1
La crise des dettes souveraines et les menaces qui
pèsent désormais sur la viabilité de la zone euro portent
à son acmé l’exigence d’analyse et d’évaluation des
conséquences de cette crise sur les économies les plus
concernées d’abord, sur le reste de la zone euro et
l’Union européenne ensuite, et sur l’ensemble de l’écono-
mie mondiale en dernière instance. Si le débat semble
faire singulièrement défaut en France comparativement
au traitement réservé à cette crise en Allemagne, les dif-
ficultés de la zone euro interpellent et préoccupent au
plus haut point les États-Unis, qui en sont parvenus à
construire des scenarii relatifs aux conséquences d’une
aggravation de la crise des dettes souveraines sur le taux
de change du dollar par rapport à l’euro, et sur la dyna-
mique des exportations de produits agricoles et alimen-
taires 1. Les exportateurs américains peuvent en effet
voir dans l’incertitude que connaissent les dix-sept pays
membres de l’euro une opportunité pour récupérer voire
augmenter des parts de marché par le seul jeu des pari-
tés monétaires induit par l’impact de cette crise.
S’il est indispensable de mettre en perspective histori-
que l’évolution récente des économies membres de la
zone euro, plusieurs ques-
tions fondamentales doi-
vent succéder à cet exer-
cice préalable ? En quoi la
crise actuelle peut-elle
conduire certains pays
Grèce, Portugal, Irlande,
Espagne pour ne prendre
que les plus vulnérables,
sachant que l’Italie et la
Belgique sont désormais à
proximité de la zone de
turbulences – à envisager
de sortir de la zone euro,
La lente descente aux enfers de certaines économies de la zone euro a fait franchir un cran sup-
plémentaire au débat, passionné autant que passionnant, relatif à l’éclatement de ou au main-
tien de cette zone. La Grèce, le Portugal, l’Espagne puis maintenant la Belgique et l’Italie, deux
pays qui ont vu leurs notes récemment dégradées par les agences de notation, nourrissent les
questionnements quant à l’opportunité de quitter l’euro ou, au contraire, de s’y maintenir. Quels
seraient les avantages et inconvénients d’une sortie de l’euro pour les économies aujourd’hui
en grande difficulté financière ?
Focus1107EuroTP - Juillet 2011
FOCUS
économie
L’actualité en chiffres Juillet 2011 N° 1107
Assemblée Permanente des
Chambres d'agriculture
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Avec la participation financre
du CasDAR
Quitter la zone euro : suicide économique ou réelle
opportunité ?
et, plus important encore, quelles en seraient les consé-
quences pour ces pays ? Pourraient-ils ainsi récupérer
des marges de manœuvre en matière de politique écono-
mique et desserrer la contrainte de la rigueur qui leur a
été récemment imposée ? Qu’en serait-il pour le reste de
la zone euro ?
L’état des comptes publics dans les pays membres de
la zone euro avant le déclenchement de la crise des sub-
primes durant l’été 2007 était globalement soutenable.
Plusieurs économies membres dégageaient en effet un
solde public primaire (hors charges d’intérêt) positif, se
situant aux alentours des 2 à 3%. L’Espagne, l’Italie,
l’Allemagne, la Belgique, voire les Pays-Bas étaient de
ceux-là. D’autres pays membres affichaient certes des
déficits publics, mais ils paraissaient entrer dans les limi-
tes des 3% du PIB imposées depuis l’entrée en vigueur
du Traité de Maastricht, et enregistraient de surcroît des
soldes primaires positifs. C’était le cas de la France (–
2,7% du PIB et –0,2% si l’on ne retient que le déficit pu-
blic primaire) et du Portugal (–2,7% et +0,2%). Seule la
Grèce présentait un déficit public largement au-delà des
3% du PIB (–6,7% en 2007 et –2,2% pour le solde pri-
maire). Avec la crise, les soldes budgétaires se sont dé-
gradés de façon structurelle et durable (graphique 1). En
matière de dette publique (ici dette nette publique), les
profils nationaux étaient en 2007 relativement similaires.
