m ise au point mise au point Changements climatiques et maladies infectieuses Climate change and infectious diseases C. Chastel* RÉsUmÉ La réalité du réchauffement planétaire et du phénomène quasi périodique ENSO (El Niño/oscillation australe) est maintenant reconnue par la communauté scientifique. Toutefois, l’impact réel de ces changements climatiques sur l’évolution des maladies infectieuses est plus difficile à apprécier, même si des exemples convaincants peuvent être tirés de l’histoire récente du choléra, du paludisme, de la dengue ou d’autres maladies à transmission vectorielle. En effet, des facteurs autres que climatiques, notamment anthropiques, interviennent également dans cette évolution : accroissement continu de la population mondiale, urbanisation anarchique, conflits politico-militaires, arrêt des campagnes de prévention, etc. Mais un autre aspect inquiétant du problème est représenté par l’extension possible en France d’arbovirus transmis par des moustiques, déjà présents sur notre sol (West Nile) ou susceptibles d’y être importés (Chikungunya, dengue), leurs moustiques vecteurs existant déjà sur le territoire métropolitain. mots-clés : Changements climatiques - Maladies infectieuses - Impact épidémiologique - Arbovirus d’importation. S i le film de Luc Jacquet, “La marche de l’empereur”, a été un indiscutable succès cinématographique en France et dans le monde, il ne faudrait pas oublier qu’en Terre Adélie, la population de ce fameux manchot empereur (Aptenodytes forsteri) a chuté de quelque 50 % par rapport à celle des années 1970, à la suite d’un réchauffement local anormal (1). Le réchauffement de la planète est maintenant pratiquement admis par tous (2), trouvant son origine essentiellement dans l’accroissement des activités humaines, génératrices de gaz à effet de serre (CO2, méthane). En revanche, les conséquences sur l’évolution des maladies infectieuses, animales et humaines, restent difficiles à apprécier. On s’aperçoit de plus en plus que les scénarios catastrophes annoncés périodiquement ne vont pas se limiter à des infections lointaines, “exotiques”, ne frappant que les seuls pays tropicaux. Nous y serons de plus en plus exposés du fait de la “mondialisation” des agents infectieux qui, par voie aérienne, sont à notre porte. Bien plus, on risque de voir prochainement s’implanter chez nous des virus, des bactéries ou des parasites non souhaités. * Laboratoire de virologie, faculté de médecine, F-29285 Brest Cedex. 258 SUMMARY There is at present a good agreement from scientific community concerning the reality of the global warming and the climatic event ENSO (El Niño/southern oscillation). However, the actual impact of such climate change on the evolution of infectious diseases appears difficult to assess, although convincing data may be drawn from recent trends in the epidemiology of cholera, malaria, dengue and other vector-borne diseases. In fact, many factors other than climatic may also explain this evolution: continual increase of the global population, anarchic urbanization, political and armed conflicts, stopping the preventive campaigns, and so on… In addition, another possible consequence of climate change is the eventual spreading in France of mosquito-borne arboviruses already active in the South of the country (West Nile) or eventually imported (Chikungunya, dengue), the vector species being already settled in our soil. Keywords: Climate change - Infectious diseases - Epidemiological consequences - Imported arboviruses. QUe Doit-on entenDRe PaR “cHangements cLimatiQUes” ? En fait, plusieurs événements climatiques peuvent combiner leurs effets et aboutir à des conséquences variées : ✓ Le réchauff ement planétaire est un phénomène lentement progressif. Ainsi, pendant le XXe siècle, il s’est traduit par une élévation de + 0,5 à + 0,6 °C de la température ambiante, à l’échelle planétaire. D’ici à 2100, on nous prédit une augmentation supplémentaire de + 1,4-1,5 à + 5,8-6 °C. Parallèlement, le niveau des eaux océaniques augmenterait de 40 à 50 cm vers 2080, du fait de la fonte des glaciers, des calottes polaires et de la glace de mer. Les zones côtières basses et les deltas (comme celui du Gange et du Brahmapoutre, au Bangladesh) seraient largement inondés, bouleversant profondément des écosystèmes où abondent moustiques vecteurs et oiseaux sauvages réservoirs de virus. Ces submersions provoqueraient