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Date : 05/05/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 12-13
Diffusion : (1078613)
Périodicité : Hebdomadaire
Surface : 181 %
Ces Françaisesse battentcontre
L'enrôlementde Leursenfantsen Syrie
Sarah,Nicolas, Norah...ils ont rejoint la Syrie pour y mener le djihad, au péril de leur vie. Entre
souffrance et colère, leurs mères veulent sensibiliser l'opinion sur l'endoctrinement. ParStéphanie
Piasse
700
Ellesviennentdelancer la
pétition nationale «Rendeznousnos enfants», exhortant
legouvernementà agirpour
rapatrier cesjeunes Français,
partis degré ou deforce en Syrie.
Aprèslalibérationdesquatre
otagesfrançais le21avril, un
plan de lutteà destination
desjeunesa été misenplace.
(1/2) EDITIONS DE L'ATELIER
départs
Unphénomène quiprend
de l'ampleur
Il y a peu, ils n'étaient encore qu'une poignée.
Depuis, pas une semaine sans entendre le pré
nom d'un jeune - filleou garçon - parti «faire
le djihad » en Syrie. Le chef de l'Etat lui-même
s'en est ému, qualifiant le phénomène d'inquié
tant le mois dernier. D'après les derniers recensemcnls, près de 700 Français sciaient ainsi
partis combattre en Syrie. Parmi eux, des jeunes
aux profils variés, venant de familles musul
manes, athées, catholiques, pauvres ou aisées,
enfants de médecins ou d'ouvriers. Leur point
commun: une radicalisation rapide qui les a
fait basculer en quelques mois.
Page 1
^
DOMINIQUE, 60 ANS,
DE NICOLAS,
"Ilmedisait queje le
rejoindrais auparadis"
J'ai appris la mort de mon filspar SMS. C'était
le 22 décembre 2012 dans un attentat suicide à
Homs. Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse re
joindre la Syrie pour y mourir. Pour moi, il était
parti avecson demi-frèreen Thaïlandepoursuivre
des cours de boxe thaï. Je n'ai compris qu'un
mois plus tard, en recevant une lettre. Il disait
qu'ils étaient en Syrie et qu'ils souhaitaient quit
ter cette terre. J'étaisanéantie. En 2010,sa conver
sion à l'islam m'avait choqué, puisj'ai vu que ça
lui app()rtaitune ceilainc sagesse. Mais ciîsuile,
Nicolasa commence à tenir des propos élranges,
qu'il fallait queje croie en Dieupour être sauvée
et que je le rejoigneau paradis. Je savaisque son
comportement était anormal mais j 'étais désem
parée. Après son départ, je n'ai jamais perdu le
contact. Il m'appelait régulièrement.
Tous droits de reproduction réservés
Date : 05/05/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 12-13
Diffusion : (1078613)
Périodicité : Hebdomadaire
Surface : 181 %
^endoctrinement
débute sur Lenet
Dounia Bouzar,
Jeunes gens le plus souvent sans histoire, c'est
sur internet que leur mue s'est opérée. Des
heures passées à visionner des vidéos de pro
pagande djihadiste, loin du regard de leurs pa
rents. Depuis le début du conflit, les radicaux
mènent une campagne de recrutement sur la
toile. Outre YouTube et les réseaux sociaux,
des forums de discussions animés par des ex
trémistes cherchent à persuader cesjeunes de
rejoindre le camp des martyrs. Un endoctrine
ment 2.0 qui facilite le travail d'approche des
radicaux. En effet, une fois l'emprise mentale
amorcée, la mise en contact s'effectue, via des
forums, avec des recruteurs qui les convainquent
de partir « se sacrifier pour ceux qu'ils aiment ».
Ironie du sort, la législation française facilite
leur départ. En effet, depuis juin 2013, les moins
de 18 ans peuvent partir à l'étranger sans au
torisation parentale. Une liberté de circulation
dénoncée par les familles qui demandent la
suppression de cette législation.
anthropologue,auteure
de "Désamorcerl'islam
radical",éd. l'Atelier.
