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vision
Parallèlement aux modifications apportées
au paysage hospitalier, le rôle des
laboratoires de biologie clinique et
d’anatomie pathologique va connaître
de profondes modifications, d’autant plus
si le financement des hôpitaux est réorganisé.
Nous avons demandé au directeur de l’UZ
Brussel, le prof. dr Marc Noppen, comment
il voit l’évolution de ce rôle à l’avenir et ce
que cela peut impliquer pour les hôpitaux.
Faisons le point sur l’avenir
des laboratoires cliniques
pathologies spécifiques et complexes.
Je pense que nous devrions
évoluer vers ce type de modèle et,
parallèlement, vers ce que Michael
Porter appelle les “focused factories”,
à savoir des cliniques et des centres
d’activités qui se concentrent sur un
seul type de pathologie ou traitement.
En Allemagne, par exemple, les trois
quarts de toutes les opérations de
la prostate s’effectuent dans un
seul centre. En Scandinavie, il existe
des mini-hôpitaux qui se chargent
uniquement de la pose de prothèses
du genou et de la hanche.
En axant l’établissement sur une seule
pathologie, le traitement peut être
nettement moins coûteux et le taux
de réussite beaucoup plus élevé.
Il se peut que nous évoluions de
plus en plus dans cette direction et
seuls quelques centres subsisteront.
Je n’y crois cependant pas tout à fait.
Le patient de demain sera, en effet,
une femme de 85 ans présentant
plusieurs comorbidités différentes,
ce qui nécessite l’intégration des
connaissances. C’est pourquoi nous
devons aborder le principe de
la “focused factory” de manière
quelque peu plus nuancée,” explique
le professeur Marc Noppen.
À l’avenir, il se pourrait aussi que
chaque hôpital ne dispose pas de son
propre laboratoire clinique. Plusieurs
tendances se dessinent.
Automatisation contre
surspécialisation
L’image romantique, artisanale, du
laboratoire que certains d’entre nous
ont connu au début de leur carrière
est déjà complètement révolue dans
la pratique. En ce qui concerne les
volumes et les analyses de routine,
comme la chimie, l’hématologie,
la microbiologie et l’anatomie
pathologique, l’automatisation
deviendra la règle dans quelques gros
laboratoires. Le prof. Noppen appelle
ce phénomène “l’usinification”.
“Un laboratoire complet pour chacun
des 104 hôpitaux de Belgique est
impayable et superflu. Je constate
de plus en plus le regroupement de
4 à 5 hôpitaux, avec éventuellement
une partie tierce si les investissements
l’exigent, qui exploitent ensemble
un laboratoire.
Un laboratoire qui réalise 44 types
de tests différents sera à l’avenir
tout aussi superflu. Aujourd’hui
déjà, certains tests sont effectués
en collaboration entre plusieurs
établissements, entre des hôpitaux
régionaux et universitaires. Ce sont
surtout les échantillons qui sont
actuellement transférés mais la
collaboration peut aller encore plus
loin. “D’une part, on peut également
envisager le scénario de la “focused
factory” pour les laboratoires: des
laboratoires qui se spécialisent dans
les maladies métaboliques rares,
par exemple, tandis que d’autres
se concentrent davantage sur la
microbiologie. On peut donc parler
d’une sorte de surspécialisation, pour
laquelle le financement doit suivre. Le
laboratoire doit pouvoir fonctionner
indépendamment du budget mais en
raison du financement complexe, la
tâche n’est pas facile.
D’autre part, on assiste à une évolution
technique considérable dans le
domaine de certaines pathologies
qui s’oriente toujours plus vers une
médecine personnalisée. Pour que
cette approche soit abordable pour la
communauté, elle doit être couplée au
principe de diagnostics compagnons
et de prédicteurs cliniques. >
Qui est Marc Noppen?
> Le prof. dr Marc Noppen
est administrateur délégué de
l'UZ Brussel.
> Spécialisations: asthme, maladies
pulmonaires et pneumologie
> Titulaire Gestion hospitalière
et Organisation et gestion
des hôpitaux à la VUB
“Le patient
de demain sera
une femme de
85 ans présentant
plusieurs comorbidités
différentes, ce qui
nécessite l’intégration
des connaissances.
L’hôpital général de chaque ville ou
commune tel que nous le connaissons
aujourd’hui sera, l’espace d’une
génération, probablement amené à
disparaître. Cette évolution est déjà
en cours aux Pays-Bas, en Finlande
et en Allemagne, par exemple, où les
petits hôpitaux généraux disparaissent
de plus en plus. Pour la Belgique, le
ministre a proposé trois catégories
d’hôpitaux: les hôpitaux locaux et
régionaux proposant exclusivement
des services de base, les hôpitaux
suprarégionaux davantage spécialisés
et, enfin, les hôpitaux consacrés aux
Vision
Texte: Marie Marchal – Photo: Lander Loeckx, Reporters & Roche
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À l’UZ Brussel, par exemple, plusieurs
tests portant sur des maladies rares
ont été développés et nécessitent
l’intervention d’un biologiste
clinique.” Mais la plus-value du
biologiste clinique de demain réside
dans sa sous-spécialisation qui lui
permet d’interpréter des valeurs
et de contribuer à la résolution de
problèmes cliniques.
Cela vaut également pour le
pathologiste. L’image de l’homme
fixant son microscope et entouré de
gros livres est totalement dépassée
depuis la numérisation. L’anatomie
pathologique numérique repose sur
un réseau de connaissances.