aussi des déplacements de populations et des famines. ✓ Le phénomène ENSO (El Niño/oscillation australe) est l’exemple le mieux connu de variabilité naturelle, quasi périodique du climat (3). Il entraîne tantôt une augmentation de la température de l’océan (El Niño, l’enfant Jésus, car survenant La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 6 - novembre-décembre 2006 au moment de Noël, en Amérique latine) et de la pression atmosphérique sur l’ensemble du bassin du Pacifique (oscillation australe), ce qui affecte le climat de toute la planète. L’intervalle entre deux épisodes El Niño est de 2 à 7 ans, et ceux-ci peuvent être suivis d’épisodes plus froids appelés La Niña (3). Chaque nouvel épisode El Niño pourra aggraver les effets du réchauffement planétaire et sera à l’origine, en un point du monde, de longs épisodes de sécheresse et de famines, et, ailleurs, d’inondations et de glissements de boue, entraînant tout sur leur passage. Toutefois, ces dernières catastrophes sont rarement suivies d’épidémies, contrairement à ce qui est régulièrement annoncé. ✓ Les cyclones tropicaux (ouragans, typhons), également dévastateurs, ont tendance ces dernières années à être de plus en plus fréquents et plus violents (4). En France, l’augmentation de la température ambiante pourrait être, à l’avenir, de 2 à 3 °C, en hiver, et de 3 à 4 °C, en été (5). Les vagues de chaleur, du type de la canicule de l’été 2003, pourraient devenir plus fréquentes et plus prolongées. consÉQUence sUR La BioLogie Des agents inFectieUX et LeUR tRansmission Quelle que soit leur nature, les agents infectieux microscopiques ont des cycles de multiplication qui sont sensibles à la température. ✓ Les bactéries, les protozoaires et les champignons microscopiques dépendent pour leur reproduction, d’une température optimale de croissance : leur multiplication est ralentie à la fois aux températures infra-optimales et supra-optimales. Dans ce dernier cas, les bactéries élaborent des protéines de stress (heat-shock proteins) destinées à les protéger des effets néfastes des températures trop élevées. Mais ce processus a ses limites. Pour les eubactéries, la multiplication bactérienne cesse à partir de certaines températures. ✓ Les virus ont également un optimum thermique de réplication, au-delà et en deçà duquel les virions produits peuvent manifester des propriétés nouvelles. Dans le cas des poliovirus et des orthopoxvirus (vaccine, monkeypox), les températures infra-optimales ont tendance à sélectionner des mutants “froids”, de virulence atténuée (c’est le principe du vaccin vivant antipoliomyélitique d’Albert Sabin) et les températures supra-optimales des variants “chauds”, de virulence accrue. ✓ Les maladies à transmission vectorielle sont tout particulièrement sensibles aux variations environnementales. La température ambiante, comme d’ailleurs l’humidité relative, a des effets directs sur la biologie des vecteurs hématophages impliqués dans la transmission de certaines maladies infectieuses : moustiques, tiques, phlébotomes, puces pestigènes. ✓ Dans le cas des moustiques, une température ambiante élevée, au moins dans certaines limites, accélère leur développement, de l’œuf vers l’adulte, en même temps qu’elle peut modifier leur répartition géographique. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 6 - novembre-décembre 2006 ✓ Le raccourcissement de la durée de l’incubation extrinsèque (IE) de l’agent pathogène chez le vecteur est aussi une conséquence de l’élévation de la température. L’IE mesure le délai nécessaire entre le moment où le vecteur hématophage s’infecte, en puisant le sang d’un malade ou d’un animal infecté, et celui où il devient capable de transmettre l’infection à un sujet réceptif. Son raccourcissement augmente les chances de transmission de l’agent pathogène. ✓ Les eff ets des facteurs climatiques sur les réservoirs sauvages sont également importants. Ainsi les rongeurs réservoirs de hantavirus, de arenavirus, de flavivirus, de Borrelia ou de Yersinia pestis périssent en grand nombre pendant les périodes d’extrême sécheresse, pour pulluler lorsque des pluies abondantes leur fournissent à nouveau de la nourriture (grains, insectes, etc.). Ils peuvent aussi disparaître en masse du fait des inondations. Par ailleurs, l’augmentation de la température ambiante peut modifier les rythmes d’hibernation des petits mammifères, en particulier