La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 6 - novembre-décembre 2006
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Changements climatiques
et maladies infectieuses
Climate change and infectious diseases
 C. Chastel*
* Laboratoire de virologie, faculté de médecine, F-29285 Brest Cedex.
RÉSUMÉ
La réalité du réchau ement planétaire et du phénomène
quasi périodique ENSO (El Niño/oscillation australe) est
maintenant reconnue par la communauté scienti que.
Toutefois, l’impact réel de ces changements climatiques
sur l’évolution des maladies infectieuses est plus di cile
à apprécier, même si des exemples convaincants peuvent
être tirés de l’histoire récente du choléra, du paludisme, de
la dengue ou d’autres maladies à transmission vectorielle.
En e et, des facteurs autres que climatiques, notamment
anthropiques, interviennent également dans cette évolu-
tion : accroissement continu de la population mondiale,
urbanisation anarchique, confl its politico-militaires, arrêt
des campagnes de prévention, etc. Mais un autre aspect
inquiétant du problème est représenté par l’extension pos-
sible en France d’arbovirus transmis par des moustiques,
déjà présents sur notre sol (West Nile) ou susceptibles d’y
être importés (Chikungunya, dengue), leurs moustiques
vecteurs existant déjà sur le territoire métropolitain.
Mots-clés : Changements climatiques - Maladies infectieu-
ses - Impact épidémiologique - Arbovirus d’importation.
SUMMARY
There is at present a good agreement from scientific com-
munity concerning the reality of the global warming and
the climatic event ENSO (El Niño/southern oscillation).
However, the actual impact of such climate change on
the evolution of infectious diseases appears difficult to
assess, although convincing data may be drawn from
recent trends in the epidemiology of cholera, malaria,
dengue and other vector-borne diseases. In fact, many
factors other than climatic may also explain this evolu-
tion: continual increase of the global population, anar-
chic urbanization, political and armed conflicts, stopping
the preventive campaigns, and so on… In addition, ano-
ther possible consequence of climate change is the even-
tual spreading in France of mosquito-borne arboviruses
already active in the South of the country (West Nile) or
eventually imported (Chikungunya, dengue), the vector
species being already settled in our soil.
Keywords: Climate change - Infectious diseases - Epidemiolo-
gical consequences - Imported arboviruses.
S
i le lm de Luc Jacquet, “La marche de l’empereur”, a été
un indiscutable succès cinématographique en France
et dans le monde, il ne faudrait pas oublier quen Terre
Adélie, la population de ce fameux manchot empereur (Apte-
nodytes forsteri) a chuté de quelque 50 % par rapport à celle des
années 1970, à la suite d’un réchauff ement local anormal (1).
Le réchauff ement de la planète est maintenant pratiquement
admis par tous (2), trouvant son origine essentiellement dans
l’accroissement des activités humaines, nératrices de gaz à
eff et de serre (CO2, méthane).
En revanche, les conséquences sur l’évolution des maladies
infectieuses, animales et humaines, restent diffi ciles à appré-
cier. On s’aperçoit de plus en plus que les scénarios catastro-
phes annoncés périodiquement ne vont pas se limiter à des
infections lointaines, “exotiques”, ne frappant que les seuls pays
tropicaux. Nous y serons de plus en plus exposés du fait de la
“mondialisationdes agents infectieux qui, par voie aérienne,
sont à notre porte. Bien plus, on risque de voir prochainement
s’implanter chez nous des virus, des bactéries ou des parasites
non souhaités.
QUE DOITON ENTENDRE PAR CHANGEMENTS
CLIMATIQUES” ?
En fait, plusieurs événements climatiques peuvent combiner
leurs eff ets et aboutir à des conséquences variées :
Le réchauff ement planétaire est un phénomène lentement
progressif. Ainsi, pendant le XXe siècle, il s’est traduit par une
élévation de + 0,5 à + 0,6 °C de la température ambiante, à
l’échelle planétaire. D’ici à 2100, on nous prédit une augmen-
tation supplémentaire de + 1,4-1,5 à + 5,8-6 °C. Parallèlement,
le niveau des eaux océaniques augmenterait de 40 à 50 cm vers
2080, du fait de la fonte des glaciers, des calottes polaires et de
la glace de mer. Les zones côtières basses et les deltas (comme
celui du Gange et du Brahmapoutre, au Bangladesh) seraient
largement inondés, bouleversant profondément des écosys-
tèmes abondent moustiques vecteurs et oiseaux sauvages
réservoirs de virus. Ces submersions provoqueraient aussi des
déplacements de populations et des famines.