Cette année, l’UZ Brussel a unifié sur
le plan organisationnel les services
d’hématologie clinique, de chimie
clinique et de microbiologie, pour
l’instant encore indépendants des
services d’anatomie pathologique
et de génétique. L’hématologie
et la chimie se retrouvent ainsi
physiquement réunies sur un même
plateau tandis que la microbiologie
occupe, pour des raisons historiques,
un espace distinct.
De par sa formation, un biologiste
clinique peut réaliser des tests en
hématologie, chimie et microbiologie,
mais n’est pas homologué pour
effectuer des tests de pathologie.
C’est la raison pour laquelle nous
distinguons encore provisoirement
trois entités distinctes, avec trois
numéros d’agrément différents. “Mais
qui procède aux tests génétiques
pour l’oncologie ? Un pathologiste, un
biologiste clinique ou un généticien
? Il faut conclure des accords à ce
niveau afin que chacune de ces
trois spécialités ne demande pas un
appareil de séquençage de nouvelle
génération (NGS). Nous disposons
actuellement d’une seule plateforme
à l’hôpital où tous les appareils de
séquençage sont regroupés et nous
convenons, en interne, de qui les
utilise. Nous collaborons également
avec d’autres hôpitaux.
Rôle du laboratoire
dans le dépistage
À propos du rôle du laboratoire dans
le dépistage, le prof. Noppen estime
la prévention plus importante que le
dépistage. “Le dépistage n’est utile
que si certaines conditions sont
réunies: il doit s’agir d’une pathologie
courante, un traitement (payable) doit
être disponible et le dépistage doit
avoir un impact sur la santé publique.
Les tests de dépistage doivent
présenter une sensibilité et une
spécificité pratiquement parfaites, ce
qui n’est pas souvent le cas, à moins
d’être ciblés, comme le dépistage des
cancers du sein et de l’intestin, dans
un groupe cible et une tranche d’âge
spécifiques. On sait aujourd’hui que
l’IRM du corps entier et le dépistage
de l’APS “pour tous” sont inutiles.
Selon la médecine
fondée sur les faits
Les diagnostics compagnons sont
des tests diagnostiques liés à un
médicament pour déterminer si ce
médicament sera efficace chez un
patient donné. Ils sont indispensables
dans la médecine sans cesse plus
personnalisée. Les marqueurs sont
surtout utilisés en oncologie mais
doivent également être liés à des
conséquences fondées sur les faits.
“Les formes de cancer courantes,
comme le cancer du poumon et
le cancer du sein, se caractérisent
par des propriétés moléculaires
spécifiques qui font en sorte qu’elles
ne réagissent qu’à des médicaments
déterminés. Si, à l’avenir, nous pouvons
davantage disposer de ce type de
médicaments, nous devrons réfléchir à
de nouveaux modèles de financement.
Les laboratoires, aussi, devront se
réorienter. L’évolution des laboratoires
cliniques se produira peut-être en
parallèle: laboratoires gros volumes
contre laboratoires plus spécialisés
pour une médecine plus personnalisée.
S’ajoute encore à cela l’évolution
vers le mobile et le point of care, une
troisième tendance qui, selon moi, est
inéluctable”, explique le prof. Noppen.
“Points of care” connectés
et intégration des données
L’évolution vers les tests sur le point
d’intervention ne peut plus être
arrêtée. Le prof. Noppen
a lui-même constaté que dans
certains pays africains, comme la
Gambie, le secteur des soins de santé
travaille désormais via les réseaux
sans fil. Personne ne s’oppose à
l’idée que le patient gère lui-même
son dossier médical à distance.
Les résultats de laboratoire lui sont
envoyés directement. Chez nous,
nous rencontrons encore pas mal de
réticences à cet égard. La loi autorise
cependant le patient à accéder à
ses données médicales, et donc
aussi aux résultats de laboratoire.
Avec l’évolution du point of care, le
concept actuel du laboratoire est
peut-être dépassé pour bon nombre
de tests de routine. “Pourquoi ne pas
disposer dans la chambre du patient
d’un point d’intervention connecté
nous permettant de suivre les tests
de routine ? Pourquoi ne pas laisser
les médecins généralistes procéder
eux-mêmes à davantage de tests ?
Après tout, les patients en font déjà
(INR, glucose). La condition réside
dans la validation des tests et dans
l’intégration des résultats au dossier
du patient. Et c’est là que nous
rencontrons la quatrième tendance:
l’intégration du partage des données.
On peut, à cet égard, se poser la
question de savoir qui va payer et
qui sera responsable en cas d’échec.
Deux questions auxquelles je ne peux
répondre pour l’heure.
Changement de rôles
Le rôle du biologiste clinique a
considérablement évolué en vingt
ans : on est passé du spécialiste
en chimie appliquée au directeur
de laboratoire, non seulement
chargé de l’organisation mais
aussi des systèmes de qualité, des
accréditations et de tout ce qui s’y
rapporte. “Les biologistes cliniques
resteront indispensables.
Vision
Le prof. dr Marc Noppen
fournit régulièrement des
contributions à mUZe,
le magazine médical de
l'UZ Brussel: http://blog.
uzbrussel.be/muze.
Si vous souhaitez recevoir
ce magazine, envoyez un
mail à communicatie@
uzbrussel.be.
“La plus-value
du biologiste
clinique de demain
réside dans sa sous-
spécialisation qui lui
permet de contribuer
à la résolution de
problèmes.
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