Spartacus textes - Pour les élèves de Mme Coget

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Le plus court et le plus tardif (Ve S) : Eutrope, abrégé de l'histoire
romaine, VI, 7
[6,6] Anno urbis Romae sexcentesimo septuagesimo octauo Macedoniam prouinciam M- Licinius
Lucullus accepit, consobrinus Luculli, qui contra Mithridatem bellum gerebat. Et in Italia nouum
bellum subito commotum est. Septuaginta enim et quattuor gladiatores ducibus Spartaco, Crixo et
Oenomao effracto Capuae ludo fugerunt. Et per Italiam uagantes paene non leuius bellum in ea,
quam Hannibal mouerat, parauerunt. Nam multis ducibus et duobus simul Romanorum consulibus
uictis sexaginta fere milium armatorum exercitum congregauerunt, uictique sunt in Apulia a MLicinio Crasso pro consule, et post multas calamitates Italiae tertio anno bello huic est finis
inpositus.
VII. (VI) (An de R. 682) L'an de Rome 678, M. Licinius Lucullus, cousin germain de celui qui faisait
la guerre contre Mithridate, reçut le gouvernement de la Macédoine. Il s'éleva tout à coup de
nouveaux troubles en Italie (An de R. 681). En effet, soixante-quatorze gladiateurs, ayant brisé les
portes du lieu de leurs exercices à Capoue, s'enfuirent sous la conduite de Spartacus, de Crixus et
d'Oenomaüs, se répandirent dans l'Italie, et y commencèrent une guerre presque aussi terrible que
l'avait été celle d'Annibal. Ils vainquirent plusieurs généraux et deux consuls romains dans une
meme bataille, et rassemblèrent une armée de près de soixante mille hommes. Mais ils furent
vaincus à leur tour, dans l'Apulie, par le proconsul M. Licinius Crassus, et l'on vit alors la fin de
cette guerre, qui avait désolé l'Italie pendant trois ans.
Assez neutre et proche des faits : Velleius Paterculus, Histoire romaine,
II, 30
[2,30] Tum M- Perpenna praetorius, e proscriptis, gentis clarioris quam animi, Sertorium inter
cenam Oscae interemit Romanisque certam uictoriam, partibus suis excidium, sibi turpissimam
mortem pessimo auctorauit facinore. Metellus et Pompeius ex Hispaniis triumphauerunt; 2 sed
Pompeius, hoc quoque triumpho adhuc eques Romanus, ante diem quam consulatum iniret, curru
urbem inuectus est. 3 Quem uirum quis non miretur per tot extraordinaria imperia in summum
fastigium euectum iniquo tulisse animo, C- Caesaris absentis in altero consulatu petendo senatum
populumque Romanum rationem habere: adeo familiare est hominibus omnia sibi ignoscere, nihil
aliis remittere, et inuidiam rerum non ad causam, sed ad uoluntatem personasque dirigere. 4 Hoc
consulatu Pompeius tribuniciam potestatem restituit, cuius Sulla imaginem sine re reliquerat. 5
Dum Sertorianum bellum in Hispania geritur, quattuor et sexaginta fugitiui e ludo gladiatorio Capua
profugientes duce Spartaco, raptis ex ea urbe gladiis, primo Vesuuium montem petiere, mox
crescente in dies multitudine grauibus uariisque casibus adfecere Italiam. 6 Quorum numerus in
tantum aduleuit, ut qua, ultima dimica.uere acie, nonaginta milia hominum se Romano exercitui
opposuerint. Huius patrati gloria penes M- Crassum fuit, mox rei publicae omnium consensu
principem.
[2,30] XXX. - C'est alors que l'ancien préteur Marcus Perpenna, l'un des proscrits, homme plus
noble par sa race que par son caractère, assassina Sertorius à Osca au milieu d'un festin. Ce
crime abominable qui assura la victoire aux Romains, ruina son parti et lui valut à lui-même la plus
honteuse des morts. Métellus et Pompée reçurent le triomphe pour la guerre d'Espagne. Mais
Pompée n'était, quand il triompha, qu'un simple chevalier, car il n'avait pas encore exercé le
consulat quand il entra dans Rome sur son char triomphal. Chose étonnante, cet homme que tant
de pouvoirs extraordinaires avaient porté au faîte des honneurs ne put voir sans irritation le Sénat
et le peuple romain autoriser Caius César à briguer malgré son absence un second consulat. Tant
il est naturel aux hommes de tout se pardonner à eux-mêmes, de ne rien pardonner aux autres et
de concevoir de la jalousie en tenant compte non des faits, mais des sentiments et des personnes.
Pendant ce consulat Pompée restaura la puissance tribunitienne dont Sylla n'avait laissé que
l'ombre sans réalité. Pendant qu’on guerroyait en Espagne contre Sertorius soixante-quatre
esclaves évadés d'une école de gladiateurs s'enfuirent de Capoue sous la conduite de Spartacus,
volèrent des épées dans cette ville et gagnèrent d'abord le Vésuve. Bientôt leur multitude grandit
de jour en jour et ils accablèrent l'Italie de toutes sortes de maux. Leur nombre s'accrut au point
que dans le dernier combat qu'ils livrèrent, ils opposèrent à l'armée romaine quarante mille huit
cents hommes. Marcus Crassus qui fut bientôt le premier dans l'Etat eut la gloire d'en finir avec
eux.