Le phénomène ENSO (El Niño/oscillation australe) est
l’exemple le mieux connu de variabilité naturelle, quasi pério-
dique du climat (3). Il entraîne tantôt une augmentation de la
température de l’oan (El Niño, l’enfant Jésus, car survenant
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au moment de Noël, en Amérique latine) et de la pression
atmosphérique sur l’ensemble du bassin du Pacifi que (oscilla-
tion australe), ce qui aff ecte le climat de toute la planète.
L’intervalle entre deux épisodes El Niño est de 2 à 7 ans, et
ceux-ci peuvent être suivis d’épisodes plus froids appelés La
Niña (3).
Chaque nouvel épisode El Niño pourra aggraver les eff ets du
réchauff ement planétaire et sera à l’origine, en un point du
monde, de longs épisodes de sécheresse et de famines, et,
ailleurs, d’inondations et de glissements de boue, entraînant
tout sur leur passage. Toutefois, ces dernières catastrophes
sont rarement suivies d’épidémies, contrairement à ce qui est
régulièrement annoncé.
Les cyclones tropicaux (ouragans, typhons), également
dévastateurs, ont tendance ces dernières années à être de plus
en plus fréquents et plus violents (4).
En France, l’augmentation de la température ambiante pourrait
être, à l’avenir, de 2 à 3 °C, en hiver, et de 3 à 4 °C, en été (5). Les
vagues de chaleur, du type de la canicule de l’été 2003, pourraient
devenir plus fréquentes et plus prolongées.
CONSÉQUENCE SUR LA BIOLOGIE DES AGENTS
INFECTIEUX ET LEUR TRANSMISSION
Quelle que soit leur nature, les agents infectieux microscopi-
ques ont des cycles de multiplication qui sont sensibles à la
température.
Les bactéries, les protozoaires et les champignons micro-
scopiques dépendent pour leur reproduction, d’une température
optimale de croissance : leur multiplication est ralentie à la fois
aux températures infra-optimales et supra-optimales. Dans
ce dernier cas, les bactéries élaborent des protéines de stress
(heat-shock proteins) destinées à les protéger des eff ets néfastes
des températures trop élevées. Mais ce processus a ses limites.
Pour les eubactéries, la multiplication bactérienne cesse à partir
de certaines températures.
Les virus ont également un optimum thermique de répli-
cation, au-delà et en deçà duquel les virions produits peuvent
manifester des propriétés nouvelles. Dans le cas des poliovirus
et des orthopoxvirus (vaccine, monkeypox), les températures
infra-optimales ont tendance à sélectionner des mutantsfroids”,
de virulence atténuée (c’est le principe du vaccin vivant antipo-
liomyélitique d’Albert Sabin) et les températures supra-optimales
des variants “chauds”, de virulence accrue.
Les maladies à transmission vectorielle sont tout parti-
culièrement sensibles aux variations environnementales. La
température ambiante, comme d’ailleurs l’humidité relative,
a des eff ets directs sur la biologie des vecteurs hématophages
impliqués dans la transmission de certaines maladies infec-
tieuses : moustiques, tiques, phlébotomes, puces pestigènes.
Dans le cas des moustiques, une température ambiante
élevée, au moins dans certaines limites, accélère leur ve-
loppement, de l’œuf vers l’adulte, en même temps qu’elle peut
modifi er leur répartition géographique.
Le raccourcissement de la durée de l’incubation extrin-
sèque (IE) de l’agent pathogène chez le vecteur est aussi une
conséquence de l’élévation de la température. L’IE mesure le
délai nécessaire entre le moment le vecteur hématophage
s’infecte, en puisant le sang d’un malade ou d’un animal infecté,
et celui où il devient capable de transmettre l’infection à un
sujet réceptif. Son raccourcissement augmente les chances de
transmission de l’agent pathogène.
Les eff ets des facteurs climatiques sur les réservoirs sauvages
sont également importants. Ainsi les rongeurs servoirs de hanta-
virus, de arenavirus, de avivirus, de Borrelia ou de Yersinia pestis
rissent en grand nombre pendant les riodes d’extme séche-
resse, pour pulluler lorsque des pluies abondantes leur fournissent
à nouveau de la nourriture (grains, insectes, etc.). Ils peuvent aussi
disparaître en masse du fait des inondations. Par ailleurs, l’aug-
mentation de la température ambiante peut modi er les rythmes
d’hibernation des petits mammires, en particulier des chauves-
souris, qui assurent la conservation de nombreux virus.
