LA VIOLENCE SCOLAIRE AU CAMEROUN Anthropologie d`un fait

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M bonji E djenguèlè
et Pierre François E dongo Ntede
LA VIOLENCE SCOLAIRE AU CAMEROUN
Anthropologie d’un fait quotidien
La violence scolaire
au Cameroun
MBONJI EDJENGUÈLÈ
et Pierre François EDONGO NTEDE
La violence scolaire
au Cameroun
Anthropologie d’un fait quotidien
Des mêmes auteurs
MBONJI EDJENGUÈLÈ
Santé, maladies et médecine africaine. Plaidoyer pour l’autre
tradipratique, Yaoundé, PUY, 2009, 302 pages.
Mort et vivants en negro-culture. Culte ou entraide ? Yaoundé, PUY,
2006, 188 pages.
L’Ethno-perspective ou la méthode du discours de l’ethnoanthropologie culturelle, Yaoundé, PUY, 2005, 121 pages.
La Science des sciences humaines. L’anthropologie au péril des
cultures ? Yaoundé, Éditions Étoile, 2001, 138 pages.
Les Cultures-vérité. Le Soi et l’Autre. Ethnologie d’une relation
d’exclusion, Yaoundé, Éditions Étoile, 2000, 134 pages.
Les Cultures de développement en Afrique. Essai sur l’impossible
développement sans révolution culturelle, Yaoundé, Éditions OsirisArica, 1998, 255 pages.
EDONGO NTEDE Pierre François
Ethno-anthropologie des punitions en Afrique, Paris, L’Harmattan,
2010, 210 pages.
© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-343-06587-8
EAN : 9782343065878
"La violence scolaire est à la
fois le fruit et la graine de la violence sociétale"
(Yannick Joyeux, L'Éducation face
à la violence, ESF, 1996, p. 172.)
AVANT–PROPOS
Forme de socialité, espace de façonnage des êtres, lieu de
socialisation et de sociabilité, l’école est au centre
d’interactions multiformes parmi lesquelles la violence, qui
est l’un des invariants comportementaux de l’humain. Sous le
feu roulant des analyses critiques des spécialistes de l’école,
la violence à l’école est passée du statut d’épiphénomène à
celui d’analogon subsumant le champ de force qu’est la
société. L’homme n’a pas que des aspects reluisants, il en a
aussi de sombres. « L’être humain dit Yves Michaud (1998),
n’est pas un animal tendre ». Et parce que ses désirs sont
mimétiques, il culmine selon René Girard, dans une rivalité
victimisante. L’école n’en fait pas l’économie : agressions
contre les enseignants ou entre apprenants, rackets, insultes,
larcins, vandalisme, mendicité, viol, harcèlement.
Qu’elle soit le fait d’un nombre de plus en plus croissant
de « vaincus sociaux » (François Dubet, 2005) enclins à
renverser ou diluer le stigmate en s’attaquant à l’école et à
ceux qui la fréquentent, ou le fait d’actants internes à
l’institution (relation pédagogique asymétrique) ou
d’envahisseurs externes, la violence est usage de la force ou
de la parole comme mode d’atteinte aux personnes et aux
biens, elle est infraction à l’intégrité et à la dignité,
transgression, défi de l’autorité…
La violence dans la société et à l’école fait l’objet de quête
de sens et d’étiologie, pulsion combative due à la
monoamine-oxydase (gène M.A.O.), dégradation du lien
social, frustration inhérente aux inégalités, contestation du
discours hégémonique de l’enseignant et des pratiques
pédagogiques à violences éducatives autrefois tolérées parce
qu’initiatiques.
Loin d’être une explication de plus, l’argument du livre est
de décrire les formes modernes de la délinquance scolaire,
syntone et réflexive, ce qui n’exclut cependant pas l’esquisse
de la lecture généraliste de l’anthropologie modélisant la
violence scolaire en opposition binaire :
1. Élèves en quête de savoir versus envahisseurs en quête
d’avoir.
2. Ethno-culture de l’école, son ethnonyme, ses frontières,
sa langue, ses règles juridiques, sa structuration politique, son
expression artistique versus les cultures périscolaires.
3. Groupes d’âges institutionnels d’apprenants versus
agresseurs à âges variables.