des chauvessouris, qui assurent la conservation de nombreux virus. De même, chez les oiseaux, on a montré que le réchauffement planétaire a conduit certains d’entre eux à migrer plus précocement (de 8 à 10 jours), puis à pondre plus tôt, tant en Europe qu’aux États-Unis. Cela peut avoir un effet sur les cycles enzootiques des arbovirus dans lesquels des oiseaux aquatiques sauvages interviennent (6), voire sur les grippes aviaires. Ainsi, les changements climatiques ont ou auront immanquablement des effets sur l’épidémiologie et l’évolution des maladies infectieuses, même si leur retentissement précis reste difficile à apprécier. mise au point m ise au point maLaDies inFectieUses PLUs PaRticULiÈRement conceRnÉes Dans la masse des publications traitant des effets éventuels des changements climatiques sur les maladies infectieuses, trois semblent plus particulièrement concernées : le choléra, le paludisme et la dengue. ✓ Le choléra constitue toujours une menace sanitaire majeure pour l’humanité. Il est endémo-épidémique dans plusieurs régions tropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Maladie bactérienne à transmission fécale-orale, on l’a considéré comme un “modèle” pour l’étude de l’effet des changements climatiques sur l’épidémiologie des maladies infectieuses (7). De fait, l’émergence du choléra El Tor au Pérou, en 1991, puis sa diffusion dans toute l’Amérique latine, ont été rattachés à un épisode El Niño. Celui-ci a entraîné un réchauffement des eaux côtières de cette région et la prolifération du phytoplancton et du zooplancton, notamment des copépodes marins (chaque exemplaire de ce petit crustacé peut fixer sur sa cuticule jusqu’à 104 Vibrio cholerae). Puis un vibrion El Tor, venu d’Asie, a contaminé cette biomasse, laquelle a infecté à son tour les fruits de mer et les poissons consommés par la population, d’où l’épidémie. Enfin, le choléra est devenu endémique dans cette région. Un deuxième épisode El Niño, en 1997-1998, a permis de conforter cette hypothèse. Au cours de l’été 1998, particulière259 mise au point m ise au point 260 ment chaud, le nombre de cas de choléra à Lima, au Pérou, fut étroitement corrélé à l’élévation de la température ambiante (8). Des observations analogues ont été faites au Bangladesh entre 1980 et 1998. ✓ Le paludisme est, de loin, la plus grave des parasitoses humaines, puisque deux milliards de personnes y sont exposées dans le monde et que 250 millions de nouveaux cas surviennent chaque année, entraînant plus d’un million de décès, surtout chez l’enfant. La température ambiante influe directement sur l’évolution des Plasmodium chez l’anophèle : la température optimale de maturation sexuelle pour Plasmodium falciparum est de 30 °C, pour Plasmodium vivax de 25 °C et pour Plasmodium malariae de 22 °C. La température optimale de survie des anophèles se situe entre 20 et 25 °C. Mais, en dessous de 20 °C, la distance de vol et l’aptitude à piquer diminuent, tandis qu’elles sont totalement inhibées à 40 °C. Sur le plan épidémiologique, des épidémies graves (à P. falciparum) ont été attribuées au réchauffement planétaire en Zambie, au Swaziland, en Éthiopie, à Madagascar, au Pakistan, au Sri Lanka et en Colombie. Une épidémie particulièrement sévère (au moins 23 377 cas et une forte mortalité) est survenue au début de 1998 dans la ville de Wajir, au Nord-Est du Kenya. Elle a pu être clairement corrélée à un épisode El Niño, avec de la sécheresse et une faible transmission de P. falciparum en 1996-1997, suivies de fortes pluies et d’inondations fin 1997, à l’origine de cette explosion épidémique (9). De plus, le paludisme a progressé en altitude en Irian Jaya et en Papouasie-Nouvelle Guinée. À l’opposé, dans les pays du Sahel, la baisse de la pluviométrie (passant de 684 mm en moyenne entre 1931 et 1960 à seulement 252 mm en 1992) a fait disparaître les gîtes larvaires du principal vecteur Anopheles funestus, tant au Sénégal qu’au Niger. Après les abondantes pluies de 1995, ces gîtes n’ont pas été recolonisés (10). On avait prévu une extension urbaine catastrophique du paludisme au Kenya et au Zimbabwe, et des modèles mathématiques prévoyaient que la population à risque, dans le monde, allait passer de 45 % (actuellement) à 70 % en 2050. En réalité, ces modèles, pour intéressants qu’ils soient, ne tenaient pas suffisamment compte des facteurs autres que climatiques, en particulier les