Labiche, Un chapeau de paille d`Italie, mise en scène Gilles Bouillon

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Un chapeau de paille d’Italie
D’EUGENE LABICHE
PAR LE CENTRE DRAMATIQUE REGIONAL DE TOURS (CDRT)
DOSSIER PEDAGOGIQUE REALISE PAR ADELINE STOFFEL, PROFESSEURE AGREGEE DE LETTRES-THEATRE
MARDI 12 MARS 2013 A 20H30 / DUREE : 2H00 / A PARTIR DE 12 ANS
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Un chapeau de paille d’Italie, Eugène Labiche
Mise en scène
Dramaturgie
Scénographie
Costumes
Lumière
Musique
Assistante mise en scène
Maquillages et coiffures
Régie Générale
Construction du décor
Gilles Bouillon
Bernard Pico
Nathalie Holt
Marc Anselmi
Michel Theuil
Alain Bruel
Albane Aubry
Eva Gorszczyk
Laurent Choquet
l'équipe technique du CDR de Tours sous la direction de PierreAlexandre Siméon
Avec
Fadinard
Frédéric Cherboeuf
Nonancourt
Jean-Luc Guitton
La Baronne
Cécile Bouillot
Tardiveau
Stéphane Comby
Beauperthuis
Xavier Guittet
Achille
Denis Léger-Milhau
Emile
Léon Napias
Vézinet
Marc Siemiatycki
ET LES COMEDIENS DU JEUNE THEATRE EN REGION CENTRE
Bobin
Clément Bertani
Clara
Camille Blouet
Anaïs
Juliette Chaigneau
Virginie
Laure Coignard
Hélène
Julie Roux
Félix
Mikael Teyssié
Femme de chambre
Charlotte Barbier
ET
Musicien
Alain Bruel
CRÉATION AU CDR DE TOURS du mercredi 10 au vendredi 26 octobre 2012.
AU THEATRE DE LA TEMPETE (PARIS 12EME) - LA CARTOUCHERIE du mercredi 14 novembre au
dimanche 16 décembre 2012.
TOURNEE NATIONALE de janvier 2013 à mai 2013.
Production : Centre Dramatique Régional de Tours.
Coproduction : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines -CDN.
Avec le soutien de la Drac Centre, la Région Centre, le Conseil Général d’Indre-et-Loire (Jeune
Théâtre en Région Centre) et la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien du
DIESE # Rhône-Alpes.
Le spectacle a été créé en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.
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SOMMAIRE
I/ LA PIECE
EUGENE LABICHE
PAGE 4
UN CHAPEAU DE PAILLE D’ITALIE
PAGES 5-7
LE GENRE DU VAUDEVILLE
PAGES 7-8
II/ LE PROJET DU CDRT
DECLARATION D’INTENTION DE GILLES BOUILLON : HORSE EATS HAT
PAGES 9-10
ENTRETIENS AVEC GILLES BOUILLON
PAGES 11-13
L’EQUIPE
PAGES 13-18
III/ QUELQUES PISTES DE TRAVAIL AVEC LA CLASSE
AVANT LA REPRESENTATION
PAGES 19-23
APRES LA REPRESENTATION
PAGES 23-26
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I/ LA PIECE
EUGENE LABICHE
Eugène Labiche naît à Paris en 1815, au sein d’une famille bourgeoise dont la
prospérité est assurée par le père, épicier et gros fabricant de sirop et de glucose de fécule.
Après des études secondaires au collège Bourbon, il obtient son baccalauréat ès
lettres et achève une licence de droit. Sa carrière littéraire débute en 1835 avec une série de
nouvelles publiées dans La Revue de France, un roman collectif – Le Bec dans l’eau – écrit
avec Auguste Lefranc et Marc-Michel, et une première pièce de théâtre, La Cuvette d’eau. Il
collabore également comme critique théâtral à La Revue du théâtre.
En 1842, il épouse Adèle Hubert, fille d’un riche meunier. Tout en menant une
activité littéraire qui rapidement lui apporte renommée et argent (il écrira 173 pièces en
quarante ans), il se lance dans les affaires et devient un riche propriétaire foncier.
En 1851, la création d’Un chapeau de paille d’Italie remporte un vif succès, qui
couronnera également L’Affaire de la rue de Lourcine (1857), Le Voyage de M. Perrichon
(1860) ou encore La Cagnotte (1864), toutes jouées dans les plus grandes salles parisiennes
de l’époque, théâtre du Gymnase et théâtre du Palais-Royal en tête.
Eugène Labiche nourrit également des ambitions politiques: en 1868, il est élu maire
de Souvigny, dans le Loir-et-Cher ; pendant la guerre de 1870, il y protège ses administrés.
Violemment opposé à la Commune de Paris, il démissionne en 1877 de ses fonctions de
maire lorsque son conseil municipal rallie le parti de la gauche.
En 1878, il publie son Théâtre complet, dans lequel il ne retient que 57 de ses
presque 200 pièces. Deux ans plus tard, il est élu à l’Académie française.
Eugène Labiche meurt à Paris en 1888.
Eugène Labiche photographié par Nadar.
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UN CHAPEAU DE PAILLE D’ITALIE
RESUME DE LA PIECE
Jamais Fadinard, jeune rentier parisien, n’aurait pu croire que la gourmandise
étourdie de son cheval pût mettre en danger le plus beau jour de sa vie. Et pourtant…
Le matin même de son mariage avec la douce et timide Hélène, Fadinard traverse à la
hâte et en cabriolet le bois de Vincennes, quand son cheval s’empare du superbe et coûteux
chapeau de paille d’Italie porté par la volage Anaïs, trop occupée à recevoir les hommages
du fringant Émile pour prêter attention à son couvre-chef. La jeune femme, terrifiée à l’idée
que son époux jaloux puisse faire le lien entre disparition du chapeau et existence avérée
d’une liaison, exige de Fadinard qu’il lui en procure un identique.
Et voilà le jeune marié qui entame une quête folle : poursuivi, pressé, acculé par une
noce qui lui réclame des comptes, des explications et un engagement solennel, Fadinard
traverse à toute allure l’atelier d’une modiste de ses conquêtes, le salon d’une baronne
férue d’art lyrique, la chambre à coucher d’une cocu atrabilaire, une place confiée aux bons
soins de la garde nationale…
Finalement, le chapeau sera remplacé, le mariage célébré, la noce conquise, mais
surtout Labiche aura convoqué, tout au long des 5 actes et avec un brio indéniable, des
quiproquos sans cesse renouvelés, une satire féroce et gaie, ainsi qu’un rire étonné et
incompressible.
LA CREATION DIFFICILE D’UN CHAPEAU DE PAILLE D’ITALIE EN 1851
Labiche n’a jamais donné jusqu’alors de vaudeville comportant plus de deux ou trois
actes. Il estime qu’il est difficile de faire rire le public pendant plus longtemps. C’est donc
une expérience singulièrement hardie que tente l’auteur, aidé par Marc-Michel, en écrivant
les cinq actes d’Un chapeau de paille d’Italie.
