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CONJONCTURE ÉCONOMIQUE - Février 2016
ÉCLAIRAGE
Le ralentissement des échanges mondiaux freine la croissance.
Les incertitudes créent des tensions financières. La persistance d’une faible
inflation et l’insusance d’investissement s’auto-entretiennent, en dépit
de politiques monétaires expansionnistes. Cette croissance durablement
plus faible renforce la nécessité d’inventer un nouveau modèle économique
au service du progrès social.
/ UNE CONTRACTION DURABLE DES ÉCHANGES MONDIAUX
Le FMI a révisé à la baisse ses perspectives de croissance mondiale qui se redresse lentement:
3,1% en 2015 (un niveau désormais installé en dessous des tendances moyennes passées);
3,4% en2016 et 3,6% en2017. Cela s’explique principalement par le ralentissement du rythme
de croissancede la Chine : fin d’une période d’investissements massifs et demande interne
insusante. La croissance chinoise est désormais davantage tournée vers les services et le
secteur privé1.
De moins en moins une étape d’assemblage ou de transformation, la Chine est un marché
intérieur à capter. Si l’éclatement de la production entre pays et continents avait provoqué
l’explosion des échanges mondiaux, la Chine participe de plus en plus aux échanges
commerciaux tournés vers sa demande propre. Les entreprises à capitaux étrangers en Chine
s’intègrent davantage dans le tissu productif chinois2. Les firmes chinoises (privées
et privatisées) apparaissent, quant à elles, comme les acteurs les plus dynamiques, écartant
les entreprises publiques, notamment dans les échanges mondiaux liés à i) des exportations
dont les éléments entrants dans la production sont dorigine locale et principalement à
destination des pays émergents et en développement3, ii) et à des importations destinées
à la demande intérieure.
Ainsi, la part des produits primaires (hydrocarbures, produits agricoles et agro-alimentaires,
etc.) s’accentue, notamment sous l’eet de l’urbanisation. Il en est de même pour les biens
de consommation (hauts de gammes et automobile, etc.). Il peut être curieux de constater
une telle tendance quand la consommation des ménages contribue encore modérément à
la croissance chinoise. Mais l’augmentation de la part des biens de consommation témoigne
d’une distribution inégalitaire des revenus. Et cela malgré la hausse progressive des salaires
en Chine. Le challenge de la Chine demeure donc entier pour réussir sa transition: réduire
les inégalités, moderniser les institutions, faire respecter les libertés individuelles, absorber
les surcapacités productives, limiter la consommation énergivore et apaiser les tensions
géopolitiques dans la région. Un atterrissage brutal aurait de lourdes conséquences sur
le reste de léconomie mondiale.
1) Lemoine.F (2015), «Léconomie chinoise en 2015: une croissance ralentie, portée par les services et le secteur privé», Cepii,
novembre 2015.
2) Cette évolution vise à centrer les discussions entre la Chine et ses partenaires commerciaux davantage sur la réglementation
de la concurrence et d’accès au marché intérieur, plutôt que sur la concurrence des exportations chinoises.
3) La part des biens d’investissement et des biens culturels se développe, soulignant l’évolution qualitative de l’ore chinoise.
CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FÉVRIER 2016 2
L’Inde est considérée comme un relai de la croissance mondiale (de 7,2% à 7,4% de 2015
à 2017), mais de moindre envergure que la Chine. Grande importatrice de pétrole, elle voit
sa monnaie relativement stable par rapport aux autres émergents, et peut dont bénéficier
de la baisse des cours du pétrole. Mais sa balance commerciale se dégrade structurellement
car une partie non négligeable de la population aspire à accéder à lélectricité. A cela s’ajoute
la faiblesse de l’investissement public (contraint par un endettement élevé); le manque
d’infrastructures et de capital humain, et la nécessité de moderniser les institutions (capacité
à récolter des recettes fiscales, respect des droits individuels, réduction des inégalités, etc.).
Parallèlement, le ralentissement de la demande mondiale fait pression sur les autres
économies émergentes, avec un rythme de croissance poussif. Leur activité reposait
principalement sur la hausse du prix des matières premières, soutenue par la stratégie
d’investissement massif de la Chine (1er consommateur de toutes matières premières
confondues, pétrole compris). C’est particulièrement le cas de la Russie, de lAfrique du Sud,
du Maghreb ou de l’Amérique Latine4. Mais le changement de cap de l’économie chinoise
et la faible croissance des économies avancées contractent la demande de matières premières,
réduisant les revenus issus des exportations. Lenvolée des cours a favorisé la spéculation
et les investissements centrés sur les matières premières, ce qui a réduit les perspectives
d’investissements dans d’autres secteurs dactivités. Enfin, le relèvement du taux d’intérêt
de la banque centrale américaine (Fed) dans un contexte de croissance mondiale résiliente,
conduit à freiner les flux d’investissements vers les émergents5. Ainsi, si ces économies
observent en majorité des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale, la reprise
de l’investissement sera lente, pénalisant la croissance potentielle et la réduction des inégalités,
surtout si la baisse des prix des matières premières se poursuit.