4. École comme espace d’éducation versus école comme
marché pour awacheurs en mal d’approvisionnement.
5. Élèves arborant des emblèmes de réussite matérielle
versus ceux aspirant à consommer lesdits emblèmes sans
souscrire aux indispensables processus graduels et
sacrificatoires de la formation institutionnelle.
Bref, par sa complexité, la violence à l’école est justiciable
d’un traitement à la fois spécialisé et holistique. Sans garantie
de cernes exhaustifs, ni d’éradication, parce que
consubstantielle à la vie, à la nature humaine et à la société.
Prétendre venir à bout de la violence à l’école suppose de
changer l’homme, c’est-à-dire de lui faire violence.
MBONJI EDJENGUÈLÈ
8
INTRODUCTION
L’école camerounaise est un terrain en friche qui n’a pas
souvent été visité. Les anthropologues semblent avoir mis
entre parenthèses les questions d’éducation. L’anthropologue
américaine Margaret Mead (1977 : 210) avait déjà dénoncé
ce fait en écrivant, à propos de son ex-époux lui aussi
anthropologue, Réo Fortune : « Réo décida qu’il s’occuperait
de la culture, et me laisserait la langue, les enfants, les
techniques ». De nos jours, parce que soucieuse de totalité,
l’anthropologie de l’enfance explore les champs de la
psychologie du développement et des tendances plus
conformes à son objet. D’où l’analyse des représentations
symboliques de l’enfance et des rituels auxquels celle-ci
donne lieu. Mais aussi, l’examen des pratiques de soins de la
prime éducation ainsi que les modalités d’insertion familiale
et sociale du jeune apprenant.
Les recherches faites dans le système éducatif
camerounais révèlent que de nombreux dysfonctionnements
restent tabous. C’est le cas de la violence qui s’y enracine
chaque jour au grand dam de la communauté éducative. On
peut même se demander si les professionnels de l’éducation
et les autres membres de la communauté éducative ne veulent
pas se faire les complices de ces violences banalisées ou
cachées. Pourtant, l'école n'est pas indépendante de la société
et l'analyse de la violence scolaire dépasse le champ de
l'éducation et renvoie aux dimensions politique, idéologique
et culturelle. Le système scolaire a été décrit comme un
instrument de reproduction des positions sociales inégales.
L’institution scolaire joue un rôle dans la bonne ou mauvaise
gestion des désordres scolaires.
Le thème de la violence scolaire que nous abordons dans
cet ouvrage, malgré sa faible médiatisation au Cameroun, le
peu d’intérêt qu'il suscite dans de nombreuses sphères, mérite
tout de même qu’on lui porte une attention particulière au
risque de se laisser emporter par les nouvelles formes
sibyllines de déviance, mises en place par les jeunes
aujourd’hui, pour défier l’ordre social. Face à la
recrudescence de la violence scolaire, l’anthropologie
intervient pour cerner les causes profondes du problème et
proposer si possible, quelques remèdes, en prenant pour
objet, ce contexte déstructuré du système éducatif
camerounais. Elle étudie les comportements des acteurs du
système éducatif sous toutes les dimensions, en montrant
comment la violence (qui est notre objet d’étude) peut être
comprise et expliquée en relation avec des phénomènes
parentaux ou politiques (Claude Rivière, 1995, 1999).
L’anthropologie de l’éducation vient par ailleurs recadrer les
missions de l’enseignant dans la société, en l’aidant à rompre
avec ce pédagogisme avéré1 dans lequel il est cloîtré. Les
enseignants devant se muer en acteurs sociaux ayant
conscience de leur rôle majeur dans les institutions sociétales.
La violence scolaire présente deux volets : elle cristallise
de concert un pathos qui en révèle son aspect asocial, et un
ethos qui signale de son côté, ses dimensions socialement et
culturellement négatives, comme expression de la perte des
valeurs culturelles d’un groupe humain. Ainsi, au même titre
que d’autres comportements humains, les conduites déviantes
à l’école se prêtent facilement à une approche
pluridisciplinaire. Ceci est d’autant plus vrai que ces
dernières convoquent dans une même analyse les dimensions
psychologiques, sociales et culturelles si chères à
l’anthropologue américain Alfred Louis Kroeber (1816-1960)
lorsqu’il s’agissait de souligner la singularité d’un
1
L’enseignant n’a pas pour seule mission, la transmission des
connaissances livresques. C’est un éducateur qui doit transmettre des
normes et des valeurs à ses ouailles.