"Les radicaux
peuventenfants"
atteindre
tous les
A l'origine, ce processus de radicalisation a d'abord touché des
jeunes fragilisés, plutôt de familles
immigrées, en manque de repères
et d'identité. Aujourd'hui, les radi
caux peuvent atteindre tous les
enfants, quel que soit leur milieu.
Ils ont peaufiné leur discours et
jouent la carte de l'humanitaire,
faisant croire aux adolescents
qu'ils peuvent être les acteurs d'un
monde meilleur. L'islam radical
tient de la dérive sectaire. Les radi
caux leur demandent de déchirer
leurs photos de famille, de couper
les ponts avec leurs parents, d'ar
rêter l'école pour qu'ils n'aient plus
de lien avec l'extérieur et n'ap
partiennent qu'à un seul groupe,
celui des extrémistes. Ce fanatis
me ôte à cesjeunes toute possi
bilité d'analyse critique et les
maintient dans une sorte d'hyp
nose. Ce discours prétendument
religieux les conduit de fait à
une rupture familiale et scolaire.
(2/2) EDITIONS DE L'ATELIER
SEVERINE, 39 ANS,
"Jesuis
que mafille
embrigadée"
été
a
Sarah a disparu le 11 mars. Un matin, elle est
partie au lycée et n'est jamais revenue. Elle a pris
un avion à Marseille et s'est envolée vers la Sy
rie. Depuis, je vis dans l'angoisse.
est-elle ?
Que fait -ellelà-bas ? Elle a 17 ans, mais on dirait
un bébé, elle n'aurait jamais pu voyager seule.
Je suis
que ma fille a été embrigadée. Elle
nous appelle de temps en temps pournous dire
que tout va bien et qu'elle ne veut pas rentrer.
Elle parle beaucoup avec son grand frère. Elle
évite de m'avoir au téléphone car elle sait que
son départ me fait beaucoup de peine. Avecmon
mari algérien, nous faisons le ramadan mais
nous ne sommes pas très pratiquants. Sarah,
elle, a commencé à devenir de plus en plus reli
gieuse, décidant un jour de porter le voile. Un
peu perplexes au début, nous l'avons laissé Iaire.
ac
Maintenant, je sais que je n'aurais jamais
cepter. Je culpabilise beaucoup. Comme la plu
part des ados, elle passait des heures sur l'ordi
nateur, mais nous ne faisions pas vraiment
attention à ce qu'elle consultait. Depuis, c'est
grâce à une amie de Sarah que j ai appris qu'elle
était en contact, via des forums, avec des filles
qui organisaient le recrutement.
Page 2
Amel, 50 ans,
mère de Fouad,
23 ans
"IL EST DEVENU
FRAGILE"
PLUS
llya un an, Fouad
m'a appelée pour
me dire qu'il était
en Syrie. Lors de
nos dernières dis
cussions, il m'avait
confié vouloir faire
de l'humanitaire,
mais jamais je n'au
rais imaginé cela.
Après mon divorce,
Fouad s'est fait
renvoyer du restau
iltravaillait.
rant
Ha commencé à
s'isoler, il était plus
fragile. Depuis qu'il
est parti,je n'ai eu
qu'un seul coup
de fil, je n'ose pas
en parlera mon
entourage; de peur
qu'on lejuge. J'ai
l'impression d'avoir
raté quelque chose
dans son éducation.
GIR POUR
TOPPER
LES
EN SYRIE
"Rendez-nous
nos enfants"
Les mères de
jeunes enrôlés
réclament un
dispositif de
prévention, l'ac
compagnement
des familles
et le rapatrie
ment des
jeunes, www.
change.org.
Centre de pré
vention des dé
rives sectaires
Liées à l'islam
Créés par Dou
nia Bouzar, ces
centres (CPDSI)
aident parents
et profession
nels à discer
ner l'emprise
mentale de la
croyance et de
la pratique de
l'islam. Objectif:
créer des sup
ports pédago
giques pour
les travailleurs
sociaux et les
familles et évi
ter les départs.
www.cpdsi.fr.
Syrien ne bouge,
agissons
Cette associa
tion, créée par
la mère de
Nicolas, réunit
des proches de
jeunes recrutés.
Elle veut empê
cher les départs,
et favoriser la
réintégration
de ceux qui ren
trent, syrienne
bougeagissons.
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