La source principale : Plutarque, Vie de Crassus, VIII
[8] Ce fut vers ce temps-là qu'eut lieu le soulèvement des gladiateurs et le pillage de l'Italie, qu'on
nomme aussi la guerre de Spartacus et dont voici l'origine. Un certain Lentutus Batiatus entretenait
à Capoue des gladiateurs, la plupart Gaulois ou Thraces. Etroitement enfermés, quoiqu'ils ne
fussent coupables d'aucune mauvaise action, mais par la seule injustice du maître qui les avait
achetés, et qui les obligeait malgré eux de combattre, deux cents d'entre eux firent le complot de
s'enfuir. Leur projet ayant été découvert, soixante-dix-huit, qui furent avertis, eurent le temps de
prévenir la vengeance de leur maître; ils entrèrent dans la boutique d'un rôtisseur, se saisirent des
couperets et des broches et sortirent de la ville. Ils rencontrèrent en chemin des chariots chargés
d'armes de gladiateurs, qu'on portait dans une autre ville; ils les enlevèrent, et, s'en étant armés,
ils s'emparèrent d'un lieu fortifié et élurent trois chefs, dont le premier était Spartacus, Thrace de
nation, mais de race numide, qui à une grande force de corps et à un courage extraordinaire il
joignait une prudence et une douceur bien supérieures à sa fortune, et plus dignes d'un Grec que
d'un barbare. On raconte que la première fois qu'il fut mené à Rome pour y être vendu on vit,
pendant qu'il dormait, un serpent entortillé autour de son visage. Sa femme, de même nation que
lui, qui, possédée de l'esprit prophétique de Bacchus, faisait le métier de devineresse, déclara que
ce signe annonçait à Spartacus un pouvoir aussi grand que redoutable et dont la fin serait
heureuse. Elle était alors avec lui et l'accompagna dans sa fuite. Ils repoussèrent d'abord quelques
troupes envoyées contre eux de Capoue; et leur ayant enlevé leurs armes militaires,
[9] ils s'en revêtirent avec joie et jetèrent leurs armes de gladiateurs, comme désormais indignes
d'eux et ne convenant plus qu'à des barbares. Clodius, envoyé de Rome avec trois mille hommes
de troupes pour les combattre, les assiégea dans leur fort, qui, situé sur une montagne, n'avait
d'accès que par un sentier étroit et difficile, dont Clodius gardait l'entrée; partout ailleurs ce
n'étaient que des roches à pic, couverts de ceps de vigne sauvage. Les gens de Spartacus
coupèrent les sarments les plus propres au projet qu'ils avaient conçu, en firent des échelles
solides et assez longues pour aller du haut de la montagne jusqu'à la plaine. Ils descendirent en
sûreté à la faveur de ces échelles, à l'exception d'un seul qui resta pour leur jeter leurs armes, et
qui, après les leur avoir glissées, se sauva comme les autres. Les Romains, qui ne s'étaient pas
aperçus de leur manoeuvre, se virent tout à coup enveloppés et furent chargés si brusquement,
qu'ils prirent la fuite et laissèrent leur camp au pouvoir de l'ennemi. Ce succès attira dans leur parti
un grand nombre de bouviers et de pâtres des environs, tous robustes et agiles; ils armèrent les
uns et se servirent des autres comme de coureurs et de troupes légères. Le second général qui
marcha contre eux fut Publius Varinus; ils défirent d'abord Furius, son lieutenant, qui les avait
attaqués avec deux mille hommes. Cossinus, le conseiller et le collègue de Varinus, qu'on avait
envoyé ensuite contre eux avec un grand corps de troupes, fut sur le point d'être surpris et enlevé
par Spartacus pendant qu'il était aux bains de Salines, d'où il eut beaucoup de peine à se sauver.
Spartacus, s'étant rendu maître de ses bagages et l'ayant suivi de près, lui tua un grand nombre
de soldats et s'empara de son camp; Cossinus périt dans cette déroute. Spartacus battit Varinus
lui-même en plusieurs rencontres; et, s'étant saisi de ses licteurs et de son cheval de bataille, il se
rendit par ses exploits aussi grand que redoutable. Mais, sans être ébloui de ses succès, il prit des
mesures très sages, et, ne se flattant pas de triompher de la puissance romaine, il conduisit son
armée vers les Alpes, persuadé que ce qu'il y avait de mieux à faire était de traverser ces
montagnes et de se retirer chacun dans leur pays, les uns dans les Gaules, les autres dans la
Thrace. Mais ses troupes, à qui leur nombre et leurs succès avaient inspiré la plus grande
confiance, refusèrent de le suivre et se répandirent dans l'Italie pour la ravager. Ce ne fut donc
plus l'indignité et la honte de cette révolte qui irritèrent le sénat; la crainte et le danger d'avoir à
soutenir une des guerres les plus difficiles et les plus périlleuses que Rome eût encore eues sur
les bras, les déterminèrent à y envoyer les deux consuls. Gellius, l'un d'eux, étant tombé
brusquement sur un corps de Germains qui, par fierté et par mépris, était séparé des troupes de
Spartacus, le tailla en pièces. Lentulus son collègue, qui commandait des corps d'armée
nombreux, avait environné Spartacus, qui, revenant sur ses pas, attaque les lieutenants du consul,
les défait et s'empare de tout leur bagage. De là il continuait sa marche vers les Alpes, lorsque
Cassius commandant de la gauche des environs du Pô, vint à sa rencontre avec dix mille
hommes. Les deux armées se battirent avec acharnement ; Cassius fut défait, et eut bien de le
peine à se sauver, après avoir perdu beaucoup de inonde.