10
culturel supra-organique2 par rapport aux autres aspects de la
vie humaine, ou à Marcel Mauss lorsqu’il cherchait à unifier
les différents aspects de la recherche anthropologique à
travers la formulation du fait social total qui se révèlera dans
son « Essai sur le don » (1924). En tant qu'acteurs sociaux et
chercheurs en anthropologie, la dimension qu'occupe le
phénomène de la violence dans le quotidien de l’espace
scolaire et social en général, ne pouvait nous laisser
insensibles. Il faut rappeler qu’un des auteurs de cet ouvrage
exerçait il y a quelques années encore, la profession de
conseiller d’orientation dans les lycées, et l’autre enseigne
depuis de nombreuses années dans les universités
camerounaises et du monde. La jeunesse, la délinquance
juvénile et la violence scolaire en général, sont des sujets
auxquels nous sommes quotidiennement confrontés dans la
pratique professionnelle. Cependant, la connaissance que
nous avions du phénomène nous paraît aujourd’hui limitée.
De nombreuses questions restaient en suspens et le champ
éducatif à lui seul ne permettait pas d'apporter les réponses
souhaitées. D’où l’approche anthropologique qui devenait
nécessaire, afin de mieux comprendre la violence à l’école et
autour de l’école. D’ailleurs, pour comprendre le phénomène,
il faut interposer des disciplines d’études très variées, mais
qui s’entrecroisent.
Avant de nous focaliser sur la violence en milieu scolaire
camerounais, nous avons parcouru des ouvrages et des
2
Le concept de culture supra-organique renvoie à une approche
spécifique de la culture, décrite dès le premier quart du XXe siècle par les
anthropologues américains Alfred Louis Kroeber et Robert Harry Lowie
(1917 puis 1927). Cette approche assimile l'idée de culture à un processus
holistique, tendant à constituer un ensemble supérieur à la somme de ses
parties. En d'autres termes, la culture est appréhendée ici tel un tout et
perçue comme une forme supranaturelle qui répond avant tout de sa
propre initiative, comme une entité supérieure à l’homme et non
réductible à des actions individuelles.
11
articles récents concernant les pratiques éducatives en
milieux difficiles. Contrairement au Cameroun, la littérature
européenne concernant les phénomènes de violence scolaire
s'est considérablement accrue au cours de ces dernières
années. On constate en général que le terme violence
recouvre des réalités différentes selon les points de vue des
acteurs impliqués (administrations, enseignants, élèves,
familles), selon les lieux (ce qui est perçu comme violent
dans tel établissement scolaire urbain ne le sera pas
nécessairement dans tel autre établissement de la périphérie).
E. Prairat (1994) établit une nette distinction entre
violence et indiscipline, « que l'on ne saurait réduire ou
diluer dans une problématique de la violence ». Il caractérise
la violence comme une agression délibérée relevant de la
justice ; d'un autre côté, les actes d'indiscipline relèvent de
l'action éducative, puisqu'ils sont de l'ordre des petits
désordres constitutifs d'un rapport lâche et flottant envers le
cadre normatif scolaire. C'est un phénomène en expansion,
mais E. Prairat s'attache plus à en découvrir la « modification
qualitative », c'est-à-dire le sens, la forme et la portée. Ainsi,
il fait plusieurs constats : ce phénomène est relativement
général, presque plus aucun établissement n'y échappant ; les
exigences de l'école fluctuent, de sorte que les élèves
s'immiscent dans ses contradictions ; les chahuts deviennent
anomiques, c'est-à-dire plus diffus et moins ritualisés que les
chahuts traditionnels, témoignant en cela d'une
désacralisation des règles.
Les résultats des réflexions d’E. Debarbieux (1996) dans
son ouvrage, La violence en milieu scolaire. : 1.État des
lieux, font apparaître que la violence rencontrée dans les
établissements scolaires est rarement pénalisable (à
l'exception du racket) et rarement le fait d'éléments extérieurs
aux établissements. Elle se situe davantage du côté de
l'incivilité, ce qui ne signifie nullement que l'on doive la
tolérer. Elle révèle une crise interne aux établissements, une
12
perte chez les élèves des repères et des limites, le signe d'une
rupture profonde de la civilité scolaire entre le monde des
enseignants et celui de leurs élèves et des parents. Par
ailleurs, la dégradation du climat est inégale et apparaît
fortement liée aux caractéristiques de la population accueillie.
