui m'orienta vers La Roussalka d'un
certain Alexandre Serguéiévitch Dargomijski, compositeur qui,
il y a encore quelques années, m'était totalement inconnu.
Après de longues et passionnantes recherches, j'ai abouti à
une thèse de doctorat de 3e cycle - soutenue à l'Institut
National des Langues et Civilisations Orientales de Paris
devant un jury composé de deux russisants, un comparatiste
et un musicologue -
que je présente ici dans une version
abrégée et entièrement remaniée.
Né en 1813, la même année que Verdi et Wagner,
Dargomijski n'a pas connu la même célébrité qu'eux. S'agiraitil d'une injustice historique? Malgré leurs personnalités très
différentes, des traits communs aux trois compositeurs
subsistent; tous les trois travaillèrent à la même époque
(1840-1850) au renouvellement de l'opéra, en particulier au
lien entre la parole et la musique. Leur rapport au texte du
livret se ressemble. Dargomijski et Wagner écrivirent euxmêmes leurs livrets; Verdi aussi, dans une certaine mesure,
car jusqu'à sa collaboration avec Boito il fut tyrannique avec
ses librettistes, les suivant de très près dans leur travail, leur
donnant des indications très précises sur ses exigences
scéniques et dramaturgiques et rédigeant parfois lui-même une
ébauche du livret avant qu'ils ne commencent à l'écrire. Si
Wagner s'orienta vers le mythe, concevant l'opéra comme une
œuvre grandiose et symbolique où la parole se fond avec la
musique mais où cette dernière finit par prévaloir,
Dargomijski et Verdi furent aussi très attentifs au lien entre le
texte et la musique; et si le premier tenta de reproduire le
verbe par le son, le second fut à la recherche de ce qu'il
appelait la parola scenica, capable de rendre avec netteté la
situation dramatique. Un autre point commun aux trois
compositeurs fut leur volonté de composer un opéra national,
une œuvre capable d'incarner le caractère de la nation. Cette
nécessité artistique est imputable aux événements sociohistoriques qui touchèrent les trois pays à la même époque.
En effet, l'Italie et l'Allemagne visaient leur unité nationale,
tandis qu'en Russie le développement du sentiment de
conscience nationale aspirait à l'affranchissement, dans les
arts, des modèles étrangers. En tant que synthèse des arts par
excellence, l'opéra incarna cet idéal de l'œuvre capable
d'exprimer pleinement le caractère de la nation et sans lequel
toute unité serait restée incomplète.
Dans l'empire russe, durant les années 1840-1850, la
musique nationale était bafouée par la toute-puissante
direction des théâtres impériaux qui préférait les artistes et les
opéras étrangers, italiens notamment, afin de satisfaire le goût
de la cour et des milieux nobles xénophiles. Le combat mené
par les artistes russes contre les modèles occidentaux qui
empêchaient l'épanouissement d'une culture musicale
nationale fut aussi bridé par la terrible censure et le snobisme
malveillant des aristocrates. Toutefois, la présence permanente
d'un théâtre italien à Saint-Pétersbourg - de 1844 à 1884 fut vécue comme un défi par les artistes russes, surtout à une
époque où le sentiment de conscience nationale gagnait du
terrain: l'opéra fut à la fois le produit de la maturité de l'art
musical du pays, tout en devenant un symbole national.
Dargomijski vécut à une époque de profondes
transformations pour la société russe. Durant le règne de
Nicolas 1er,caractérisé par la censure et la répression, on
assista néanmoins à la naissance de sentiments démocratiques,
bien que cette période coïncidât, approximativement, avec le
pouvoir incontesté de Guédéonov, le directeur des théâtres
impériaux, contre qui le compositeur fut contraint de mener
une lutte incessante pour faire représenter ses œuvres. Sous le
tsar Alexandre II, ensuite, on vit un certain relâchement de la
12
censure et, surtout, les réformes engagées par le pouvoir
impérial. C'est alors que fut finalement créée La Roussalka,
troisième opéra national après ceux de Glinka. Ce climat
d'ouverture favorisa aussi la naissance d'institutions
d'enseignement musical, car la musique jouait désormais un
rôle de premier plan dans la société russe et devenait, de plus
en plus, un terrain de combat idéologique contre l'ingérence
étrangère. Dargomijski prit part à toutes ces mutations, d'où
l'intérêt de sa personnalité et de son œuvre, bien que la
musique fût encore reléguée sur un plan secondaire par
rapport à la littérature ou à la peinture. Grâce à lui et à son
dernier ouvrage - Le convive de pierre - notamment, la
musique et l'opéra russes choisirent sciemment la voie
nationale, ce qui permit, par la suite, l'éclosion d'une école
musicale autonome libérée, dans la limite du possible, des
influences étrangères et, surtout, profondément originale.
