Une première analyse consiste à comparer 2
séries chronologiques de taille égale : la pre-
mière allant de 1955 à 1980 et la deuxième de
1981 à 2005. Ces résultats sont enrichis par
une deuxième expertise consistant à identifier
les évolutions de certains risques depuis les
années 1990 ; cette année est effectivement
reconnue comme étant le début d’une période
où le réchauffement s’est accéléré plus signifi-
cativement.
Enfin, nous avons utilisé les données météoro-
logiques prédites par les modèles de Météo
France ou du Cerfacs jusqu’en 2099 sous diffé-
rents scénarios d’émission afin d’apporter des
éléments quant à l’ordre de grandeur de ces
évolutions. Ces simulations sont effectuées sur
un nombre restreint de stations.
Modèles utilisés
Le développement
L’objectif est de mesurer les risques durant des
phases de développement de la plante. Une
partie de l’approche impose donc la mise en
œuvre de modèles capables de simuler les
dates d’apparition des principaux stades,
notamment la levée, le stade épi à 1 cm, la
méiose pollinique, l’épiaison, la floraison et la
maturité physiologique. Les modèles employés
ont été développés et paramétrés pour les cul-
tivars présents en France [1, 2]. Ces modèles
font intervenir la notion de temps vernalo-
photothermique : l’action journalière de la
température sur la vitesse de développement
est modulée par un frein photopériodique (le
blé est une plante préférentielle de jour long) et
par un nombre de jours vernalisants à satisfaire
(la plupart des variétés sont vernalisables).
L’erreur moyenne de ces modèles est de l’ordre
de 5 jours pour le stade épi à 1 cm et de 3 jours
pour l’épiaison.
Les lois d’action du climat
Plusieurs types d’événements sont calculés.
On détermine fréquentiellement l’occurrence
de phénomènes extrêmes à des stades ou à des
phases clés de forte sensibilité. Par exemple, la
probabilité de rencontrer des gelées
(Tmin<–4°Csous abri) après le stade épi à
1 cm, des températures extrêmes préjudicia-
bles (Tmin < 4, Tmax > 32 °C) autour de la
méiose pollinique et de la fécondation. On
calcule également un indice de gel basé sur le
cumul des cycles gel-dégel pendant la période
automnale et hivernale, en relation avec les
dégâts induits sur les céréales. Sur la phase
finale du remplissage des grains, sont détermi-
nés le nombre de jours où la température maxi
dépasse 25 °C.
Le déficit hydrique est calculé selon un modèle
à 2 compartiments (notion de réserve facile-
ment utilisable et de survie) décliné de Choisnel
[3]. Comparativement à ce dernier, le modèle
développé par ARVALIS détermine une pro-
gression journalière du coefficient cultural en
fonction des stades et des températures effica-
ces cumulées. L’état initial de la réserve est fixé
à0au1
er
août avant les semis. Ce modèle
permet de calculer le déficit hydrique cumulé
(somme des ETR-ETM) sur deux périodes : la
période montaison, phase de mise en place du
nombre de grains/m2 et celle du remplissage
des grains en matière sèche.
Concernant le rendement, nous nous intéres-
sons à deux composantes du rendement : La
production du nombre de grains/m
2
et le poids
des grains. Pour le nombre de grains, est ana-
lysé l’impact du déficit hydrique tout d’abord
sur la production de matière sèche à la florai-
son, en particulier sur la perte relative consécu-
tive à un déficit hydrique cumulé pendant la
phase de montaison. Le fait de travailler en
valeur relative permet de prendre en charge le
fait que les variétés ne requièrent pas le même
niveau de biomasse à ce stade pour produire
un peuplement en grains non limité. Des lois
empiriques ont été établies et sont capables
d’établir la relation entre déficit hydrique –
perte de biomasse – pertes de grains/m
2
[4].
Les pertes de poids de 1 000 grains reposent
sur la notion de poids de 1 000 grains poten-
tiellement accessible par variété, sans facteur
limitant autre que celui exercé par le nombre
de grains/m2. Les pertes (exprimées en g) sont
estimées par une régression linéaire combinant
l’effet des fortes températures (Tmax
seuil > 25 °C) et du déficit hydrique cumulé
durant cette période [1].