facteurs humains et socio-économiques : augmentation de la population mondiale, déforestation, modifications dans les pratiques agricoles, déstructurations des services publics, résistances des vecteurs aux insecticides et des hématozoaires aux médicaments, etc. (11). À Madagascar, où la température n’a pas varié de façon significative entre 1949 et 1989, la fermeture des dispensaires assurant la nivaquinisation de la population et l’arrêt de la lutte antivectorielle ont joué un rôle primordial dans la gravité de l’épidémie de paludisme : entre 10 000 et 25 000 morts (12). Le débat scientifique reste donc largement ouvert, concernant l’importance relative des facteurs climatiques et humains dans la distribution spatiale du paludisme dans le monde, ainsi que sur la stabilité ou l’instabilité de sa transmission, d’une année sur l’autre. ✓ La dengue est la première infection virale dans le monde, par son extension géographique et son poids sanitaire : 2,5 milliards de personnes y sont exposées et 250 000 à 500 000 cas sont répertoriés annuellement, principalement dans le Sud-Est asiatique, l’Amérique latine et le Pacifique occidental. Dans sa forme la plus grave, la dengue hémorragique avec syndrome de choc, la mortalité peut atteindre 40 %. En Thaïlande et au Vietnam, c’est la principale cause d’hospitalisation de l’enfant, en saison des pluies. Enfin, la situation épidémiologique mondiale ne cesse de se dégrader, et l’on ne dispose toujours pas d’un bon vaccin (6, 13). La température ambiante et l’humidité relative ont un effet direct sur la transmission de la dengue. La durée de l’IE du virus dengue type 2 chez Aedes aegypti, le principal vecteur, est inversement proportionnelle à la température : 12 jours à 30 °C contre seulement 7 jours à 35 °C. Une température élevée (mais pas trop), dans des conditions d’humidité adéquates, accélèrent également le développement des vecteurs (A. aegypti, Aedes albopictus et Aedes polynesiensis). Plusieurs épidémies récentes et des extensions en altitude de la dengue ont été attribuées au réchauffement planétaire ou à des épisodes El Niño, en Asie tropicale et en Amérique latine (6). Toutefois, des corrélations précises restent à établir. Pour l’avenir, des modèles mathématiques plus ou moins complexes ont été proposés (14, 15). L’un d’eux prévoit que le risque potentiel de transmission augmenterait de 31 à 47 % pour un accroissement global de température de 1 °C, vers 2050, ce qui placerait 195 millions d’individus supplémentaires en situation d’être infectés dans le monde (14). L’autre modèle est basé principalement sur la dynamique de population de A. aegypti et permettrait de lancer plus rapidement des avis d’alerte (15). En réalité, ces modèles prédictifs, comme ceux qui ont été élaborés pour le paludisme, prennent insuffisamment en compte les facteurs anthropiques qui sont essentiels dans l’épidémiologie de cette virose : augmentation continue et urbanisation anarchique de la population, phénomènes immunitaires, arrêt de la lutte antivectorielle, conflits politicomilitaires, déplacements de populations, etc. (6, 11). De plus, A. aegypti n’est plus le seul vecteur à prendre en compte : A. albopictus prend de plus en plus d’importance à l’échelle planétaire. ✓ D’autres maladies à transmission vectorielle ont également fait l’objet de spéculations quant à leur avenir épidémiologique face aux bouleversements climatiques : l’encéphalite européenne à tique et la borréliose de Lyme, toutes deux transmises par Ixodes ricinus sur notre continent, les leishmanioses, la fièvre jaune, l’encéphalite japonaise, la fièvre de la vallée du Rift et les encéphalites saisonnières américaines (6). L’épidémiologie des bilharzioses, dont les vecteurs sont des mollusques aquatiques, sensibles aux variations thermiques et aux précipitations atmosphériques, pourrait également être perturbée. Par contre, il ne semble pas que les changements climatiques aient favorisé l’émergence récente en Asie du virus Alkhurma, du virus H5N1, du virus Nipah ou encore du coronavirus du SRAS (16). >>> La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 6 - novembre-décembre 2006 mise au point m ise au point >>> aUtRes PÉRiLs PeUt-ÊtRe PLUs immÉDiats Ils sont représentés par l’extension ou l’importation sous nos climats de virus dangereux, les changements climatiques pouvant favoriser le développement, voire la pullulation de