De même, chez les oiseaux, on a montré que le réchauff ement
planétaire a conduit certains d’entre eux à migrer plus préco-
cement (de 8 à 10 jours), puis à pondre plus tôt, tant en Europe
quaux États-Unis. Cela peut avoir un eff et sur les cycles enzooti-
ques des arbovirus dans lesquels des oiseaux aquatiques sauvages
interviennent (6), voire sur les grippes aviaires.
Ainsi, les changements climatiques ont ou auront immanqua-
blement des e ets sur l’épidémiologie et lévolution des maladies
infectieuses, même si leur retentissement précis reste diffi cile à
apprécier.
MALADIES INFECTIEUSES PLUS PARTICULIÈREMENT
CONCERNÉES
Dans la masse des publications traitant des eff ets éventuels
des changements climatiques sur les maladies infectieuses,
trois semblent plus particulièrement concernées : le choléra,
le paludisme et la dengue.
Le choléra constitue toujours une menace sanitaire majeure
pour l’humanité. Il est endémo-épidémique dans plusieurs
régions tropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Maladie
bactérienne à transmission fécale-orale, on l’a considéré comme
un “modèle” pour l’étude de leff et des changements climatiques
sur l’épidémiologie des maladies infectieuses (7).
De fait, l’émergence du choléra El Tor au Pérou, en 1991, puis
sa diff usion dans toute lAmérique latine, ont été rattachés à un
épisode El Niño. Celui-ci a entraîné un réchauff ement des eaux
tières de cette région et la prolifération du phytoplancton et du
zooplancton, notamment des copépodes marins (chaque exem-
plaire de ce petit crustacé peut fi xer sur sa cuticule jusqu’à 104
Vibrio cholerae). Puis un vibrion El Tor, venu dAsie, a contaminé
cette biomasse, laquelle a infecté à son tour les fruits de mer
et les poissons consommés par la population, d’où l’épidémie.
Enfi n, le choléra est devenu endémique dans cette région.
Un deuxième épisode El Niño, en 1997-1998, a permis de
conforter cette hypothèse. Au cours de l’été 1998, particulière-
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Concevoir des avancées
thérapeutiques dans le VIH
VIH/APR - 06/06
P presse 21x27 v2 29/09/06 15:04 Page 1
ment chaud, le nombre de cas de choléra à Lima, au Pérou, fut
étroitement corrélé à l’élévation de la température ambiante
(8). Des observations analogues ont éfaites au Bangladesh
entre 1980 et 1998.
Le paludisme est, de loin, la plus grave des parasitoses
humaines, puisque deux milliards de personnes y sont exposées
dans le monde et que 250 millions de nouveaux cas surviennent
chaque année, entraînant plus d’un million de décès, surtout
chez l’enfant.
La température ambiante infl ue directement sur lévolution des
Plasmodium chez lanople : la température optimale de maturation
sexuelle pour Plasmodium falciparum est de 30 °C, pour Plasmodium
vivax de 25 °C et pour Plasmodium malariae de 22 °C.
La température optimale de survie des anophèles se situe entre
20 et 25 °C. Mais, en dessous de 20 °C, la distance de vol et
l’aptitude à piquer diminuent, tandis qu’elles sont totalement
inhibées à 40 °C.
Sur le plan épidémiologique, des épidémies graves P. fal-
ciparum) ont été attribuées au chauff ement planétaire en
Zambie, au Swaziland, en Éthiopie, à Madagascar, au Pakistan,
au Sri Lanka et en Colombie. Une épidémie particulièrement
sévère (au moins 23 377 cas et une forte mortalité) est survenue
au début de 1998 dans la ville de Wajir, au Nord-Est du Kenya.
Elle a pu être clairement corrélée à un épisode El Niño, avec
de la sécheresse et une faible transmission de P. falciparum en
1996-1997, suivies de fortes pluies et d’inondations fi n 1997, à
l’origine de cette explosion épidémique (9). De plus, le paludisme
a progressé en altitude en Irian Jaya et en Papouasie-Nouvelle
Guinée.
À l’opposé, dans les pays du Sahel, la baisse de la pluviométrie
(passant de 684 mm en moyenne entre 1931 et 1960 à seule-
ment 252 mm en 1992) a fait disparaître les gîtes larvaires du
principal vecteur Anopheles funestus, tant au Sénégal qu’au
Niger. Après les abondantes pluies de 1995, ces gîtes n’ont pas
été recolonisés (10).