Charles Dormeuil, le directeur du Palais-Royal, n’a accepté qu’avec beaucoup de
difficultés de monter ce vaudeville qu’il juge trop délirant. Du moins s’arrangera-t-il pour
créer la pièce en été, en plein mois d’août. C’est une période pendant laquelle il attend non
pas de grosses recettes mais tout juste de quoi couvrir ses frais.
Cependant il va donner à Labiche les plus remarquables acteurs de sa troupe : pour le
protagoniste, ce sera Ravel, 37 ans, spécialiste des interpellations au public, des monologues
et des cascades – ce que nous appellerions des gags. Réputé pour la rapidité de son jeu,
Ravel est, si l’on en croit l’un de ses contemporains, « le plus frétillant et le plus inquiet des
acteurs : ses jambes frétillent, son nez frétille, sa voix frétille et ainsi il va frétillant sur la
scène, cherchant la toison d’or, de son sourire interrogateur avec le geste pudique d’un
jeune homme naïf auquel on fait tenir sans qu’il s’en doute de bêtes et joyeux propos ».
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Aux côtés de Ravel, pour jouer Nonancourt, le beau-père du héros, voici Paul Grassot,
51 ans, que Labiche connaît bien pour lui avoir confié le rôle principal de sa première pièce,
M. de Coyllin en 1838. Ivrogne notoire, il est affligé, note un journaliste de « la physionomie
d’un singe en colère », d’un singe pourvu de « bras d’orang-outan désarticulé », semblables
à des « fléaux »… Et Théodore de Banville le décrit comme « l’un des plus étonnants
bouffons qui aient nagé dans l’absurde comme un cygne dans l’eau pure d’un lac »… Il disait,
paraît-il, « des calembredaines avec sa bouche fendue jusqu’aux oreilles tandis que, lancé
dans l’air étonné, son grand bras simiesque menaçait le vide »…
Avec ces comédiens au jeu très extérieur, la distribution comprend trois acteurs au
comportement relativement mesuré : Amant pour jouer l’oncle Vézinet et Lhéritier qui se
charge du rôle de Beauperthuis, deux vieux routiers du Palais-Royal, sur lesquels on peut
compter.
Fin juillet et dans les premiers jours d’août, au sein de la touffeur estivale, les
répétitions ont lieu dans une atmosphère détestable. Dormeuil regrette déjà d’avoir accepté
de monter la pièce, trop burlesque à son goût. Certaines répliques lui font lever les yeux au
ciel. A d’autres il se prend la tête à deux mains puis reste prostré, dans l’attitude d’un héros
tragique accablé par le destin. Il ne sort de son silence que pour marmonner : « C’est
complètement idiot ! »
Philosophe, Labiche garde son calme et répond froidement : « C’est bien possible
mais nous ne le saurons qu’après… ». Comme il ne peut plus supporter cette atmosphère,
l’auteur quitte Paris pour prendre les eaux en Belgique, à Spa, où entre deux séances aux
thermes, il parcourt la région à cheval. Son collaborateur, Marc-Michel, reste à Paris où il a
fort à faire pour maîtriser les caprices de Ravel, la vedette de la troupe, qui lui dit par
exemple lorsqu’il lui demande de jouer de telle ou telle façon : « Oui, je ferai ce que vous me
demanderez… si la pièce va jusque-là… ». On doit même le chapitrer pour qu’il tienne ses
engagements et n’abandonne pas son rôle pendant les répétitions. Perdant patience, MarcMichel envoie message sur message à Labiche pour qu’il se débarrasse de Ravel, mais sans
parvenir à convaincre son associé. Pour celui-ci, le seul nom du comédien-vedette suffira à
rameuter les foules et il serait bien maladroit de se passer de ses services.
Quant à Dormeuil, il reste si pessimiste que le matin même de la première, le 14
août, il part pour la Normandie afin de ne pas assister au désastre. « Au moins, confie-t-il aux
machinistes, je ne verrai pas les spectateurs casser les fauteuils et en jeter les morceaux à la
tête des acteurs… »
LA RECEPTION ENTHOUSIASTE DE LA PIECE
Le soir même, Labiche, jusqu’alors honnête charpentier du vaudeville, est devenu le
maître incontesté du genre. Maintes fois les acteurs doivent s’interrompre pour que leurs
répliques ne soient pas couvertes par les rires du public. Et le lendemain survient un
événement qui sera longuement commenté par la presse : un spectateur, corpulent et
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sanguin, au teint rouge brique, est saisi d’un tel fou-rire qu’il suffoque et s’écroule sur le sol,
victime d’une attaque d’apoplexie : il est mort de rire !
Cette fois-ci, Ravel travaille sérieusement le cinquième acte qu’il croyait n’avoir
jamais à interpréter. La pièce y gagne… Si elle n’est pas jouée trois cents fois comme on l’a
dit à tort, mais 77, elle n’en reçoit pas moins un accueil triomphal de la critique aussi bien
que du public.
Jules Janin, qui pourtant n’aime guère le vaudeville, rédige un article très élogieux
dans Le Journal des Débats : « Nous nous sommes amusés comme des fous ! »
Paul de Musset, le frère du poète, écrit dans Le National : « Jamais pièce n’eut moins
de bon sens, la farce y touche au fantastique et à l’absurde. Mais ce n’est, d’un bout à l’autre
qu’un feu roulant de bonnes bêtises sur la scène, qu’un fou rire perpétuel dans la salle. »
Emile Zola célèbre ainsi Eugène Labiche : « Je citerai d’abord Un chapeau de paille
d’Italie, cette pièce qui est devenue le patron de tant de vaudevilles. Ce jour-là Monsieur
Labiche avait fait mieux que d’écrire une pièce, il avait créé un genre. L’invention était un
cadre si heureux, si souple pour contenir toutes les drôleries imaginables, que, fatalement, le
moule devait rester. Je dirai presque une trouvaille de génie, car ne crée pas un genre qui
veut. Dans notre vaudeville contemporain, on n’a encore rien imaginé de mieux, d’une
fantaisie plus folle ni plus large, d’un rire plus sain ni plus franc. »
Plus tard, Francisque Sarcey se souvenant du triomphe d’Un chapeau, l’attribuera lui
aussi en partie à la nouveauté de sa conception : il y discerne le « chef-d’œuvre d’un genre
que Labiche a créé ». Ce genre, selon lui, c’est le vaudeville de mouvement, que Labiche
substitue ou plutôt superpose au vaudeville de situation qui régnait jusqu’alors. Cette
formule dramatique allait être reprise pendant des décennies par les successeurs de Labiche
et par Labiche lui-même d’ailleurs, dans La Cagnotte, où une petite troupe de provinciaux
remplace la noce, treize ans après la création du Chapeau.