Pour B. Charlot et J.C. Emin (1997) qui abordent dans leur
ouvrage, Violences à l'école : état des savoirs, la violence
n'est pas une soudaine « malédiction » qui s'abattrait sur les
établissements scolaires : elle est corrélée à l'état de la société
et de son école, aux politiques et aux pratiques des
établissements et de leurs personnels, aux compétences
cognitives et relationnelles de ceux qui y vivent, élèves et
adultes. La même thèse est reprise par C. Barles (1997), qui
pense que la vie à l'école s'est dégradée, essentiellement parce
que la situation économique et sociale s'est elle aussi
beaucoup dégradée. Mais si l'école ne peut pas tout régler,
elle peut cependant agir. Faisant le pari de l'éducabilité de
tous les jeunes, les auteurs avancent l'idée du caractère
« disciplinant » des contenus disciplinaires. Il s'agit de lutter
contre l'échec scolaire en repensant les contenus des
enseignements. En 1998, C. Molaro dans son ouvrage,
Violences urbaines et violences scolaires, entreprend de
situer l'émergence de ces deux objets. Il évalue d'abord les
différents niveaux de violences urbaines, et présente les
grands axes de la politique de la ville. Puis il s'intéresse à
l'apparition des violences urbaines dans l'espace public et les
relie notamment à la problématique de l'échec scolaire. Enfin,
après avoir questionné la nature de la relation entre violences
urbaines et violences scolaires, il interroge ces dernières à
travers les pratiques des enseignants telles qu'il les a
observées au cours de son enquête.
Dans son ouvrage, La violence dans la classe, E.
Debarbieux (1999), après avoir proposé une analyse du
phénomène, examine tour à tour les perceptions des
enseignants (sur la violence entre enfants, sur la violence
13
entre l'enseignant et les élèves) et des élèves (violence de
l'élève vers le maître, violence de l'enseignant vers
l'enseigné). Il met ainsi à jour deux systèmes de
représentation de la violence, chez l'enseignant et l'enseigné.
Dans ce lieu clos qu'est la salle de classe, l'élève réagit par la
fuite, la soumission ou l'agression. Pour changer la situation,
il s'agit d'entreprendre une profonde transformation du vécu
spatial de la classe, qui doit devenir le lieu des élèves autant
que celui du maître. G. Fotinos et J. Fortin (2000), mettent en
évidence dans leur ouvrage, Une école sans violences ? : de
l'urgence à la maîtrise, le fait que la lutte contre la violence à
l'école doit être globale et construite sur le trépied prévention,
répression et remédiation. L'ouvrage débouche sur la
constitution d'un projet d'action construit sur la prévention et
« 12 principes et démarches pour passer de l'urgence à la
maîtrise ». Les auteurs se proposent de saisir le « phénomène
de société » qu'est désormais la violence à l'école dans une
dimension historique, sociale, scientifique, administrative,
pédagogique et émotionnelle, afin d'ouvrir des perspectives
nouvelles aux acteurs et partenaires du système éducatif.
L’ouvrage de J. L. Lorrain (2003) intitulé : Les violences
scolaires, analyse les actes déviants à l'école par la diversité
des acteurs, des victimes, des faits et des actes et conclut que
c’est un phénomène complexe et multiforme, nous
confrontant au mal-être des jeunes victimes et de leurs
agresseurs, au déficit d'éducation, ou encore à la perte
d'autorité des adultes. M. Wieviorka (2004) propose pour sa
part, un ouvrage de réflexion dans lequel le sociologue
cherche à établir un nouveau paradigme de la violence. Il
montre que les approches classiques se révèlent insuffisantes,
car elles n'accordent pas toute leur place à la subjectivité des
acteurs. Il réaffirme la nécessité d'inventer de nouveaux
conflits, de reconnaître les acteurs émergents et de redonner
sens au lien social.
