Unité d'Enseignement T3 élément e2 Epistémologie spécifique de la psychologie clinique Annexes Master 1 PPC UPJV – Département de psychologie Philippe SPOLJAR Courriel : [email protected] Site internet : http://philippe.spoljar.free.fr 1 Définitions Psychologie clinique D. Lagache (1949) « Analyser une conduite pour le psychologie clinicien, ce n'est pas la découper en segments et en processus élémentaires, c'est la décrire en détail et, par un jeu subtil de regroupements et de recoupements dont les règles ne sont pas fixes de façon explicite, faire apparaître un sens qui n'était directement visible ni pour l'observateur profane, ni, a fortiori, pour le sujet conscient lui-même ». D. Lagache (1949) : 1. L'objet de la psychologie clinique est « l'étude de la conduite humaine individuelle et de ses conditions (hérédité, maturation, conditions physiologiques et pathologiques, histoire de la vie), en un mot, l'étude de la personne totale "en situation" »1 2. « Envisager la conduite dans sa perspective propre, [de] relever aussi fidèlement que possible les manières d'être et de réagir d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation, [de] chercher à en établir le sens, la structure et la genèse, déceler les conflits qui la motivent et les démarches qui tendent à résoudre les conflits, tel est en résumé le programme de la psychologie clinique. »2 Juliette Favez-Boutonier (1959) : La psychologie clinique est l'étude d'une personnalité singulière dans la totalité de sa situation et de son évolution […] dans une situation d'implication réciproque ». Juliette Favez-Boutonier (1966) : L'objet du psychologue clinicien est « l'être humain, en tant qu'il existe et se sent exister comme un être unique, ayant son histoire personnelle, vivant dans une situation qui ne peut être totalement assimilée à aucune autre » ; « La psychologie [clinique] vise l'étude de la personnalité singulière dans la totalité de sa situation et de son évolution » Georges Lantéri-Laura (1980) : « la clinique ne s'installe pas dans la certitude de soimême, mais commence par l'examen de chaque patient, et s'efforce d'aller de ce point d'origine, particulier et empirique, à un moment où l'on comprendra comment un certain nombre de singularités du patient coïncident avec ce qu'apporte le discours universel de la pathologie ; mais la clinique demeure une discipline propre…" »3 . Didier Anzieu (1983) : « Elle est une psychologie individuelle et sociale, normale et pathologique ; elle concerne le nouveau-né, l'enfant, l'adolescent, le jeune adulte, l'homme mûr, l'être vieillissant et enfin mourant » [prise en compte de l'objet et des domaines] ) D. Lagache, « Psychologie clinique et méthode clinique », L'Évolution psychiatrique, 1949, p. 156. ) D. Lagache, L'Unité de la psychologie (1949), Paris, Puf, 1969, p. 32. 3 ) G. Lanteri-Laura, préface à P. Bercherie, Les Fondements de la clinique, Paris, Navarin, 1980, p. 10. 1 2 2 J.L. Pédinielli (1994) : « La psychologie clinique peut être définie comme la sous-discipline de la psychologie qui a pour objet l'étude, l'évaluation, le diagnostic, l'aide et le traitement de la souffrance psychique quelle que soit son origine (maladie mentale, dysfonctionnements, traumatisme, événements de vie, malaise intérieur » Evelnyne Pewzner (1995), « Si l'on se réfère à l'étymologie, la psychologie est l'étude de la psyché, c'est-à-dire de l'âme1 . Ce n'est pourtant pas de la métaphysique : comment alors situer cette discipline ? Contentons-nous pour l'instant de dire que c'est l'étude de la personne humaine, de ses conduites, de ses facultés intellectuelles, de son affectivité. Il y a ainsi un objet de la psychologie, l'homme considéré sous l'angle de son fonctionnement mental, de son développement affectif et cognitif, de ses