LE GENRE DU VAUDEVILLE
Le terme vaudeville apparaît au 15ème siècle. Son étymologie est incertaine : on la
rattache parfois à la ville de Vire, dans le Calvados, dont les chansons étaient réputées, d’où
Vau de Vire, c’est à dire la vallée de la Vire ; il peut également s’agir d’un composé de deux
verbes – vauder, aller et virer, tourner – renvoyant donc à un air qui tourne sur lui-même, un
air qui comporte un refrain. Le vaudeville désigne à l’époque un spectacle de chansons
comiques, mêlé d’acrobaties et de monologues. Il raconte des anecdotes satiriques et traite
des thèmes proches de ceux de la farce (infidélité conjugale, grossièretés, allusions
sexuelles).
Au 18ème siècle, le théâtre de foire exploite le genre en en développant la dimension
théâtrale. La comédie à vaudevilles est alors une pièce légère, entrecoupée de ballets et de
chansons. On utilise un air connu dont on transforme les paroles : Le Mariage de Figaro de
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Beaumarchais (1784) se termine par un vaudeville où se mêlent gaieté et satire. Le genre
donne également naissance à l’opéra comique, vaudeville dont on a davantage exploité la
partie musicale. Mais la simple comédie à vaudevilles subsiste, en donnant une part plus
importante au dialogue : elle se développe après la Révolution française, en même temps
que le mélodrame, et connaît un grand succès.
Au début du 19ème siècle, le vaudeville évolue grâce au dramaturge Eugène Scribe,
qui lui intègre une intrigue à rebondissements où éclatent des événements imprévus et où
se succèdent les quiproquos. Labiche mène le genre à sa perfection sous le second Empire,
époque triomphale du vaudeville. Meilhac et Halévy le transforment en opéra bouffe, en
accordant une grande place à la musique d’Offenbach (La Vie parisienne en 1868). A Paris
s’ouvre en 1868 le théâtre du Vaudeville, boulevard des Capucines. A la fin du siècle enfin,
Georges Feydeau poursuit la tradition du vaudeville avec des pièces à succès comme Un fil à
la patte (1894).
Plan du Théâtre du Vaudeville
Au 20ème siècle, le vaudeville s’essouffle et perd son originalité. Il survit dans le
théâtre de boulevard, mais se réduit à des pièces légères, divertissantes, au comique
souvent considéré comme facile.
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II/ LE PROJET DU CDRT
DECLARATION D’INTENTION DE GILLES BOUILLON : HORSE EATS HAT
Horse eats hat.
Horse eats hat, c’est sous ce titre traduit qu’Orson Welles met en scène Un chapeau
de paille d’Italie à Broadway, la même année où il tourne Macbeth !
Un cheval mange un chapeau et la noce s’emballe pour deux heures, à la poursuite
du chapeau volage et volant, comme d’une chimère, avec ses invités navigant sans boussole
et le beau-père qui menace à la cantonade : « tout est rompu » !
Un chapeau de paille d’Italie tient dans ce raccourci ébouriffant !
Cause minuscule, effets démesurés. J’aime cette démesure. Tout le génie de Labiche
condensé dans le mouvement d’une course poursuite effrénée, d’une tempête dans un
verre d’eau sucrée.
A toute vitesse.
Il faut aller vite.
Mal peut-être mais vite, avec quelques réussites cependant, s’amusait Claudel !
Une frénésie bondissante emporte les personnages, les mots et les choses. Une
énergie à très haute fréquence, un tempo qui ne faiblit pas. Un vertige !
On rit encore, on est déjà ailleurs. Jamais on n’avait su donner cette rapidité à
l’intrigue, ce rythme à l’écriture théâtrale, cette vitesse1 au rire. Sprint et course de fond. Un
train de cauchemar. Qui exige des acteurs une virtuosité pour jouer sur deux registres
simultanés : la précision d’une mécanique de machine infernale qui menace d’exploser à
tout instant et la vivacité, la liberté du jeu qui laisse entrevoir les dérapages oniriques d’un
cauchemar gai. Plus proche de l’humour fou des Marx Brothers encore que de Kafka ! Un
théâtre à l’estomac !
Burlesque.
J’aime entendre rire une salle de théâtre.
J’ai toujours été sensible à la façon dont le théâtre s’empare des éclats et des excès
de la farce. Entre le fou-rire et le chaos.
J’aime le burlesque, chez Molière, Thomas Bernhardt, ou chez Labiche, parce qu’il
conjugue la virtuosité verbale et l’énergie du geste, le mouvement et l’engagement
athlétique des acteurs dans le jeu, le rire irrésistible et l’audace, la violence même, et
l’extravagance qui conduit, sinon toujours au bord de la folie, du moins à la révélation
soudaine de l’inquiétante étrangeté des êtres et des choses. Un chapeau de paille d’Italie fait
feu du rêve comme du rire, avec ses coq-à-l’âne, son usage immodéré du nonsense, ses
1
Les termes soulignés sont ceux sur lesquels Gilles Bouillon insiste particulièrement dans sa note d’intention (NDLR).
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quiproquos, ses substitutions en chaîne, son stupéfiant-image, son fétichisme des objets,
son retour du refoulé et sa fantasmagorie d’univers virtuels.
Des trouvailles qui anticipent, dirait-on, les trouvailles surréalistes et celles du théâtre
de l’absurde. On pense à Ionesco, on pense à Vitrac, et ce n’est pas par hasard que le
surréaliste Philippe Soupault s’intéressait tant à Labiche ! Ce n’est pas un hasard non plus si
René Clair et Nino Rota ont tiré du génial vaudeville de Labiche, l’un, un film burlesque
(muet), l’autre un opéra (chanté). Mouvement pur et élan musical !
Un théâtre musical.
Cette noce est une fête !
Conjuguer le plaisir du théâtre et la joie de la musique.
Comme dans Cyrano de Bergerac, je retrouve avec bonheur la dimension chorale pas moins de quinze comédiens sur la scène !
Avec ses chansons, ses chœurs, sa chorégraphie, c’est un véritable musical théâtral.
Les musiciens seront sur scène et joueront en direct, les comédiens chanteront, le
compositeur Alain Bruel, avec qui je travaille depuis de nombreuses années, signera une
musique originale qui donnera « la clef de cette parade sauvage ».
L’aventure du mouvement.
Sur le plan de la scénographie (comme sur celui des costumes), loin d’une trop
minutieuse reconstitution d’époque, je préfère toujours donner de l’espace au jeu, traiter la
théâtralité du fragment. La scénographe Nathalie Holt, par son art de l’ellipse, la dimension
poétique de ses agencements, collages, couleurs, matières, donnera aux cinq décors des
cinq actes toute la fluidité que nécessite l’aventure de cette dramaturgie du mouvement,
étonnamment explosive, aux harmoniques contemporaines. « Chaque époque rêve la
suivante » ; Labiche nous fait rêver la nôtre.
