CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FÉVRIER 2016 2
L’Inde est considérée comme un relai de la croissance mondiale (de 7,2% à 7,4% de 2015
à 2017), mais de moindre envergure que la Chine. Grande importatrice de pétrole, elle voit
sa monnaie relativement stable par rapport aux autres émergents, et peut dont bénéficier
de la baisse des cours du pétrole. Mais sa balance commerciale se dégrade structurellement
car une partie non négligeable de la population aspire à accéder à l’électricité. A cela s’ajoute
la faiblesse de l’investissement public (contraint par un endettement élevé); le manque
d’infrastructures et de capital humain, et la nécessité de moderniser les institutions (capacité
à récolter des recettes fiscales, respect des droits individuels, réduction des inégalités, etc.).
Parallèlement, le ralentissement de la demande mondiale fait pression sur les autres
économies émergentes, avec un rythme de croissance poussif. Leur activité reposait
principalement sur la hausse du prix des matières premières, soutenue par la stratégie
d’investissement massif de la Chine (1er consommateur de toutes matières premières
confondues, pétrole compris). C’est particulièrement le cas de la Russie, de l’Afrique du Sud,
du Maghreb ou de l’Amérique Latine4. Mais le changement de cap de l’économie chinoise
et la faible croissance des économies avancées contractent la demande de matières premières,
réduisant les revenus issus des exportations. L’envolée des cours a favorisé la spéculation
et les investissements centrés sur les matières premières, ce qui a réduit les perspectives
d’investissements dans d’autres secteurs d’activités. Enfin, le relèvement du taux d’intérêt
de la banque centrale américaine (Fed) dans un contexte de croissance mondiale résiliente,
conduit à freiner les flux d’investissements vers les émergents5. Ainsi, si ces économies
observent en majorité des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale, la reprise
de l’investissement sera lente, pénalisant la croissance potentielle et la réduction des inégalités,
surtout si la baisse des prix des matières premières se poursuit.
Enfin, les tensions géopolitiques dans plusieurs régions du monde s’accentuent.
Dans ce contexte d’ensemble, l’aversion pour le risque grandit et crée des tensions financières.
2°/ UNE TENDANCE DÉSINFLATIONNISTE PERSISTANTE LIÉE
À LA FAIBLESSE DE L’INVESTISSEMENT, EN DÉPIT DES POLITIQUES
DES BANQUES CENTRALES6
Le rythme de croissance est dynamique aux USA (autour de 2,5% par an de 2014 à 2017),
portée par la consommation des ménages7. Mais, l’activité a ralenti au 3ème trimestre.
L’inflation insusante et le faible taux de chômage (5% en novembre 2015) masque un taux
de participation au marché du travail peu élevé (62% en novembre 20158 contre plus de 64%
en Zone euro). La part des individus découragés9, en marge du marché du travail, ne diminue
pas sur l’année et l’emploi à temps partiel involontaire a augmenté en novembre. Les Etats-
Unis atteignent désormais un des niveaux les plus hauts d’inégalités de revenu des pays de
l’OCDE10, ce qui sous-entend que le rebond de consommation aux USA est principalement
tiré par les plus riches et l’endettement des ménages les plus pauvres (profils les plus risqués).
Depuis 2008, le niveau d’investissement des entreprises demeure insusant pour compenser
4) Et cela malgré une politique de redistribution importante au Brésil ou en Argentine.
5) i : Le taux d’intérêt correspond à la rémunération des investisseurs, disposant de capacité de financement. Sa hausse accentue la
demande de dollar par rapport aux autres devises: les investisseurs augmentent leurs achats de titres de dettes libellés en dollar
car plus rémunérateur. La valeur du dollar va s’apprécier.
ii : Le dollar est employé comme monnaie de réserve, c’est-à-dire qu’il est utilisé par les banques centrales pour garantir la
convertibilité de leur propre monnaie. Si le dollar s’apprécie, le coût de la garantie s’alourdit. De plus, nombre d’entreprises des pays
émergents se sont endettées en dollar.
iii : Si les économies émergentes attirent les investisseurs, c’est parce qu’elles sont en phase de rattrapage par rapport aux pays
riches, avec des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale. La rentabilité espérée est plus importante. Les moindres
perspectives actuelles et le relèvement du taux directeur américain nuancent cet avantage. D’autant que le relèvement de taux
signifie que la liquidité à bas coût est plus rare. Les investisseurs optent pour des marchés plus sûrs.
iv : Enfin, l’inflation importante dans certaines de ces économies (Brésil, Russie, Turquie, etc.) peut éroder le taux d’intérêt réel
(taux d’intérêt déduit de l’inflation) qui rémunère les investisseurs dans le temps.
6) Les politiques monétaires expansionnistes sont aujourd’hui en partie non conventionnelles, c’est-à-dire qu’elles mobilisent une
multiplicité d’instruments tels que la baisse du taux d’intérêt directeur, rachat d’actifs, taux de dépôt négatifs pour les banques
qui souhaiteraient déposer des liquidités auprès de la banque centrale, etc.
7) Sous l’eet principal de taux d’intérêt bas et la baisse des prix de l’essence.
8) Selon l’Institut Statistiques américain. http://www.bls.gov/news.release/pdf/empsit.pdf
9) Personnes souhaitant obtenir un emploi mais non comptabilisées dans les chire de chômage selon le BIT
10) Le coecient de Gini atteint 0,401 en 2014, en hausse par rapport à 2013 (0,390). Plus l’indicateur est proche de 1, plus les inégalités
de revenus sont fortes et inversement.