entre les chefs, Crixus et ceux qui le suivaient jugeant suffisant de vivre sur
le pays en le pillant, Spartacus nourrissant des projets plus ambitieux? Les
avis divergent . Il se peut que Spartacus ait pensé reconduire ses hommes
dans leurs pays puis qu'il renonça à ce projet pour engager une action
beaucoup plus hardie et dangereuse pour Rome, soulever partout sur son
passage les masses serviles et ranimer les sentiments d'hostilité des
peuples d'Italie encore sous le coup de la guerre sociale, appelée aussi
guerre des alliés (socii en latin), qui avait duré deux ans de 90 à 88. Dans ce
cas les deux chefs se seraient partagé la tâche. Le Sénat, alarmé, chargea
les consuls Gellius et Lentulus de la guerre avec deux légions chacun.
Gellius, au Sud, vainquit Crixus et anéantit les deux tiers de son armée,
Lentulus devait arrêter Spartacus dans sa progression. Après la défaite de
Crixus, Spartacus vainquit d'abord Lentulus puis il se retourna contre
Gellius, dont il dispersa l'armée. Puis il honora les mânes de Crixus par des
jeux funèbres au cours desquels, suprême humiliation pour Rome, il
contraignit trois cents soldats romains prisonniers à se battre et à se tuer
entre eux. Il paracheva ses succès en mettant en déroute le gouverneur de
la Gaule cisalpine Caius Cassius. Rome pouvait tout craindre, comme au
temps d'Hannibal. Mais Spartacus, dont les forces, pourtant, avaient grossi
-il aurait disposé de cent vingt mille hommes- renonça, on ne sait pourquoi.
Ce qui est sûr, c'est que malgré les apparences, sa situation n'était pas
aussi favorable qu'on pourrait le penser. Le soutien de l'armée de Crixus lui
faisait désormais défaut, les peuples italiens ne bougèrent pas, ayant obtenu
ce qu'ils désiraient, le droit de cité, et méprisant les esclaves, le long de
l'Adriatique il traversait des régions où les lois agraires des Gracques
avaient permis le développement de propriétés de dimensions modestes où
travaillaient des esclaves mieux intégrés, non pas des masses serviles
comme en Campanie ou en Sicile, promptes à la sédition. Nulle part
Spartacus ne put trouver un lieu où s'installer de façon durable, jamais il ne
put réunir des forces comparables à ses prédécesseurs siciliens . Pour
marcher sur Rome avec une chance de victoire décisive, il lui eût fallu
disposer de troupes mieux armées et mieux entraînées. Il renonça ou remit
à plus tard. Dans sa marche vers le Sud, il triompha encore une fois des
deux armées réunies des consuls dans le Picenum, ce qui mit fin à la
campagne de 72, et il rassembla ses forces dans le Bruttium, en instituant la
ville de Thurii sa capitale. La carte dit assez qu'il s'était enfermé comme
dans une sorte de nasse.
Rome respirait : elle n'était plus sous la menace d'une attaque prochaine.
Spartacus, lui, préparait l'avenir en échangeant avec le monde grec les
objets du butin contre les matériaux destinés à la fabrication des armes.
Pour conduire la guerre, le Sénat fit appel au préteur Marcus Licinius
Crassus, un choix surprenant. puisqu'il succédait à deux consuls. et qu'il
n'avait jamais eu l'occasion de se distinguer dans une campagne militaire.
Mais peut-être personne ne s'était mis en avant pour mener une guerre dont
on ne pouvait tirer une grande gloire si on la gagnait et qui déshonorerait
celui qui la perdrait. Crassus accepta parce qu'il était ambitieux et que cette
guerre le concernait personnellement dans une certaine mesure : il était
immensément riche -il recevra le surnom personnel de dives (= le riche) et
sa richesse reposait en partie sur le très grand nombre des esclaves qu'il
possédait et dont il tirait un revenu régulier en les louant Sa famille était
honorablement connue mais il devait sa fortune au rôle qu'il avait joué
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