La grande aventure d’une troupe.
Après Othello en 2007, Atteinte à sa vie de Martin Crimp en 2009, Peines d’amour
perdues en 2010, Cyrano de Bergerac en 2011 et en 2012, je retrouve la plupart des
comédiens ayant participé à ces grandes aventures. Avec un nouveau venu que je me réjouis
d’accueillir dans cette talentueuse « troupe », Frédéric Cherboeuf, à qui j’ai confié le rôle
titre de Fadinard, qui mènera la danse dans ce Chapeau de paille.
Gilles Bouillon
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ENTRETIENS AVEC GILLES BOUILLON
ENTRETIEN ACCORDE AU JOURNAL LA TERRASSE POUR LA CREATION DU SPECTACLE (OCTOBRE 2012)
Pourquoi choisir Labiche après l’immense succès de votre Cyrano de Bergerac ?
Gilles Bouillon : D’abord parce qu’il fallait justement sortir de l’aventure de Cyrano
de Bergerac qui a duré deux ans et laissé une empreinte très forte. Entre temps, j’ai mis en
scène Kids, et il m’a fallu choisir une nouvelle pièce. Je voulais travailler à nouveau avec
beaucoup de gens, et je voulais monter une comédie, pour le bonheur et le défi de faire rire
la salle. Un chapeau de paille d’Italie est une pièce particulière dans l’œuvre de Labiche : elle
sort du trio habituel composé par le mari, la femme et l’amant. Il s’agit d’une double coursepoursuite : un gars court après un chapeau et est lui-même poursuivi par sa noce.
Qu’est-ce qui a guidé votre lecture de la pièce ?
G. B. : Deux choses – et deux choses qui me passionnent. Labiche écrit la pièce en
1851. A la même époque, Flaubert travaille sur la bêtise et Baudelaire consacre la préface
des Fleurs du mal à la sottise. Labiche et Feydeau, comme leurs contemporains Baudelaire et
Flaubert, passent leur vie à démonter la bêtise et la sottise de cette bourgeoisie de rentiers
qui vient de vivre la débâcle de 1848. Dans Du côté de chez Swann, Swann se moque des
Verdurin et de leur soirée à Chatou : « D’abord, cette idée d’aller à Chatou ! Comme des
merciers qui viennent de fermer leur boutique ! Vraiment ces gens sont sublimes de
bourgeoisisme, ils ne doivent pas exister réellement, ils doivent sortir du théâtre de
Labiche ! » Deuxièmement, c’est la dimension cauchemardesque de cette pièce qui
m’intéresse. Le chapeau de paille d’Italie est le cauchemar de Fadinard ! Ce qui va de pair
avec la fonction des personnages de la pièce, qui sont des caractères, des apparences sans
profil, comme des cartes à jouer. Baty, qui a monté la pièce, parle de son aspect poétique, et
la définit comme un « cauchemar gai » : voilà ce qui est intéressant à essayer de montrer sur
le plateau. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire seulement une lecture sociologique ou
psychologique. Mais il est utile de savoir tout ça pour le mettre en lisière du travail de mise
en scène.
Cela posé, que reste-t-il à faire ?
G. B. : A se coltiner la difficulté de ce type de théâtre, qui suppose une virtuosité
technique incroyable ! Les répliques sont un véritable ping-pong ; chacun n’existe que dans
la réaction à l’autre ; on ne peut pas construire un personnage comme d’habitude. Il n’y a
pas un temps de repos. Ce théâtre exige une humilité terrible, car il faut être dans une
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écoute totale, dans le tac au tac, dans une virtuosité passionnante de la parole et du geste.
Le corps de l’acteur est au centre du débat, et il faut trouver un jeu corporel : on chante, on
danse et on joue. Labiche, c’est un théâtre qui ne s’assoit jamais, du mouvement pur, de la
dépense, « une tempête dans un verre d’eau sucrée », a-t-on pu dire. Et c’est peu dire qu’il
est difficile de jouer d’un instrument et de chanter dans le mouvement. Les chansons n’ont
ici rien à voir avec les songs brechtiens, par exemple ; c’est bien davantage comme à
l’opéra : quand les personnages ne peuvent plus parler, ils chantent. Et puis le maître mot,
qui commande ce mouvement perpétuel, c’est le rire : le rire à tout prix !
De quoi Labiche rit-il ?
G. B. : Labiche n’est pas méchant : il renvoie leur reflet à ses contemporains sans
foncière antipathie. En même temps, il ne fait pas de cadeau. L’attaque n’est pas frontale
mais elle est grinçante, et dévoile la bêtise. Ces personnages sont des fantoches, des
marionnettes qui s’agitent. Ce miroir déformant fait rire d’un rire presque enfantin, mais il
n’est pas dit que derrière ces quiproquos entre malentendus et malentendants, il n’y ait pas
du danger. Ce n’est sans doute pas par hasard que les dadaïstes se sont intéressés à Labiche.
Labiche, entre Dada et Kafka, peut-être ; et pas si loin de Beckett et Ionesco…
Propos recueillis par Catherine Robert.
ENTRETIEN ACCORDE AU SITE VISIOSCENE POUR LES REPRESENTATIONS AU THEATRE DE LA TEMPETE
(NOVEMBRE 2012)
J’ai mis en scène en 2011, à Tours, et ici, et en tournée nationale – on a joué plus de
200 fois – Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Ça a été très dur de sortir de cette
aventure parce que ça a été une aventure exaltante, avec des salles réceptives d’une
manière incroyable, qu’on ne pouvait pas imaginer quand on a conçu ce projet de Cyrano de
Bergerac.
Dans Cyrano de Bergerac il y avait 17 acteurs et moi, je voulais continuer à travailler
avec une grosse troupe d’acteurs. Là, sur Un chapeau de paille d’Italie il y a 16 acteurs. Ce
n’est pas exactement la même troupe que pour Cyrano de Bergerac, mais il y a une dizaine
de comédiens qui étaient déjà dans le projet Cyrano.
Et puis, après avoir ému avec Cyrano de Bergerac les foules, les salles, dans les pleurs,
dans le rire, dans l’émotion, je voulais – ça peut paraitre excessivement ambitieux – essayer
de monter un burlesque, un vaudeville, et essayer de faire rire les salles, parce que je pense
qu’il n’y a rien de plus difficile au théâtre. Et puis je pense que c’est bien, de rire, c’est aussi
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une des fonctions du théâtre : le divertissement, la comédie, d’autant plus que Labiche, ce
n’est pas rien, il y a du fond !
Dans un opéra comique, il y a du chanté et il y a du parlé ; dans un vaudeville, il y a du
parlé, et il y a du chanté, et je voulais travailler absolument cet aspect musical, avec de la
musique en direct, des acteurs qui chantent en direct.