Enfin, les tensions géopolitiques dans plusieurs régions du monde s’accentuent.
Dans ce contexte d’ensemble, l’aversion pour le risque grandit et crée des tensions financières.
/ UNE TENDANCE DÉSINFLATIONNISTE PERSISTANTE LIÉE
À LA FAIBLESSE DE LINVESTISSEMENT, EN DÉPIT DES POLITIQUES
DES BANQUES CENTRALES6
Le rythme de croissance est dynamique aux USA (autour de 2,5% par an de 2014 à 2017),
portée par la consommation des ménages7. Mais, l’activité a ralenti au 3ème trimestre.
L’inflation insusante et le faible taux de chômage (5% en novembre 2015) masque un taux
de participation au marché du travail peu élevé (62% en novembre 20158 contre plus de 64%
en Zone euro). La part des individus découragés9, en marge du marché du travail, ne diminue
pas sur lannée et l’emploi à temps partiel involontaire a augmenté en novembre. Les Etats-
Unis atteignent désormais un des niveaux les plus hauts d’inégalités de revenu des pays de
l’OCDE10, ce qui sous-entend que le rebond de consommation aux USA est principalement
tiré par les plus riches et lendettement des ménages les plus pauvres (profils les plus risqués).
Depuis 2008, le niveau d’investissement des entreprises demeure insusant pour compenser
4) Et cela malgré une politique de redistribution importante au Brésil ou en Argentine.
5) i : Le taux d’intérêt correspond à la rémunération des investisseurs, disposant de capacité de financement. Sa hausse accentue la
demande de dollar par rapport aux autres devises: les investisseurs augmentent leurs achats de titres de dettes libellés en dollar
car plus rémunérateur. La valeur du dollar va s’apprécier.
ii : Le dollar est employé comme monnaie de réserve, c’est-à-dire qu’il est utilisé par les banques centrales pour garantir la
convertibilité de leur propre monnaie. Si le dollar s’apprécie, le coût de la garantie s’alourdit. De plus, nombre d’entreprises des pays
émergents se sont endettées en dollar.
iii : Si les économies émergentes attirent les investisseurs, c’est parce qu’elles sont en phase de rattrapage par rapport aux pays
riches, avec des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale. La rentabilité espérée est plus importante. Les moindres
perspectives actuelles et le relèvement du taux directeur américain nuancent cet avantage. D’autant que le relèvement de taux
signifie que la liquidité à bas coût est plus rare. Les investisseurs optent pour des marchés plus sûrs.
iv : Enfin, l’inflation importante dans certaines de ces économies (Brésil, Russie, Turquie, etc.) peut éroder le taux d’intérêt réel
(taux d’intérêt déduit de l’inflation) qui rémunère les investisseurs dans le temps.
6) Les politiques monétaires expansionnistes sont aujourd’hui en partie non conventionnelles, c’est-à-dire qu’elles mobilisent une
multiplicité d’instruments tels que la baisse du taux d’intérêt directeur, rachat d’actifs, taux de dépôt négatifs pour les banques
qui souhaiteraient déposer des liquidités auprès de la banque centrale, etc.
7) Sous l’eet principal de taux d’intérêt bas et la baisse des prix de l’essence.
8) Selon l’Institut Statistiques américain. http://www.bls.gov/news.release/pdf/empsit.pdf
9) Personnes souhaitant obtenir un emploi mais non comptabilisées dans les chire de chômage selon le BIT
10) Le coecient de Gini atteint 0,401 en 2014, en hausse par rapport à 2013 (0,390). Plus l’indicateur est proche de 1, plus les inégalités
de revenus sont fortes et inversement.
CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FÉVRIER 2016 3
la réduction de l’investissement des ménages et des administrations publiques, ce qui
n’améliore pas la productivité et le potentiel de croissance. Léconomie américaine présente
donc des faiblesses qui impliquent que la Fed remonte progressivement et prudemment son
taux directeur, arbitrant entre risques demballements spéculatifs11 et risque de ralentissement
de la croissance12.
