Philippe Quirion Rapport pour l'Institut français de l'énergie 23/06/2004
1. Introduction1
1.1. Objectif de ce rapport
Le thème des économies d'énergie et de l'efficacité énergétique2, quelque peu retombé depuis
le contre-choc pétrolier de 1986, connaît actuellement une nouvelle vigueur, en particulier,
mais pas seulement comme nous le verrons ci-dessous, pour lutter contre le réchauffement
climatique. De ce fait, une série de textes adoptés ou en cours de négociation, ont pour but,
exclusif ou non, d'économiser l'énergie. Citons en particulier la directive qui va créer des
quotas échangeables de CO2 en Europe (13/10/03), le projet de directive-cadre sur l’éco-
conception des appareils (07/08/03), le projet de directive sur l’efficacité et les services
énergétiques (08/12/03), et les systèmes de certificats d’économie d’énergie en place au
Royaume-Uni et en projet en Italie et en France.
La nouveauté de ces derniers systèmes et leur succès apparent au Royaume-Uni (Moisan,
2004) justifient de leur apporter une attention particulière. En même temps, il serait dommage
de les analyser indépendamment des autres instruments de politiques publiques destinées à
économiser l'énergie. En effet, les mêmes questions se posent souvent pour différents
instruments, et l'efficacité d'un système donné ne peut s'apprécier qu'en comparaison avec
celle des autres instruments disponibles. Ce rapport porte donc sur les conditions d'efficacité
et de faisabilité politique des principaux instruments des politiques publiques destinées à
économiser l'énergie, en accordant une attention particulière aux systèmes de certificats
blancs. Pour cela, nous synthétisons la littérature et dressons des pistes de recherche
prioritaires.
Soulignons que nous n'abordons pas les nombreuses questions auxquelles il est essentiel de
répondre avant de mettre en place un système de certificats blancs, mais qui sont spécifiques à
ces systèmes : quels acteurs inclure, comment comptabiliser les émissions… Pour cela, nous
invitons le lecteur à se reporter à Baudry (2004), Guardiola Molla et al. (2004), Langniss et
Praetorius (2004), Moisan (2004) ou Pagliano et al. (2003).
Ce rapport est structuré de la manière suivante. Après cette première section introductive, la
seconde section propose un modèle simple pour représenter dans un même cadre différents
instruments de politique publique d'économie d'énergie. Nous abordons ensuite tour à tour
différents points importants mais non pris en compte dans ce modèle : l'additionalité et l'effet
d'aubaine (section 3), la capacité à mobiliser le potentiel rentable d'économies d'énergie (4),
l'effet rebond (5), l'incitation au progrès technique (6), la robustesse à l'incertitude et le
pouvoir de marché (7), enfin l'interaction entre différents instruments (8). La dernière section
conclue sur l'intérêt des certificats blancs et sur les pistes de recherche.
1.2. Pourquoi économiser l'énergie ?
Si les économies d'énergie reviennent sur l'agenda public aujourd'hui, c'est bien sûr du fait de
la lutte contre le changement climatique. Cependant, il importe de garder à l'esprit que les
motivations à l'origine des programmes d'économies d'énergie menés depuis les années 1970
n'ont pas disparu :
1 Ce travail a bénéficié de discussions avec Lorenzo Pagliano (Polytechnique Milan), Andrea Caizzi (AAEG),
Luciano Barra (ministère de l'Industrie italien), Nick Eyre (Energy Saving Trust), Phil Harrington et Alan Meier
(AIE), Boris Bailly (Ademe) et Paul Baudry (EDF), que je remercie.
2 Sur les nombreux termes utilisés depuis le premier choc pétrolier, voir Laponche (2002).