Je voulais aussi rendre une sorte d’hommage au cinéma en noir et blanc, au
burlesque, à Laurel et Hardy, à W.C. Fields, à Charlie Chaplin évidemment, à Buster Keaton….
D’où un spectacle en noir et blanc où le corps prend une importance incroyable : les
situations sont toujours incarnées, relayées par le corps. Et quelque part, la tête a une
importance, mais le corps en prend bien davantage pour s’inscrire graphiquement et
scéniquement dans l’espace. C’était donc ça, le projet : travailler sur le burlesque, travailler
un musical qui repose beaucoup sur le nonsense, et puis travailler sur la bêtise, qui est
absolument fascinante…
L’EQUIPE
Gilles BOUILLON
Directeur du CDR de Tours, metteur en scène
En juin 2004, Gilles Bouillon, directeur du Centre Dramatique Régional de Tours, inaugure le
Nouvel Olympia avec LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ de Shakespeare ; suivront: LÉONCE ET
LENA de Büchner - DES CROCODILES DANS TES RÊVES OU SEPT PIÈCES EN UN ACTE de
Tchekhov et KACHTANKA d’après Tchekhov - HORS-JEU de Catherine Benhamou - VICTOR
OU LES ENFANTS AU POUVOIR de Roger Vitrac - OTHELLO de Shakespeare - LE JEU DE
L’AMOUR ET DU HASARD de Marivaux - ATTEINTES Á SA VIE de Martin Crimp - PEINES
D’AMOUR PERDUES de Shakespeare - KACHTANKA de Tchekhov (nouvelle version en juin
2010) – CYRANO DE BERGERAC de Rostand – KIDS de Fabrice Melquiot.
Dans le cadre du « Voyage des comédiens » (théâtre itinérant), Gilles Bouillon met en scène :
TABATABA de B.M. Koltès, SCÈNE de François Bon et LA NOCE CHEZ LES PETITS BOURGEOIS
de Brecht.
JTRC :
En 2005, grâce au soutien de la Région Centre et de la Drac Centre, il met en place au sein du
CDR de Tours le dispositif JEUNE THEÂTRE EN REGION CENTRE, affirmant le choix de la
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permanence artistique au coeur d'une Maison de Théâtre. Ce choix énonce clairement la
place centrale de l’acteur et de la troupe au coeur de son projet artistique et la volonté
d’habiter le Théâtre de manière à instaurer entre le public et les artistes, une relation
dynamique et inscrite dans la durée. Le JTRC est une véritable troupe de création et un
véritable atelier de recherche.
7 comédiens et 1 technicien, tous sortis d’une grande école nationale de Théâtre.
Ils participent à toutes les créations de Gilles Bouillon.
OPERAS :
Gilles Bouillon met en scène : ORLANDO PALADINO de Joseph Haydn, LE VIOL DE LUCRÈCE
de Benjamin Britten, MONSIEUR DE BALZAC FAIT SON THÉÂTRE sur une musique d'Isabelle
Aboulker, DIALOGUE DES CARMÉLITES de Francis Poulenc, DON GIOVANNI de Mozart,
PELLÉAS ET MÉLISANDE de Claude Debussy, LA FLÛTE ENCHANTÉE de Mozart aux Chorégies
d’Orange, JENUFA de Janacek, LA VIE PARISIENNE d’Offenbach, UN BAL MASQUÉ de Verdi,
DON GIOVANNI de Mozart (Reprise), LA BOHÊME de Puccini, LE BARBIER DE SÉVILLE de
Rossini, LE VIOL DE LUCRÈCE de Benjamin Britten (reprise), FALSTAFF de Giuseppe Verdi , LA
BOHÊME de Puccini, PELLÉAS ET MÉLISANDE de Claude Debussy (reprises), CARMEN de
Bizet (Création), ARMIDA de Haydn, DIALOGUE DES CARMÉLITES de Francis Poulenc
(reprise), TOSCA de Puccini, SIMON BOCCANEGRA de Giuseppe Verdi. En 2012 LA BOHÊME
de Puccini (Reprise) et MACBETH de Verdi (Création). En mars 2013 UN BAL MASQUÉ de
Verdi et en Avril 2013 LE BARBIER DE SÉVILLE de Rossini.
Frédéric CHERBOEUF
Formation : Conservatoire de Rouen Yves Pignot. Ecole du Théâtre National de Strasbourg
(1993/1996).
Depuis 1995, au théâtre, il a joué notamment avec : J.M. Villégier, O. Werner, S. Tranvouez,
S. Seide, C. Delattres, D. Mesguich, A. Hakim, A. Bézu, J. Osinski, S. Lecarpentier, G.P.
Couleau, E. Chailloux…
Au cinéma il tourne sous la direction de P. Ferran, C. Kahn, F. Cazeneuve, B. Jacquot…
Ecriture : «Too much fight » et « On ne me pissera pas éternellement sur la gueule » (Prix
d’écriture théâtrale 2012 de la ville de Guérande, pièce co-écrite avec J.-A. Roth).
Mise en scène : « Les Amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable » de H. Le Tellier.
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Jean-Luc GUITTON
Formation : Conservatoire National de Région de Clermont-Ferrand.
Au théâtre il a joué notamment avec : B. Castan, L. Fréchuret, J.P. Jourdain, N. Pugnard, P.
Siméon, D.Freydefont, D. Touzé, D. Lastère…
Au cinéma il tourne sous la direction de : C. Serreau, J. Marboeuf, M. Perrin, R. Garcia, C.
Duty…
Cécile BOUILLOT
Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique.
Au théâtre elle a joué notamment avec : P. Adrien, M. Didym, L.D. de Lencquesaing, G. Paris,
Mladenova/Dobchev, L. Fazer, D. Podalydes, J.P. Rossfelder, J. Lassalle, S. Maurice, P.
Guillois, J.F. Sivadier et L. Lagarde…
Et avec G. Bouillon : « Le songe d’une nuit d’été » et « Cyrano de Bergerac ».
Stéphane COMBY
Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique.
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Au théâtre il a joué notamment avec : M. Langhoff, A .M. Lazarini, R. Loyon, L. Laffargue, M.
Fagadau, M. Leris, G. Milin, N. Pivain…
Et avec G. Bouillon : « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux, « Scène » de F. Bon et
«L’éloge du cycle » de J. Jouanneau.
Au cinéma il tourne sous la direction de : G. Nicloux, M. Rosier, D. Dercourt, G. Vergez, R.
Davis, M. Seban, D. Granier-Deferre…
Xavier GUITTET
Il fonde et travaille avec la troupe de l’Emballage Théâtre.
