s’activer, ni ses pratiques de se dérouler. Il convient maintenant de suggérer des voies de
désencombrement s’ajoutant à celles ponctuées précédemment, favoriser des mises en
perspective, bref proposer des bouffées d’air frais. Objectif : contribuer à mettre en relief
une partie au moins des richesses des pratiques sociales.
3.1. Dégagement éthique
La référence à l’éthique est une constante des pratiques sociales, c’est également le cas dans
bien d’autres domaines. Heureusement, d’ailleurs. Ressourcement de première importance
pour les professionnels, qui s’en inspirent pour défendre certaines manières de faire contre
d’autres, pour s’opposer à telle ou telle décision administrative ou politique, pour ne pas
céder quant à ce qu’ils considèrent comme fondamental.
Cela suppose une certaine clarification. Quant aux termes, tout d’abord : il faut savoir que,
trop souvent, «éthique», «morale» et enfin «déontologie» sont utilisées en manière de
synonymes relativement ou complètement interchangeables. Morale et éthique, notamment,
se succèdent dans la même phrase sans que cela semble poser question. C’est dommage, car
les termes ainsi confondus finissent par perdre de leur puissance explicative. C’est vrai
qu’en ce domaine, les appellations restent toujours instables, jamais très précises ni
précisées.
On peut cependant soutenir ceci : la morale désigne un corpus déjà établi, avec des préceptes
consolidés, des commandements imposés, des directions à suivre. D’où une certaine
abondance de lieux communs, de phrases toutes faites (c’est le cas de le dire !). Des
interprétations diverses sont possibles, mais rarement contradictoires les unes vis-à-vis des
autres. Un bon exemple est celui des Tables de la Loi que Moise prend, déjà écrites, des
mains de Dieu, à charge pour lui de redescendre sur terre afin de les faire appliquer. La
morale, en effet, s’applique. La déontologie aussi s’applique, car c’est la morale d’une
profession (code déontologique de l’Association nationale des assistants de service social,
code médical, code des psychologues).
Ce n’est peut-être pas trop cavalier de dire que la morale et la déontologie fonctionnent
comme des livres de recettes. Ceci n’est pas forcément un inconvénient : surtout pour ceux
qui ne veulent pas ou n’osent pas prendre trop de risques, culinaires ou autres. Disposer de
quelques repères apparemment solides quant aux gestes à poser et aux gestes à éviter, voire
quant aux pensées convenables, politiquement correctes, et d’autres qu’il convient de ne pas
avoir, ou tout au moins de ne pas avouer, ce n’est nullement négligeable. Les institutions, les
services, les pratiques, fonctionnent aussi avec ce que La Boétie appelait, déjà en 1574, la
servitude volontaire...
L’éthique est autre chose, surtout si on tient à la séparer quelque peu de la morale et de la
déontologie. A la différence de l’une et de l’autre, dans son principe l’éthique ne constitue
pas une garantie établie une fois pour toutes et vers laquelle il suffirait de se retourner pour
être certain d’avoir indéfectiblement raison. Nullement fondement éternel, mais référence à
refondre sans cesse, à réactualiser au fil d’enjeux chaque fois inédits. Inédits comme chaque
situation professionnelle, comme chaque famille, comme chaque allocataire. Comme chaque
rencontre plus ou moins ratée et-ou plus ou moins réussie.