Article original
LES BASES NEUROPHYSIOLOGIQUES
DES DYSFONCTIONS VERTEBRALES
NEUROPHYSIOLOGICAL GROUND-LINE
OF VERTEBRAL DYSFUNCTION
F
.Huguenin
Ex-Consultant de la clinique universitairede Médecine Physique et Rééducation de Genève
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Lesystème nerveux central fonctionne comme
le centre de tri, de modulation et d'organisation
de toutes les informations qui lui parviennent
de la périphérie (articulations, muscles, peau, vue,
oreille interne, sole plantaire) et du milieu ambiant. Il
organise les réponses aux sollicitations de l'appareil
locomoteur, module et crée les schémas comporte-
mentaux et statiques. Il répond aux dysfonctions arti-
culaires, musculaires et vertébrales par la constitution
de stéréotypes d'économie de mouvement et d'évite-
ment de la douleur.L'observation du développement
de la motricité et des acquisitions successives qui vont
de l'équilibre statique à l'équilibre dynamique, selon
les connaissances les plus récentes sur le système ner-
veux, permet la compréhension de ces relations.
The central nervous system works as the sorting,
modulating and organizing center of all the
informations reaching him from the periphery
(joints, muscles, skin, sight, internal ear, foot sole) and
of the environment. He organizes the responses to the
requests of the locomotor system, modulates and crea-
tes the behavioural and static patterns. He responds the
articular, muscular and vertebral dysfunctions by pro-
ducing stereotypes of economy of movement and pat-
terns of escaping pain. The observation of the develop-
ment of the motoricity and the successive acquisitions,
which go from the static to the dynamic balance, accor-
ding to the most recent knowledge on the nervous sys-
tem, allows the understanding of these relationships.
Resume Summary
Mots-clefs : Dysfonction vertébrale - Système nerveux central -
Appareil locomoteur - Réflexes archaïques - Equilibre - Posture.
Key-words : Vertebral dysfunction - Central nervous system -
Locomotor system - Archaic reflexes - Equilibrium - Posture.
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
Developpement de la
motricite
L’équilibre statique
Il est assuré par les informations des muscles antigra-
vitaires ainsi que par les informateurs de posture qui
envoient leurs informations aux centres nerveux d’in-
tégration automatique, principalement le labyrinthe et
se manifestent par ce que l’on appelle les réflexes
archaïques dans lesquels la tête joue dès le départ un
rôle essentiel.
Un nouveau-né que l’on suspend par les pieds ou que
l’on soutient sous la poitrine se met en extension de la
tête et en opisthotonos par stimulation de sa muscula-
ture dorsolombaire (11).
Les réflexes archaïques qui persisteront à l’âge adulte
sont observables dès la naissance :
Augmentation du tonus des extenseurs lorsque la
tête est en hyperextension indépendamment de la posi-
tion du corps dans l’espace.
Affaiblissement du tonus des extenseurs lorsque la
tête est fléchie.
Hypertonie de l’hémicorps ipsilatéral du côté vers
lequel la tête est tournée ou penchée. L’orientation du
regard joue le même rôle que la rotation de la tête.
Les informateurs en jeu sont les muscles anti-gravitai-
res (extenseurs et abducteurs), tous les informateurs de
posture : proprioception à tous les niveaux du corps
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F. Huguenin
(rachis vertébral, membres, oculomoteurs), extérocep-
teurs de la sole plantaire appliquée sur le sol.
Ces informations sont les bases de l’équilibre sta-
tique.
Préparation de l’équilibre dynamique
Observons l’enfant dès le moment où il peut suivre du
regard. Lorsque l’on déplace un objet devant ses yeux,
la tête suit le mouvement de l’objet. Un mois plus tard,
l’enfant suivra l’objet des yeux et ne tournera la tête
que lorsque l’objet sortira de son champ visuel. Il a
créé un nouveau schéma de comportement intégrant la
rotation de la tête et le mouvement des yeux. À ce
stade de ses acquisitions s’installe la capacité d’antici-
pation qui permet la stimulation interne du mouve-
ment et sa prédiction (Figure1).
Cette façon de voir modifie notre conception de la
posture. Celle-ci ne se résume pas à un état passif où
des stimulations viennent déclencher des réactions.