Au théâtre il a joué notamment avec : B. Sobel, A. Zhamani et D. Lurcel…
Avec P. Siméon, il créé la Cie Ecart Théâtre et joue dans plusieurs spectacles, dont « Dernier
chant » de J-P. Siméon et aussi des pièces de A. Vvedenski, Beckett, J. Rivera, B.M. Koltès, M.
Crimp, Molière et A. Chedid.
Et avec G. Bouillon, depuis 10 ans : « Cyrano de Bergerac », « Othello », Tchekhov,
Shakespeare, Büchner, Crimp, Minyana, Beckett…
Denis LEGER- MILHAU
Formation : Conservatoire de Montpellier - Ecole Jacques Lecoq, Ecole Nationale Supérieure
d’Art Dramatique de Strasbourg
Au théâtre il a adapté et interprété la trilogie de Jules Vallès «L’Enfant », «Le Bachelier »,
«l’Insurgé », mise en scène J. Champagne. Il a mis en scène « Sur un théâtre de
marionnettes» de Kleist et « L’histoire du soldat » de Stravinsky.
Il a joué notamment avec : J. Lassalle, J.M. Villégier, P. Adrien, S. Seide, B. Sobel, E. Vigner,
W. Christie, M. Jocelyn, T. Stepantchenko, J.C. Berutti, H. Colas, D. Hurstel, J.P. Rossfelder,
J.L. Cordina, D. Lemahieu, P. Santini, P. Van Kessel …
Et avec G. Bouillon : « Cyrano de Bergerac ».
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Léon NAPIAS
Formation : Centre National de Danse Contemporaine (Angers), dirigé par A. Nikolaï. Il a suivi
une formation théâtrale avec P. Adrien, S. Seide, J.-L. Benoit et J.C. Fall.
Au théâtre il a joué notamment avec : P. Adrien, S. Braunschweig, J.-L. Thamin, L. Wurmser,
F. Dupeu, R. Cojo, J. Savary, L.Pelly, J.-L. Martin Barbaz…
Et avec G. Bouillon : « Woyzeck », « Les femmes savantes », « En attendant Godot », «Cyrano
de Bergerac ».
Marc SIEMIATYCKI
Formation : Ecole Supérieure d’art dramatique du Théâtre National de Strasbourg.
Au théâtre il a joué notamment avec : J.L. Hourdin, J.M. Villégier, C. Berling, S. Seide, J.
Champagne, A. Quesemand, X. Lemaire, S. Noyelle, B. Jaques..
Et avec G. Bouillon : « Cyrano de Bergerac ».
Il a été assistant de S. Seide pour « L’Anniversaire » de H. Pinter et « La dernière bande » de
S. Beckett.
Alain BRUEL
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Musicien poly-instrumentiste, compositeur, arrangeur et formateur.
Il a travaillé notamment avec : B. Lubat, J.-M. Padovani, J.-M. Machado, F. Laizaux, S. Roux,
C. Marti, G. Pansanel, D. Labbé Quartet, G. Chabenat, F Thuillier, J.L. Pommier, J-L. Cappozzo,
S. Boeuf, H. Haïchi, M. Passos, O. Bali…
Nombreuses tournées à l’étranger.
Depuis 2006, il compose toutes les musiques des spectacles de G. Bouillon.
Troupe permanente du J.T.R.C. (Jeune Théâtre en Région Centre)
Camille BLOUET
Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris - Elève Comédienne
de la Comédie Française - Cours Florent (Lauréate du Prix Olga Orstig).
Au théâtre elle a joué notamment avec : J.M. Ribes, E.Baer, M. Mayette, A. Arias, C. Hiegel,
P. Notte… Elle est comédienne du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Juliette CHAIGNEAU
Formation : Ecole Nationale Supérieure de la Comédie de Saint Etienne.
Au théâtre elle a joué notamment avec : Y.J. Collin, H. Loichemol, S. Purcarete, J.
Anselmino… Elle est comédienne du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Laure COIGNARD
Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Montpellier Conservatoire Régional d’Art Dramatique de Toulouse.
Au théâtre elle joue avec G. Bouillon : « Cyrano de Bergerac » et « Kids ». Elle est
comédienne du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Julie ROUX
Formation : Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris.
Au théâtre elle a joué notamment avec : A. Porteu, V. Menjou, C. Loze, H. Charton…
Elle est comédienne du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Clément BERTANI
Formation : Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier - Conservatoire National de
Région de Tours.
Au théâtre il a joué notamment avec : G. Lavaudant, J.M. Besset, B. Geslin… Et avec G.
Bouillon : « Kids ». Il est comédien du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Mikaël TEYSSIE
Formation : Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes - Arts du spectacle études théâtrales à
Toulouse.
Au théâtre il joue avec G. Bouillon : « Cyrano de Bergerac » et « Kids ». Il est comédien du
J.T.R.C. au Cdr de Tours.
Charlotte BARBIER
Formation : Conservatoire à Rayonnement Régional de Tours.
Au théâtre elle joue avec G. Bouillon : « Cyrano de Bergerac » et « Kids ».
Elle est comédienne du J.T.R.C. au Cdr de Tours.
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III/ QUELQUES PISTES DE TRAVAIL AVEC LA CLASSE
AVANT LA REPRESENTATION
1) Etablir quelques repères dans cette "folle journée" : la mécanique de la pièce.
Gilles Bouillon l’affirme : Un chapeau de paille d’Italie relève du « sprint », de la
« frénésie », et l’on ne saurait occulter cette rapidité inhérente au texte, d’autant plus que
Labiche lui-même la revendique : « Une pièce est une bête à mille pattes qui doit toujours
être en route. Si elle ralentit, le public bâille ; si elle s’arrête, il siffle ».
On montre donc aux élèves que le génie dramatique de Labiche repose sur
l’exploitation du temps et sur l’accumulation de quiproquos et de freins malvenus : le temps
de Fadinard est compté, toute la noce l’attend ; de plus, il subit sans cesse des retardements
liés à une cascade d’obstacles : la modiste est une ancienne conquête lâchement
abandonnée, la baronne le prend pour le célèbre ténor italien qu’elle a invité à sa soirée,
Beauperthuis se révèle être le mari trompé d’Anaïs…
Ce mouvement précipité, ces avalanches de quiproquos et de coups de théâtre se
doublent d’une confusion spatiale. La noce en effet se méprend constamment sur la nature
des lieux où Fadinard la conduit : la boutique de Clara est prise pour une salle de la mairie, la
chambre de Beauperthuis pour celle de Fadinard…
Enfin, les portes – parfois secondées par un paravent comme dans l’acte IV - ne
cessent de s’ouvrir et de se refermer, de laisser entrer les intrus et sortir les bienvenus, de
dissimuler et de révéler mystères et secrets : Anaïs manque d’être surprise par Virginie à la
fin de l’acte I, Achille ramène bien malgré lui Fadinard/Nisnardi devant le parterre
d’admirateurs réuni par la baronne à l’acte III….