Seules l’Italie (97%) et la Grèce (80%) affichaient des
taux d’endettement supérieurs au seuil fixé à 60% du
PIB (graphique 2). Pour la plupart de ces économies, l’Ir-
lande constituant une exception, lesficits de la ba-
Contact : Thierry POUCH
La lente dégradation des comptes publics
dans la zone euro
1 Lire D. Kelch, M. Shane, D. Torgerson et A. Somwaru [2011], « European Financial Imbalances : Implications of the Eurozone Sovereign Debt
Problems for U.S. Agricultural Exports », USDA, Economic Research Service, WRS-1102, May, p. 1-19.
2
lance courante se sont également fortement amplifiés,
pouvant représenter jusqu’à –14% du PIB en Grèce en
2008 (–10,5% en 2010), –10% au Portugal et –6% en
Espagne pour l’année 2010 (en France, le déficit de la
balance courante est estimé à –3% pour l’année 2010).
Pour être complet, ajoutons que des économies comme
l’Irlande, l’Espagne ou encore la Grèce, bénéficiaient à
l’époque de taux d’intérêt particulièrement favorable si
on les ramène à leurs taux de croissance respectifs, ju-
gés plus faibles qu’ailleurs.
La crise des subprimes qui s’ouvre en août 2007 va
se propager au système bancaire puis à l’économie
dans son ensemble. La cascade de récessions qui s’en
suivit obligea les gouvernements à utiliser massivement
la politique budgétaire pour surmonter tout risque sys-
témique pouvant enclencher une spirale dépression-
naire. Du côté des banques centrales, et de la BCE no-
tamment, fut décidé d’assouplir la politique monétaire
pour créer, conjointement avec la politique budgétaire,
un policy mix capable de relancer la croissance écono-
mique. Ce sont bien ces différents plans de relance qui,
au sein même de la zone euro, ont profondément dété-
rioré les comptes publics. Ailleurs, que ce soit aux
États-Unis ou au Royaume-Uni, voire au Japon, la dé-
gradation est encore plus nette et très supérieure à ce
qui s’est effectivement réalisé dans la zone euro. Dans
le cas de la Grèce, l’effondrement des comptes publics
remonte au début des années 2000, puisque les gouverne-
ments successifs ne sont jamais parvenus à la fois à élever
le niveau des recettes fiscales et à limiter les dépenses
budgétaires, en particulier militaires, lesquelles ont aug-
menté sensiblement dès cette époque.
C’est à partir de la fin de l’année 2008 que les opéra-
teurs des marchés financiers (y compris les agences de
notation), ont commencé à émettre des doutes sur la sou-
tenabilité des déficits et des dettes publics. Les détenteurs
se sont mis à vendre en masse des titres publics, estimant
que certains États, à commencer par la Grèce, ne pour-
raient rembourser leurs emprunts, et à offrir des taux d’in-
t de plus en plus éles, puisqu’ils ont dépas les
17% (taux d’intérêt à 10 ans sur les emprunts d’État au
début de l’année 2011) contre 3% pour l’Allemagne
(graphique 3) 2. L’écart important existant entre les taux
d’intérêt offert à l’Allemagne par rapport aux pays en diffi-
cultés (spread de taux) tient d’une part au statut de
« valeur refuge » des titres publics émis par l’Allemagne
au regard de la solidité de son économie (croissance éco-
nomique et compétitivité des exportations) et d’autre part
à la faible monétisation des dettes publiques comparative-
ment avec ce qui se passe du côté de la Banque centrale
américaine. L’hypothèse, jusqu’ici impensable, d’un défaut
sur une dette souveraine, a émergé et s’est répandue, for-
çant la zone euro à intervenir sous la forme de prêts
(Fonds européen de stabilisation financière (FESF) – créé