leurs vecteurs. Les virus bougent beaucoup et, depuis peu, ils se font remarquer par des déplacements intercontinentaux. En 1995, l’encéphalite japonaise, une virose à flavivirus transmise par des moustiques, a réussi à franchir le détroit de Torres, entre la Papouasie-Nouvelle Guinée et le nord de l’Australie. Un de ses vecteurs venu d’Asie, Culex gelidus, a été retrouvé à seulement quelques kilomètres de l’aéroport de Brisbane (6). En 1999, le virus West Nile, un autre flavivirus, a franchi l’Atlantique. Venu d’Israël, il a débarqué à New York, puis il s’est implanté dans pratiquement tous les États-Unis et dans le sud du Canada, où il provoque chaque année chez l’homme de nombreux cas d’encéphalite, fréquemment mortels. En 2003, la fièvre de la vallée du Rift, une infection à phlebovirus transmise par des moustiques, jusque-là cantonnée à l’Afrique tropicale, a gagné le Yémen et l’Arabie saoudite, y provoquant respectivement 140 et 87 décès. En 2003, le virus du monkeypox, un orthopoxvirus voisin de celui de la variole humaine, jusqu’à présent confiné aux deux blocs forestiers de l’Afrique de l’Ouest et du centre, a, lui aussi, franchi l’Atlantique, contaminant 82 personnes aux États-Unis. Les malades étaient des amateurs de rongeurs exotiques africains, “d’adorables boules de poils”, mais, en réalité, des petits compagnons très dangereux sur le plan sanitaire (17). Quels risques pour notre pays ? Des événements récents nous prouvent que le territoire métropolitain n’est pas à l’abri de menaces épidémiologiques venues de son propre sol ou des territoires d’outre-mer. ✓ Le virus West Nile s’est réveillé en 2000 en Camargue, un foyer naturel d’infection connu depuis les années 1960. Il y a provoqué une épizootie équine dans les départements limitrophes du delta du Rhône : 76 cas et 21 décès chez des chevaux. Heureusement, l’infection ne s’y est pas propagée à l’homme. Mais, en septembre 2003, plusieurs cas ont été rapportés à Fréjus (18), dans le Var, en même temps que l’on signalait l’infection d’un cheval. ✓ Le virus Chikungunya, un alphavirus transmis par des moustiques, n’ayant jamais sévi dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, y a fait, à partir de février 2005, une incursion spectaculaire (19). Il a atteint successivement la République islamique des Comores, Mayotte (une île française), l’île Maurice, la Réunion, les Seychelles et Madagascar. L’impact le plus grave, à la fois sanitaire et économique, s’est produit à la Réunion, où quelque 300 000 cas ont été recensés, soit plus du tiers de la population réunionnaise. De plus, on y a vu apparaître des formes graves, jusque-là non décrites dans cette maladie, touchant le système nerveux central, le cœur, les reins, le foie, la peau (éruptions bulleuses) et, surtout, plusieurs cas de transmission de la mère à l’enfant, avec de graves répercussions chez le nouveau-né (“Séminaire de coordination des recherches sur la maladie de Chikungunya”, Paris, 10-11 avril 2006). Enfin, plus de 200 décès, plus ou moins attribuables à ce virus, ont été répertoriés. 262 Or, dès que Mayotte a été touchée, de nombreux cas importés sont apparus en métropole, dans la communauté comorienne, et, lors de la deuxième poussée épidémique à la Réunion (fin 2005-début 2006), ils se sont multipliés en région parisienne et dans le Midi de la France. Or, le moustique A. albopictus, le vecteur désigné de cette épidémie, est déjà implanté dans le sud de la France. Comme l’épidémie continue à la Réunion, il existe un risque non négligeable d’extension de cette virose chez nous, durant la saison estivale 2006 ou plus tard. Rien n’exclut non plus que la dengue, actuellement épidémique en Guyane française (avril 2006), puisse également arriver en France, profitant de la présence du même vecteur, A. albopictus, sur notre sol (20). Par conséquent, sans perdre de vue ce qui se passe dans le reste du monde, nous devons être particulièrement vigilants face à des menaces qui ne sont plus seulement théoriques et lointaines pour notre pays. ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Barbraut C, Weimerkirch H. Emperor penguins and climate change. Nature 2001;411:183-6. 2. McMichael AJ, Woodruff RE, Hales S. Climate change and human health: present and future risks. Lancet 2006;367:859-69. 3. Kovatz RS, Bouma MJ, Hajat S et al. El Niño and health. 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