Mini revue
Hypothyroïdie et risque cardiovasculaire :
principaux messages pour le clinicien
Fleur Cohen Aubart, Mathieu Gautier, Christel Jublanc, Eric Bruckert
Service d’Endocrinologie-Métabolisme, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital,
75651 Paris Cedex 13
Les hypothyroïdies patentes et infracliniques ont des effets
multiples sur le système cardiovasculaire. Elles sont notamment
associées à une augmentation du risque cardiovasculaire.
L’hypothyroïdie patente favorise l’hypertension artérielle et mo-
difie les paramètres lipidiques, les facteurs de coagulation et le
système fibrinolytique. Les effets sur les nouveaux facteurs de
risque cardiovasculaire (homocystéinémie, CRP ultrasensible,
dysfonction endothéliale) sont plus discutés. L’hypothyroïdie
infraclinique a des effets sur les paramètres lipidiques, et
peut-être sur d’autres facteurs de risque.
Si le traitement de l’hypothyroïdie patente ne se discute pas,
celui de l’hypothyroïdie infraclinique reste débattu.
Nous proposons dans cette revue de faire le point sur les
nouveaux facteurs de risque associés aux hypothyroïdies paten-
tes et infracliniques, ce qui permet de discuter les conséquences
pratiques pour le clinicien qui prend en charge les patients qui
en sont atteints.
Mots clés :hypothyroïdie patente, hypothyroïdie infraclinique, risque
cardiovasculaire
Les hormones thyroïdiennes ont de nombreux effets sur le cœur, les
vaisseaux et l’hémostase. L’hypothyroïdie est une pathologie fré-
quente (0.4 % de la population adulte) [1], affectant surtout les
femmes, et dont la prévalence augmente avec l’âge. Les étiologies en
sont variées (tableau 1). Les manifestations cardiovasculaires de l’hypothyroï-
die ont été décrites depuis longtemps, ainsi que l’association avec une athéros-
clérose plus fréquente et plus sévère que chez les euthyroïdiens. Des progrès
récents ont été réalisés pour élucider les mécanismes qui favorisent l’athérosclé-
rose chez les sujets hypothyroïdiens : cela passe par les facteurs de risque
traditionnels (hypercholestérolémie, hypertension artérielle), mais également
par d’autres « nouveaux » facteurs et peut-être par un effet direct des hormones
thyroïdiennes sur la paroi vasculaire. La plupart des modifications cardiovascu-
laires induites par l’hypothyroïdie sont réversibles par le traitement substitutif
par L-thyroxine.
Sang Thrombose Vaisseaux 2005 ;
17, n° 7 : 318-24
STV, vol. 17, n° 7, juin 2005
318
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L’hypothyroïdie infraclinique est définie par une élévation
de la TSH avec des hormones libres (T4 et T3) normales.
On la retrouve chez 9 % de la population adulte mais sa
prévalence augmente avec l’âge : le chiffre augmente après
74 ans à 21 % chez les femmes et 16 % chez les hommes
[2]. Le lien entre athérosclérose et hypothyroïdie infraclini-
que reste controversé, bien qu’on dispose maintenant de
plusieurs études qui confirment cette association. Ceci est
important pour justifier d’un traitement éventuel des pa-
tients avec hypothyroïdie infraclinique.
Nous proposons dans cette revue de faire le point sur les
nouveaux facteurs de risque associés à l’hypothyroïdie
patente et infraclinique, ce qui permet de discuter les consé-
quences pratiques pour le clinicien qui prend en charge ces
patients.
Mécanismes d’action des hormones
thyroïdiennes sur le système cardiovasculaire
La triiodothyronine (T3) est l’hormone thyroïdienne active
en périphérie et résulte de la conversion de la thyroxine
(T4) par une thyronine desiodase. Elle est responsable
d’une augmentation de la consommation et de l’extraction
d’oxygène périphérique, d’une diminution des résistances
vasculaires systémiques, d’un effet inotrope et chronotrope
positif et d’une augmentation du débit cardiaque (figure 1).
Au niveau moléculaire, la T3 agit via un récepteur nucléaire
qui entraîne une transactivation de certains gènes dont ceux
codant pour la synthèse des protéines myofibrillaires (qui
participent à la contractilité des myocytes cardiaques), pour
les récepteurs badrénergiques, la Na/KATPase, des canaux
potassiques voltage-dépendants et la Ca
2+
-ATPase.