le 10 mai 2010 – et aide du FMI) ou d’achats de titres pu-
blics (BCE), pour renflouer les États les plus fragilisés par
la crise et les plus exposés à un risque de défaut. Dans le
cas de l’économie grecque, le FESF a versé 80 milliards
d’euros, auxquels se sont ajoutés 30 milliards accordés par
le FMI. Ces 110 milliards de prêts se sont révélés insuffi-
sants en juin 2011. Ces prêts sont conditionnés par des
exigences drastiques de réduction des déficits et des det-
tes publics. Les plans de rigueur adoptés pour y parvenir
sont toutefois porteurs de risques économiques réels, dans
la mesure où, en agissant en particulier sur les niveaux
des salaires et des pensions de retraites, ils participent
d’une contraction de la demande domestique, elle-même
source de récession et d’affaiblissement des rentrées fisca-
les. Indiquons à ce propos que l’économie grecque est en
récession depuis trois ans (tableau 1). C’est le cercle vi-
cieux engendré par des politiques économiques de rigueur,
lesquelles, destinées à diminuer le fardeau de la dette ne
font en réalité que l’accentuer 3. Quelles sont alors les is-
Solde financier des administrations
publiques
-20
-15
-10
-5
0
5
1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011*
en % du PIB
1480 - Chambr es d'A gr i cul t ur e Fr anc e - Ét udes économi ques sour ce : OCDE
Espagne
-2,1*
-5,9*
-5,6*
Portugal
Allemagne
France
-6,3*
* Provisoir e
Grèce
-7,5*
Graphique 1
Dette brute des administrations
publiques
100,7*
0
50
10 0
150
200
1998199920002001200220032004200520062007200820092010 2011
en % du PIB
927 - Chambr es d'Agr i cul t ur e Fr ance - Et udes économi ques sour ce : OCD
E
Grèce
152,5*
Irlande
114,1*
Portugal
Espagne
France 84,8*
67,6*
Graphique 2
Taux d'intérêt à 10 ans
2
4
6
8
10
12
14
16
1996199719981999200020012002200320042005200620072008200920102011*
2025 - Chambr es d'Agr i cul tur e Fr ance - Ét udes économi ques sour ce : OCDE
Allemagne
Espagne
PortugalIrlande
Grèce
*Provisoire
13,5*
8,7*
5,3*
3,7*
3,3*
en %
France
9,6*
Graphique 3
2 Il est intéressant de noter que les taux à 10 ans sont également au voisinage de 3% pour l’économie la plus endettée du monde, celle des États-Unis. Le graphique 3 ne reflète pas la brusque remon-
tée des taux à 10 ans pour les quatre pays les plus exposés au risque de faillite, l’OCDE ne suivant pas au jour le jour l’évolution de ces taux d’intérêt.
3 Selon un principe établi en 1933 par l’économiste américain Irving Fisher, dont le célèbre article, initialement paru dans la revue Econometrica, avait été traduit en français en 1988. Consulter I. Fisher
[1933], « La théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation », repris dans Revue française d’économie, volume 3, numéro 3, 1988, p. 159-182.
3
sues possibles à la crise des dettes souveraines ?
Prenons appui sur la situation grecque. Avec une dette
avoisinant les 350 milliards d’euros, soit plus de 150%
en 2011, il paraît évident que l’économie grecque ne
dispose plus de moyens pour rembourser et réduire sa
dette. Pour y parvenir, et respecter le critère d’une dette
ne dépassant pas les 60% du PIB (l’un des critères de
convergence) elle devrait dégager un excédent budgé-
taire primaire annuel compris entre 8 et 14% sur plu-
sieurs années – une bonne quinzaine voire vingtaine
d’années selon les économistes du centre Bruegel en
Belgique –, ce qui, en l’état actuel de l’économie, est
totalement impossible. Comment sortir de l’ornière de la
crise des dettes souveraines ?