[10] Le sénat, indigné contre les consuls, leur envoya l'ordre de déposer le commandement, et
nomma Crassus pour continuer la guerre. Un grand nombre de jeunes gens des premières
familles le suivirent, attirés par sa réputation et par l'amitié qu'ils lui portaient. Crassus alla camper
dans le Picénum, pour y attendre Spartacus qui dirigeait sa marche vers cette contrée ; il ordonna
à son lieutenant Mummius de prendre deux légions et de faire un grand circuit pour suivre
seulement l'ennemi, avec défense de le combattre, ou même d'engager aucune escarmouche.
Mais Mummius, à la première lueur d'espérance qu'il vit briller, présenta la bataille à Spartacus, qui
le battit et lui tua beaucoup de monde : le reste des troupes ne se sauva qu'en abandonnant ses
armes. Crassus, après avoir traité durement Mummius, donna d'autres armes aux soldats et leur fit
prendre l'engagement de les garder plus fidèlement que les premières. Prenant ensuite les cinq
cents d'entre eux, qui, se trouvant à la tête des bataillons, avaient donné l'exemple de la fuite, il les
partagea en cinquante dizaines, les fit tirer au sort, et punit du dernier supplice celui de chaque
dizaine sur qui le sort était tombé. Il remit ainsi en vigueur une punition anciennement usitée chez
les Romains et interrompue depuis longtemps. L'ignominie attachée à ce genre de mort, qui
s'exécute en présence de toute l'armée, rend cette punition plus sévère et plus terrible pour les
autres. Crassus, après avoir châtié ses soldats, les mena contre l'ennemi. Spartacus, qui avait
traversé la Lucanie et se retirait vers la mer, ayant rencontré au détroit de Messine des corsaires
siciliens, forma le projet de passer en Sicilie et d'y jeter deux mille hommes ; ce nombre aurait suffi
pour rallumer dans cette île la guerre des esclaves, qui, éteinte depuis peu de temps, n'avait
besoin que de la plus légère amorce pour exciter un vaste embrasement. Il fit donc un accord avec
ces corsaires, qui, après avoir reçu de lui des présents, le trompèrent, et, ayant mis à la voile, le
laissèrent sur le rivage. Alors Spartacus, s'éloignant de la mer, va camper dans la presqu'ile de
Rhège. Crassus y arrive bientôt après lui, et, averti par la nature même du lieu de ce qu'il doit faire,
il entreprend de fermer l'isthme d'une muraille et par là de garantir ses soldats de l'oisivité, en
même temps qu'il ôterait aux ennemis les moyens de se procurer des vivres. C'était un ouvrage
long et difficile; cependant, contre l'attente de tout le monde, il fut achevé en peu de temps.
Crassus fit tirer d'une mer à l'autre une tranchée de trois cents stades de longueur, sur une largeur
et une profondeur de quinze pieds, le long de laquelle il éleva une muraille d'une épaisseur et
d'une élévation étonnantes. Spartacus ne témoigna d'abord que du mépris pour ce travail; mais
lorsque le butin commençant à lui manquer, il voulut sortir pour fourrager, il se vit enfermé par cette
muraille; et, ne pouvant rien tirer de la presqu'ile, il profita d'une nuit que le vent et la neige
rendaient très froide, pour combler avec de la terre, des branches d'arbres et d'autres matériaux,
une petite partie de la tranchée, sur laquelle il fit passer le tiers de son armée.
[11] Crassus, qui craignit que Spartacus ne voulùt aller droit à Rome, fut rassuré par la division qui
se mit entre les ennemis, dont les uns s'étant séparés du corps de l'armée, allèrent camper sur les
bords du lac de la Lucanie, dont l'eau, dit-on, change souvent de nature, et après avoir été douce
quelque temps devient si amère qu'elle n'est plus potable. Crassus attaqua d'abord ceux-ci et les
chassa du lac; mais il ne put en tuer un grand nombre, ni les poursuivre. Spartacus, qui parut tout
à coup, arrêta la fuite des siens. Crassus avait écrit au sénat qu'il fallait rappeler Lucullus de
Thrace et Pompée d'Espagne, pour le seconder; mais il se repentit bientôt de cette démarche, et,
sentant qu'on attribuerait tout le succès à celui qui serait venu à son secours, et non pas à luimême, il voulut, avant leur arrivée, se hâter de terminer la guerre. Il résolut donc d'attaquer d'abord
les troupes qui s'étaient séparées des autres et qui campaient à part, sous les ordres de Cannicius
et de Castus; il envoya six mille hommes pour se saisir d'une hauteur qui offrait un poste
avantageux, avec ordre de faire tout leur possible pour n'être pas découverts. Dans l'espoir d'y
réussir, ils couvrirent leurs casques de branches d'arbres; mais ils furent aperçus par deux femmes
qui faisaient des sacrifices pour les ennemis, à l'entrée de leur camp; et ils auraient couru le plus
grand danger, si Crassus, paraissant tout à coup avec ses troupes, n'eût livré le combat le plus
sanglant qu'on eût encore donné dans cette guerre; il resta sur le champ de bataille douze mille
trois cents ennemis, parmi lesquels on n'en trouva que deux qui furent blessés au dos; tous les
autres périrent en combattant avec la plus grande valeur et tombèrent à l'endroit même où ils
avaient été placés. Spartacus, après une si grande défaite, se retira vers les montagnes de
Pétélie, toujours suivi et harcelé par Quintus et Scrofa, le premier, lieutenant de Crassus, et l'autre,
son questeur : Spartacus se tourna brusquement contre eux et les mit en fuite. Scrofa fut
dangereusement blessé, et on eut de la peine à le sauver des mains des ennemis. Ce succès, en
inspirant à ces fugitifs la plus grande fierté, causa la perte de Spartacus; ses troupes, ne voulant
plus éviter le combat ni obéir à leurs chefs, les entourent en armes au milieu du chemin, les forcent
de revenir sur leurs pas à travers la Lucanie et de les mener contre les Romains. C'était entrer
dans les vues de Crassus, qui venait d'apprendre que Pompée approchait ; que déjà dans les
comices bien des gens sollicitaient pour lui, et disaient hautement que cette victoire lui était due ;
qu'à peine arrivé en présence des ennemis, il les combattrait, et terminerait aussitôt la guerre.
