L-thyroxine. Le mécanisme pourrait être une diminution de
la libération facteur von Willebrand par les cellules endo-
théliales par baisse de la sensibilité à l’épinéphrine qui
normalement la stimule. Un mécanisme similaire a été
décrit pour la libération de thrombomoduline (récepteur
endothélial de la thrombine) et l’endothéline 1. Si une
intervention chirurgicale est nécessaire avant que le traite-
ment substitutif par L-thyroxine ait pu être débuté, la
dDAVP (desmopressine) peut être utilisée pour corriger le
trouble de l’hémostase, en favorisant la libération de facteur
Willebrand par les cellules endothéliales.
L’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine diphos-
phate (ADP) et le collagène est accrue dans l’hypothyroï-
die, par élévation du nombre de protéines kinases de la
chaîne légère de la myosine, ce qui augmente l’activité des
protéines contractiles plaquettaires. En revanche, l’agréga-
tion plaquettaire induite par la ristocétine est diminuée car
elle dépend du facteur Willebrand.
Les données concernant l’effet de l’hypothyroïdie sur le
fibrinogène restent contradictoires. Myrup rapporte que les
taux de fibrinogène augmentent lorsqu’on substitue les
hypothyroïdiens et diminue lorsqu’on traite les hyperthy-
roïdiens, mais il s’agit d’une étude sur 19 patients [18]. À
l’inverse, d’autres n’ont pas retrouvé de corrélation entre
fibrinogène et T4 libre, ou pas d’élévation du fibrinogène
sous traitement substitutif. Dans l’étude de Chadarévian
[16], il existait une corrélation entre T4 libre et fibrinogène,
même après ajustement sur les facteurs confondants (âge,
sexe et tabagisme), suggérant que l’hypothyroïdie sévère
est associée à des taux plus bas de fibrinogène.
La fibrinolyse permet la dissolution du caillot sanguin une
fois la plaie cicatrisée. Les facteurs enzymatiques responsa-
bles de la fibrinolyse sont le plasminogène (proenzyme
transformée en plasmine), l’activateur tissulaire du plasmi-
nogène (tPA, qui circule lié à son inhibiteur le PAI), le
facteur Hageman et l’urokinase. Le PAI inhibe le tPA et
l’urokinase alors que l’a2-antiplasmine inhibe la plasmine.
Les D-dimères sont le produit de clivage terminal de la
plasmine sur la fibrine et sont un marqueur de l’activation
de la coagulation et de la fibrinolyse. Des taux élevés de
D-dimères ont été rapportés dans la CIVD, les thromboses
veineuses profondes, les infarctus du myocarde et les coro-
naropathies. Il existe une corrélation inverse entre le chiffre
de D-dimères et la valeur de T4 libre [16]. Cette corrélation
reste valable après exclusion des facteurs confondants. Des
taux élevés de D-dimères ont également été rapportés dans
l’hypothyroïdie infraclinique.
En fait, l’activité du système fibrinolytique dépend du
degré de l’hypothyroïdie [16]. Une élévation du PAI-1, une
diminution des D-dimères et une augmentation de l’a2-
antiplasmine a été observée chez les patients avec une
hypothyroïdie modérée (TSH entre 10 et 50), suggérant une
hypofibrinolyse. À l’inverse, l’hypothyroïdie sévère (TSH
supérieure à 50) entraîne une élévation des D-dimères, une
baisse du PAI-1 et de l’a2-antiplasmine, qui favorisent la
fibrinolyse.
Ces constatations ont une conséquence pratique directe :
l’initialisation du traitement substitutif pourrait donc s’ac-
compagner d’un risque thrombotique accru. Récemment,
deux cas d’infarctus du myocarde à coronaires saines ont
été décrits au début du traitement par L-thyroxine.
En pratique, on trouve donc chez les sujets hypothyroïdiens
un allongement du temps de saignement, un allongement
modéré du TCA, une baisse modérée du TP, un temps de
thrombine (qui explore la transformation du fibrinogène en
fibrine) normal.
Les mécanismes par lesquelles les hormones thyroïdiennes
agissent sur l’hémostase ne sont pas clairs. Il existe dans
l’hypothyroïdie une diminution de la synthèse hépatique
des facteurs de coagulation, ainsi qu’un allongement de
leur demi-vie expliquant que des doses plus élevées d’anti-
vitamines K soient nécessaires pour anticoaguler ces pa-
tients. Les modifications de l’hémostase peuvent égale-
ment être une conséquence de l’athérosclérose qui est plus
fréquente chez les patients hypothyroïdiens. Il existe enfin
des modifications des récepteurs adrénergiques qui interfè-
rent avec l’hémostase [16].
Hypothyroïdie et « nouveaux » facteurs
de risque cardiovasculaire
L’homocystéinémie est maintenant reconnue comme un
marqueur du risque cardiovasculaire. Plusieurs études ont
démontré une élévation de l’homocystéinémie chez les
patients avec une hypothyroïdie [19–22]. Le mécanisme
serait une diminution de la clairance rénale et/ou une altéra-
tion du métabolisme des folates. Le traitement substitutif
diminue l’homocystéinémie dans une étude randomisée
[22]. L’hypothyroïdie infraclinique n’est pas associée à une
hyperhomocystéinémie.
La CRP ultrasensible est un marqueur de l’inflammation,
également reconnu comme un marqueur de risque indépen-
dant d’événement cardiovasculaire. Christ-Crain a rapporté
récemment une élévation de la CRPus chez les patients
avec une hypothyroïdie avérée et infraclinique par rapport
aux euthyroïdiens [22]. Le traitement substitutif n’avait pas
d’effet sur la CRPus. Nous avons étudié la relation entre T4
libre et CRPus chez des sujets dyslipidémiques euthyroï-
diens, sans traitement hypolipémiant ou traitement hormo-
nal substitutif de la ménopause (qui influencent les valeurs
de CRPus). Chez les non-fumeurs, la T4 libre était inverse-
ment corrélée à la CRPus [23]. Une limite doit cependant
STV, vol. 17, n° 7, juin 2005
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