Les différentes simulations ont été faites avec
des variétés relativement précoces (de type
Soissons et Trémie), et tardives (type Shango).
Quelques simulations complémentaires ont été
établies avec une orge d’hiver (type de préco-
cité Esterel) dans le but d’introduire un profil
phénologique plus précoce, n’existant pas
actuellement chez le blé.
Par ailleurs, les calculs mettant en jeu le déficit
hydrique ont exécuté en considérant deux
niveaux de réserves utiles : 150 mm pour
caractériser les sols profonds et 70 mm pour
représenter les sols superficiels.
Résultats
L’anticipation des stades
Climat historique
En utilisant nos modèles d’apparition des sta-
des sur l’ensemble des années et des stations,
on retient qu’en moyenne les dates de réalisa-
tion des stades épi à 1 cm et de l’épiaison ont
été avancées en moyenne d’une semaine. Les
dates de récolte sont quant à elles plus préco-
ces d’un peu moins de 10 jours. Ces simula-
tions sont cohérentes avec les observations plu-
riannuelles des stades.
Ces valeurs moyennes sont à moduler en fonc-
tion des types variétaux : pour les variétés très
hiver et sensibles à la durée du jour (type
Shango), l’avance s’avère un peu plus faible et
au contraire plus forte sur les variétés plus
alternatives (type Trémie ou Soissons). Ces chif-
fres moyens masquent aussi une forte variation
interannuelle, l’année 2007 étant avec 1995 la
plus précoce au stade épi à 1 cm avec une
avance moyenne de l’ordre de 20 jours.
Climat futur
En prenant des variétés précoces semées début
octobre, on note que l’anticipation des stades
sera très significative entre 2070 et 2100. L’anti-
cipation semble linéaire avec une avancée de
3-4 jours par pas de 20 ans, en moyenne.
En moyenne générale, on peut retenir que le
stade épi à 1 cm sera plus précoce d’environ 25
à 30 jours, en année médiane, en 2100. Il serait
ainsi atteint : début février dans les régions du
Sud, vers le 10 février en Poitou Charente, Pays
de Loire, Bordures maritimes de l’Ouest et du
Nord-Ouest, vers le 15 février en Ile-de-France,
et aux alentours du 22 février en Bourgogne,
Champagne et Lorraine. Il ne s’agit que de
références médianes, ce qui signifie que certai-
nes années, l’avancée de ce stade pourrait être
encore bien plus précoce.
Pour l’épiaison, une avancée médiane de 15 à
20 jours peut être retenue. Les références
médianes de la date d’épiaison se situeraient
entre le 10 et le 20 avril dans les régions du
Sud-Est, entre le 20 et 25 avril dans le Sud-
Ouest, vers le 25 avril en Poitou-Charentes et
Pays de Loire, fin avril ou tout début mai dans
les bordures maritimes et en Bretagne, tout
début mai en Ile-de-France, et enfin vers le
8 mai dans les régions du Centre-Est.
La croissance
Matière sèche floraison (nombre de grains/m
2
)
avec le climat historique
Concernant, la production de grains et la
sécheresse en cours de montaison, on constate
des évolutions largement fonction du contexte
géographique. À proximité des bordures mari-
times des régions du nord de la France (Nor-
mandie, Bretagne, Picardie, etc.), il n’y a pas eu
d’évolution significative : le risque et l’intensité
des sécheresses entre le stade épi à 1 cm et la
floraison y sont toujours faibles, avec des pertes
nulles en année favorable et normale et, com-
prise entre 5 et 10 % en année sèche
(tableau 1).
Pour l’ensemble des régions du Centre et en
périphérie (Région Centre, Bourgogne, Cham-
pagne, Île-de-France, Pays-de-Loire...), le ris-
que de sécheresse en cours de montaison s’est
OCL VOL. 15 N° 5 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2008 333