Crassus donc, pressé de la finir avant son arrivée, campait toujours le plus près qu'il pouvait de
l'ennemi. Un jour qu'il faisait tirer une tranchée, les troupes de Spartacus étant venues charger les
travailleurs, le combat s'engagea; et comme des deux côtés il survenait à tous moments de
nouveaux renforts, Spartacus se vit dans la nécessité de mettre toute son armée en bataille.
Lorsqu'on lui eut amené son cheval, il tira son épée et le tua; « La victoire, dit-il, me fera trouver
assez de bons chevaux parmi ceux des ennemis, et si je suis vaincu, je n'en aurai plus besoin. » À
ces mots, il se précipite au milieu des ennemis, cherchant à joindre Crassus, à travers une grêle
de traits et couvert de blessures; mais n'ayant pu l'atteindre, il tue de sa main deux centurions qui
s'étaient attachés à lui. Enfin, abandonné de tous les siens, resté seul au milieu des ennemis, il
tombe mort, après avoir vendu chèrement sa vie. Crassus venait de profiter habilement de
l'occasion que la fortune lui avait offerte : il avait rempli tous les devoirs d'un excellent capitaine et
avait exposé sa vie sans ménagement : avec tout cela, il ne put empêcher que Pompée ne
partageât la gloire de ce succès. Les fuyards étant tombés entre ses mains, il acheva de les
détruire, et il écrivit au sénat que Crassus avait défait ces fugitifs en bataille rangée, mais que
c'était lui qui avait coupé les racines de cette guerre. Pompée donc eut tous les honneurs du
triomphe, pour avoir vaincu Sertorius et subjugué l'Espagne ; Crassus ne songea pas à demander
le grand triomphe ; on crut même avoir blessé Rome en lui accordant l'ovation pour la défaite
d'esclaves fugitifs. Nous avons dit dans la vie de Marcellus en quoi ce petit triomphe diffère du
grand et d'où lui vient son nom d'ovation.
Le plus hostile, contemporain de Plutarque : Florus, abrégé d'histoire
romaine, III, 21
[3,21] XXI. - Bellum Spartacium. - Enimuero et seruilium armorum dedecus feras; nam etsi per
fortunam in omnia obnoxii, tamen quasi secundum hominum genus sunt et in bona libertatis
nostrae adoptantur. Bellum Spartaco duce concitatum, quo nomine appellem, nescio; quippe quum
serui militauerint, gladiatores imperauerint, illi infimae sortis homines, hi pessimae, auxere ludibriis
calamitatem. Spartacus, Crixus, Oenomaus, effracto Lentuli ludo, cum triginta aut amplius eiusdem
fortunae uiris eruperunt Capua; seruisque ad uexillum uocatis, quum statim decem millia amplius
coissent hominum, non modo effugisse contenti, iam et uindicari uolebant. Prima uelut ara uiris
mons Vesuuius placuit. Ibi quum obsiderentur a Clodio Glabro, per fauces caui montis uitineis
delapsi uinculis, ad imas eius descendere radices; et exitu inuio, nihil tale opinantis ducis impetu
castra rapuerunt; inde alia castra. Deinceps Coram, totamque peruagarunt Campaniam; nec
uillarum atque uicorum uastatione contenti, Nolam atque Nuceriam. Thurios atque Metapontum
terribili strage populantur. Affluentibus in diem copiis, quum iam esset iustus exercitus, e uiminibus
pecudumque tegumentis, inconditos sibi clypeos, e ferro ergastulorum recocto gladios ac tela
fecerunt. Ac ne quod decus iusto desset exercitui, domitis obuiis etiam gregibus, paratur equitatus,
captaque de praetoribus insignia et fasces ad ducem detulere. Nec abnuit ille de stipendiario
Thrace miles, de milite desertor, inde latro, dein in honore uirium gladiator; qui defunctorum
quoque praelio ducum funera imperatoriis celebrauit exsequiis, captiuosque circa rogum iussit
armis depugnare, quasi plane expiaturus omne praeteritum dedecus, si de gladiatore munerator
tum fuisset. Inde iam consulares quoque aggressus, in Apennino Lentuli exercitum percecidit; apud
Mutinam Caii Cassi castra deleuit. Quibus elatus uictoriis, de inuadenda urbe Romana - quod satis
est turpitudini nostrae - deliberauit. Tandem enim totis imperii uiribus contra mirmillonem
consurgitur; pudoremque Romanum Licinius Crassus asseruit, a quo pulsi fugatique - pudet dicere
- hostes in extrema Italiae refugerunt. Ibi circa Bruttium angulum clusi, quum fugam in Siciliam
pararent, neque nauigia suppeterent, ratesque ex trabibus, et dolia connexa uirgultis in rapidissimo
freto frustra experirentur, tandem eruptione facta, dignam uiris obiere mortem; et, quod sub
gladiatore duce oportuit, sine missione pugnatum est. Spartacus ipse in primo agmine fortissime
dimicans, quasi imperator, occisus est.