On avait prévu une extension urbaine catastrophique du palu-
disme au Kenya et au Zimbabwe, et des modèles mathéma-
tiques prévoyaient que la population à risque, dans le monde,
allait passer de 45 % (actuellement) à 70 % en 2050.
En ali, ces modèles, pour inressants qu’ils soient, ne
tenaient pas suffi samment compte des facteurs autres que clima-
tiques, en particulier les facteurs humains et socio-économi-
ques : augmentation de la population mondiale, déforestation,
modifi cations dans les pratiques agricoles, déstructurations des
services publics, résistances des vecteurs aux insecticides et des
hématozoaires aux médicaments, etc. (11). À Madagascar,
la température n’a pas varié de façon signifi cative entre 1949 et
1989, la fermeture des dispensaires assurant la nivaquinisation
de la population et l’arrêt de la lutte antivectorielle ont joué un
rôle primordial dans la gravité de l’épidémie de paludisme :
entre 10 000 et 25 000 morts (12).
Le débat scientifi que reste donc largement ouvert, concernant
l’importance relative des facteurs climatiques et humains dans la
distribution spatiale du paludisme dans le monde, ainsi que sur la
stabili ou l’instabili de sa transmission, dune année sur lautre.
La dengue est la première infection virale dans le monde, par
son extension géographique et son poids sanitaire : 2,5 milliards
de personnes y sont exposées et 250 000 à 500 000 cas sont réper-
toriés annuellement, principalement dans le Sud-Est asiatique,
l’Amérique latine et le Pacifi que occidental. Dans sa forme la
plus grave, la dengue hémorragique avec syndrome de choc,
la mortalité peut atteindre 40 %. En aïlande et au Vietnam,
c’est la principale cause d’hospitalisation de l’enfant, en saison
des pluies. En n, la situation épidémiologique mondiale ne
cesse de se grader, et l’on ne dispose toujours pas d’un bon
vaccin (6, 13).
La température ambiante et l’humidité relative ont un e et
direct sur la transmission de la dengue. La durée de l’IE du
virus dengue type 2 chez Aedes aegypti, le principal vecteur, est
inversement proportionnelle à la température : 12 jours à 30 °C
contre seulement 7 jours à 35 °C. Une température élevée (mais
pas trop), dans des conditions d’humidité adéquates, accélèrent
également le développement des vecteurs (A. aegypti, Aedes
albopictus et Aedes polynesiensis).
Plusieurs épidémies récentes et des extensions en altitude de la
dengue ont été attribuées au réchau ement planétaire ou à des
épisodes El Niño, en Asie tropicale et en Amérique latine (6).
Toutefois, des corrélations précises restent à établir.
Pour l’avenir, des modèles mathématiques plus ou moins
complexes ont été proposés (14, 15). L’un deux prévoit que
le risque potentiel de transmission augmenterait de 31 à 47 %
pour un accroissement global de température de 1 °C, vers
2050, ce qui placerait 195 millions d’individus supplémentaires
en situation d’être infectés dans le monde (14). Lautre modèle
est basé principalement sur la dynamique de population de
A. aegypti et permettrait de lancer plus rapidement des avis
d’alerte (15).
En alité, ces modèles prédictifs, comme ceux qui ont été
élaborés pour le paludisme, prennent insuffisamment en
compte les facteurs anthropiques qui sont essentiels dans
l’épidémiologie de cette virose : augmentation continue et
urbanisation anarchique de la population, phénomènes immu-
nitaires, arrêt de la lutte antivectorielle, conflits politico-
militaires, déplacements de populations, etc. (6, 11). De plus,
A. aegypti nest plus le seul vecteur à prendre en compte : A. albo-
pictus prend de plus en plus d’importance à léchelle planétaire.
D’autres maladies à transmission vectorielle ont également
fait l’objet de spéculations quant à leur avenir épidémiologique
face aux bouleversements climatiques : l’encéphalite euro-
péenne à tique et la borréliose de Lyme, toutes deux transmises
par Ixodes ricinus sur notre continent, les leishmanioses, la
èvre jaune, l’encéphalite japonaise, la èvre de la vallée du Rift
et les encéphalites saisonnières américaines (6). Lépidémio-
logie des bilharzioses, dont les vecteurs sont des mollusques
aquatiques, sensibles aux variations thermiques et aux préci-
pitations atmosphériques, pourrait également être perturbée.
Par contre, il ne semble pas que les changements climatiques
aient favorisé l’émergence récente en Asie du virus Alkhurma,
du virus H5N1, du virus Nipah ou encore du coronavirus du
SRAS (16).
