FORMATION PROFESSIONNELLE NO 18 REVUE EUROPÉENNE
CEDEFOP
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Le critère de la compétence intercul-
turelle
Il ne s’agit pas seulement de posséder des
connaissances techniques ou de maîtri-
ser les langues de la culture comme l’an-
glais et le français, il s’agit aussi de con-
naître les langues qui jouent un rôle dé-
terminant sur le plan social, culturel et
économique. Pour être plus précis, il y
va des relations avec les voisins euro-
péens, représentés par un pays partenaire
ou une minorité dans notre propre en-
tourage. Ce rapport exige une capacité
de dialogue et de communication intercul-
turelle; il exige d’être capable de se per-
cevoir soi-même dans le miroir de l’étran-
ger. L’enseignement interactif emprunte
de nouvelles voies, non seulement pour
l’acquisition des connaissances en soi,
mais pour la mise en place de processus
d’apprentissage communs aux différents
groupes linguistiques. L’innovation et la
“border pedagogy”, littéralement la péda-
gogie des frontières, qui permet de sur-
monter les frontières, élargissent l’hori-
zon de tout un chacun (Commission euro-
péenne, 1990, p. 19). L’enseignement pré-
coce des langues sous ses diverses for-
mes est placé sous la maxime “Apprends
la langue de ton voisin” (Pelz, 1989). Il
ne se borne pas à collectionner des mots
et à former des phrases, il vise aussi à
réaliser des projets communs avec les élè-
ves d’une école partenaire du pays voi-
sin. L’aptitude à agir ensemble, par delà
les frontières linguistiques et culturelles,
s’acquiert avec des membres de l’autre
communauté linguistique. Ces groupes
sont accessibles ou vivent dans notre ville.
Apprendre avec eux demande du temps,
des endroits où se rencontrer, et la prati-
que d’un apprentissage commun pendant
des années. Quiconque a vécu cela à
l’école aura plus tard une autre approche
de la “mentalité” de l’étranger, mais aussi
de sa propre “identité”.
Il s’agit là d’une tâche d’actualité, car le
potentiel des langues minoritaires est en-
core disponible, et les écoles nationales
doivent se faire à l’idée qu’elles ont à for-
mer des jeunes unilingues pour un mar-
ché des professions qui n’est plus exclu-
sivement national.
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Il convient donc de
montrer comment il est possible de réali-
ser un concept d’une qualité nouvelle
pour l’enseignement des langues, conçu
comme une formation générale qui sur-
monte les frontières sociales mais aussi
nationales. Ce concept jette les bases d’un
processus d’intégration européenne de
grande envergure pour la génération sui-
vante. Il incombe à l’enseignement pu-
blic de le concrétiser. Cela n’est toutefois
possible que si les écoles conjuguent leurs
efforts, tout en définissant leurs propres
priorités en matière linguistique, construi-
sant ainsi un paysage scolaire diversifié
reflétant le paysage linguistique de la ville.
Les élèves comme
capital humain
Les élèves d’aujourd’hui ne viennent plus
seulement d’une majorité homogène, mais
aussi de minorités ou de familles mixtes,
dans lesquelles ils grandissent “avec” deux
langues. Ils n’évoluent pas dans une seule
culture et une seule langue et, à vrai dire,
ils sont les prototypes du nouveau citoyen
européen. Les écoles ont pour tâche de
travailler à l’épanouissement de ce capi-
tal humain, afin de surmonter les diffé-
rences sociales et linguistiques et de faire
du bilinguisme un atout pour la vie pro-
fessionnelle. L’école comme institution
n’est pas une invention nationale. Elle a
son origine en Europe, elle a toujours eu
à voir avec l’apprentissage des langues.
Elle a donc pour vocation, plus que toute
autre institution nationale, d’accompagner
les jeunes au long de leur parcours vers
l’Europe (Graf, 1995). Elle ne peut toute-
fois pas remplir cette mission sans s’ouvrir
à de nouvelles langues. Étant donné qu’il
est question ici des jeunes, de leurs ca-
pacités et de leurs attentes, il est oppor-
tun de donner en exergue de l’argumen-
tation un aperçu démographique.
Les minorités dans l’Union euro-
péenne
Au total, 4,8 % de la population de l’Union
européenne (qui compte 369 millions
d’habitants) est constituée d’étrangers ou
de citoyens européens vivant dans un État
membre autre que le leur (Ausländer in
Deutschland, n° 3/1997, p. 10), ce qui
représente en chiffres absolus 17 671 500
personnes, soit plus que la population de
beaucoup d’États membres.
Des millions de personnes vivent dans un
État membre voisin. Nombre d’entre eux
“Il ne s’agit pas seulement
de posséder des connais-
sances techniques ou de
maîtriser les langues de la
culture comme l’anglais et
le français, il s’agit aussi de
connaître les langues qui
jouent un rôle déterminant
sur le plan social, culturel
et économique. Pour être
plus précis, il y va des rela-
tions avec les voisins euro-
péens, représentés par un
pays partenaire ou une mi-
norité dans notre propre
entourage. Ce rapport
exige une capacité de dia-
logue et de communication
interculturelle; il exige
d’être capable de se perce-
voir soi-même dans le mi-
roir de l’étranger.”
“L’école comme institution
n’est pas une invention na-
tionale. Elle a son origine en
Europe, elle a toujours eu
à voir avec l’apprentissage
des langues. Elle a donc
pour vocation, plus que
toute autre institution na-
tionale, d’accompagner les
jeunes au long de leur par-
cours vers l’Europe.”
6) Pourquoi un jeune Français
d’Alsace ne pourrait-il pas entrepren-
dre sa formation bancaire dans une
ville d’Outre-Rhin, où le chômage des
jeunes est beaucoup moins élevé, et
où les banques ont besoin de colla-
borateurs parfaitement bilingues?
Pourquoi une famille allemande ne
pourrait-elle pas envoyer sa fille dans
une école primaire germano-italienne
où elle apprendrait avec des enfants
d’origine italienne une langue parlée
en Allemagne par plus de 600 000
pesonnes?