Elle consiste en un état de préparation à se mouvoir
intégrant les séquences de mouvements nécessaires à
l’accomplissement d’une action. Cette propriété pré-
pare toutes les composantes de l’équilibre dynamique
dans lequel la tête joue un rôle prépondérant.
L’équilibre dynamique
Avec le déplacement du bébé dans l’espace, l’appren-
tissage d’automatismes moteurs plus poussés s’organi-
Figure 1 : Schéma de l'anticipation des mouvements.
SIGNIFICATION DE L’ANTICIPATION
Commandes
programmées
Neurone moteur
+chaîne de muscles
associés
Formation
réticulaire
Prérèglage
des mouvements
fins
Anticipation
de mouvement
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
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Les bases neurophysiologiques des dysfonctions vertebrales
se et fait appel aux fonctions vestibulaires et aux fonc-
tions canalaires dévolues à la perception du mouve-
ment.
Quelques exemples : la découverte de la marche,
émerveillement de l’enfant, crée chez lui la conscien-
ce de la liberté des mains, lui commande un élargisse-
ment de la base de sustentation, et, au départ, réalise
une progression par l’appui de toute la sole plantaire,
sans déroulement du pied.
La recherche de l’équilibre en position érigée donne
naissance à de nouvelles acquisitions comme le fran-
chissement d’un seuil et, dans un même temps, les
comportements d’évitement lors de la chute par perte
d’équilibre. On remarquera le rôle que joue le regard
dans l’anticipation et de la position de la tête dans ces
comportements d’évitement (Figure 2).
Ce rôle d’équilibration et de commande de la position
de la tête se retrouve à l’âge adulte.
Observons, par exemple, un athlète au démarrage
d’une course de 100 mètres. Avant le départ, il a la tête
penchée en avant ce qui lui permet d’arrondir son dos.
Mais dès que l’impulsion de course est donnée, il
redresse la tête ce qui lui permet d’optimiser la coor-
dination musculaire et les commandes de vitesse
d’exécution.
Même observation lors de la course (Figure3). La
seule différence d’un athlète à l’autre tient dans son
degré d’horizontalité, dépendant de sa proprioception
des schèmes musculaires d’équilibre.
Comment fonctionne le
systeme nerveux
Il est donc important de comprendre l’organisation
de l’appareil locomoteur dans sa relation avec le sys-
tème nerveux central (SNC).
Le SNC organise des réponses que nous avons appelé
des stéréotypes fonctionnels (Synergies pour d’autres
auteurs) (2, 6, 12, 13, 14, 16, 17). Ceux-ci persistent
dans sa mémoire mais restent susceptibles de modifi-
cations pour la création de nouveaux schémas moteurs.
Par exemple des objets de même nature mais de taille
différente vont commander des schèmes de préhension
différents déterminés par l’appréciation visuelle.
L’exemple typique est la surprise éprouvée par le lever
d’un objet dont le poids a été sous-estimé par la per-
ception visuelle. La répétition du même geste pour le
même objet manifestera la création d’un nouveau sché-
Figure 2 : Comportement d'évitement, main d'appui, main de retenue,
flexion de la jambe gauche et rétablissement de la position de la tête en
anticipation pour se relever.
Figure 3 : Regard horizontal, indispensable à la coordination
des mouvements.
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
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et les neurones nociceptifs non spécifiques “wide
dynamic range cells” lieu de convergence des afféren-
ces musculaires et viscérales (couche V de Rexed).
L’information nociceptive diffuse vers la zone margi-
nale de Lissauer et peut être reliée aux segments sus et
sous-jacents de la moelle (jusqu’à 12).
La modulation médullaire se fait au niveau de la sub-
stance gélatineuse et peut stopper à ce niveau les infor-
mations nociceptives par les informations des méca-
norécepteurs (18). Le dépassement de cette modula-
tion envoie les informations dans les faisceaux spino-
thalamique et spino-réticulaire.
La modulation médullaire se répercute sur un groupe
plus ou moins large de muscles (7, 8, 9). Elle consiste
également dans l’inhibition des informations nocicep-
tives (polymodaux fibres C et fibres Ad) par l’activa-
tion des fibres cutanées de gros calibre, Aa et Ab qui
bloquent les stimulis au niveau de la moelle. (19). Elle
induit une réponse segmentaire et périphérique à la
nociception par de véritables stéréotypes musculaires
àl’origine des modifications de la gestuelle posturale
et des réflexes de maintien de l’équilibre (16, 20).