[3,21] XXI. - GUERRE CONTRE SPARTACUS On supporterait peut-être encore la honte d'une
guerre contre des esclaves. S'ils sont, par leur condition, exposés à toutes les servitudes, ils n'en
sont pas moins comme une seconde espèce d'hommes, et nous les associons aux avantages de
notre liberté. Mais quel nom donner à la guerre provoquée par Spartacus ? Je ne sais ; car des
esclaves y servirent, des gladiateurs y commandèrent. Les premiers étaient de la plus basse
condition, les seconds de la pire des conditions, et de tels adversaires accrurent les malheurs de
Rome par la honte dont ils les couvrirent. Spartacus, Crixus, OEnomaus, après avoir brisé les
portes de l'école de Lentulus, s'enfuirent de Capoue avec trente hommes au plus de leur espèce.
Ils appelèrent les esclaves sous leurs drapeaux et réunirent tout de suite plus de dix mille
hommes. Non contents de s'être évadés, ils aspiraient maintenant à la vengeance. Telles des
bêtes sauvages, ils s'installèrent d'abord sur le Vésuve. Assiégés là par Clodius Glaber, ils se
glissèrent le long des gorges caverneuses de la montagne à l'aide de liens de sarments et
descendirent jusqu'au pied ; puis s'élançant par une issue invisible, ils s'emparèrent tout à coup du
camp de notre général qui ne s'attendait pas à une pareille attaque. Ce fut ensuite le tour du camp
de Varénus, puis de celui de Thoranius. Ils parcoururent toute la Campanie, et non contents de
piller les fermes et les villages, ils commirent d'effroyables massacres à Nole et à Nucérie, à
Thurium et à Métaponte. Leurs troupes grossissaient chaque jour, et ils formaient déjà une
véritable armée. Avec de l'osier et des peaux de bêtes, ils se fabriquèrent de grossiers boucliers ;
et le fer de leurs chaînes, refondu, leur servit à forger des épées et des traits. Pour qu'il ne leur
manquât rien de ce qui convenait à une armée régulière, ils se saisirent aussi des troupeaux de
chevaux qu'ils rencontrèrent, se constituèrent une cavalerie, et ils offrirent à leur chef les insignes
et les faisceaux pris à nos préteurs. Spartacus ne les refusa point, Spartacus, un ancien Thrace
tributaire devenu soldat, de soldat déserteur, ensuite brigand, puis, en considération de sa force,
gladiateur. Il célébra les funérailles de ses officiers morts en combattant avec la pompe réservée
aux généraux, et il força des prisonniers à combattre, les armes à la main, autour de leur bûcher.
Cet ancien gladiateur espérait effacer ainsi l'infamie de tout son passé en donnant à son tour des
jeux de gladiateurs. Puis il osa attaquer des armées consulaires ; il écrasa celle de Lentulus dans
l'Apennin, et près de Modène il détruisit le camp de Caïus Crassus. Enorgueilli par ces victoires, il
songea à marcher sur Rome, et cette seule pensée suffit à nous couvrir de honte. Enfin, toutes les
forces de l'empire se dressèrent contre un vil gladiateur, et Licinius Crassus vengea l'honneur
romain. Repoussés et mis en fuite, les ennemis, - je rougis de leur donner ce nom - se réfugièrent
à l'extrémité de l'Italie. Enfermés dans les environs de la pointe du Bruttium, ils se disposaient à
fuir en Sicile. N'ayant pas de navires, ils construisirent des radeaux avec des poutres et
attachèrent ensemble des tonneaux avec de l'osier ; mais l'extrême violence du courant fit échouer
leur tentative. Enfin, ils se jetèrent sur les Romains et moururent en braves. Comme il convenait
aux soldats d'un gladiateur, ils ne demandèrent pas de quartier. Spartacus lui-même combattit
vaillamment et mourut au premier rang, comme un vrai général.
Désordonné et étrange : Appien d'Alexandrie, Histoire romaine, 116-121
116. À cette même époque, en Italie, parmi les gladiateurs destinés aux spectacles de ce nom,
que les Romains faisaient nourrir à Capoue, était un Thrace, nommé Spartacus, qui avait
antérieurement servi dans quelque légion, et qui, fait prisonnier de guerre et vendu, se trouvait
depuis dans le nombre des gladiateurs. Il persuada à soixante-dix de ses camarades de braver la
mort pour recouvrer la liberté, plutôt que de se voir réduits à servir de spectacle dans les arènes
des Romains ; et forçant ensemble la garde chargée de veiller sur eux, ils s'échappèrent.
Spartacus s'arma, lui et sa bande, avec des gourdins et des épées dont ils dépouillèrent quelque
voyageurs, et ils se retirèrent sur le mont Vésuve. Là, de nombreux fugitifs et quelques hommes
libres des campagnes vinrent se joindre à lui. Il répandit ses brigandages dans les environs, ayant
pour chefs en sous-ordre Oenomaûs et Crixus, deux gladiateurs. La justice rigoureuse qu'il mit
dans la distribution et dans le partage du butin lui attira rapidement beaucoup de monde. Rome fit
marcher d'abord contre lui Varinius Glaber, et ensuite Publius Valérius, non pas avec une armée
romaine, mais avec un corps de troupes ramassées à la hâte, et comme en courants ; car les
Romains ne pensaient pas encore que c'était une guerre dans toutes les formes. Ils croyaient que
c'était quelque chose comme une attaque isolée, semblable à un acte de brigandage. Varinius
Glaber et Publius Valérius attaquèrent Spartacus et furent successivement vaincus : Spartacus tua
de sa propre main le cheval de Glaber ; peu s'en fallut que le général dès Romains ne fût luimême fait prisonnier par un gladiateur. Après ces succès, le nombre des sectateurs de Spartacus
s'accrut encore davantage, et déjà il était à la tête d'une armée de soixante et dix mille hommes.