conduites, de ses réponses à des situations expérimentales. »2 Roger Perron (1997) : - « La personne est un système, une structure, régie par des lois d'auto-régulation et qui peut être considérée comme un système de transformations. »3 - « La psychologie clinique se donne pour but d'expliciter les processus psychiques de transformation dont la personne est le siège. »4 Anthropologie clinique N. Duruz (2008) : - « Dans sa visée pratique, l’anthropologie clinique insiste sur la nécessité d’une clinique de l’humain concret et singulier, en situation, différente d’une clinique des fonctions dans laquelle elle risque de s’aliéner. »5 - « L’anthropologie phénoménologique nous invite à rencontrer l’homme concret et singulier, dans son expérience originaire d’être-au-monde [le Dasein décrit par Heidegger]. Celle-ci n’est pas réductible à des figures abstraites, comme celles de l’homme neuronal, en apprentissage, communicationnel, pulsionnel, etc., ni à des fonctions de l’organisme transformées en instances agentielles, qui nous conduisent souvent à dire, par abus de langage, que le cerveau pense, la mémoire se souvient, l’inconscient parle, alors que seul l’homme concret et singulier pense, se souvient et parle. »6 . ) En allemand, Seelenkunde, littéralement « science de l'âme » ) Evelyne Pewzner, Introduction à la psychopathologie de l'adulte , Paris, Armand Colin, coll. "Cursus", série "Psychologie", 1995 p. 179. 3 ) Roger Perron, « Qu'est-ce que la psychologie clinique ? », in R. Perron et al., La Pratique de la psychologie clinique, Paris, Dunod, coll. "Psycho sup", 1997, p. 15. 4 ) R. Perron, « Qu'est-ce que la psychologie clinique ? », in R. Perron et al., La Pratique de la psychologie clinique, Paris, Dunod, coll. "Psycho sup", 1997, p. 15. 5 ) Nicolas Duruz, « Anthropologie clinique, psychopathologie et psychothérapie », Le Journal des psychologues, n° 258, 2008/5, p. 19. 6 ) Nicolas Duruz, « Anthropologie clinique, psychopathologie et psychothérapie », Le Journal des psychologues, n° 258, 2008/5, p. 19. 1 2 3 Psychopathologie Karl Jaspers (Psychopathologie générale, 1913) : « L'objet de la psychopathologie est l'activité psychique réelle et consciente. Nous voulons savoir ce que les hommes vivent et sentent, et comment ils le font, nous voulons connaître l'étendue des réalités de l'âme. Nous voulons examiner non seulement la vie des hommes, mais aussi les circonstances et les causes qui les conditionnent, ce à quoi elle se relie, tous les aspects qu'elle pré sente. Mais il ne s'agit pas de toute l'activité psychique : le pathologique seul est notre objet. » Lantéri-Laura (1994) : La « psychologie du pathologique renvoie soit à la description globale de l'expérience vécue du malade [] soit à la recherche d'un trouble fondamental chargé d'unifier la diversité symptomatique » Claude Barrois (1994) : « La question psychopathologique, qui marque la limite inhérente à l'approche neurobiologique, est, à l'évidence, celle du sens (et du non-sens) de l'expérience vécue. »1 Dès lors, « La psychopathologie [clinique] serait donc l'activité de compréhension, entre le décrire et l'agir. »2 Etude de cas Daniel Lagache (1949) : « l'aboutissement d'une investigation clinique, c'est l'histoire d'un cas ». Pédinielli (2005) : « Un cas singulier présente quelque chose d'inhabituel, voire d'étonnant. Singulier désigne à la fois l'individuel, le particulier, ce qui distingue un individu des autres, la rareté. Parler de cas singulier n'implique pas qu'il soit unique (par rapport à un diagnostic pr exemple) mais le fait qu'il apporte quelque chose d'original, d'inédit, dans une situation qui peut être banale. [] Considérer une histoire de patient comme un "cas singulier", c'est prêter attention à ce qui ne se confond ni avec l'évidence, l'habitude, le normal (au sens de ce qui ne pose pas de question). C'est donc le regard, l'écoute du clinicien qui font que le cas devient singulier puisqu'on va faire émerger ce qui échappe au "commun", au "banal", au "conforme" »3 (je souligne). 