L’univers de la pièce devient alors peu vraisemblable, le temps accéléré introduit le
spectateur dans un monde burlesque où l’espace devient de plus en plus flou, où l’on finit
par se demander où l’on est et qui est qui.
Anaïs et Emile chez Fadinard acte I
19
Toutefois, on invite les élèves à constater que Labiche, s’il aime à dépasser le
réalisme au profit du simple plaisir du jeu et de la confusion comique, n’en ponctue pas
moins la pièce de repères qui évitent de s’égarer totalement :
- chaque acte s’inscrit dans un espace précisément défini par les didascalies
liminaires, et annoncé par tout un système de prolepses : « Je cours chez la
première modiste » fin acte I, « Vite, conduisez Monsieur chez la baronne de
Champigny » fin acte II, « Et maintenant, 12, rue de Ménars » fin acte III, « 8,
place Baudoyer » fin acte IV
- des objets récurrents tissent un fil d’Ariane tout au long de la pièce : le chapeau
(de paille bien évidemment, mais aussi celui en crêpe noir de Chine), le myrte et
les souliers de Nonancourt, le chandelier, l’épingle d’Hélène….
- des leitmotive caractérisent les divers protagonistes et rappellent l’essentiel de
l’intrigue : la surdité de Vézinet, le « Mon gendre, tout est rompu ! » de
Nonancourt, la brutalité d’Emile qui casse toutes les chaises à sa portée, la
concupiscence de Bobin envers sa cousine….
2) Un « cauchemar gai » (G. Baty) : le rire.
Un chapeau de paille d’Italie se prête parfaitement à un travail sur les différents types
de comique. Gilles Bouillon souhaite avant tout faire rire les salles (voir entretien p.12-13)
avec le vaudeville de Labiche, et la classe peut aisément s’amuser à repérer tout ce qui dans
la pièce offre matière à s’esclaffer :
- le comique de mots : les patronymes cocasses (Nonancourt, Tardiveau), les jurons
et les insultes (« Cristi ! », « Sacrebleu ! », « Petite bûche ! », « Jocrisse »), les
déformations (les « pipiniéristes » de Bobin acte I)
- le comique de situation :
 méprises sur les choses (le carton à chapeau vide de l’acte V), les lieux (le
salon de Clara), les personnages (Fadinard/Nisnardi), les sentiments
(comédie amoureuse de Fadinard aux dépens de Clara), les situations
(Beauperthuis se croit victime de cambrioleurs acte IV)
 rencontres intempestives qui se succèdent jusqu’au dernier acte ; le
comique résulte non seulement de l’embarras dans lequel elles placent les
personnages mais aussi des moyens désespérés qu’ils emploient pour en
sortir toujours d’extrême justesse : mouvements surtout (fuites
récurrentes de Fadinard), parades gestuelles, parades verbales souvent
maladroites (« Que faites-vous donc, avec ce candélabre ? – Moi ? … je…
cherche mon mouchoir… »), répliques d’urgence trop naïves ou trop
ingénieuses pour être crédibles…
- le comique de gestes : suscité par les courses-poursuites incessantes, les tics des
personnages (Hélène et son épingle, la claudication de Beauperthuis et
Nonancourt), les coups (Beauperthuis lançant une bouilloire à la tête de
20
Fadinard), mais surtout investi par les corps des comédiens ; Gilles Bouillon
évoquant le cinéma en noir et blanc, la virtuosité d’un Chaplin ou d’un Keaton
(voir entretien p.13), on pourra projeter aux élèves des extraits des Temps
modernes, du Dictateur, du Mecano de la Général, mais aussi du film muet réalisé
par René Clair en 1928 Un chapeau de paille d’Italie : le travail notable
d’expression corporelle des acteurs préparera la classe à la représentation.
Buster Keaton dans Sherlock Junior (1924)
-
-
le comique de caractère, qui met en exergue et se moque d’un trait saillant du
personnage : le snobisme de la baronne, la lenteur paresseuse de l’employé
Tardiveau, la cupidité de Nonancourt…. Aucune catégorie sociale n’est épargnée
par cet art de la caricature.
le comique de répétition, récurrent comme il se doit : l’irruption de la noce, les
chaussures trop petites, Fadinard surpris en galante compagnie…
3) Un vaudeville : la musique.
Il s’agit de préparer les élèves à cette particularité du genre, à laquelle de surcroît
Gilles Bouillon est fortement attaché : Un chapeau de paille d’Italie laisse régulièrement la
place à des airs rimés et chantés.
On invite les élèves à constater que ces parties chantées sont nombreuses et peuvent
être réparties en 3 catégories : airs intimes à 2 ou 3 personnages (Fadinard et Vézinet acte I
scène 3) ; petits ensembles (Bobin et les dames acte IV scène 6) ; scènes de chœur avec
beaucoup de monde occupant le plateau, rythmant l’action et court-circuitant les scènes
intimes ou les petits ensembles par leurs entrées et leurs sorties intempestives et bruyantes
(acte II scène 5).
On leur montre également que ces chansons remplissent plusieurs fonctions, qu’elles
ne sont pas purement gratuites, qu’elles soutiennent – à l’inverse du song brechtien, outil de
distanciation - la fable :
- une fonction expressive : prolongements et commentaires des actions,
développement et amplification de jeux de scènes le plus souvent comiques
21
-
une fonction "coloriste" : la musique crée des couleurs, des ambiances
évocatrices d’univers différents
une fonction dramatique : césures, ponctuation fortes d’une pression, d’une
urgence, itérations
On laisse ensuite les élèves endosser le rôle du metteur en scène et s’interroger sur
le sort à réserver aux parties chantées : les airs qu’elles empruntent étaient connus du public
de 1851, mais cette complicité est bien évidemment impossible aujourd’hui où cette culture
commune est perdue. Que faire, dès lors ? Deux solutions peuvent germer :
- garder leur fonction première en adaptant airs et chansons à l’époque
contemporaine ; les élèves peuvent alors soumettre des propositions émanant de
leur culture musicale
- composer une musique spécifique et originale ; une collaboration avec le
professeur d’éducation musicale peut alors être envisagée afin d’initier les élèves
à la composition
Enfin, pour parfaire la préparation, on fait visionner aux élèves le vaudeville de fin du
Mariage de Figaro dans le film d’Edouard Molinaro Beaumarchais l’insolent (1996), et on
leur fait écouter quelques airs d’opéra bouffe : Offenbach, parce qu’il est abordable et
familier, peut tout à fait convenir (La Belle Hélène, La Vie parisienne).
4) Un « stupéfiant-image » (L. Aragon) : le surréalisme.