Modifications hémodynamiques
et électrocardiographiques
de l’hypothyroïdie
Les effets hémodynamiques de l’hypothyroïdie sont oppo-
sés à ceux de l’hyperthyroïdie, mais généralement moins
symptomatiques. L’hypothyroïdie entraîne une bradycar-
Tableau 1.Etiologies des hypothyroïdies
périphériques acquises
Non iatrogènes :
– Thyroïdite auto-immune
– Maladies infiltrantes de la thyroïde
– Carence iodée sévère
– Thyroïdite subaiguë
– Thyroïdite silencieuse
– Thyroïdite du post-partum
latrogènes :
– Thyroïdectomie
– Iode radioactif
– Irradiation externe
– Médicaments (iode, amiodarone, interféron a, lithium,
antithyroïdiens)
Chronotrope +
Augmentation de la
consommation
d'O2 et de
substrats
T3
Diminution des RVP
Diminution de la perfusion rénale
Élévation de l'EPO
Activation du SRAA
Diminution de la postcharge
Inotrope +
Élévation du débit sanguin
Élévation du VES
Élévation de la précharge
Élévation du volume
sanguin
Figure 1.Mécanisme d’action des hormones thyroïdiennes sur le système cardiovasculaire.
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die, un assourdissement des bruits du cœur et une hyperten-
sion artérielle. Celle-ci est trois fois plus fréquente que chez
les euthyroïdiens, et touche 14-25 % des patients. Elle est à
prédominance diastolique avec diminution de la pression
pulsée. L’hypothyroïdie sévère est au contraire associée à
une baisse de la tension artérielle. Les mécanismes à l’ori-
gine de cette hypertension artérielle sont une augmentation
des résistances vasculaires périphériques (par vasoconstric-
tion périphérique) et une diminution de la compliance arté-
rielle. Il existe en effet une action directe de la T3 [3] sur les
cellules musculaires lisses (suggérée par la présence d’une
iodothyronine desiodase au sein de ces cellules). Par
ailleurs, on observe dans l’hypothyroïdie une élévation des
concentrations circulantes de noradrénaline ainsi qu’une
baisse du nombre de récepteurs badrénergiques et une
augmentation des récepteurs aadrénergiques favorisant une
vasoconstriction. Enfin, la diminution du débit de filtration
glomérulaire induite par la vasoconstriction favorise la
rétention hydrosodée. Cette hypertension artérielle est ré-
versible sous traitement par L-thyroxine. Certaines études
ont montré une augmentation de la tension artérielle diasto-
lique dans l’hypothyroïdie infraclinique.
L’insuffisance cardiaque est rare dans l’hypothyroïdie, et le
débit cardiaque est généralement suffisant pour assurer la
demande périphérique en oxygène qui est elle-même dimi-
nuée par l’hypothyroïdie. De même, la cardiomyopathie
dilatée ne se voit quasiment plus de nos jours. La dyspnée
d’effort et la fatigabilité décrites par les patients provien-
nent du système musculaire plus que d’une atteinte cardia-
que.
L’hypothyroïdie est associée à une augmentation de la
perméabilité capillaire entraînant une fuite protéique dans
l’interstitium et donc des œdèmes déclives. Ce mécanisme
est également à l’origine de l’épanchement péricardique
présent dans les formes évoluées d’hypothyroïdie. On peut
voir de la même façon une augmentation de l’épaisseur
intima média, réversible sous traitement par L-thyroxine,
pouvant refléter un œdème de la paroi vasculaire [4, 5].
L’électrocardiogramme révèle une bradycardie sinusale,
une diminution de l’amplitude de l’onde P et un allonge-
ment de l’espace QT (tableau 2). L’effet des hormones
thyroïdiennes sur les canaux potassiques pourrait expliquer
ces modifications. Les arythmies supraventriculaires et
ventriculaires sont trois fois plus fréquentes que dans la
population générale, et ne sont donc pas l’apanage de
l’hyperthyroïdie. Le microvoltage se voit en cas d’épanche-
ment péricardique.
Des mesures hémodynamiques invasives et non invasives
chez les sujets hypothyroïdiens ont démontré une diminu-
tion du débit cardiaque (bradycardie, diminution du rem-
plissage ventriculaire, diminution de l’inotropisme), une
élévation des résistances vasculaires systémiques et une
allongement du temps de relaxation et de contraction isovo-
lumiques.
Une étude de la scintigraphie cardiaque chez des hypothy-
roïdiens a montré une altération de la vasodilatation coro-
naire responsable d’anomalies de perfusion à l’effort, chez
4 patients sur 6 sans athérome coronarien [6].
