Grèce: la réforme du droit d`asile en marche

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Grèce/Droit d'asile
Grèce : La réforme du droit d'asile est en marche
(MFI/30.07.2013) Depuis des années, la Grèce était montrée du doigt par les ONG
pour son incapacité à accueillir décemment les demandeurs d'asile. Depuis deux
ans et demi, une loi a posé les bases d'un système de droit d'asile aux normes
européennes. La mise en place de la réforme a finalement commencé début juin.
Saïd Helal n'a pas de mots assez durs pour décrire sa situation : « Fuir l'injustice, la
guerre, la dictature de Bachar el-Assad... Et se retrouver là... Si j'avais su que ce
serait comme ça, je ne serais pas parti de Syrie. » Cet ancien fonctionnaire se morfond
dans un appartement loué par des compatriotes à Athènes, après avoir erré des jours et
des nuits dans la rue. Il fait partie de ces immigrés qui ont théoriquement droit au
statut de réfugié.
Mais il n'en a même pas fait la demande : « A quoi bon ? »... Cela ne lui permettra ni
de trouver un travail, dit-il, ni de retrouver son fils, détenu dans un centre de rétention
en Italie. Et les réponses sont rarement positives : en 2012, sur 154 Syriens qui ont fait
la démarche, seulement deux ont obtenu l'asile politique.
Des besoins considérables
« La réforme tant attendue est enfin sur les rails, se réjouit toutefois Petros Mastakas,
officier de protection du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés
(HCR). Le centre d'accueil d'Athènes a ouvert début juin, et nous attendons
l'ouverture des treize autres centres en province. » Le HCR a suivi de près cette
réforme, donnant maintes recommandations lors de la rédaction du projet de loi, il y a
deux ans et demi : jusqu'alors, les demandes étaient traitées par la police à Athènes. Il
fallait donc créer des instances indépendantes qui permettent de couvrir l'ensemble du
territoire et recruter le personnel adéquat, notamment des traducteurs. Car les besoins
sont considérables : depuis son ouverture, le premier centre d'accueil a déjà enregistré
une quarantaine de demandes par jour.
De fait, la Grèce est l'une des principales portes d'entrée du continent européen : sa
frontière avec la Turquie, à la fois maritime, terrestre et fluviale, est poreuse. Elle a vu
passer, ces dernières années, le plus grand nombre d'entrées clandestines de l'Union
européenne. Les demandeurs d'asile y sont donc nombreux, mais ils n'ont toujours pas
les moyens de se déclarer en bonne et due forme. Sur l'île de Lesbos par exemple, où
les arrivées se font plus denses ces derniers mois, les immigrés n'ont aucune possibilité
en foulant le sol grec de déposer une demande d'asile : ils échouent sur le port, sont
cueillis par la police, et reçoivent, quand ils sont libérés, un papier leur intimant l'ordre
de quitter la Grèce dans les trente jours.
« Ne pas se contenter de cette réforme »
L'objectif de la réforme est de remédier à cela. C'est un changement notable pour la
Grèce, où les incohérences de l'asile avaient fini par complètement biaiser le système :
de nombreux immigrés, venus en Europe pour des raisons plus économiques que
politiques, constituaient ainsi un dossier pour le statut de réfugié afin d'obtenir une
carte provisoire de demandeur d'asile qui les protégeait de l'expulsion.
De leur côté, afin de faire passer le message que la Grèce n’est pas un pays d’accueil,
les autorités traitaient en priorité ces cas manifestement infondés. Résultat, le taux de
reconnaissance était très faible - moins de 1 % des demandeurs obtenaient gain de
cause - et des milliers de dossiers restaient en attente, entretenant ainsi la confusion
entre demandeurs d'asile et immigrés clandestins.
« Ce vide juridique répondait à l'absence de politique en matière d'immigration,
explique Petros Mastakas. Il est très important qu'à présent les autorités ne se
contentent pas de cette réforme ni ne s'en servent comme alibi pour ne rien faire en
matière d'immigration. »
Autrement dit, tout reste à faire du côté de l'intégration des immigrés et de la
régularisation des sans-papiers. Ces derniers, malgré leur importante contribution à la
croissance économique dans la Grèce d'avant la crise, se heurtent à une législation très
stricte en matière de permis de séjour et de naturalisation.
Amélie Poinssot
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