HIGHLIGHTS 2015 1174
Dermatologie et vénérologie
Maladies cutanées chez les réfugiés
Siegfried Borelli, Stephan Lautenschlager
Dermatologisches Ambulatorium Triemli Zürich
Depuis l’é, le ux grandissant de réfugs vers
l’Europe de l’Ouest est un sujet dominant dans les mé-
dias. La route migratoire depuis la Turquie en passant
par les Balkans, la Hongrie et l’Autriche n’aecte que
peu la Suisse jusqu’à présent []. Ce sont principalement
les fugiés arris par bateau en Italie qui parviennent
en Suisse. Une augmentation des demandes d’asile de
,% par rapport à l’année précédente avait é
enregiste en[] une tendance qui s’est renforcée
en. Au cours du second trimestre de l’année, une
augmentation des demandes d’asile supérieure à la
moyenne a été constatée [], due à la douceur pcoce
des températures et à une recrudescence de la migration
secondaire des Erythréens d’Italie qui, avec les Soma-
liens et les demandeurs d’asile sri-lankais, repsen tent
plus de la moitié des demandes d’asile en Suisse.
En plus des s logistiques généraux que cette situa-
tion implique, il est également nécessaire d’assurer les
soins dicaux des demandeurs d’asile. D’après l’Orga-
nisation Mondiale de la San, il n’y a pas de risque de
menace sanitaire pour la population des pays de desti-
nation []; des mesures de curi sanitaire sont prises
aux frontières où tel est potentiellement le cas. En
Suisse, ces mesures comprennent, en plus du dépistage
de la tuberculose, des informations sur le système de
santé du pays, des vaccinations et la distribution de
préservatifs. La question de savoir si ces mesures sont
susantes et si notre sysme de santé peut faire face à
une vague de demandes d’asile encore plus importante
a obtenu, au début du mois d’octobre, des réponses
divergentes de la part de l’
Oce fédéral de la san pu-
blique
(OFSP) et de la
Conférence suisse des directrices et
directeurs cantonaux de la sant
é(CDS) []. En matre de
santé aux frontières, la tuberculose semble en eet re-
présenter le principal problème. Ainsi, un examen mené
chez migrants arris par bateau à Malte (pour plus
de % originaires de Somalie) a montré un test tuber-
culinique positif chez % d’entre eux, alors que la dé-
tection d’un antigène HBs positif s’est révélée positive
chez,% de ces migrants et la sérologie syphilitique
était positive chez,% d’entre eux [].
Les problèmes de san des réfugs sont cependant
plus vastes. En plus du traumatisme psychique subi, il
convient de tenir compte du fait qu’en Erythrée et en
Somalie, plus de % des femmes environ ont subi des
mutilations génitales []. En fonction du pays d’origine
et de l’itinéraire migratoire, d’autres maladies peuvent
être appores. Les conditions de voyage favorisent les
infections; d’un point de vue dermatologique, il convient
tout particulièrement de signaler les pyodermites et
les maladies parasitaires, avec en premre ligne la gale
[]. La gale n’est pas toujours une maladie banale, car
elle peut entraîner des complications post-infectieuses
telles qu’une glomérulonéphrite post-streptococcique
[]. Le traitement de la gale chez les demandeurs d’asile
est rendu dicile par la barrière de la langue et la pro-
miscui de l’hébergement. En Suisse, les pparations
dicales nécessaires doivent en outre encore être pres-
crites sans autorisation de
Swissmedic
.
Par ailleurs, les demandeurs d’asile bénécient bien sou-
vent d’une protection vaccinale insusante. Il convient
de mentionner ici avant tout la varicelle, qui peut en-
traîner des infections en raison des taux de séronégati-
viparticulrement éles chez les réfugs de la corne
de l’A frique [], et peut également conduire à des épidé-
mies dans les centres de demandeurs d’asile en raison
de l’hébergement collectif [, ]. Les mesures de préven-
tion et de lutte contre une épimie de varicelle com-
prennent l’isolement des patients, un traitement anti-
viral et l’interruption des transferts avec d’autres centres
d’accueil des demandeurs d’asile []. Enn, se pose éga-
lement la question d’une opération de vaccination de
masse, qui serait ecace mais ts coûteuse [].
L’institut
Robert Koch
de Berlin a indiqué en outre en
septembre  que d’autres maladies inhabituelles en
Europe de l’Ouest avaient été observées de manière
sporadique ou étaient à prévoir []. A du symp-
tôme cardinal qu’est laèvre, les manifestations cuta-
es occupent la seconde place des signes cliniques. On
pense ici à laèvre récurrente à poux (traces de grat-
tage, chies), à laèvre boutonneuse (traces de grat-
tage, exanthème prédominant au niveau du tronc), au
typhus (roséoles rares), à laèvre hémorragique de
Crimée-Congo (chies) et à la leptospirose (icre,
injection conjonctivale). Le paludisme, l’abcès amibien,
la leishmaniose viscérale et la èvre de Lassa ne donnent
pas lieu à des manifestations cutaes. Si certains des
symptômes cutanés peuvent sembler peu spéciques,
la dermatologie peut malgré tout orir une aide pour
la pose du diagnostic.
