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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS
AOUT 2013
Leçon d’introduction : NOTION DE DEMOCRATIE
- Définir : liberté, démocratie, régime politique, démocratie libérale, démocratie
parlementaire, démocratie populaire, loi, citoyen, citoyenneté, Etat, gouvernement,
souveraineté, suffrage universel, pluralité des opinions ;
- Montrer les différentes conceptions de la démocratie ;
- Présenter les grands principes de la démocratie ;
- Relever les menaces contre la démocratie et les dangers de l’absence de la
démocratie ;
- Présenter les conditions d’existence de la démocratie
- Souligner les insuffisances de la démocratie.
La démocratie ne peut être comprise qu’à travers l’étude son historique.
Sous-chap. 1
DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS
- Retracer les origines de la démocratie ;
- Recenser les différentes définitions de la démocratie ;
- Présenter les opinions sur la démocratie.
INTRODUCTION
Avant la démocratie, les villes grecques antiques sont sous des régimes "aristocratiques", i.e.
qu'elles sont dirigées par des aristoi (les "meilleurs"), qui sont en général les membres de
familles nobles, revendiquant un héros pour ancêtre ; par la suite il s'agit des citoyens riches
(enrichis grâce au développement économique à partir du VIIe s. avant J.C.).
Les principes démocratiques ou pré-démocratiques émergent à partir de 750 avant J.C., date
qui correspond :
a) à la date probable de fixation des poèmes homériques, qui contiennent les germes de ces
principes.
b) au début de la deuxième vague de colonisation grecque : des communautés grecques vont
s'installer en Italie et en Sicile. Ces Grecs quittent leurs cités alors en train de se constituer
pour aller fonder ailleurs d'autres cités. Ces mouvements ne semblent pas guidés par la
nécessité économique (il semble même au contraire que la colonisation soit plutôt l'effet de la
prospérité de la métropole que la pauvre ; ils ne semblent pas guidés non plus par des
raisons militaires) ; Ils s'auto-instituent : ils décident eux-mêmes de leur organisation et de
leur gislation ; il n'y a ni subordination politique de la colonie à la métropole, ni plaquage
des institutions métropolitaines dans les colonies. Dès l'arrivée sur les nouveaux territoires, les
colons définissent par une décision initiale qui est citoyen et qui participe à la vie de la
colonie. Même si les colons exportent bien de leur métropole d'origine leurs dieux, leur
langue, leurs coutumes, leurs conceptions sur le juste et l'injuste, elles établissent leurs
propres lois, en s'inspirant naturellement des lois de leur pays d'origine. On pense que la terre
de la colonie était partagée en lots égaux entre les nouveaux habitants l'exception peut-être
du fondateur, l'apoikistès ou oikistès). Un processus "naturel" de différenciation socio-
économique et de concentration de la richesse a cependant peu à peu crée des inégalités (en
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quelques générations), qui provoquera des crises (staseis). Peu après, les premiers tyrans
apparaissent : ils seront comme des chefs que se donneront les citoyens pauvres pour limiter
le pouvoir des oligoi, les riches.
I- LA GENESE DE LA DEMOCRATIE : l’antiquité
A- Sparte : instauration d’une apparence d’egalité
Entre 700 et 650 : c'est probablement qu'il y a eu pour la première fois instauration de
quelque chose qui ressemble à un gime d'égalité ; les Spartiates instaurent une communauté
d'égaux / semblables (homoioi). La société s'organise autour de 2 rois (qui ont des fonctions
essentiellement militaires et religieuses) ; un conseil des anciens (la gerousia ; qui joue rôle
très important assez semblable à celui du Sénat chez les romains) ; une assemblée d'hommes
libres (l'appella) ; un collège de 5 magistrats (les éphores). Mais la société spartiate ne va
évoluer que dans le sens d'une oligarchie croissante (il s'agit pour CC
1
d'une situation "figée" :
il n'y a pas vraiment de création historique à Sparte, pas de dynamique du dèmos). Si les
questions importantes lui sont soumises, l'assemblée est plutôt une assemblée de ratification
des décisions de l'oligarchie constituée par les éphores et les 2 rois. L'assemblée ne s'exprime
pas par un vote à main levée, mais par acclamation : les spartiates crient, et les éphores
décident si les cris "pour" sont plus forts que les cris "contre"… (et il leur arrive de tricher…)
alors que le citoyen athénien lève la main, se fit connaître et donne son avis.
