Psychologie Québec / Dossier
volume 30 / numéro 02 / mars 2013
35
Les études le disent clairement : les parents d’enfants
présentant une déficience ont généralement un plus haut
degré de stress que les parents d’enfants se développant
normalement. Et quand la déficience fait partie du spectre
de l’autisme, les parents rapportent un stress encore plus
élevé que les parents d’enfants qui présentent une déficience
(Eisenhower, Baker et Blacher, 2005; Sivberg 2006, Yirmiya
et Shaked, 2005). Pour les professionnels en santé mentale,
ces résultats nous indiquent clairement les lignes directrices
en rapport aux interventions à instaurer auprès des familles
dont un ou plusieurs enfants présentent un trouble du
spectre de l’autisme (TSA).
Nous savons que « le fonctionnement et le stress parental sont
associés à des aspects particuliers des symptômes du TSA de
leur enfant. Chez les enfants plus jeunes, âgés de moins de
deux ans, le stress parental est corrélé aux symptômes sociaux
et émotionnels démontrés par leur enfant, tel un manque de
communication ou de réciprocité socio-émotionnelle. Dès que
l’enfant devient plus vieux (et physiquement plus imposant),
le stress parental semble être plus relié aux problèmes de
comportements externalisés de leur enfant, tels des épisodes
de comportements d’agressivité... Le stress des parents peut
aussi être relié à leurs expériences avec les professionnels de la
santé, surtout au moment de l’annonce du diagnostic » (traduction
libre, Reed et Osbourne 2012, p. 928; Poirier et Goupil, 2008).
Il est important aussi de reconnaître que les parents d’enfants
présentant un TSA font face à une magnitude d’émotions.
Même avant l’annonce du diagnostic de leur enfant, la plupart
de ces parents se sont questionnés sur son développement, à
savoir s’il se développait selon les étapes développementales
typiques ou s’il présentait des signes de difficulté (c.-à-d. des
comportements « bizarres », un retard dans la communication,
la socialisation et les comportements). Compte tenu de ces
doutes, les parents et les proches de la famille peuvent avoir
initialement mis de côté leurs inquiétudes, ce qui, en soi, peut
aussi provoquer différentes émotions (c.-à-d. culpabilité, frustration,
manque de confiance dans leurs habiletés parentales, sentiment
d’isolement ou d’impuissance). Et lorsque le diagnostic de
leur enfant est confirmé, les émotions vécues par ces parents
peuvent alors inclure l’anxiété, la déception, la culpabilité, la peur,
l’isolement, l’impuissance, la vulnérabilité, le deuil, un sentiment
de pertes récurrentes à chaque stade de développement et un
sentiment d’incompétence parentale.
_LES FACTEURS DE STRESS DES PARENTS
Plusieurs études tentent de comprendre les processus par lesquels
les parents s’adaptent et démontrent des comportements de
résilience à l’égard des nombreux facteurs de stress associés au
simple fait d’élever un enfant présentant un TSA. Des modèles
théoriques ont étudié l’impact de ces facteurs, tels que le niveau
intellectuel de l’enfant, la sévérité des problèmes de comportement,
les comportements adaptatifs et le degré d’autonomie de l’enfant,
et leur impact sur le degré de stress et la capacité de résilience
des parents (Perry, 2004). Les résultats démontrent que si l’enfant
qui présente un TSA a aussi un problème de comportement
associé, la capacité des parents à rester en santé est compromise.
De plus, les résultats indiquent que si les troubles de comportement
de l’enfant augmentent en gravité et en intensité, leur impact sur
les parents devient encore plus compromettant : leur degré de
stress augmente, leur capacité parentale ainsi que leur qualité de
vie diminuent, leur vie de couple devient affectée et la probabilité
de développer une problématique de santé mentale augmente.
De plus, le degré de stress parental est corrélé positivement à
la capacité de l’enfant et aux résultats des interventions offertes
(Osborne et coll., 2008), ce qui en fait donc un élément important
à prendre en considération dans l’intervention auprès de ces
familles. Il est donc impératif de ne pas seulement mettre l’accent
sur les déficits reliés au TSA, mais de porter aussi attention aux
comportements et déficits qui affectent les parents.
Des chercheurs ont d’ailleurs récemment démontré que
l’acceptation psychologique du diagnostic, ainsi que le concept
d’empowerment, étaient négativement corrélés au degré de
sévérité d’une problématique de santé mentale (Weiss et coll.,
2012, p. 1). Encore plus important est le fait que l’acceptation
psychologique est un médiateur dans les habiletés de résilience
(positive coping) pour les parents de jeunes présentant un TSA.
Les professionnels de la santé doivent donc être sensibilisés aux
processus psychologiques ayant un impact sur les parents et sur
leur habileté à gérer leur degré de stress, pour ensuite en tenir
compte dans leurs plans d’intervention et leurs plans de services.
Tel que souligné plus haut, il existe de nombreux facteurs ayant
un impact sur le degré de stress de la famille et qui pourraient
Dre Katherine Moxness / Psychologue
Dre Moxness se consacre au traitement, au soutien et à l’étude des personnes présentant des troubles
du spectre de l’autisme (TSA). Directrice des services professionnels au Centre de réadaptation de
l’Ouest de Montréal, elle est professeure adjointe à l’Université McGill et auteure de plusieurs articles.
Depuis des années, Dre Moxness milite pour un meilleur accès aux services. Elle a d’ailleurs collaboré
à faire reconnaître la compétence du psychologue pour diagnostiquer les TSA.
_Vivre avec un enfant présentant un trouble du
spectre de l’autisme : l’impact sur les familles