poids obtenu par gavage avait pour conséquence une dimi-
nution volontaire de la prise alimentaire, une augmentation
des dépenses énergétiques et donc un éventuel retour au
poids initial. À l’inverse, la mise à jeun ou la lipectomie
stimulent la prise alimentaire et diminuent les dépenses
énergétiques afin de restaurer le poids et la masse adipeuse
initiaux [3, 4]
. Cependant, les signaux véhiculant la possi-
ble interaction entre le tissu adipeux et le comportement
alimentaire sont restés inconnus pendant plusieurs an-
nées. Les études de Hervey ont fourni d’importantes don-
nées sur la nature de ces signaux potentiels [5, 6]. La mise
en parabiose (circulation croisée) d’un rat dont la partie
médiobasale de l’hypothalamus a été détruite avec un rat
non lésé provoque la perte d’appétit et de poids du rat
intact. En revanche, les rats lésés continuent à gagner du
poids même s’ils sont mis en parabiose avec un rat normal
ou un autre rat présentant les mêmes lésions. Ces études
suggèrent que les rats obèses dont la partie médiobasale
de l’hypothalamus a été détruite produisent un facteur de
« satiété » circulant provoquant la perte d’appétit chez les
rats parabiotiques non lésés. Par ailleurs, l’absence de
réponse des rats lésés est en accord avec l’existence d’un
centre de la satiété comme proposé lors d’études antérieu-
res [7]. Des travaux ultérieurs réalisés chez la souris
« obèse » (ob) ont contribué à l’évolution des connaissan-
ces sur ce facteur impliqué dans la satiété. La mise en
parabiose d’une souris sauvage avec une souris « obèse »
(ob) permet aux souris obèses de perdre du poids, alors
que la parabiose entre une souris sauvage et une autre
souche de souris obèse, la souris « diabétique » (db),
provoque une hypophagie et une perte de poids chez la
souris sauvage [8, 9]. Ces travaux mettent en lumière
l’implication du locus ob dans la production d’un facteur
de satiété, alors que le locus db code pour un composant
requis dans le mécanisme de réponse au facteur de satiété.
Ces prédictions basées sur des expériences de parabiose
ont été confirmées par le clonage des gènes ob et db au
milieu des années 1990. Le gène murin ob (leptine),
découvert grâce au clonage positionnel, code pour un
ARNm de 4,5 kb contenant un cadre ouvert de lecture
hautement conservé de 167 acides aminés [10]. Le produit
du gène ob est synthétisé principalement par le tissu
adipeux blanc, en quantité proportionnelle à la masse
adipeuse, et il est ensuite libéré dans le sang [11]. Rapide-
ment après le gène de la leptine, le gène db codant pour
son récepteur de forme longue a été cloné [12, 13]. Ce
récepteur, appelé LRb (ou encore Ob-Rb), est un récepteur
transmembranaire qui présente une forte homologie avec
la famille des récepteurs de cytokines de classe I [14-16].
Rôles de la leptine
sur la fonction de reproduction
En même temps qu’était décrite l’obésité morbide des
souris ob/ob, Ingalls et al. faisaient état de la stérilité de
celles-ci [17]. De façon intéressante, les femelles déficien-
tes en leptine restent stériles quel que soit leur poids [18].
De plus, malgré un développement sexuel précoce nor-
mal, les femelles ob/ob et db/db restent indéfiniment
prépubères sans jamais présenter d’ovulation ni de cycle
estral. Témoins du mauvais fonctionnement de leur axe
gonadotrope, leurs organes sexuels ne se développent pas
et leurs taux d’hormones stéroïdiennes sont anormale-
ment bas [19]. De façon remarquable, l’administration de
leptine restaure les déficits de la fonction de reproduction
observés chez les souris ob/ob [20]. L’ensemble de ces
travaux démontrent que des déficiences en leptine ou en
son récepteur induisent des troubles de la reproduction et
ont emmené de nombreuses équipes à s’intéresser au rôle
de cette hormone dans la survenue de la puberté et dans le
contrôle de l’ovulation.
Leptine et puberté
La puberté chez les mammifères est physiologique-
ment liée aux ressources énergétiques de l’individu. En
accord avec cette observation, les travaux de Kennedy et
Mitra ainsi que les études de Frisch et al. ont mis en
évidence que la survenue de la maturation sexuelle est
associée au poids corporel et au contenu du tissu adipeux
[21, 22]. Plus précisément, le régime alimentaire ou l’acti-
vité physique exercent une profonde influence sur la
maturation sexuelle de nombreuses espèces incluant le
rat, le mouton et l’homme [23-25]. Il est important de
souligner que les niveaux de leptine plasmatique sont
étroitement liés aux apports alimentaires et à l’activité
physique. Chez la souris, un pic de leptine postnatale a
lieu entre le 8
e
et le 12
e
jour de vie postnatale [26]. Ces
niveaux élevés de leptine précèdent le pic de FSH se
produisant au 12
e
jour postnatal (P12), au cours de la
phase infantile de la puberté, et le début de la sécrétion
d’estradiol à P14 [26, 27]. Chez l’humain, la survenue de
la puberté est également précédée par une augmentation
du taux de leptine circulante, ce qui pourrait constituer un
signal potentiel du déclenchement de la puberté [28].
Chez les garçons, les taux de leptine atteignent leur apex
lors de la période précédant la survenue de la puberté
(stades Tanner précoces), puis chutent progressivement à
mesure que la testostéronémie augmente pour retrouver
un niveau de base [29-33]. Les filles, quant à elles, béné-
ficient d’une augmentation constante des taux de leptine
circulante au cours du processus pubertaire [29, 31, 30,
33]. Ceci se fait en concordance avec une augmentation
des taux d’œstrogènes circulants [34]. Il est intéressant de
noter qu’il existe chez les filles une corrélation entre la
mise en place de la ménarche et les taux de leptine
sérique : une enfant d’âge pubertaire présentant un taux
de leptine circulante d’1 ng/mL supérieur à celui d’une
autre enfant de la même tranche d’âge verra la survenue
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie vol. 10, n° 2, mars-avril 2008 75
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