B- Athènes : source de la démocratie
La démocratie prend ses racines principales dans les réformes
2
engagées autour de la cité
d'Athènes
3
dans la Grèce antique autour du VIe siècle avant J.-C. La naissance de la
1
DEMOCRATIE GRECQUE / DEMOCRATIE MODERNE perspectives D'après Cornélius CASTORIADIS :
LA CITÉ ET LES LOIS (Ce qui fait la Grèce, 2 ; Séminaires 1983 1984 ; Seuil 2008)
2
Le véritable début de la démocratie athénienne se situe au VIIe siècle, dit "siècle des réformes", période
d'effervescence politique et institutionnelle.
3
Athènes est fondée formellement vers 750 av. J.-C. par synœcisme de plusieurs agglomérations partiellement
préservées de l'invasion des Doriens.
Le site est choisi pour la forteresse naturelle que représente l'Acropole ; les habitants peuvent résister aux hordes
de pillards qui menacent la région, augmentant avec les années sa fortification. À partir de 510 av. J.-C., cette
fonction défensive est abandonnée, le lieu étant consacré aux cultes et notamment celui d'Athéna, déesse
protectrice d'Athènes. Des remparts encerclent à partir de 478 av. J.-C. la ville et son port, le Pirée. Rares sont les
bâtiments au-delà des quinze majestueuses portes, exception faite du populaire quartier du Céramique dont la
production inonde le monde grec entier, ainsi seuls quelques gymnases et écoles de philosophie s'excentrent pour
que leurs élèves profitent de la tranquillité et soient totalement isolés pendant les deux années de leur éphébie.
L'agora devient le centre social et politique de la cité avec l'installation des institutions démocratiques sur cette
place. En été de nombreux débats houleux ou amicaux se tiennent à l'ombre du portique Sud et de la Stoa
Poikilè, on discute et philosophe en regardant les centaines d'étals emplis de victuailles et leurs marchands qui
s'égosillent pour appâter le client. Des joutes oratoires d'un autre genre se déroulent sur la Pnyx, colline sur
laquelle sont votées toutes les lois athéniennes. La cité est donc le cœur de la démocratie.
Loin de ces ambiances festives plus ou moins décisives dans la direction de l'État, le monde rural vit aussi. Les
riches propriétaires n'ayant pas déserté la campagne pour la ville profitent, avec les régisseurs de ceux partis, de
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démocratie peut être considérée par rapport à un horizon politique au sens large du terme qui
va rendre cette réforme possible et nécessaire, une crise politique et sociale totale, la stasis.
Les citoyens qui régissent leurs affaires sont amenés à réfléchir au meilleur système politique,
à la meilleure politeia, c'est-à-dire la meilleure façon de s’organiser pour surmonter cette crise
multiple.
1. Les origines de la démocratie athénienne : la crise de la cité
grecque
La démocratie trouve son origine dans la grave crise de la cité grecque et les mutations
propres à Athènes. Au VIe siècle av. J.-C., les cités du monde grec sont confrontées à une
grave crise politique, résultant de deux phénomènes concomitants : d'une part l'esclavage pour
dettes, liant situation politique et situation financière, touche un nombre grandissant de
paysans non propriétaires terriens : l'inégalité politique et le mécontentement sont forts dans
le milieu rural ; d'autre part le développement de la monnaie et des échanges commerciaux
fait émerger une nouvelle classe sociale urbaine aisée, composée des artisans et armateurs, qui
revendique la fin du monopole des nobles sur la sphère politique. Pour répondre à cette
double crise, de nombreuses cités modifient radicalement leur organisation politique. À
Athènes un ensemble de réformes amorce un processus débouchant au Ve siècle sur
l'apparition d'un régime politique inédit : une sorte de démocratie pour les hommes libres mais
avec la continuation de l'esclavage. À titre d'exemple le philosophe marxiste Jacques Rancière
estime que « la démocratie est née historiquement comme une limite mise au pouvoir de la
propriété. C’est le sens des grandes réformes qui ont institla démocratie dans la Grèce
antique : la réforme de Clisthène qui, au VIe siècle av. J.-C., a institué la communauté
politique sur la base d’une redistribution territoriale abstraite qui cassait le pouvoir local des
riches propriétaires ; la réforme de Solon interdisant l’esclavage pour dettes. » 1. On ne saurait
méconnaître cependant le lien essentiel entre démocratisation économique et sociale (décrite
ci-après) et démocratisation politique, non plus que l'essor naval athénien à partir de 483 av.