14
Le livre de C. Blaya (2006), dresse un panorama de la
situation dans les établissements scolaires. Il fournit à ceux
qui se retrouvent trop souvent seuls et démunis face à des
situations "impossibles" de très précieuses indications.
L'auteure présente les concepts et modèles qui étayent
l'analyse actuelle tout en ouvrant la discussion sur d'autres
outils. Cette démarche s’apparente à celle d’E. Debarbieux
(2006) qui fournit à chacun, enseignant, responsable politique
ou simple citoyen, une présentation objective du phénomène
de la violence pris dans sa complexité et sous toutes ses
dimensions. E. Debarbieux (2006)3 plaide aussi pour des
enquêtes de victimation et d’une approche raisonnée
permettant de distinguer à la fois les différents types de
violence et les différents contextes qui la produisent. J. Pain
(2006)4 fait le point sur les violences exercées en milieu
scolaire. Il explique les mécanismes ordinaires de la violence
à l’école et pense que c’est la « libéralisation des mœurs de
la société civile » qui entraîne une « érosion en règle des
racines normatives… » Qu'est-ce que la violence ? E.
Debarbieux nous donne cette définition :
désorganisation brutale ou continue d'un système personnel, collectif
ou social se traduisant par une perte d'intégrité physique, psychique ou
matérielle.
Pour mieux comprendre les différents types de violence, P.
Vienne (2003)5 propose des grilles de lecture à partir d’une
théorisation sociologique et anthropologique d’un travail de
deux ans dans des établissements scolaires. H. PerrinEscalon6 (2003) présente des tableaux statistiques de la
violence en France en 2000. Il s’intéresse à l’âge, au sexe et à
3
E. Debarbieux, Violence à l’école : un défi mondial ?, Armand Colin,
2006.
4
J. Pain, L’École et ses violences, Economica, 2006.
5
P. Vienne, Comprendre les violences à l’école, De Boeck-Lacier, 2003.
6
H. Perrin-Escalon, « La violence chez les jeunes scolarisés », in La
santé de l’homme, 2003.
15
la réussite scolaire. J. Pain7 (1994) lui, se demande s’il faut
vraiment parler de violences scolaires à l’école ? Il qualifie
l’école de délinquante et disserte sur les facteurs de déviance
des jeunes. P. Bourdieu8 montre que c’est même l’éducation
qui est souvent une forme de violence symbolique faite aux
enfants des milieux populaires qui les contraint et les aliène.
Il a décrit certains rites d’institutions qui demeurent, mais il a
contribué sans doute à occulter la violence anomique. Enfin,
selon la théorie de T. Hobbes9 (1651), la société elle-même a
pour finalité de réduire la violence en créant une violence
plus forte encore, mais légitime, celle de l’ordre et de l’État.
Dans une perspective voisine, S. Freud10 nous apprend que la
violence est ancrée dans le désir et dans la formation normale
de la personnalité.
Enfin en 2013, Christophe Varagnac, dans un ouvrage
intitulé Peurs sur l’école, dénonce la déliquescence du
système éducatif de son pays et pense que le problème
principal réside dans la crise de l’autorité. C’est un
témoignage édifiant sur la violence ordinaire dans les lycées.
Le présent ouvrage se propose lui, de décrire l'évolution des
perceptions et des réponses apportées à ce phénomène,
expose les initiatives publiques et associatives et livre les
données statistiques les plus récentes. Face au sentiment
d'impuissance que génèrent souvent les violences scolaires de
7
J. Pain, « Les violences en milieu scolaire : du concept à la prévention »,
in La violence à l’école, Paris, Les cahiers de la sécurité intérieure, 1994.
8
Pierre Bourdieu (juin 1982), « Les rites d’institutions » in Actes de la
recherche en sciences sociales.
9
Dans son ouvrage Léviathan (1651), Thomas Hobbes (1588-1679) pense
qu’« à l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme ».
10
Danielle Milhaud-Cape a publié aux Éditions Vrin en 2007, un livre
intéressant sur Freud et le mouvement pédagogique psychanalytique
(1908-1937). Cet ouvrage fait le point sur l’attitude de Freud à l’égard de
l’éducation, en particulier de la violence éducative. Il permet aussi de voir
les sources de l’attitude actuelle des psychanalystes à l’égard de la
violence éducative.
16
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