Plusieurs hypothèses sont envisagées, sans qu’au-
cune d’entre elle n’emporte la conviction unanime des
17 pays membres de la zone euro. La première a trait
au rééchelonnement de la dette. Le rééchelonnement de
la dette d’un État consiste à allonger le délai de rem-
boursement initialement fixé. En d’autres termes, les
obligations publiques – grecques en l’occurrence –
détenues par les investisseurs privés, arrivant à
échéance 2011-2014, sont échangées (swap) contre
d’autres titres dont la maturité est beaucoup plus éten-
due, afin d’accorder au pays en difficulté un délai sup-
plémentaire pour se redresser économiquement et donc
financièrement. La seconde voie possible consisterait à
restructurer la dette. La restructuration signifie une an-
nulation partielle de la dette d’un pays, qui pourrait
d’ailleurs être assortie d’une baisse des taux d’intérêt.
En tant que détentrices de titres émis par le Trésor grec,
ce bien sont les grandes banques commerciales qui es-
suieraient des pertes importantes.
Ces deux solutions ont la faveur de l’Allemagne, qui
estime que les investisseurs privés doivent contribuer au
redressement de la Grèce, mais elles suscitent les fou-
dres de la BCE, qui y voit un risque de contagion aux
autres pays traversant des situations similaires, à savoir
le Portugal, l’Irlande, l’Espagne. La position de la BCE –
et de son directeur J.-C. Trichet plus particulièrement –,
s’explique en réalité par le fait que, s’étant substituée
aux marchés pour assurer la liquidité des banques des
pays en crise, détenant donc de nombreux titres émis
initialement par les gouvernements et rachetés ensuite
aux banques, elle s’est exposée elle-même au risque de
dévalorisation de ses avoirs. L’expérience argentine du
début des années 2000 montre pourtant qu’une issue
favorable par la restructuration de la dette est envisa-
geable, l’Argentine ayant pu ensuite se refinancer sur les
marchés 4.
La dernière et ultime issue possible consisterait à
sortir de la zone euro et à rétablir la monnaie anté-
rieure – la drachme dans le cas grec – et à procéder
dans la foulée à une forte dévaluation de l’ordre de 30 à
40%, voire davantage (certains analystes avançant le
chiffre de 70 à 80% de dévaluation de la monnaie natio-
nale grecque). Encore convient-il de savoir si seule la
Grèce sortait de la zone euro, ou bien si elle était suivie
par d’autres membres, comme l’Irlande, le Portugal ou
encore l’Espagne. Une telle hypothèse doit être évaluée
à sa juste mesure. Les conséquences s’inscriraient sur
deux registres, le financier et l’économique. Concernant
le premier, une sortie de la zone euro induirait une
conversion des dettes dans la « nouvelle » devise, la-
quelle, en étant dévaluée, engendrerait une dévalorisa-
tion des actifs détenus notamment par les banques. En
découleraient de très fortes tensions sur la formation des
taux d’intérêt des obligations d’État. Le pays n’échappe-
rait pas du même coup à une fuite des capitaux, l’obli-
geant à davantage de rigueur pour garantir sa crédibilité
auprès des marchés financiers.
Sur le plan plus économique, la dévaluation occasion-
nerait une poussée inflationniste par le biais des impor-
tations, conduisant la Banque Centrale à redresser son
taux d’intérêt directeur, portant préjudice à la reprise de
l’activité économique. Mais dans le même temps, la dé-
valuation de la monnaie améliorerait la compétitvité-prix
des exportations du pays sortant de la zone euro, de na-
ture à compenser la dégradation des termes de
l’échange associée à la hausse des prix à l’importation.
Si le pays sortant ne parvient pas à exporter plus qu’il
n’importe, il enregistrera alors un déficit de sa balance
commerciale le conduisant à adopter des mesures d’aus-
térité pour ralentir la demande et limiter ainsi ses impor-
tations. Le coût économique d’une sortie de la zone euro
apparaît de ce point de vue important.
Encore faut-il avoir une connaissance même partielle
des avantages comparatifs du pays candidat à la sortie
de la zone euro. Car si une économie ne détient que peu
ou pas d’avantages comparatifs, si elle est centrée sur
des activités de service abrités de la concurrence inter-
nationale, la dévaluation n’aura que des effets limités.