Nous avons pu rier ces observations en Suisse au
sein du service ambulatoire de dermatologie de l’hôpi-
tal Triemli enlors de l’organisation de la prise en
charge médicale des demandeurs d’asile à Zurich. En ce
Siegfried Borelli
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qui concerne les soins dicaux au sein du centre fé-
ral pour reqrants d’asile de Zurich, il y a d’une part
du personnel médical sur place et, d’autre part, la prise
en charge des soins de san primaire est principale-
ment assurée par une organisation municipale unique,
«l’A mbulatorium Kanonengasse». Pour les cas relevant
de la dermatologie, le patient est adres au service
ambulatoire de dermatologie de l’hôpital Triemli.
Cette situation de
Sentinel Surveillance Unit
nous a en
quelque sorte permis d’observer «en ac» bon
nombre des diagnostics crits ci-dessus. En plus de très
nombreux cas de gale (les Erythréens et les Somaliens
étaient presque tous touchés), les cas de pyodermite et
d’ecthyma étaient également fréquents. Etaient souvent
incriminées, en plus de staphylocoques et de strepto-
coques du groupe A, des corynébacries. Une bactérie
Corynebacterium diphtheriae
productrice de toxine a
été mise en évidence chez un patient (g.). Alors que
depuis , seuls quelques cas isolés de diphtérie cuta-
e avaient été recens, cinq cas ont déjà été signalés
chez des jeunes immigrés durant la premre moitié de
l’année  []. En cas de mise en évidence de coryné-
bactéries productrices de toxine au niveau cutané, il
est nécessaire de réaliser un frottis de la gorge et d’iso-
ler le patient en cas de résultat positif. Aps un traite-
ment antibiotique, la grison doit être documentée
par deux frottis de contrôle négatifs. Le statut vaccinal
est rié et la protection vaccinale est compe. Les
personnes de contact doivent être identiées, exami-
es et également traitées et vaccies.
Par la suite, toute une rie de patients atteints de vari-
celle ont en outre é obsers et ont dû, pour certains,
être hospitalisés pour recevoir un traitement antiviral
en raison de leur mauvais état de santé ral. Les hos-
pitalisations réalies dans un but d’isolement doivent
cependant être remises en question car elles sont extrê-
mement oreuses et les mesures d’isolement prises
dans le doute sont de toute façon trop tardives.
En ce qui concerne la leishmaniose, et à l’inverse de ce
que crit la liste de l’institut
Robert Koch
, il faut s’at-
tendre non seulement à un grand nombre de formes
viscérales, mais également cutaes. Dans une étude
trospective réalie par un centre du sud-est anato-
lien, il est fait état d’une proportion de réfugs syriens
surieure à% de l’ensemble des diagnostics de
leishmaniose cutae pos (patients de janvier 
à juin) []. Un seul cas de leishmaniose chez un Sy-
rien a érapporen Allemagne []. Au sein du service
ambulatoire de dermatologie, nous avons également
pu observer en  une leishmaniose cutanée (
leish-
mania aethiopica
) chez un Erythréen (g.).
La devise de la chancelière allemande Angela Merkel à
propos desux de migrants est bien connue: «Nous y
arriverons»
Wir schaen das»)
. D’un point de vue mé-
dical, nous sommes persuadés que nous y arriverons
aussi en Suisse. Mais pour ce faire, nous devons nous
préparer à la situation attendue. Cela nécessite un trai-
tement rapide et ecace, en particulier de la gale et de
la varicelle, qui surviennent sur un mode épidémique.
La protection vaccinale doit être compe. En outre,
nous devrons nous refamiliariser avec toute une rie
de maladies rares ou devenues rares en Europe.
Disclosure statement
Les auteurs ne déclarent aucun conit d’intérêtsnancier ou
personnel en rapport avec cet article
Références
La liste complète et nuroe des références est disponible
en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch.
Figure 1: Diphtérie cutanée (bactérie Corynebacterium diphteriae productrice de toxine)
chez un demandeur d’asile éthiopien.
Figure 2: Leishmaniose cutanée chez un demandeur d’asile érythréen.
Correspondance:
Prof. Stephan Lautenschlager
Chefarzt, Dermatologisches
Ambulatorium des Stadt-
spitals Triemli
Herman Greulich-Strasse
CH-Zürich
stephan.lautenschlager
[at]triemli.stzh.ch
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SWISS MEDICAL FORUM
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