J.-C. qui conditionna la démocratie2.
1.1. Paupérisation rurale
À partir du VIIe siècle av. J.-C., la plupart des cités grecques sont confrontées à une crise
politique. Le commerce se développe, notamment avec l'apparition de la monnaie au
VIe siècle av. J.-C., en provenance de la Lydie de Crésus, en contact avec les cités grecques
avant la défaite de -546 face au Perse Cyrus. Ce développement extraordinaire du commerce
méditerranéen a deux conséquences :
D'une part les agriculteurs grecs sont peu compétitifs face à la concurrence de plus en plus
vive des terres fertiles de la Grande Grèce récemment colonisée. De plus en plus de paysans,
incapables d'écouler suffisamment leur production, sont condamnés à se vendre comme
esclaves pour faire face à leurs dettes. Cette main-d'œuvre servile est utilisée par les urbains et
la dolce vita faite de soleil, d'huile d'olive, et de belles esclaves pendant que se plient leurs autres esclaves au dur
labeur imposé par le climat aride de l'Attique.
Mieux lotis, les pêcheurs bordant le pourtour de l’Attique mangent à leur faim sans pour autant avoir accès à
l’état de grands propriétaires terriens nécessaire pour entrer dans les arcanes du pouvoir. Les femmes, comme les
esclaves, n'ont pas de pouvoir politique.
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vient donc elle-même concurrencer les petits artisans indépendants. Ces sujets peu fortunés,
sur lesquels repose une part croissante de l'économie, viennent grossir le rang des chômeurs et
manifestent leur mécontentement.
1.2. Révolution hoplitique : émergence d'une petite bourgeoisie
D'autre part, corrélativement à l'appauvrissement des masses paysannes, émerge une nouvelle
classe de sujets aisés, faite de commerçants et d'artisans (notamment potiers à Athènes).
Ceux-ci sont dorénavant suffisamment riches pour s’acheter des équipements d'hoplites : la
guerre n’est plus l’apanage de l'aristocratie. Le système aristocratique basé sur la propriété
agraire est battu en brèche face aux revendications égalitaires de ces nouveaux citoyens-
soldats. On parle de révolution hoplitique.
1.3. Instabilité politique
Au sein de chaque cité les grandes familles s'appuient sur le mécontentement populaire (tant
des paysans appauvris que des nouveaux riches urbains) pour mieux se disputer le pouvoir.
Elles n'hésitent pas non plus à faire appel à des puissances extérieures pour renverser les
tyrans. Ainsi, les cités se combattent fréquemment entre elles, ce qui nourrit souvent les
révoltes, par ailleurs durement réprimées. Mais les guerres sont aussi parfois un facteur de
cohésion interne des cités.
En outre, chaque cité grecque frappe désormais sa propre monnaie, forgeant ainsi une
nouvelle composante majeure de son identité. Au Ve siècle av. J.-C., les cités grecques ne
frappent plus la monnaie irrégulièrement et chacune appose un signe particulier sur la
monnaie qu'elle frappe, l'épicène, qui permet de la reconnaître. Pour la monnaie athénienne,
c'est une chouette. Qu'elles retardent ou précipitent l'éclosion d'un nouveau régime, les
différentes mesures politiques (guerres, chutes de régime, répressions, levées ou baisses
d'impôts, introductions de monnaies) n'y pourront peu : la donne sociale a définitivement
changé.
Partout la nouvelle configuration des rapports de forces sociales fait émerger une nouvelle
donne politique. Deux nouveaux modèles, appelés à s'opposer dans le siècle à venir, se
distinguent par leur originalité : l'oligarchie militaire spartiate et la démocratie athénienne.