Dans le cas de la Grèce, et comparativement aux trois
autres pays en proie à une crise de leur dette souve-
raine, la liste des avantages comparatifs se réduit à
quelques secteurs, le degré de spécialisation étant glo-
balement assez faible (encadré 1). Avec l’agroalimen-
taire, il n’y aurait donc guère que sur les secteurs des
transports et dans le tourisme (ce dernier pesant pour
environ 13% du PIB) que la Grèce pourrait s’appuyer
pour redresser partiellement sa balance courante et
exercer ainsi des effets d’entraînement sur le reste de
l’économie.
Des solutions à plusieurs niveaux
4 Sur la comparaison Grèce/Argentine, lire F. Nechio [2010], « The Greek Crisis : Argentina Revisited », Economic Letter, Federal Reserve Bank of San Francisco, number 33, November, p. 1-5.
2007 2008 2009 2010 2011 (p)
Grèce 4.3 1.0 -2.0 -4.5 -3.1
Portugal 2.4 0.0 -2.5 1.4 -1.6
Irlande 5.6 -3.5 -7.6 -1.0 0.6
Espagne 3.6 0.8 -3.8 -0.1 0.8
Italie 1.5 -1.3 -5.2 1.3 1.0
France 2.3 0.0 -2.5 1.5 1.6
Allemagne 2.7 0.7 -4.7 3.5 2.5
Zone euro 2.8 0.4 -4.1 1.7 1.6
Source : Fonds Monétaire International
Taux de croissance du PIB
de la zone euro (en variations annuelles)
Tableau 1
4
Focus1107EuroTP - Juillet 2011
Il s’ensuit qu’une sortie de la zone euro suivie d’une
dévaluation n’aurait qu’une portée limitée dans le cas
grec, l’efficacité de ce scénario étant plus élevée dans le
cas de l’économie espagnole 5. De plus, l’appréciation de
l’euro qui découlerait de la dévaluation de la devise d’un
pays sorti de la zone amputerait la compétitivité des ex-
portations des pays encore liés à l’euro, au risque de dé-
clencher une guerre des monnaies au sein même de
l’Union européenne. Les Pays-Bas et la Belgique, et dans
une moindre mesure l’Autriche, seraient très exposés à
ce risque en raison du poids de la Grèce et des autres
pays du Sud de la zone euro dans leurs exportations to-
tales. Cela déclencherait une concurrence qui s’était ma-
Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture
9 avenue George V—75008 Paris
Réalisation : Colette RENAUD
nifestée jusque là notamment par le jeu des coûts sala-
riaux (graphique 4). Les expériences historiques de sor-
tie du Système Monétaire Européen (le SME fut créé en
1979 et a pris la suite du Serpent Monétaire Européen)
ont montré que les économies qui en étaient sorties en
1992 et 1993, Italie, Grande-Bretagne, Espagne, avaient
certes retrouvé des marges de manœuvre commerciales
mais au détriment des partenaires, à commencer par
l’Allemagne, laquelle enregistra un affaiblissement de ses
performances à l’exportation et un net redressement du
taux de chômage. L’efficacité d’une stratégie de sortie de
la zone euro apparaît étroitement subordonnée d’une
part à la robustesse des avantages comparatifs du pays
pour faire jouer pleinement la compétitivité des exporta-
tions et amorcer une phase durable de croissance, et
d’autre part à la solidité de la croissance de la demande
dans les pays restés membres de la zone euro, pour
qu’ils absorbent les productions provenant de l’économie
ayant opté pour la sortie.
La perspective d’un éclatement de la zone euro appa-
raît certes porteuse d’incertitudes, mais contient une
dose de rationalité économique, dans la mesure où, de-
puis sa création, la zone euro a révélé ses incohérences,
en particulier en matière de compétitivité des pays mem-
bres, laquelle renvoie à des politiques très différenciées
de formation des salaires et à des clivages non moins
prononcés dans le domaine de la productivité du travail
et du capital. La crise actuelle met au jour l’impossibilité
d’avoir à la fois des politiques économiques (hors la poli-
tique monétaire du ressort de la BCE) et salariales auto-
nomes, une circulation parfaite des capitaux et une mon-
naie unique.