La découverte de Dargomijski et de son œuvre, ainsi
que de l'imposante bibliographie le concernant, en russe bien
évidemment, n'a fait que confirmer qu'il ne s'agit pas d'un
compositeur inconnu, voire mineur, mais, bien au contraire,
d'une des grandes personnalités artistiques qui ont contribué à
l'affirmation d'une école musicale nationale en Russie au
milieu du XIXe siècle. En dehors des frontières russes,
cependant, Dargomijski demeure toujours méconnu, à
l'exception de quelques chercheurs, connaisseurs et
collectionneurs de disques. C'est pourquoi, j'espère pouvoir
contribuer un tant soit peu à sa (re)découverte grâce à cette
étude.
13
I. LES ANNÉES DE FORMATION
1.1. Les origines
familiales
et l'éducation
musicale
Alexandre Serguéiévitch Dargomijski naquit le
(2) 14 février1 1813 à Troïtski, petit village de la province de
Toula, de Sergueï Nicolaiévitch et Maria Borisovna
Kozlovskaïa. Les origines familiales de son père restent très
obscures2. Né le 9 septembre 1789, de père et mère inconnus,
ce qui était somme toute assez fréquent dans le milieu de
l'aristocratie russe de la deuxième moitié du XVIIIesiècle, sa
naissance fait l'objet de trois versions, toutes plus ou moins
vraisemblables mais aucune réellement confirmée.
La première, et en même temps la moins crédible, lie
Sergueï Nicolaiévitch à la famille du comte Ivan Ribeaupierre,
représentant de la branche suisse des Ribeaupierre, arrivé en
Russie en 1778 avec une lettre de recommandation de Voltaire
afin d'y trouver un emploi auprès de Catherine II. Cette
version est attestée par deux biographes de son fils, Ivan
Korzoukhine, et Nicolas Findeïzen3. Ce dernier, en
particulier, affirme que Sergueï Nicolaiévitch Dargomijski
«fut le fils illégitime d'un haut dignitaire de l'époque de
Catherine II, probablement le comte Ribeaupierre. Son nom de
famille dérive du nom du village Dargomijskoié, de la province
de Smolensk4 ». Pékélis a remarqué que l'inexactitude de ces
biographes est due à la confusion créée par le nom du village,
car il s'agit là d'un cas d'homonymie. Le village dans lequel
naquit Sergueï Nicolaiévitch s'appelait bien Dargomijskoié,
mais il était situé dans la province de Toula (où les
Ribeaupierre n'allèrent jamais) et non dans celle de Smolensk.
En outre, il appartenait à la famille Ladijenski.
Les deux autres versions mènent ainsi directement à
cette dernière. Nobles et grands propriétaires fonciers, les
Ladijenski possédaient de vastes domaines dans différentes
provinces: Voronej, Kalouga, Tvier, Toula, mais aucun dans
celle de Smolensk. Les descendants de cette famille
reconnurent des liens de parenté avec les Dargomijski sans
toutefois confirmer les détails de la naissance de Sergueï
Nicolaiévitch.
D'après la première de ces deux versions, ce dernier
aurait été le fils naturel du colonel d'artillerie Alexis Ladijenski
et de la baronne Anna von Stoffel, sa maîtresse et gouvernante
de ses trois enfants. Cette affirmation nous vient d'Ivan
Ladijenski, arrière-petit-fils d'Alexis Pétrovitch, et serait
confirmée par un document retrouvé dans les archives
d'Andreï Rimski-Korsakov à Saint-Pétersbourg5.
La dernière version, en revanche, indique que Sergueï
Nicolaiévitch aurait été le fils naturel de Nicolas Stroev et
d'Elizabeth Ladijenski. Nièce d'Alexis Pétrovitch, elle était la
fille du lieutenant Fiodor Pétrovitch qui possédait des terres
dans la province de Toula et, notamment, dans le district de
Bélevski. Cette ultime version des faits est aussi validée par
un des biographes du compositeur, Grigori Timoféiev, qui
affirme la tenir des proches d'Alexandre Dargomijski6.
S'il est impossible, en l'absence de documents, d'établir
laquelle de ces deux dernières versions est l'authentique, il
semble, cependant, certain que Sergueï Nicolaiévitch
Dargomijski descend de la branche de Toula des Ladijenski, et
qu'il garda toute sa vie des relations très proches avec eux,
comme le fit d'ailleurs son fils Alexandre7.
Après des études à la pension universitaire pour les
nobles de Moscou, menées jusqu'en 1806, vraisemblablement
avec l'appui financier des Ladijenski, il devint fonctionnaire au
ministère des Postes. Dans ces années-là il fit la connaissance
de la fille du prince Kozlovski, Maria Borisovna, et ils
décidèrent de se marier à la fin de 1810. Les parents de la
future épouse considéraient cette relation avec un simple
fonctionnaire comme une mésalliance8. Le mariage eut tout de
même lieu mais, en raison des relations difficiles avec les
Kozlovski, les époux quittèrent Moscou et s'installèrent, fort
probablement, dans la propriété des Ladijenski dans la
province de Toula. C'est là que naquirent leurs deux fils,
18
Erast, en 1811, et Alexandre en 1813, vraisemblablement dans
le village de Troïtski situé sur les terres de Vassili Ladijenski.