Alors il se mit à fabriquer des armes, et à faire des dispositions militaires.
117. Rome, de son côté, fit marcher les consuls avec deux légions. L'un d'eux battit Crixus qui
commandait trente mille hommes dans le voisinage du mont Garganus. Ce chef des gladiateurs
périt dans cette action avec les deux tiers de son armée. Cependant Spartacus filait le long des
Apennins, vers les Alpes et la Gaule, lorsqu'un des consuls arriva pour lui. barrer le chemin, tandis
que l'autre le pressait sur ses arrières. Spartacus les attaqua tour à tour, les vainquit l'un après
l'autre, et, après cela, ils furent obligés tous les deux de faire leur retraite en désordre. Spartacus
immola aux mânes de Crixus trois cents prisonniers romains ; et, avec son armée de vingt mille
hommes d'infanterie, il prit en diligence le chemin de Rome, après avoir mis le feu à tout le bagage
qui ne lui était point nécessaire, après avoir fait passer au fil de l'épée tous ses prisonniers, et
assommer toutes ses bêtes de charge, afin d'aller plus rapidement. Beaucoup de déserteurs se
déclarèrent en sa faveur, et vinrent grossir son armée ; mais il ne voulut plus admettre personne.
Les consuls retournèrent à la charge contre lui dans le pays des Picènes. Une grande bataille y fut
donnée ; mais les consuls furent vaincus encore une fois. Malgré ce succès, Spartacus renonça à
son premier projet de marcher contre Rome, parce qu'il sentit qu'il n'était pas encore assez habile
dans le métier de la guerre, et que toutes ses troupes n'étaient point convenablement armées, car
nulle cité ne les secondait. Toutes ses forces consistaient en esclaves, en déserteurs ou en
aventuriers. Il s'empara des montagnes qui avoisinent Thurium ; il prit la ville elle-même. Il défendit
aux marchands d'y rien apporter à vendre en matière d'or ou d'argent, et aux siens de rien acheter
en ce genre. Ils n'achetaient en effet que du fer ou de l'airain, qu'ils payaient cher, et ils faisaient
bon accueil à ceux qui leur en apportaient. De sorte que, ayant des matières premières en
abondance, ils s'équipèrent correctement et ils faisaient de côté et d'autre des incursions chez les
peuples du voisinage. Ils en vinrent encore une fois aux mains avec les légions romaines, qu'ils
vainquirent, et aux dépens desquelles ils firent, encore une fois, un riche butin.
118. Il y avait déjà trois ans que durait cette guerre, effrayante pour les Romains, dont on s'était
moqué d'abord, dont on n'avait parlé qu'avec mépris, comme d'une guerre de gladiateurs. Lorsqu'il
fut question d'en donner le commandement à d'autres chefs, tout le monde se tint à l'écart ; nul ne
se mit sur les rangs, jusqu'à ce que Licinius Crassus, citoyen également distingué par sa
naissance et par sa fortune, s'offrit pour cette expédition. Il marcha contre Spartacus, à la tête de
six nouvelles légions. À son arrivée au camp de ses prédécesseurs, les deux légions qui avaient
combattu, la campagne précédente, sous les deux consuls, passèrent sous ses ordres. Pour les
punir de s'être si souvent laissé vaincre, il les fit décimer. D'autres disent, qu'ayant livré une
première bataille avec toutes ses forces et ayant été battu lui aussi, il fit décimer son armée
entière, et fit égorger environ quatre mille de ses soldats, sans aucun égard au nombre. Quoi qu'il
en soit, cet acte de vigueur rendit sa sévérité plus redoutable que le fer de l'ennemi. En
conséquence, ayant incontinent attaqué une division de dix mille hommes de l'armée de
Spartacus, qui campait quelque part, envoyée en détachement, il en tua les deux tiers, et se
dirigea, plein de confiance, sur Spartacus lui-même. Il le vainquit avec éclat, et le poursuivit du
côté de la mer, vers lequel il prit la fuite dans la vue de s'embarquer pour la Sicile. Il l'atteignit, et le
cerna de retranchements, de lignes de circonvallation et de palissades.
119. Pendant que Spartacus s'efforçait de se faire jour, pour gagner le pays des Samnites,
Crassus lui tua encore six mille hommes environ, dans la matinée, et le même nombre sur le soir,
sans avoir plus de trois Romains tués et sept blessés ; tant l'exemple de ceux qui avaient été
décimés inspira la fureur de vaincre. Cependant Spartacus, qui attendait de la cavalerie de
quelque part, s'abstenait d'en venir à une action générale. Mais il harcelait, par diverses
escarmouches, l'armée qui le cernait. Il lui tombait continuellement dessus à l'improviste, jetant
dans les fossés des torches enflammées qui brûlaient les palissades ; ce qui donnait beaucoup
d'embarras aux Romains. Il fit pendre un prisonnier romain dans l'espace de terrain qui le séparait
des troupes de Crassus, afin d'apprendre aux siens à quel genre de représailles ils devaient
s'attendre, s'ils se laissaient battre. Sur ces entrefaites, on apprit à Rome que Spartacus était
cerné. Mais comme on s'indignait que cette guerre de gladiateurs se prolongeât encore, on
adjoignit à cette expédition Pompée, qui venait d'arriver d'Ibérie, persuadé qu'on était enfin que
Spartacus n'était pas si facile à réduire.