>>>
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AUTRES PÉRILS PEUTÊTRE PLUS IMMÉDIATS
Ils sont repsens par lextension ou limportation sous nos climats
de virus dangereux, les changements climatiques pouvant favoriser
le développement, voire la pullulation de leurs vecteurs.
Les virus bougent beaucoup et, depuis peu, ils se font remar-
quer par des déplacements intercontinentaux.
En 1995, l’encéphalite japonaise, une virose à avivirus transmise
par des moustiques, a réussi à franchir le détroit de Torres, entre
la Papouasie-Nouvelle Guinée et le nord de l’Australie. Un de ses
vecteurs venu d’Asie, Culex gelidus, a été retrouvé à seulement
quelques kilomètres de l’aéroport de Brisbane (6).
En 1999, le virus West Nile, un autre flavivirus, a franchi
l’Atlantique. Venu d’Israël, il a débarqué à New York, puis il
s’est implanté dans pratiquement tous les États-Unis et dans le
sud du Canada, où il provoque chaque année chez l’homme de
nombreux cas d’encéphalite, fréquemment mortels.
En 2003, la èvre de la vallée du Rift, une infection à phlebovirus
transmise par des moustiques, jusque-là cantonnée à lAfrique
tropicale, a gagné le Yémen et l’Arabie saoudite, y provoquant
respectivement 140 et 87 décès.
En 2003, le virus du monkeypox, un orthopoxvirus voisin de
celui de la variole humaine, jusqu’à présent confi aux deux
blocs forestiers de l’Afrique de l’Ouest et du centre, a, lui aussi,
franchi l’Atlantique, contaminant 82 personnes aux États-Unis.
Les malades étaient des amateurs de rongeurs exotiques afri-
cains, d’adorables boules de poils”, mais, en réalité, des petits
compagnons très dangereux sur le plan sanitaire (17).
Quels risques pour notre pays ?
Des événements récents nous prouvent que le territoire métro-
politain nest pas à l’abri de menaces épidémiologiques venues
de son propre sol ou des territoires d’outre-mer.
Le virus West Nile s’est réveillé en 2000 en Camargue, un foyer
naturel d’infection connu depuis les années 1960. Il y a provoq
une épizootie équine dans les départements limitrophes du delta
du Rhône : 76 cas et 21 décès chez des chevaux. Heureusement,
l’infection ne s’y est pas propagée à l’homme. Mais, en septembre
2003, plusieurs cas ont été rapportés à Fréjus (18), dans le Var, en
même temps que l’on signalait l’infection d’un cheval.
Le virus Chikungunya, un alphavirus transmis par des mousti-
ques, nayant jamais vi dans le Sud-Ouest de locéan Indien, y a fait,
à partir de vrier 2005, une incursion spectaculaire (19). Il a atteint
successivement la République islamique des Comores, Mayotte (une
île fraaise), lîle Maurice, la union, les Seychelles et Madagascar.
Limpact le plus grave, à la fois sanitaire et économique, sest produit
à la Réunion, où quelque 300 000 cas ont été recensés, soit plus du
tiers de la population réunionnaise. De plus, on y a vu apparaître des
formes graves, jusque- non crites dans cette maladie, touchant le
système nerveux central, le cœur, les reins, le foie, la peau (éruptions
bulleuses) et, surtout, plusieurs cas de transmission de la mère à
lenfant, avec de graves répercussions chez le nouveau-né (minaire
de coordination des recherches sur la maladie de Chikungunya,
Paris, 10-11 avril 2006). Enfi n, plus de 200 décès, plus ou moins
attribuables à ce virus, ont été répertoriés.
Or, dès que Mayotte a été touchée, de nombreux cas importés
sont apparus en métropole, dans la communauté comorienne,
et, lors de la deuxième poussée épidémique à la Réunion (fi n
2005-début 2006), ils se sont multipliés en gion parisienne
et dans le Midi de la France. Or, le moustique A. albopictus, le
vecteur désigde cette épidémie, est déjà implanté dans le
sud de la France. Comme l’épidémie continue à la Réunion, il
existe un risque non négligeable d’extension de cette virose chez
nous, durant la saison estivale 2006 ou plus tard.
Rien nexclut non plus que la dengue, actuellement épidémique
en Guyane française (avril 2006), puisse également arriver en
France, profi tant de la présence du même vecteur, A. albopictus,
sur notre sol (20).
Par conséquent, sans perdre de vue ce qui se passe dans le reste
du monde, nous devons être particulièrement vigilants face à
des menaces qui ne sont plus seulement théoriques et lointaines
pour notre pays.
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