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sues possibles à la crise des dettes souveraines ?
Prenons appui sur la situation grecque. Avec une dette
avoisinant les 350 milliards d’euros, soit plus de 150%
en 2011, il paraît évident que l’économie grecque ne
dispose plus de moyens pour rembourser et réduire sa
dette. Pour y parvenir, et respecter le critère d’une dette
ne dépassant pas les 60% du PIB (l’un des critères de
convergence) elle devrait dégager un excédent budgé-
taire primaire annuel compris entre 8 et 14% sur plu-
sieurs années – une bonne quinzaine voire vingtaine
d’années selon les économistes du centre Bruegel en
Belgique –, ce qui, en l’état actuel de l’économie, est
totalement impossible. Comment sortir de l’ornière de la
crise des dettes souveraines ?
Plusieurs hypothèses sont envisagées, sans qu’au-
cune d’entre elle n’emporte la conviction unanime des
17 pays membres de la zone euro. La première a trait
au rééchelonnement de la dette. Le rééchelonnement de
la dette d’un État consiste à allonger le délai de rem-
boursement initialement fixé. En d’autres termes, les
obligations publiques – grecques en l’occurrence –
détenues par les investisseurs privés, arrivant à
échéance 2011-2014, sont échangées (swap) contre
d’autres titres dont la maturité est beaucoup plus éten-
due, afin d’accorder au pays en difficulté un délai sup-
plémentaire pour se redresser économiquement et donc
financièrement. La seconde voie possible consisterait à
restructurer la dette. La restructuration signifie une an-
nulation partielle de la dette d’un pays, qui pourrait
d’ailleurs être assortie d’une baisse des taux d’intérêt.
En tant que détentrices de titres émis par le Trésor grec,
ce bien sont les grandes banques commerciales qui es-
suieraient des pertes importantes.
Ces deux solutions ont la faveur de l’Allemagne, qui
estime que les investisseurs privés doivent contribuer au
redressement de la Grèce, mais elles suscitent les fou-
dres de la BCE, qui y voit un risque de contagion aux
autres pays traversant des situations similaires, à savoir
le Portugal, l’Irlande, l’Espagne. La position de la BCE –
et de son directeur J.-C. Trichet plus particulièrement –,
s’explique en réalité par le fait que, s’étant substituée
aux marchés pour assurer la liquidité des banques des
pays en crise, détenant donc de nombreux titres émis
initialement par les gouvernements et rachetés ensuite
aux banques, elle s’est exposée elle-même au risque de
dévalorisation de ses avoirs. L’expérience argentine du
début des années 2000 montre pourtant qu’une issue
favorable par la restructuration de la dette est envisa-
geable, l’Argentine ayant pu ensuite se refinancer sur les
marchés 4.
La dernière et ultime issue possible consisterait à
sortir de la zone euro et à rétablir la monnaie anté-
rieure – la drachme dans le cas grec – et à procéder
dans la foulée à une forte dévaluation de l’ordre de 30 à
40%, voire davantage (certains analystes avançant le
chiffre de 70 à 80% de dévaluation de la monnaie natio-
nale grecque). Encore convient-il de savoir si seule la
Grèce sortait de la zone euro, ou bien si elle était suivie
par d’autres membres, comme l’Irlande, le Portugal ou
encore l’Espagne. Une telle hypothèse doit être évaluée
à sa juste mesure. Les conséquences s’inscriraient sur
deux registres, le financier et l’économique. Concernant
le premier, une sortie de la zone euro induirait une
conversion des dettes dans la « nouvelle » devise, la-
quelle, en étant dévaluée, engendrerait une dévalorisa-
tion des actifs détenus notamment par les banques. En
découleraient de très fortes tensions sur la formation des
taux d’intérêt des obligations d’État. Le pays n’échappe-
rait pas du même coup à une fuite des capitaux, l’obli-
geant à davantage de rigueur pour garantir sa crédibilité
auprès des marchés financiers.
Sur le plan plus économique, la dévaluation occasion-
nerait une poussée inflationniste par le biais des impor-
tations, conduisant la Banque Centrale à redresser son
taux d’intérêt directeur, portant préjudice à la reprise de
l’activité économique. Mais dans le même temps, la dé-
valuation de la monnaie améliorerait la compétitvité-prix
des exportations du pays sortant de la zone euro, de na-
ture à compenser la dégradation des termes de
l’échange associée à la hausse des prix à l’importation.
Si le pays sortant ne parvient pas à exporter plus qu’il
n’importe, il enregistrera alors un déficit de sa balance
commerciale le conduisant à adopter des mesures d’aus-
térité pour ralentir la demande et limiter ainsi ses impor-
tations. Le coût économique d’une sortie de la zone euro
apparaît de ce point de vue important.
Encore faut-il avoir une connaissance même partielle
des avantages comparatifs du pays candidat à la sortie
de la zone euro. Car si une économie ne détient que peu
ou pas d’avantages comparatifs, si elle est centrée sur
des activités de service abrités de la concurrence inter-
nationale, la dévaluation n’aura que des effets limités.
Dans le cas de la Grèce, et comparativement aux trois
autres pays en proie à une crise de leur dette souve-
raine, la liste des avantages comparatifs se réduit à
quelques secteurs, le degré de spécialisation étant glo-
balement assez faible (encadré 1). Avec l’agroalimen-
taire, il n’y aurait donc guère que sur les secteurs des
transports et dans le tourisme (ce dernier pesant pour
environ 13% du PIB) que la Grèce pourrait s’appuyer
pour redresser partiellement sa balance courante et
exercer ainsi des effets d’entraînement sur le reste de
l’économie.
Des solutions à plusieurs niveaux
4 Sur la comparaison Grèce/Argentine, lire F. Nechio [2010], « The Greek Crisis : Argentina Revisited », Economic Letter, Federal Reserve Bank of San Francisco, number 33, November, p. 1-5.
2007 2008 2009 2010 2011 (p)
Grèce 4.3 1.0 -2.0 -4.5 -3.1
Portugal 2.4 0.0 -2.5 1.4 -1.6
Irlande 5.6 -3.5 -7.6 -1.0 0.6
Espagne 3.6 0.8 -3.8 -0.1 0.8
Italie 1.5 -1.3 -5.2 1.3 1.0
France 2.3 0.0 -2.5 1.5 1.6
Allemagne 2.7 0.7 -4.7 3.5 2.5
Zone euro 2.8 0.4 -4.1 1.7 1.6
Source : Fonds Monétaire International
Taux de croissance du PIB
de la zone euro (en variations annuelles)
Tableau 1