Une analyse rapide de l’affiche du spectacle permet de pénétrer plus avant encore
dans le projet conçu par Gilles Bouillon et sa troupe :
22
-
-
l’horloge insiste sur cette obsession du tempo, du mouvement poussé jusqu’au
vertige (voir déclaration d’intention p.9)
la tête de cheval renvoie à la cause première et futile de toute cette cavalcade :
l’appétit de l’animal pour la paille et les coquelicots du chapeau ; puisqu’elle
surmonte un buste d’homme en chemise et nœud papillon, cette tête rappelle
également que Labiche s’attaque dans sa pièce à la bêtise humaine ainsi qu’au
vernis hypocrite des apparences qui régit selon lui la société de son époque (sous
le smoking, les instincts bestiaux ; sous le costume amidonné, l’ignorance crasse)
la référence évidente au personnage de Bottom dans Le Songe d’une nuit d’été de
Shakespeare laisse entrer sur le plateau la possibilité du rêve, du chimérique, de
l’irréel ; or, il est courant de dire de Labiche qu’il est un précurseur du surréalisme
tant il crée des images d’une étrangeté rappelant la définition par Lautréamont
de la beauté (« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection
d’une machine à coudre et d’un parapluie ! ») : « le bâton de mes cheveux
blancs », « son premier mot fut un coup de pied, j’allais lui répondre un coup de
poing quand un regard de sa fille me fit ouvrir la main », « je greffe une de tes
oreilles », « des fourmis à chaque pointe de cheveux », « la mariée me suit dans
huit fiacres »…
APRES LA REPRESENTATION
1) « Inscrire le corps dans l’espace » (G. Bouillon).
On incite la classe à interroger la scénographie et les costumes du spectacle pour
s’assurer qu’elle a compris les choix opérés par le metteur en scène pour inscrire les corps
des personnages dans l’espace.
Plusieurs remarques relatives au décor seront certainement formulées, qui
signaleront la cohérence du parti-pris de Gilles Bouillon :
- la présence attendue de l’horloge (voir affiche p.22) impose et rappelle le diktat
du temps
- l’espace est majoritairement peu encombré, il laisse la place libre à la poursuite
(quelques chaises chez Fadinard, un escabeau et un réverbère acte V)
- le décor est mobile, s’ouvre et s’écarte : il est perméable au mouvement et
participe des effets de surprise incessants de l’intrigue
- l’espace de l’acte V, baigné de bleu et totalement ouvert, se teinte d’un onirisme
qui accompagne judicieusement l’accès de folie final
- l’espace de l’acte II, subtile évocation de l’univers des films de Jacques Demy,
participe au jeu référentiel voulu par le metteur en scène (voir hommage rendu
au cinéma p.13)
23
-
les personnages souvent semblent inscrits dans le décor : le rose de la robe de
Clara fait écho aux couleurs pastel de sa boutique, le costume de bain de
Beauperthuis s’harmonise aux rayures proustiennes de sa chambre, la robe de la
baronne participe à la décoration rouge et noire de son salon, le papier peint
marqué de chevaux et de fleurs chez Fadinard l’emprisonne dans sa propre
histoire…. Il y a là un déterminisme qui cloisonne chaque strate sociale et
enferme les personnages dans un stéréotype de classe dénoncé par la pièce
Fadinard chez la baronne acte III
On remarque également que les costumes obéissent à deux impératifs essentiels :
- une distinction nette entre les personnages de la noce (dans un camaïeu de
noir/blanc/gris) et les autres, sert et facilite la compréhension du spectateur
- un symbolisme discret (le rose de Clara qui rêve d’une idylle avec Fadinard, le
rouge et noir des invitées de la baronne qui évoque l’opéra, le blanc virginal de la
robe d’Hélène…) actualise et universalise les vêtements pourtant typés second
Empire
2) La satire du bourgeois.
La pièce ayant permis aux élèves de noter et de rire de la critique féroce exercée à
l’encontre du petit-bourgeois, on peut leur proposer un prolongement sous forme de corpus
de documents du 19ème siècle :
- l’accueil de Charles et Emma par le pharmacien Homais dans le chapitre 2 de la
2ème partie de Madame Bovary de Flaubert
- "Monsieur Prudhomme" dans les Poèmes saturniens de Verlaine
- "A la musique" dans les Poésies de Rimbaud
- l’incipit de Bouvard et Pécuchet de Flaubert
- des caricatures d’Honoré Daumier : Oncle et neveu, Les bons bourgeois
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3) Comparer des mises en scène.
Afin que les élèves comprennent qu’une mise en scène est une lecture, un parti-pris,
une réécriture particuliers et ponctuels ; que le théâtre est un « texte troué » (Anne
Ubersfeld) dès lors ouvert et disponible à divers points de vue, on leur propose de comparer
les choix de Gilles Bouillon au travail d’autres metteurs en scène : scénographie, costumes,
bande-son, traitement des objets, lumières…. laisseront apparaître des divergences ou des
correspondances qui leur prouveront la fertilité inépuisable de la pièce de Labiche.
Deux mises en scène d’Un chapeau de paille d’Italie peuvent être abordées de façon
fructueuse :
- celle du metteur en scène italien Giorgio Barberio Corsetti en 2012, qui
transforme les bourgeois de 1851 en Français moyens des années yéyé, et les
accompagne d’une musique empruntant à la fois au vibrato tzigane et au
rockabilly
Photographie de la mise en scène de Corsetti
-
celle du metteur en scène français Serge Lipszyc en 2000, qui propose une version
funèbre en noir et blanc inspirée de l’esthétique du cinéma burlesque, et recourt
au service du phrasé malicieux de la pianiste japonaise Akémi Souchay
4) Lectures.
Le spectacle peut encourager à la lecture d’autres textes :
- Le Voyage de M. Perrichon d’E. Labiche (1860), pour derechef le portrait au vitriol
du petit-bourgeois, dont Labiche aimait à dire : « Cet animal offre des ressources
sans nombre à qui sait les voir, il est inépuisable. »
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On purge bébé de G. Feydeau (1910) où la bêtise de Bastien Follavoine vaut celle
de Nonancourt, où l’adultère s’appelle également cousinage, et où ce n’est plus
un chapeau qui est ardemment désiré mais un flacon de purge
La Noce chez les petits bourgeois de B. Brecht (1926), qui profite d’un banquet de
mariage pour mettre à jour les rancœurs et faire s’effondrer (au propre comme
au figuré) les amitiés et les serments
Le Mariage de Figaro de P.A.C de Beaumarchais (1784), où l’on retrouve un
mariage en danger, un vaudeville, 5 actes au rythme effréné, la malice des
quiproquos (sous les marronniers, lors du procès…)
La Cantatrice chauve d’E. Ionesco (1950), puisque les quiproquos sont poussés
jusqu’à l’absurde (les retrouvailles de M. et Mme Martin), les identités sont
également malmenées (la bonne Mary dont le « vrai nom est Sherlock Holmes »),
et les rencontres tout autant intempestives et envahissantes (le capitaine des
pompiers)
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