En Zone euro, la reprise est lente (1,5% en 2015; 1,7% en 2016 et 1,7% en 2017, selon le FMI),
stimulée principalement par la consommation: financement peu couteux, baisse de l’euro,
baisse du cours du pétrole. Les exigences budgétaires de la Commission UE s’assouplissent
très légèrement. Selon Eurostat, l’inflation annuelle demeure en dessous de la cible:
(0,2% en novembre, contre 0,1% en octobre 2015; prévue à 1% en 2016 et 1,6% en 2017).
Le taux d’emploi augmente moins au 3ème trimestre (+0,3% contre +0,4% au 2ème trimestre
2015). Et la situation des pays en crise ne s’améliore pas ou peu13. Le chômage diminue très
progressivement (10,7% en octobre 2015, contre 10,8% en septembre) et de manière
très hétérogène. Certains pays observent des taux toujours élevés et le chômage de longue
durée augmente14. L’investissement peine à se redresser. Aussi, les stigmates des politiques
nationales non coopératives (dévaluation salariale et compétitivité coût) et la faiblesse de
l’investissement global nourrissent de fortes inquiétudes.
Une meilleure transmission de la politique monétaire de la BCE à l’économie réelle
est primordiale pour stimuler l’investissement et la demande. Cela soulève la question
du financement de l’économie. La politique monétaire doit être articulée à une politique
budgétaire européenne pour modifier les comportements. Plus globalement, la politique
monétaire doit s’articuler à une stratégie européenne d’investissement musclée.
Le plan Juncker l’a seulement amorcée. La transition écologique ore un vrai cadre vecteur
d’investissements pour accélérer l’évolution structurelle de l’économie européenne.
Le financement de l’économie interroge aussi l’articulation des systèmes financiers
et bancaires à la politique monétaire. Contrairement aux entreprises américaines, qui
se financent en émettant des titres sur les marchés financiers, les entreprises européennes
se financent surtout par le crédit bancaire. Cela signifie qu’en Europe, la politique monétaire
de la BCE doit passer principalement par les banques pour être ecace. Si aucun des deux
systèmes n’est parfait et la distinction entre les deux à nuancer15, la politique monétaire seule
ne peut être ecace. La contribution du système financier au financement de l’économie,
dont la transition énergétique, pourrait se développer avec une régulation adaptée.
/ FRANCE: UNE REPRISE LENTE ET FRAGILE QUI NUIT À LEMPLOI
Révisée à la baisse dans les estimations de décembre 2015, la croissance est confirmée par
l’INSEE à 1,1% en 2015. Mieux que 2014 (+0,2%) mais en soubresauts sur lensemble de l’année
2015 (rebond de +0,7% au 1er trimestre; stagnation à 0% au 2ème trimestre; +0,3% au 3ème
trimestre et +0,2% au 4ème trimestre 2015). Le FMI anticipe une croissance de 1,3% en 2016
et 1,5% en 2017.
La demande intérieure est encore insusante. Malgré une redynamisation en décembre,
elle se replie au 4ème trimestre 2015. Concernant les tristes évènements de novembre,
deux eets se dégagent : i) Le choc direct post-attentat sur les services principalement16
(fermetures d’entreprises, investissements reportés, flux de financement modifiés, etc.).
Cet eet est a priori de court terme. La consommation de services ralentit (+0,1% au 4ème
trimestre après +0,2% au trimestre précédent). Les biens de consommation sont quant à
eux moins substituables, mais les comportements de consommations peuvent se modifier
11) Dans un contexte de faibles perspectives de croissance, la faiblesse des taux peut pousser les investisseurs à se tourner vers des
produits plus rémunérateurs et plus risqués.
12)
Après la crise de 2008, les flux se sont centrés sur les émergents. La remontée du taux de la FED peut ralentir directement l’économie
américaine, mais aussi réorienter les flux et provoquer des conséquences en chaîne sur les économies avancées.
13) Taux de croissance: Grèce (-0,9%), Finlande (-0,5%), Danemark (-0,1%) sur le dernier trimestre 2015.
14) Taux de chômage (octobre 2015). Allemagne: 4,5%; Royaume-Uni: 5,2%; Pays-Bas: 6,9%; Suède: 7,2%; Irlande: 8,9%;
Finlande: 9,5%; France: 10,8%; Italie: 11,5%; Espagne: 21,6; Grèce: 24,6%
15) Les banques réalisent elles-mêmes des opérations financières au-delà du financement de l’économie réelle.
16) Dont hébergement, restauration, hôtellerie, loisirs et transports.
CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FÉVRIER 2016 4
(davantage recours aux commerces de quartiers, par exemple). ii) L’impact à moyen terme
et en cas de réplique (altération de la confiance des agents économiques). Il est dicile
d’anticiper l’ampleur de ce deuxième eet. Les prévisions de l’INSEE pour le premier trimestre
2016 demeurent donc fragiles: +0,4%, conformément à la moyenne de la zone euro.
Si l’activité ne progresse pas davantage par trimestre, cela risque d’être insusant pour
atteindre les prévisions du gouvernement (+1,5% en 2016). Les mesures gouvernementales
(baisse des impôts), censées améliorer le pouvoir d’achat auront un impact faible.
En 2015, les exportations accélèrent (+5,9% après +2,4%) davantage que les importations
(+6,1% contre +3,9% en 2014), le solde extérieur s’améliore mais reste négatif. C’est la variation
des stocks (valeur des entrées en stocks déduites de la valeur des sorties de stocks) qui
contribue le plus positivement au PIB en 2015, comme en 2014, du fait surtout de la baisse
des prix pétroliers et non pas d’une augmentation des stocks des entreprises pour faire face
à une augmentation de la demande17.
L’investissement reste insusant en 2015 (-0,1% contre -1,2% en 2014), malgré une légère
amélioration du côté des ménages et des administrations publiques. Le faible coût de
financement, la baisse du prix du pétrole et du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité
et amortissement accéléré) améliorent les marges des entreprises, à leur niveau le plus haut
depuis 2008 (31,8% dès la mi-2016). Cela doit permettre aux entreprises d’accélérer leurs
investissements. Cependant, l’investissement des entreprises non financières progresse
encore insusamment en 2015 (+2%, comme en 2014). S’il se redynamise au 4ème trimestre
2015 (+1,3%), il est trop tôt pour en tirer une quelconque conclusion, sachant que cela ne dit
rien quant à la nature de ces investissements.
Les entreprises devraient également recourir plus aisément à l’emploi peu qualifié. Néanmoins,
cela ne doit pas occulter la nécessité d’investir dans des emplois qualifiés, au risque à terme
d’altérer le niveau global de la productivité et de la compétitivité hors coût. Quoiqu’il en soit,
le niveau dinflation demeure très faible (une hausse de +0,2% des prix à la consommation
depuis un an) et amoindrit les eorts de réduction du désendettement privé et du déficit
public, ce qui freine directement les décisions d’investissements privés et publics.
Le taux de chômage au sens du BIT se stabilise (10,4% en 2015 et 2016) mais ne diminuera
pas avant 2017 (10,2%), selon la Commission UE. Il augmente de 0,2 point par rapport au
2ème trimestre 2015, bien que le halo du chômage diminue18, selon l’INSEE19. Au 3ème
trimestre, l’emploi salarié se stabilise20 dans les secteurs marchands hors agricole (après
une légère hausse au 2ème trimestre), et diminue dans l’industrie et la construction. L’emploi
tertiaire augmente moins que prévu et surtout par l’intérim. La croissance nest donc pas
susante pour réduire le chômage, c’est à dire créer susamment d’emplois pour absorber
à la fois les nouveaux arrivants sur le marché du travail et les personnes déjà en recherche
d’emploi. Toutefois, le système de protection sociale et la réglementation de l’emploi jouent,
en France, positivement sur le risque de pauvreté au travail21 (8% en 2014 en France, contre
9,4% en Zone euro et près de 10% en Allemagne, selon Eurostat) et les inégalités de revenus
(4,3%, contre 5,2% en Zone euro et 5,1% en Allemagne). La France est donc moins inégalitaire
malgré un taux de croissance plus faible. Lensemble de ces éléments invite à s’interroger sur
le contenu de la croissance.
17) Il s’agit de l’ensemble des biens (matières premières, produits semi-finis ou finis) achetés non consommés, transformés ou à vendre
par chacune des entreprises. En période de croissance, les entreprises constituent des stocks face à l’augmentation de la demande
et inversement, en période de repli de l’activité, les entreprises déstockent.)
18) Personnes souhaitant obtenir un emploi mais non comptabilisées dans les chire de chômage selon le BIT, notamment les travailleurs
dits «découragés».
19) Prochaine parution le 3 mars 2016.
20) INSEE (2015), L’emploi se stabilise au 3ème trimestre 2015, Informations rapides, Emploi salarié - 3e trimestre 2015, n°299, 2p,
10 décembre 2015; http://www.insee.fr/fr/indicateurs/ind30/20151210/Crea_emplois_15T3_v4.pdf
21) Proportion de personnes qui travaillent et disposent d’un revenu disponible équivalent se situant en-dessous du seuil de risque de
pauvreté, fixé à 60 % du revenu disponible équivalent médian national (après transferts sociaux).
CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FÉVRIER 2016 5
4°/ UNE CROISSANCE QUANTITATIVE DURABLEMENT PLUS FAIBLE,
L’OPPORTUNITÉ DE CONSTRUIRE UNE CROISSANCE DE QUALI
Le niveau de croissance durablement plus faible doit être l’occasion de réaliser que
l’objectif d’accroissement du PIB est insusant pour guider la gouvernance économique. Le
développement économique doit viser le développement humain, une meilleure satisfaction
des besoins sociétaux, la réduction des inégalités et préserver la planète. A défaut doutils de
mesure appropriés pour nous guider, les inégalités sociales et environnementales,
les mouvements migratoires contraints et les risques géostratégiques seront hors du champ
de la gouvernance économique.
Le PIB agrège les valeurs ajoutées monétaires créées sur le territoire national à un instant
donné. Il appréhende mal les enjeux de long terme, la qualité des activités économiques,
les services (qui se développent avec le numérique), le bénévolat, le stock du patrimoine
environnemental22, ou encore les enjeux de répartition23, de cohésion sociale et de bien-être.
Il est donc essentiel de faire évoluer notre représentation de la croissance et sa mesure afin
de construire une gouvernance économique de qualité, au-delà des facteurs contributeurs
du PIB (dépenses de consommation, investissement, variations de stocks et solde
commercial): évaluer pour faire évoluer les pratiques et les politiques économiques
et sociales.
C’est dans cette démarche que s’intègre la loi française Eva Sas, aux côtés d’autres initiatives
déjà menées par les institutions internationales (Nations Unies, OCDE, Eurostat, la Commission
Stiglitz en France, etc.) ou certains Etats (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique). Désormais,
le gouvernement doit construire un budget en intégrant des exigences à la fois économiques,
sociales et environnementales et évaluer les réformes passées au-delà du simple PIB.
Dix indicateurs, disponibles au niveau national, international, voire territorial, ont donc été
choisis parmi une liste préétablie lors d’un travail conjoint entre le CESE24 et France Stratégie:
le taux demploi, leort de recherche25, l’endettement, l’espérance de vie en bonne santé,
la satisfaction dans la vie, les inégalités de revenus, la pauvreté en conditions de vie, les
sorties précoces du système scolaire, lempreinte carbone et enfin l’artificialisation des sols.
Lensemble de ces indicateurs doit permettre dévaluer le CICE, le Pacte de responsabilité
et de solidarité, la Loi de Transition énergétique, la réforme du collège, le plan de lutte contre
la pauvreté ou encore lobjectif de réduction de la dette, etc. Si cette sélection d’indicateurs
peut être discutée, c’est l’opportunité d’articuler les dimensions quantitatives
et qualitatives. La situation macroéconomique doit être évaluée à l’aune de ces deux
dimensions afin de construire un nouveau modèle économique.
22) Le PIB est un indicateur de flux qui ne dit rien des stocks. Ainsi, toutes activités permettent d’accroître le PIB, indépendamment
de son impact sur l’environnement. L’activité induite par la réparation d’une marée noire permet par exemple d’accroître le PIB.
23) Le PIB est un indicateur moyen, associé à l’élévation du niveau de vie moyen, qui ne dit rien de sa répartition sur le territoire.
24) Dans ce cadre, Philippe Le Clezio, alors membre du groupe CFDT du CESE, a présidé les concertations organisées par le CESE et
France Stratégie qui visaient à élaborer un tableau de bord d’indicateurs complémentaires au PIB. Il a été rapporteur de la résolution
du CESE qui s’en est suivie. Plus précisément, au premier semestre 2015, une très large concertation a été initiée réunissant
des membres du CESE, de France Stratégie, les instances réunissant utilisateurs et producteurs de la statistiques publiques,
des représentants de la statistique publique, d’instances internationales telle que l’OCDE, de nombreuses ONG, des universitaires.
Ces travaux se sont poursuivis par l’organisation d’ateliers citoyens constitués de personnes choisies au hasard, afin d’intégrer les
préoccupations des citoyens et l’appréciation qu’ils ont de leur satisfaction, et de permettre l’appropriation des indicateurs.
25) L’eort de recherche, englobe les travaux de création entrepris en vue d’accroître la somme des connaissances et le développement
de nouvelles applications (source OCDE).
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