Hypothyroïdie et athérosclérose
L’association hypothyroïdie-athérosclérose est décrite de-
puis longtemps. La première étude autopsique montrait en
1967 une prévalence et une sévérité plus importantes de
l’athérosclérose coronaire chez 25 patients hypothyroï-
diens, comparé à des sujets contrôles euthyroïdiens appa-
riés sur l’âge [7]. Plusieurs petites études cas-contrôle ont
ensuite confirmé cette association chez les sujets vivants
[7]. Par exemple, une étude hospitalière a montré une plus
grande prévalence de coronaropathie chez les sujets ayant
une TSH supérieure à 4 mU/L (48 % vs 38 % pour les
hommes et 37 % vs 20 % chez les femmes), ce qui était
significatif chez les femmes.
L’association entre hypothyroïdie infraclinique et athéros-
clérose a été étudiée dans plusieurs grandes études. L’étude
de Rotterdam [8] a trouvé parmi 1 149 femmes de plus de
55 ans une prévalence accrue d’athérome aortique (RR :
1,7, IC : 1,1 à 2,6) et d’infarctus du myocarde (RR : 2,3,
IC : 1,3 à 4) en cas d’hypothyroïdie infraclinique, même
après ajustement sur les facteurs de risque habituels. La
présence d’anticorps antithyroïdiens renforçait cette asso-
ciation (risques relatifs respectivement de 2,2 et 3,5 pour
l’athérome aortique et l’infarctus du myocarde). En revan-
che, la présence isolée d’anticorps antithyroïdiens sans
hypothyroïdie infraclinique n’était pas significativement
associée avec plus d’athérome. Willeit rapporte une préva-
lence accrue d’athérome carotidien (RR : 2,83) dans l’hy-
pothyroïdie infraclinique [9]. Imaizumi a étudié 257 pa-
tients avec une hypothyroïdie infraclinique comparés à
2 293 contrôles, et trouve une association avec une cardio-
Tableau 2.Modifications électrocardiographiques
de l'hypothyroïdie
Bradycardie sinusale
Diminution de l’amplitude de l’onde P
Bloc auriculo-ventriculaire de type 1
Bloc de branche droit
Diminution de l’amplitude ou inversion des ondes T
Allongement du QT
Troubles du rythme
Torsades de pointe
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pathie ischémique (RR : 2,5) chez les hommes uniquement,
mais pas d’association avec les accidents vasculaires céré-
braux. La mortalité était augmentée à 6 ans chez les hom-
mes avec une hypothyroïdie infraclinique (RR : 1,9 à 2,1)
sans analyse spécifique des causes de mortalité [10].
Monzani a montré une augmentation de l’épaisseur intima-
media des artères carotides chez 45 patients avec hypo-
thyroïdie infraclinique par rapport à des contrôles, mais la
signification de cette augmentation n’est pas formelle (athé-
rosclérose débutante ou œdème de la paroi vasculaire) [4].
Hypothyroïdie
et facteurs de risque traditionnels
L’hypothyroïdie entraîne une élévation du cholestérol total,
du LDL cholestérol et de l’apo B, par allongement de la
demi-vie des LDL (diminution du catabolisme) et diminu-
tion du nombre de LDL récepteurs (tableau 3). Ces modifi-
cations sont réversibles sous traitement par L-thyroxine. Il
existe également une augmentation de l’athérogénicité des
LDL qui sont plus sensibles à l’oxydation [11, 12] et une
élévation de la Lp(a). Le cholestérol HDL est normal ou
augmenté. D’autres mécanismes ont été décrits et pour-
raient favoriser l’athérosclérose tels qu’une diminution ré-
versible de la clairance des chylomicrons, une diminution
de l’activité de la lipoprotéine lipase et de la CETP (choles-
terolyl ester transferase protein), enzyme impliquée dans
la voie « reverse » du cholestérol. Une augmentation du
cholestérol total, du LDL cholestérol et de l’apoBaégale-
ment été décrite dans l’hypothyroïdie infraclinique, mais
ces associations ne sont pas démontrées dans toutes les
études. Une méta-analyse de 13 études portant sur 247
patients avec une hypothyroïdie infraclinique montre qu’un
traitement substitutif par L-thyroxine diminue en moyenne
de 17 mg/dL le cholestérol total, de 10 mg/dL le LDL
cholestérol, sans changement sur l’HDL cholestérol ni sur
les triglycérides [13]. Une étude a également montré des
anomalies du métabolisme des remnants de lipoprotéines
dans l’hypothyroïdie infraclinique réversible par le traite-
ment par L-thyroxine.