1 ) C. Barrois, « Le traumatisme », in D. Widlöcher (dir.), Traité de psychopathologie clinique, Paris, P. U. F., 1994, p. 742. 2 ) C. Barrois, « Le traumatisme », in D. Widlöcher (dir.), Traité de psychopathologie clinique, Paris, P. U. F., 1994, p. 738. 3 ) Jean-Louis Pédinielli, Lydia Fernandez, L'Observation clinique et l'étude de cas, Paris, Armand Colin, 2005, p. 65. 4 Bibliographie Textes étudiés Aulagnier Piera, La Violence de l'interprétation. Du pictogramme à l'énoncé, Paris, P. U. F., coll. "Le fil rouge", 1975, 5è éd. 1995. Foucault Michel, Le souci de soi (Histoire de la sexualité, t. III), Paris, Gallimard, 1984. Lacan Jacques, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique » (1936, 1949), Ecrits, Paris, Seuil, coll. "Le champ freudien", 1966, pp. 93100. Lacan Jacques, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Thèse de doctorat de médecine, 1932, Paris, Seuil, 1975, rééd. coll. "Points", 1980. Politzer Georges, Critique des fondements de la psychologie, Paris, Editions Rieder, 1928. Vernant Jean-Pierre, « L'individu dans la cité », dans L'Individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, coll. "Folio/histoire", 2002, pp. 211-232. Bibliographie complémentaire Assouly-Piquet Colette, « La trace : transmission, répétition, médiation », in Claude Revault d'Allonnes (éd.), La Démarche clinique en sciences humaines, Paris, Dunod, 1989, p. 179-189. Bourguignon Odile, « Recherche clinique et contraintes de la recherche », Bulletin de psychologie, t° 39, n0 377, 1986, p. 750-754. Bruner Jerome, , ...Car la culture donne forme à l'esprit. De la révolution cognitive à la psychologie culturelle , Paris, ESHEL, 1990. Favez Boutonier Juliette, « La psychologie clinique objet, méthodes, problèmes » (1959), Les cours de la Sorbonne, 1959-1962. Favez Boutonier Juliette, « L'objet de la psychologie clinique », Bulletin de Psychologie, 266, tome XXI, 1968, p. 449-452. Jeammet N. « Ebauche d'une méthodologie dans le champ de la recherche clinique », La psychiatrie de l'enfant, t. 25, n° 2, 1982, p. 439-485. Lagache Daniel, « Psychologie clinique et méthode clinique », in Oeuvres II, Paris, PUF, 1949. Meyerson Ignace (dir), Problèmes de la personne, Centre de recherches de psychologie comparative, Paris et La Haye, Mouton, 1973. Parot Françoise (dir.), Pour une psychologie historique. Ecrits en hommage à Ignace Meyerson, Paris, PUF, 1996. Prévost Claude-Marie, La psychologie clinique, Paris, PUF, Que Sais-je ? Reuchlin Maurice, « Clinique et vérification », Bulletin de Psychologie, 1972, XXVI : 550-563. Reuchlin Maurice, Options fondamentales et options superficielles. Revue de Psychologie Appliquée, 1981,31,2 : 97-115. Revault d'’Allonnes Claude, « L'étude de cas : de l'illustration à la conviction », in Claude Revault d'Allonnes (éd.), La Démarche clinique en sciences humaines, Paris, Dunod, 1989. [R623] Revault d'Allonnes Claude, « Psychologie clinique et démarche clinique », in Claude Revault d'Allonnes (éd.), La Démarche clinique en sciences humaines, Paris, Dunod, 1989, p. 17-33. [R622] Ricoeur Paul, Le Conflit des interprétations. Essais d'herméneutique, Paris, Seuil, coll. "L'ordre philosophique", 1969. 5 Saint Augustin, Confessions, traduction d'Arnauld d'Andilly, Paris, Gallimard, coll. "Folio", série "Classique", n° 2465, 1993, 2003. Santiago-Delefosse Marie, « Vers une psychologie clinique de la santé ? », Bulletin de Psychologie, 2000, 53-1, p. 225-232 Veil C. Potentiels vitalisant et mortifiant de la rigueur en clinique, Bulletin de Psychologie, 1986, 39, 377 : 754-759. Widlöcher Daniel, « Pratique clinique et recherche clinique », Revue de Psychologie appliquée, t. 31, n° 2, 1981, pp. 117-129. 