120. Tandis que l'on conférait à Pompée ce commandement, Crassus, qui ne voulait pas laisser à
Pompée cette palme à cueillir, resserra Spartacus de plus en plus, et se disposait à l'attaquer,
lorsque Spartacus, jugeant qu'il fallait prendre Pompée de vitesse, proposa à Crassus de négocier.
Mais Crassus ayant méprisé cette proposition, Spartacus décida de courir sa chance et, aidé du
renfort de cavalerie qu'il attendait, força, avec toute son armée, les retranchements de Crassus, et
se sauva du côté de Brindes, où Crassus le poursuivit. Mais lorsque Spartacus fut instruit que
Lucullus, qui retournait de la guerre contre Mithridate, qu'il avait vaincu, était dans Brindes, dénué
de toute espérance, il en vint aux mains avec Crassus, fort de la nombreuse armée qu'il avait
encore. Le combat fut long et acharné tant il y avait au combat de milliers d'hommes désespérés.
Mais Spartacus fut enfin blessé à la cuisse d'un coup de flèche. Il tomba sur son genou, et, se
couvrant de son bouclier, il lutta contre ceux qui le chargèrent jusqu'à ce que lui, et un grand
nombre d'hommes autour de lui, encerclés, succombassent. Le reste de son année, en désordre,
fut mis en pièces en masse. Le nombre des morts, du côté des gladiateurs, fut incalculable. Il y
périt environ mille Romains. Il fut impossible de retrouver le corps de Spartacus. Les nombreux
fuyards qui se sauvèrent de la bataille allèrent chercher un asile dans les montagnes : Crassus les
y poursuivit. Ils se distribuèrent en quatre bandes, qui se battirent jusqu'au moment où ils furent
totalement exterminés ; à l'exception de six mille, qui, faits prisonniers, furent crucifiés tout le long
de la route de Capoue à Rome.
121. En terminant ainsi cette guerre dans l'espace de six mois, Crassus se trouva élevé tout d'un
coup au même niveau de gloire que Pompée. Il ne licencia point son armée, parce que Pompée ne
licencia pas la sienne. Ils se mirent sur les rangs l'un et l'autre pour le consulat. Crassus avait
passé par la préture, ainsi que l'exigeait la loi de Sylla, tandis que Pompée n'avait été ni préteur, ni
questeur. Il n'était âgé que de trente-quatre ans. Il promit aux tribuns qu'il leur rendrait beaucoup
de leur ancienne autorité. Élus consuls l'un et l'autre, ils ne congédièrent point pour cela leur
armée qu'ils avaient aux portes de Rome. Chacun avait son prétexte. Pompée disait qu'il attendait
le retour de Métellus, pour la cérémonie du triomphe de la guerre d'Ibérie. Crassus prétendait que
Pompée devait licencier le premier. Le peuple vit dans cette conduite des deux consuls un
commencement de sédition. Il craignit la présence de deux armées auprès de la ville. Il supplia les
consuls, pendant qu'ils présidaient dans le Forum, de se rapprocher et de s'entendre. Chacun, de
son côté, refusa d'abord. Mais les augures ayant pronostiqué de nombreuses calamités si les
consuls ne se réconciliaient pas, le peuple réitéra ses supplications avec une grande humilité, en
leur rappelant le souvenir des maux causés par les divisions de Marius et de Sylla. Crassus,
touché le premier, descendit de son siège consulaire, s'approcha de Pompée, et lui tendit la main
en signe de bonne intelligence. Pompée se leva alors, et vint au-devant de Crassus. Ils se
touchèrent dans la main. On les combla tous les deux d'éloges, et la séance des comices ne fut
levée qu'après que chacun eut donné, de son côté, l'ordre de licencier son armée. C'est ainsi que
fut conjuré, dans le calme, un nouvel orage qui paraissait près d'éclater. Cette partie des guerres
civiles, à compter de la mort de Tibérius Gracchus, embrasse une période de soixante années.
Spartacus comme métaphore : Cicéron appelle Antoine « Spartacus »
dans les Philippiques, 3X
III, 21
(21)
Quid est aliud de eo referre non audere, qui contra se consulem exercitum duceret,
nisi se ipsum hostem iudicare? Necesse erat enim alterutrum esse hostem, nec poterat
aliter de aduersariis iudicari ducibus. Si igitur Caesar hostis, cur consul nihil refert ad
senatum? Sin ille a senatu notandus non fuit, quid potest dicere, quin, cum de illo tacuerit,
se hostem confessus sit? Quem in edictis Spartacum appellat, hunc in senatu ne improbum
quidem dicere audet.
N'était-ce pas se juger soi-même ennemi de la patrie, que de n'oser décréter d'accusation celui qui
était à la tète d'une armée contre le consul? 11 fallait nécessairement que l'un ou l'autre fût
l'ennemi public, et il n'y avait pas moyen de prononcer autrement sur les deux généraux, qui se
trouvaient ainsi en présence. Or, si C. César est l'ennemi public, pourquoi le consul ne le décrète-til pas d'accusation devant le sénat. S'il n'y avait pas lieu, de la part du sénat, à le flétrir d'un
jugement, le moyen pour Antoine de nier que, par son silence sur César, il s'est. avoué lui-même
l'ennemi de la patrie? Celui que, dans ses édits, il appelle un Spartacus, il n'ose pas même devant
le sénat l'appeler mauvais citoyen !