L’hypothyroïdie et le tabagisme ont des effets synergiques
sur les paramètres lipidiques, notamment sur l’élévation du
cholestérol total et LDL. Le tabac diminue en effet la
sécrétion des hormones thyroïdiennes et leur action en
périphérie, aggravant par ces mécanismes les signes biolo-
giques et biochimiques de l’hypothyroïdie [14].
L’effet sur la tension artérielle a déjà été décrit.
Hypothyroïdie et hémostase
On décrit classiquement un risque thrombotique dans l’hy-
perthyroïdie, alors que l’hypothyroïdie est associée à un
risque hémorragique qui reste modéré (ménorragies, ecchy-
moses, hémorragie lors d’une intervention chirurgicale)
[15]. Il existerait en fait un risque thrombotique dans l’hypo-
thyroïdie modérée (TSH entre 10 et 50 mU/L), alors que
l’hypothyroïdie sévère (TSH > 50mU/L) serait associée à
un risque accru de saignement [16]. L’hypothyroïdie en-
traîne des perturbations de l’hémostase à plusieurs ni-
veaux : hémostase primaire (allongement du temps de sai-
gnement, modification de l’agrégabilité plaquettaire, baisse
du facteur von Willebrand antigène ; rarement, thrombopé-
nie résolutive sous traitement substitutif), hémostase secon-
daire (diminution des facteurs VII, VIII, IX, XI, XII),
système fibrinolytique (D-dimères et PAI-1 [plasminogen
activator inhibitor type 1]) [16].
L’hémostase primaire se fait en plusieurs étapes : rétraction
du vaisseau lésé, adhésion des plaquettes au sous-
endothélium par l’intermédiaire du facteur von Willebrand,
activation et sécession plaquettaire d’ADP, adrénaline, no-
radrénaline, agrégation plaquettaire par l’intermédiaire du
fibrinogène, et enfin formation du clou plaquettaire. Cha-
cune de ces étapes est altérée dans l’hypothyroïdie, entraî-
nant un risque de saignement.
L’hypothyroïdie peut entraîner une baisse modérée du nom-
bre de plaquettes par réduction de la mégacaryopoïèse
(myxœdème médullaire).
Le facteur von Willebrand synthétisé par la cellule endothé-
liale circule lié au facteur VIII sous forme de polymères de
haut poids moléculaire. Dans l’hypothyroïdie, on décrit un
profil de maladie de Willebrand de type 1, caractérisé par
un déficit quantitatif modéré en facteur von Willebrand
(antigène et activité) et du facteur VIII, réversible sous
traitement substitutif par L-thyroxine [5,17]. Ce même
profil a été décrit dans l’hypothyroïdie infraclinique, avec
également une normalisation sous traitement par
Tableau 3.Facteurs de risque cardiovasculaires
dans l'hypothyroïdie
Paramètre Hypothyroïdie
infraclinique
Hypothyroïdie
patente
LDL cholestérol ↑↑
HDL cholestérol N variable
PA systolique N N ou
PA diastolique N ou ↑↑
CRP us N
Facteurs coagulation N
PAI-1 N ou
D-dimères ↑↑ou
Homocystéine N
Fibrinogène N ?
STV, vol. 17, n° 7, juin 2005 321
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L-thyroxine. Le mécanisme pourrait être une diminution de
la libération facteur von Willebrand par les cellules endo-
théliales par baisse de la sensibilité à l’épinéphrine qui
normalement la stimule. Un mécanisme similaire a été
décrit pour la libération de thrombomoduline (récepteur
endothélial de la thrombine) et l’endothéline 1. Si une
intervention chirurgicale est nécessaire avant que le traite-
ment substitutif par L-thyroxine ait pu être débuté, la
dDAVP (desmopressine) peut être utilisée pour corriger le
trouble de l’hémostase, en favorisant la libération de facteur
Willebrand par les cellules endothéliales.
L’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine diphos-
phate (ADP) et le collagène est accrue dans l’hypothyroï-
die, par élévation du nombre de protéines kinases de la
chaîne légère de la myosine, ce qui augmente l’activité des
protéines contractiles plaquettaires. En revanche, l’agréga-
tion plaquettaire induite par la ristocétine est diminuée car
elle dépend du facteur Willebrand.
Les données concernant l’effet de l’hypothyroïdie sur le
fibrinogène restent contradictoires. Myrup rapporte que les
taux de fibrinogène augmentent lorsqu’on substitue les
hypothyroïdiens et diminue lorsqu’on traite les hyperthy-
roïdiens, mais il s’agit d’une étude sur 19 patients [18]. À
l’inverse, d’autres n’ont pas retrouvé de corrélation entre
fibrinogène et T4 libre, ou pas d’élévation du fibrinogène
sous traitement substitutif. Dans l’étude de Chadarévian
[16], il existait une corrélation entre T4 libre et fibrinogène,
même après ajustement sur les facteurs confondants (âge,
sexe et tabagisme), suggérant que l’hypothyroïdie sévère
est associée à des taux plus bas de fibrinogène.