Les plans successifs de soutien financier destinés à
renflouer la Grèce constituent une forme déguisée de fé-
déralisme dans la mesure où, que ce soit en accordant
plusieurs milliards d’euros, ou en abaissant les taux d’in-
térêt, un transfert de revenu est en train de s’opérer au
bénéfice de la Grèce, sans doute demain du Portugal, de
l’Irlande ou de l’Espagne. Pourquoi ne pas dès lors fran-
chir le pas et modifier en profondeur la « gouvernance »
de la zone euro, en instaurant notamment un véritable
fédéralisme économique ? On pourrait alors effectuer des
transferts de revenu en provenance de pays disposant
d’excédents extérieurs – à l’instar de l’Allemagne qui de-
vrait dans ce schéma accepter une réduction de son ex-
cédent de la balance des opérations courantes – vers les
pays dégageant des déficits extérieurs. Cette perspective
nécessite une remise en cause des disparités en matière
de fiscalité au sein de la zone euro. Contrairement aux
mesures d’austérité telles qu’elles sont appliquées au-
jourd’hui et qui étouffent la demande et par voie de
conséquence la croissance et l’emploi, ne vaudrait-il pas
mieux construire ce fédéralisme ? En bref, c’est toute la
construction de la zone euro, pour na pas dire euro-
péenne dans son ensemble, qui est à réexaminer, selon
une logique qui tiendrait compte de variables réelles
comme la demande et l’emploi. Le problème n’est pas de
savoir s’il faut être dans ou en dehors de la zone euro,
mais bien quel type de politique économique il convient
de mener. La balle est dans le camp du politique… lequel
est, comme on le sait, fragmenté en 27, bientôt 28 États
aux intérêts souvent divergents.
5 Lire P. Artus [2011], « L’Espagne doit-elle quitter la zone euro ? », FLASH Économie, NATIXIS, numéro 392, 26 mai, p. 1-10.
Coûts unitaires relatifs de main-d'oeuvre
70
75
80
85
90
95
100
105
110
115
120
199219931994199519961997199819992000200120022003200420052006200720082009
2005 = 100
1721 - Chambres d'Agriculture - APCA-Études économiques source : OCDE
Allemagne
France
Zone euro
Pays-Bas
Espagne
Danemark
113
111
107
101
92
106
Graphique 4
Po ints forts Po ints faible s
Agroalimentaire 20.0
Mécanique –29.8
Textile 23.8 Véhicules –5.5
Métaux non ferreux 5.1 Bois Papiers –2.3
Energie 2.4 Produits chimiques –2.5
Po ints forts Po ints faible s
Agroalimentaire 13.7
Energie –5.4
Métaux non ferreux 4.4 Mécanique –7.0
Textile 1.7
Véhicules – 4.6
Pro duit s de la sidé rurgie 2.0 Bois P apie rs2.2
Pro duit s c himique s 1.1
Po ints forts Po ints faible s
Agroalimentaire 6.1 Energie –25.2
T e xt ile 7.3
Pro duit s c himique s 4.3
Mécanique 3.7
Véhicules 7.9
Sidérurgie 2.1
Bois Papiers 2.8
Po ints forts Po ints faible s
Agroalimentaire 14.7 Energie –22.2
Véhicules 15.3 Textile –2.2
Pro duit s c himique s 7.0
Sidérurgie 1.1
Mécanique 1.2
Source : CEPII-CHELEM
2009
S pécialisation de l’Espagne (en millième de PIB courant)
1980
S pécialisation de l’Espagne (idem)
S pécialisation de la Grèce (idem)
S pécialisation de la Grèce (en millième de PIB courant)
1980
2009
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