2. Les réformes politiques
La démocratie athénienne ne naît pas d’insurrections populaires mais de l'engagement de
politiciens pour assurer l'unité de la cité. Voici les quatre principales réformes que l'on
distingue, ainsi que leurs instigateurs :
2.1. Réformes de Dracon : désignation d'un premier législateur, Dracon.
Dracon est mandaté, en 621-620 avant J.-C., pour mettre par écrit des lois ; on ne connaît bien
que sa gislation sur les meurtres : désormais, tout meurtrier est soustrait à la vengeance des
clans et un véritable procès se déroule devant l'Aréopage ou devant les tribunaux des
Éphètes3. La sévérité des peines prévues devait rester gendaire, et l'adjectif draconien est
devenu synonyme d'implacable. Mesure limitée qui, cependant, affirme pour la première fois
l'autorité de l'État au-dessus des parentés dans le domaine de la justice, instaure un droit
commun pour tous et, par même, porte atteinte à l'arbitraire des aristocrates. Six
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thesmothètes (gardiens de la loi écrite) viennent alors renforcer le collège des archontes.
Malgré l'amplification de la crise, le monopole économique et politique des grandes familles
athéniennes, les Eupatrides, n'est cependant en rien attaqué, les archontes (dirigeant
collégialement la cité) étant toujours tous issus de ces milieux. Deux modèles résolvant ce
problème émergèrent en Grèce au VIe siècle av. J.-C. :
soit l'arbitrage d'un législateur, chargé, dans une sorte de consensus, de mettre fin à
des troubles qui risquent de dégénérer en guerre civile ;
soit la tyrannie, qui, dans l'évolution de la Grèce archaïque, apparaît bien souvent
comme une solution transitoire aux problèmes de la cité.
Avec Solon, le législateur, puis avec les Pisistratides, Athènes fera successivement
l'expérience de l'une et de l'autre. :
2.2. Réformes de Solon : archontat de SOLON, qui introduit des éléments démocratiques,
notamment l'Héliée, un tribunal du peuple.
Athènes est en pleine crise politique et sociale lorsque les adversaires se mettent d'accord pour
choisir Solon comme arbitre. Archonte de -594 à -593, législateur, auteur d’un code de lois, il
aurait effacé les dettes, interdit l’esclavage pour dettes et défait les lois draconiennes.
Il a surtout effectué des réformes constitutionnelles qui lui valurent la réputation d'être le père
de la démocratie. Le système qu'il a proposé est un peu différent de la ploutocratie. Il
existerait alors quatre groupes socio-économiques à Athènes :
les aristocrates, ou Eupatrides, composés des propriétaires fonciers les plus riches ;
les gémoroi, cultivateurs, constitués des autres propriétaires fonciers ;
la classe populaire, qui compose le reste de la population et vit de son salaire ou du
commerce ;
les esclaves, considérés comme des biens et non comme des hommes libres.
Des hommes libres, Solon tire quatre classes censitaires. D'après le nombre de mesures de blé,
de vin et d'huile que le citoyen possède, il appartient à l'une des quatre « tribus » suivantes :
les pentacosiomédimnes, qui possèdent plus de 500 médimnes de céréales ;
les hippeis, cavaliers, (plus de 300 médimnes) ;
les zeugites, laboureurs, (plus de 200 médimnes) ;
les thètes (moins de 200 médimnes).
Les plus hautes magistratures ne sont accessibles qu'aux plus hautes classes ; les thètes n'ont
accès qu'à l'Ecclésia et aux tribunaux. L'accès aux charges passait toutefois par une élection à
l'Ecclésia. Aristote affirme qu'il aurait créé un deuxième Conseil de quatre cents membres4 (à
raison de 100 par tribu) au fonctionnement probouleumatique5 mais aucune preuve de son
existence n'a été découverte à ce jour.
La véritable originalité de Solon réside toutefois dans ses réformes judiciaires : il créa
l'Héliée, un tribunal populaire ouvert à tous où, chose nouvelle, chacun avait le droit
d'intervenir en justice contre quiconque aurait enfreint les lois, affirmant ainsi la
responsabilité collective des citoyens.
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