La fibrinolyse permet la dissolution du caillot sanguin une
fois la plaie cicatrisée. Les facteurs enzymatiques responsa-
bles de la fibrinolyse sont le plasminogène (proenzyme
transformée en plasmine), l’activateur tissulaire du plasmi-
nogène (tPA, qui circule lié à son inhibiteur le PAI), le
facteur Hageman et l’urokinase. Le PAI inhibe le tPA et
l’urokinase alors que l’a2-antiplasmine inhibe la plasmine.
Les D-dimères sont le produit de clivage terminal de la
plasmine sur la fibrine et sont un marqueur de l’activation
de la coagulation et de la fibrinolyse. Des taux élevés de
D-dimères ont été rapportés dans la CIVD, les thromboses
veineuses profondes, les infarctus du myocarde et les coro-
naropathies. Il existe une corrélation inverse entre le chiffre
de D-dimères et la valeur de T4 libre [16]. Cette corrélation
reste valable après exclusion des facteurs confondants. Des
taux élevés de D-dimères ont également été rapportés dans
l’hypothyroïdie infraclinique.
En fait, l’activité du système fibrinolytique dépend du
degré de l’hypothyroïdie [16]. Une élévation du PAI-1, une
diminution des D-dimères et une augmentation de l’a2-
antiplasmine a été observée chez les patients avec une
hypothyroïdie modérée (TSH entre 10 et 50), suggérant une
hypofibrinolyse. À l’inverse, l’hypothyroïdie sévère (TSH
supérieure à 50) entraîne une élévation des D-dimères, une
baisse du PAI-1 et de l’a2-antiplasmine, qui favorisent la
fibrinolyse.
Ces constatations ont une conséquence pratique directe :
l’initialisation du traitement substitutif pourrait donc s’ac-
compagner d’un risque thrombotique accru. Récemment,
deux cas d’infarctus du myocarde à coronaires saines ont
été décrits au début du traitement par L-thyroxine.
En pratique, on trouve donc chez les sujets hypothyroïdiens
un allongement du temps de saignement, un allongement
modéré du TCA, une baisse modérée du TP, un temps de
thrombine (qui explore la transformation du fibrinogène en
fibrine) normal.
Les mécanismes par lesquelles les hormones thyroïdiennes
agissent sur l’hémostase ne sont pas clairs. Il existe dans
l’hypothyroïdie une diminution de la synthèse hépatique
des facteurs de coagulation, ainsi qu’un allongement de
leur demi-vie expliquant que des doses plus élevées d’anti-
vitamines K soient nécessaires pour anticoaguler ces pa-
tients. Les modifications de l’hémostase peuvent égale-
ment être une conséquence de l’athérosclérose qui est plus
fréquente chez les patients hypothyroïdiens. Il existe enfin
des modifications des récepteurs adrénergiques qui interfè-
rent avec l’hémostase [16].
Hypothyroïdie et « nouveaux » facteurs
de risque cardiovasculaire
L’homocystéinémie est maintenant reconnue comme un
marqueur du risque cardiovasculaire. Plusieurs études ont
démontré une élévation de l’homocystéinémie chez les
patients avec une hypothyroïdie [19–22]. Le mécanisme
serait une diminution de la clairance rénale et/ou une altéra-
tion du métabolisme des folates. Le traitement substitutif
diminue l’homocystéinémie dans une étude randomisée
[22]. L’hypothyroïdie infraclinique n’est pas associée à une
hyperhomocystéinémie.
La CRP ultrasensible est un marqueur de l’inflammation,
également reconnu comme un marqueur de risque indépen-
dant d’événement cardiovasculaire. Christ-Crain a rapporté
récemment une élévation de la CRPus chez les patients
avec une hypothyroïdie avérée et infraclinique par rapport
aux euthyroïdiens [22]. Le traitement substitutif n’avait pas
d’effet sur la CRPus. Nous avons étudié la relation entre T4
libre et CRPus chez des sujets dyslipidémiques euthyroï-
diens, sans traitement hypolipémiant ou traitement hormo-
nal substitutif de la ménopause (qui influencent les valeurs
de CRPus). Chez les non-fumeurs, la T4 libre était inverse-
ment corrélée à la CRPus [23]. Une limite doit cependant
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