Entre 1811 et 1813 les Dargomijski ne bougèrent pas de ces
lieux, la guerre contre les armées françaises de Bonaparte
faisant rage. Quelques mois après la naissance d'Alexandre ils
se rendirent chez les Kozlovski, dans la province de
Smolensk, leurs relations s'étant entre-temps améliorées. Là,
ils se lièrent d'amitié avec le comte Alexandre Ribeaupierre,
leur voisin et parent des Kozlovski par son aïeule. Cette
coïncidence est, sans doute, à l'origine de la première version
sur la naissance du père du compositeur.
La profonde amitié qui le liait à Ribeaupierre ainsi que
ses grandes capacités personnelles, menèrent Sergueï
Nicolaiévitch à travailler avec lui, notamment lorsqu'il fut
nommé à la tête de la commission d'enquête sur la dilapidation
des sommes allouées par le gouvernement à la province de
Smolensk, complètement ruinée après la guerre contre l'année
napoléonienne. Installé à Smolensk durant les travaux de la
commission (1816-1817), il reçut honneurs et décorations à la
suite des résultats de l'enquête. L'étroite et fructueuse
collaboration avec Ribeaupierre l'amena alors à le suivre à
Saint-Pétersbourg, à la fin de 1817, lorsque ce dernier fut
nommé directeur de la Banque Commerciale d'État. C'est ainsi
que les Dargomijski9 s'installèrent définitivement dans la
capitale où, à partir du premier janvier 1818, Sergueï
Nicolaiévitch prit ses fonctions à la Banque Commerciale.
N'ayant ni titre nobiliaire ni moyens financiers
suffisants pour assurer à leurs enfants une éducation
privilégiée, les Dargomijski les firent étudier à la maison, ce
qui était une coutume fréquente à l'époque. Le jeune
Alexandre raconte qu'il n'aurait pas parlé avant l'âge de quatre
ans, au point que ses parents se demandaient s'il n'était pas
muet; et il n'aurait prononcé ses premiers mots qu'une fois à
Saint-Pétersbourg.
Parmi les instituteurs du jeune Alexandre il y eut
Nicolas PourgoldIO,et le Français Magis avec lequel il resta
19
très lié durant toute sa vie, comme en témoignent les quatre
lettres qu'il lui écrivit dans les années 1864-1865 et qui sont
conservées à Saint-Pétersbourg11. L'art occupait une place
prépondérante dans l'éducation des enfants Dargomijski. Leur
mère, Maria Borisovna, était poétesse et s'amusait à écrire des
vaudevilles et de petits opéras qui étaient ensuite joués à la
maison par ses enfants en présence des invités. La musique
fut, en effet, la discipline artistique à laquelle les parents
donnèrent le plus d'importance12, et le jeune Alexandre
commença à étudier le piano avec Louise Wohlgeboren en
181913.À partir de 1821, et jusqu'en 1828, il poursuivit ses
études avec le pianiste Adrian Danilevski. Ce dernier, qui était
aussi compositeur, se révéla un enseignant capable quoiqu'il
prît un malin plaisir à interdire formellement à son élève de
s'adonner à la composition musicale. Voilà pouquoi il détruisit
presque tous les manuscrits que le jeune Alexandre lui
montra, peut-être, comme le pensait le compositeur luimême: «Parce qu'il considérait que cela n'était pas
convenable pour un gentilhomme russe, ou bien pensait-il que
j'eusse pu mieux utiliser mon temps à travailler l'exercice de
piano qu'il m'avait donné14».
Tout en poursuivant l'étude du piano, en 1822 il
commença à apprendre le violon avec Vorontsov, violoniste
de l'orchestre de Iouchkov15. Ce choix de musiciens
professionnels pour l'éducation musicale de leur enfant laisse
à penser que les parents d'Alexandre avaient deviné ses dons
artistiques. On ne sait pas pendant combien de temps il se
consacra au violon, assez, en tout cas, pour participer à
différents ensembles, en qualité de second violon et alto. Sa
passion fervente pour la musique, ne se limitait pas à
l'interprétation;
très tôt il découvrit qu'il aimait aussi
composer16, stimulé en cela, sans doute, par les interdictions
de Danilevski. Cette passion pour la musique est d'autant
plus remarquable que le jeune Alexandre, en 1827, à l'âge de
14 ans, fut contraint, en raison des difficultés que connut son
père, de commencer à travailler.
20
Téléchargement