
INTRODUCTION
La Commission globale sur les migrations internationales a estimé en 2005
qu’entre 4,5 et 8 millions de personnes sans autorisation de séjour vivent
dans l’Union européenne (de 1,5 % à 1,6 % de la population totale). En
outre, l’UE a enregistré 238 000 nouvelles demandes d’asile en 20081. Les
conditions de vie extrêmement précaires dans lesquelles cette population
demeure partout en Europe sont un sujet de préoccupation majeur pour les
défenseurs des droits de l’homme.
L’accès aux soins de santé de ces personnes est un sujet très important qui
doit être ouvertement débattu : ces personnes n’ont pas accès aux soins en
Europe à un niveau acceptable2. Élaborée à partir d’une enquête de terrain
faite en 2007 dans cinq pays, la première étude comparative de l’Observa-
toire européen de l’accès aux soins de Médecins du Monde a révélé la réalité
vécue par les personnes sans autorisation de séjour en Europe : elles n’ont
souvent pas accès à des soins de santé, même lorsqu’elles y ont droit, prin-
cipalement en raison du manque d’information, de l’impossibilité de payer
leurs soins médicaux ou par crainte d’être dénoncées3.
L’accès aux soins de santé pour les personnes sans autorisation de séjour
et pour les demandeurs d’asile en Europe est une question directement liée
à celle de la lutte contre « l’immigration illégale », préoccupation centrale de
l’Union européenne depuis au moins une décennie. Depuis l’entrée en vi-
gueur du traité d’Amsterdam en 1999, les États membres ont concentré leurs
efforts sur la mise en place de systèmes communs de contrôle des frontières
pour empêcher les migrants d’entrer sur le territoire européen. Dans le même
temps, ils ont déni et commencé à mettre en œuvre un système d’asile
commun. Plusieurs directives adoptées entre 1999 et 2004 par l’Union eu-
ropéenne visent à développer une approche globale de l’asile entre États
membres. Récemment, ces derniers ont également organisé la détention et
l’expulsion des personnes sans autorisation de séjour4.
Dans ce contexte, aucune place n’a été accordée à la question des droits (y
compris à ceux relatifs à la santé) des personnes sans autorisation de séjour.
Pourtant, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme afr-
ment que les soins de santé sont un droit fondamental. Le Pacte interna-
tional relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies
prévoit que les États reconnaissent « le droit qu’a toute personne de jouir du
meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre »5
et ceci « en s’abstenant de refuser ou de limiter l’accès égal de toutes les
personnes, y compris les prisonniers ou les retenus, les minorités, les de-
mandeurs d’asile et les migrants illégaux, aux services de santé préventifs,
curatifs et palliatifs ; s’abstenant d’imposer des pratiques discriminatoires en
tant que politique d’État »6.
Asylum levels
and trends in industrialised
countries 2008. Statistical
overview of asylum appli-
cations lodged in Europe
and selected Non-European
Countries
Comité des droits
économiques, sociaux et
culturels, Observations
générales n° 14 (2000) - Le
droit au meilleur état de
santé susceptible d’être
atteint