IV, 15
(15)
Est igitur, Quirites, populo Romano, uictori omnium gentium, omne certamen cum
percussore, cum latrone, cum Spartaco. Nam quod se similem esse Catilinae gloriari solet,
scelere par est illi, industria inferior.
Oui, mes concitoyens, le peuple romain, vainqueur de toutes les nations, n'a donc à combattre
qu'un assassin, un brigand, un Spartacus.
Ce n'est pas qu'il ne se fasse gloire de ressembler à Catilina. Il l'égale en scélératesse; en talent il
lui est inférieur.
XIII, 22
' O Spartace! quem enim te potius appellem, cuius propter nefanda scelera tolerabilis uidetur fuisse
Catilina? laetandum esse ausus es scribere Trebonium dedisse poenas? sceleratum Trebonium?
quo scelere, nisi quod te Idibus Martiis a debita tibi peste seduxit?
" 0 Spartacus! car quel autre nom te donnerais-je de préférence, toi dont les exécrables attentats
auraient pu rendre à nos yeux Catilina supportable? Il faut, as-tu osé l'écrire, se réjouir du
chàtiment de C. Trebonius! Trebonius un scélérat? Quel est son crime, si ce n'est de t'avoir, aux
ides de mars, en te prenant à part, soustrait à une mort bien méritée?
Le souvenir du traumatisme : Tacite, Annales, XV, 46
[15,46] Per idem tempus gladiatores apud oppidum Praeneste temptata eruptione praesidio militis,
qui custos adesset, coerciti sunt, iam Spartacum et uetera mala rumoribus ferente populo, ut est
nouarum rerum cupiens pauidusque.
Dans le même temps, des gladiateurs stationnés dans la ville de Préneste, tentèrent une évasion,
mais furent arrêtés par le poste militaire chargé de les surveiller ; déjà on évoquait Spartacus et les
malheurs anciens dans les conversations du peuple, tant il désire et redoute à la fois les
révolutions.
Un Spartacus : traître par excellence : Sidoine Apollinaire, Epitres, XIII
[3,13] EPISTOLA XIII. Sidonius Apollinari suo salutem. UNICE probo, gaudeo, admiror quod
castitatis affectu contubernia fugis impudicorum; praesertim quibus nihil pensi, nihil sancti est, in
appetendis garriendisque turpitudinibus: quique quod uerbis inuerecundis aurium publicarum
reuerentiam incestant, granditer sibi uidentur facetiari: cuius uilitatis esse signiferum gnatonem
patriae nostrae uel maximum intellige. Est enim hic gurges de sutoribus fabularum, de
concinnatoribus criminum, de sinistrarum opinionum duplicatoribus;
[…](suit un portrait atroce aussi bien moralement que physiquement de ce personnage)
Nam quanquam pruritu laborat sermonis inhonesti, tum patronorum est praecipue cauendus
arcanis; quorum est laudator in prosperis, delator in dubiis: at si ad occulta familiarium publicanda
temporis ratio sollicitet, mox per hunc Spartacum quaecunque sunt clausa franguntur, quaeque
obserata reserantur: ita quod quas domorum nequiuerit machinis apertae simultatis impetere,
cuniculis clandestinae proditionis impugnat. Hoc fabricatu Daedalus noster am citiarum cutmen
aedificat: qui sicut sodalibiis uelut Theseus inter secunda sociatur; sic ab iis postmodum uelut
Proteus inter aduersa dilabitur. Igitur ex uoto meo feceris, si talium sodalitati ne congressu quidem
primore sociere, maxime illorum quorum sermonibus prostitutis ac theatralibus nullas habenas,
nulla praemittit repagula pudor.
[3,13] LETTRE XIII. SIDONIUS A SON CHER APOLLINARIS, SALUT. CE qui devient l'unique
objet de mon estime, de ma joie, de mon admiration, c'est de voir que, par amour de la chasteté,
tu fuis la compagnie des impudiques, surtout de ceux qui ne se font ni un scrupule, ni un crime de
désirer des choses honteuses et d'en parler, et qui, pour salir les oreilles d'autrui par des propos
obscènes, s'imaginent être grandement facétieux; tu sauras que le premier de ces hommes vils est
un parasite de notre patrie. Impitoyable conteur de fables, il invente des crimes, il grossit des
rumeurs sinistres;
[…]
Il éprouve une singulière démangeaison de propos déshonnêtes, et il est surtout à craindre pour
les mystères de ses patrons, dont il se fait le louangeur dans la prospérité, le délateur dans les
circonstances critiques ; si l'occasion le sollicite à dévoiler les secrets de ceux avec lesquels il est
familier, ce nouveau Spartacus brisera bientôt toutes les barrières, ouvrira toutes les portes, et les
maisons qui ne pourront être attaquées par une guerre déclarée, il les attaquera par les détours
d'une trahison clandestine. Voilà comment notre Dédale élève l'édifice de ses amitiés, s'associant,
de même que Thésée, à ses compagnons dans la bonne fortune, et leur échappant, de même que
Protée, dans le malheur. Ainsi donc, tu agiras selon mes vœux, si tu fuis tout rapport avec de
pareilles gens, surtout avec ceux dont les discours obscènes et dignes des théâtres ne reçoivent
de la pudeur aucun frein, aucune barrière.
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