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contre, groupe le reste du pays, ce qui est loin des voies de communication, peu pénétré par la
monnaie, gu&re scolarisé, plus ou moins délaissé.
S’attachant a cette zone « C » , il faut tenter, d’abord, de discerner quels sont les techniques de
production et le(s) mode(s) de production, puis esquisser une typologie provisoire des groupes dont
l’activite concerne la region, en fonction de leurs structures et de leurs objectifs propres.
A. TECHNIQUES ET MODES DE PRODUCTION (1)
Pour la majorité des habitants des zones retardées, des techniques, l’organisation sociale, les
attitudes et les croyances sont difficilement dissociables - et cette cohérence au plan de la conscience
de la population ne doit pas être perdue de vue au cours de l’analyse.
L’essentiel des moyens de production est constitué par quelques outils souvent fabriqués par
leurs utilisateurs et ne représentant qu’une faible valeur. On s’en sert soit individuellement, soit en
groupes restreints. Les terrains de chasse, les parcours, les secteurs cultivés ne sont pas, en général,
appropries individuellement et ne peuvent être vendus (2). L’organisation du travail varie selon le lieu
et selon le type d’activité, avec division .des tâches entre les vieux, les hommes, les femmes et les
enfants et l’on a pu établir une typologie des processus de travail (r&f. MRA). Il faut y inclure des
activités comme la confection de dabas, de filets’, d’armes de chasse et la construction de cases.
On se trouve dans la plupart des zones retardées, a un stade. où l’auto-subsistance caractérise
l’essentiel de l’activité rurale, c’est-a-dire a celui « d’une économie pratiquée par de petits groupes
subvenant à leurs besoins et se perpétuant par l’exploitation des ressources placées directement à leur
portée et sans recours au marché » (Claude MEILLASSOUX, réf. MRH). Les rapports de production,
a ce niveau, ne sont pas dissociables des rapports personnels entre les jeunes et les vieux, les hommes
et les femmes - soit dans le cadre de chaque « carré » ou soukala (espace délimité où vit et se
reproduit le segment de lignage), soit dans le cadre de groupes plus larges (classes d’âges, collectivités
villageoises, groupements à base religieuse, etc.). La formation sociale correspondant à ce stade de
développement des forces productives se caractérise ainsi par des traits spécifiques. D’abord, il existe
une coopération permanente pour la production, la transformation et la conservation des récoltes ou du
cheptel, a l’intérieur du « carré » ou de la soukala et des diverses associations. Ensuite, des rapports
originaux ‘lient, dans chaque groupe élémentaire, des redistributeurs et des prestataires - notamment,
dans les relations aînés-cadets (3).
Les échanges internes reposent, à ce stade, sur la valeur d’usage et s’operent selon la régie de la
réciprocité. Enfin, les biens de prestige jouent un rôle déterminant, en particulier dans les
compensations matrimoniales.
On peut, certes, constater, en paraphrasant Georges BALANDIER, que les dépendants, les
marchandises et les femmes constituent les éléments d’un même circuit économique (4), ou, formulé
(1)
Pour
une synthèse critique
SUI ces problèmes, voir l’excellente étude de M. WEBER (réf. MRK), dont
on s’inspire largement ici ; les cas de la zone interlacustre et celui de l’Ethiopie ont paru trop originaux
pour être
traités en même temps que les autres ; ils appellent des études spécifiques.
(2) Ceci demeure vrai même dans des cas où il y a incorporation au sol de force de travail (forage de puits,
défrichements, pour culture permanente, travaux d’irrigation, protection anti-érosive, etc.).
(3) Puisque les aînés sont dépositaires de certains moyens de production et “régulateurs” des produits du
travail, ils dirigent la production et contrôlent le produit social : les biens qu’ils détiennent circulent entr’eux, notam-
ment contre les femmes, et ils monopolisent l’essentiel du savoir social. En un sens, ils exploitent ceux qui se trouvent
dans leur dépendance. Peut-on pour autant considérer que les aînés et les%adets constituent deux classes sociales,
à l’intérieur des groupes paysans ? La thèse est difficile à soutenir pour les sociétés des zones les moins touchées par
l’économie marchande, où tout jeune à vocation tend à devenir un aîné. Par contre, que se produise une redistribution
de facteurs de prestige (suite à une migration des jeunes) ou du savoir (suite à la scolarisation) et l’on voit se constituer
des groupes de jeunes qui n’ont plus grand chose de commun avec les classes d’âge traditionnelles. C’est une catégorie
sociale nouvelle qui s’esquisse, constituée de sous-scolarisés et de migrants : les sociologues les disent “détribalisés” et
leurs pères les jugent insolents et sans respect.
(4) Réf. MRN.
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