6 Plan du cours 1. Introduction 2. Les champs spécifiques : situations de la psycho(patho)logie clinique 2.1. L'environnement disciplinaire La psychiatrie La psychanalyse La phénoménologie Les autres psychologies 2.2. La clinique en psychologie La clinique médicale La clinique psychiatrique La clinique psychologique Démarche, méthode et domaines L'originalité de la discipline Définitions générales Définitions centrées sur la conduite Définitions centrées sur la personne Daniel Lagache (1949) Roger Perron (1997) De la psychologie clinique à l’anthropologie clinique 2.3. La psychopathologie clinique L'assise sémiologique Souffrance psychique versus maladie mentale Exemple 1 : le deuil Exemple 2 : la maladie organique 3. Théorie et pratique de l'étude de cas 3.1. Origine de la notion de "cas" L'ambiguïté de la notion Le cas chez Freud 3.2. Singularité, subjectivité et totalité Cas unique, cas singulier, cas exemplaire Le cas "unique" Le cas singulier Le cas exemplaire La visée de totalité Construction et représentation Subjectivité et intériorité Le sens de la situation clinique 4. Une psychologie « concrète » 4.1. La « vie dramatique » (G. Politzer) 4.2. L’abstraction et le point de vue formel 3.2.1. La pensée par classes 3.2.2. Etude d’une étude de cas (DSM) 3.2.3. Le je, un « centre fonctionnel » ? 3.2.4. Mécanismes et processus 4.3. La perspective concrète 7 3.3.1. La totalité 3.3.2. La singularité 4.4. L’événement et son sujet 5. Origines antiques de la personne 5.1. L’individu et la communauté (M. Foucault) 5.1.1. L'ordre politique 5.1.2. L'horizon spirituel 5.1.3. Le « souci de soi » 5.2. Individu, sujet, moi (J-P. Vernant) 5.2.1. Construction d'une typologie 5.2.2. L' « individu » 5.2.2.1. L'individu "valorisé dans sa singularité" 5.2.2.2. L'individu et sa sphère privée 5.2.2.3. L'institution juridique 5.2.3. Le « sujet » 5.2.4. Le « moi » 6. La « personnalité » (J. Lacan) 6.1. Une "science de la personnalité" 6.1.1. Une définition « objective » des phénomènes de personnalité 6.1.2. Une triple forme de la personnalité 6.1.3. Comportement objectif et éprouvé subjectif 6.1.4. De l'épistémologie à la méthodologie 6.2. Une étude de cas approfondie : "Aimée" 6.2.1. La méthode d'observation 6.2.2. Le moment de la décompensation 6.2.3. Éléments d'anamnèse 6.3. La compréhension du sens 6.3.1. Les moments de l'analyse 6.3.1.1. La compréhension du comportement 6.3.1.2. La compréhension de la psychose 6.3.1.3. La compréhension de la guérison 6.3.1.4. Subjectivité et objectivité 6.3.1.5. Les identifications itératives et leur "valeur" affective 6.3.2. Personnalité et délire 6.3.3. Théorie de la personnalité et structure du comportement 6.3.3.1. La "structure réactionnelle" 6.3.3.2. La "constitution acquise" 6.4. Les "complexes familiaux" 6.4.1. Manque et négativité 6.4.2. La néoténie 6.4.3. La causalité identificatoire 6.4.4. Continuité et discontinuité 6.5. Le "stade du miroir" 6.5.1. L'expérience du miroir 6.5.2. La "Gestalt" 6.5.3. L' "aliénation" primordiale 7. La perspective du "Je" (P. Aulagnier) 8 7.1. L'instance de l'imaginaire et les identifications 7.1.1. La jonction entre l'image et l'énoncé 7.1.2. Les conflits identificatoires 7.1.3. Identité et angoisse 7.2. La construction du champ identificatoire 7.2.1. L'imaginaire et le "discours de l'ensemble" 7.2.2. L'organisation symbolique du champ identificatoire 7.3. Le "langage fondamental" 7.3.1. La nomination de l'affect 7.3.2. La nomination est une interprétation 7.3.3. Le surgissement du Je dans l'écart de l'énoncé 7.4. La notion de "projet identificatoire" 7.4.1. Changement et devenir 7.4.2. Le Je et la conjugaison du futur 9