Elle implique le système nerveux sympathique
(réflexes d’axone (12), modification des informateurs,
perturbations vasculaires et tissulaires locales, notam-
ment œdème des capsules articulaires et de la cutis
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ma de préhension visuo-moteur. Tous ces phénomènes
d’adaptation et d’anticipation visuo-motrice consti-
tuent ce que nous appelons la plasticité fonctionnelle.
Aux dysinformations correspondent les stéréotypes
dysfonctionnels qui sont autant de modifications
d’ensembles fonctionnels et réalisent les comporte-
ments d’évitement de la douleur.
Les stéréotypes sont donc des répertoires de mouve-
ments. Ils sont plastiques et modulables.
Ils correspondent à des stratégies dont un exemple est
donné par l’orientation du regard associée au contrô-
le de la posture par la mise en jeu des commandes de
schémas musculaires.
Les centres de dialogue du
systeme nerveux avec
l’appareil locomoteur
Le niveau médullaire, premier niveau de modula-
tion nociceptive (18) (figure4).
On distingue deux types de neurones nociceptifs : les
neurones nociceptifs spécifiques (couche I de Rexed)
Figure 4 : Schéma de modulation médullaire.
LES NIVEAUX DE MODULATION
Nociception Modulation des
mécanorécepteurs
Modulation
sympathique
Zone d’irritation
Stéréotypes
dysfonctionnels
Niveau
médullaire
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Les bases neurophysiologiques des dysfonctions vertebrales
sous forme de peau d’orange, augmentation de la toni-
cité de la musculature autochtone par l’innervation
sympathique des fuseaux neuromusculaires) (7).
Ces réponses se traduisent par la constitution de ce que
nous appelons des zones d’irritation (9). Ces modifi-
cations de structures segmentaires sont accessibles à la
palpation par un examinateur entraîné. Selon les
niveaux, les structures palpables sont :
Les capsules articulaires œdématiées. (C2-C3 à C5-C6).
La musculature, sous tension : C0-C1 (Splenius
capitis), C7-D1 à L5-S1 (courts rotateurs).
Les ligaments électivement sensibles à la palpation :
C1-C2, Sacro-iliaques et symphyse.
Même si le patient ne ressent pas l’information nocicepti-
ve de la dysfonction (pathologie infraclinique), cette der-
nière provoque toujours les zones d’irritation et un stéréo-
type dysfonctionnel, véritable “potentiel pathologique”.
Les niveaux supra-segmentaires de modulation de
la nociception et des réponses stéréotypiques
(Figure 5).
Le noyau de Gowers
Il présente un double intérêt. Le premier comme centre
d’organisation entre l’oreille interne, les perceptions
Figure 5 : Schéma de modulation suprasegmentaire.
LES NIVEAUX DE MODULATION
Noyau de Gowers Substance
réticulée
Synthèse
sympathique
Tonus musculaire
Equilibre
Coordination
Contrôle de
la nociception
Sensation de
l’équilibre
Instabilité
Réflexes d’axone
Fuseaux
neuromusculaires
Stéréotypes
dysfonctionnels
Niveaux
suprasegmentaires
visuelles et la musculature sous-occipitale. Le second
comme point de départ des faisceaux vestibulo-spinaux
vers les motoneurones jusqu’au niveau sacré, et comme
centre de réception de toute la proprioception depuis la
plante des pieds jusqu’à la tête. Comme coordinateur
des informations reçues, si elles sont en accord, il
donne la sensation de l’équilibre. S’il y a discordance,
il détermine la sensation de déséquilibre ou d’instabili-
té.
La substance réticulée (15).
La substance réticulée est complexe. Elle est consti-
tuée par :
L’olive de la moelle allongée (contrôle du tonus mus-
culaire et des réflexes, équilibre, coordination motri-
ce), les noyaux du pont (coordination motrice), le col-
liculus supérieur (un centre relais des stimuli visuels,
mais aussi auditifs et sensitifs, somesthésiques
(noyaux de Goll et Burdach et noyau spinal de V)
contrôlant la position réflexe de la tête et des yeux, le
colliculus inférieur (information du ruban de Reil
latéral), le noyau rouge de Stilling (contrôle du tonus
musculaire et des réflexes par le faisceau rubro-spi-
nal) et la formation réticulaire.
La formation réticulaire est divisée en trois colonnes :
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
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