Université de Caen Basse-Normandie Master 1 Mathématiques Fondamentales et Appliquées Travail Encadré de Recherche Théorie spectrale pour les opérateurs bornés autoadjoints Auteurs : Abderrahmane Alan PELLÉ EL HARCHI Encadrant : Sébastien 2015 FALGUIÈRES Table des matières Introduction 2 1 Décomposition du spectre d'un opérateur borné 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 Spectre d'un élément d'une algèbre de Banach . Opérateurs injectifs à image fermée . . . . . . . Opérateur transposé . . . . . . . . . . . . . . . Quelques résultats sur les opérateurs normaux . Rayon spectral . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décomposition du spectre . . . . . . . . . . . . Étude d'exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.1 Un opérateur de décalage . . . . . . . . 1.7.2 Spectre presque vide . . . . . . . . . . . 1.7.3 Opérateur de décalage unilatéral . . . . 1.7.4 Opérateur de Volterra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Calcul fonctionnel polynômial . . . . . . . . . . . . Homomorphismes isométriques C(X) → A . . . . . Théorème du calcul fonctionnel continu . . . . . . Quelques applications du calcul fonctionnel continu Opérateurs de multiplication . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Un opérateur diagonal . . . . . . . . . . . . 2.5.2 Multiplication par une fonction de C[0, 1] . 2.5.3 Multiplication par une fonction de L∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagonalisation d'un opérateur de décalage à gauche . . . . Dénitions et préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décomposition cyclique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Théorème spectral pour les opérateurs bornés autoadjoints 3.4.1 Calcul fonctionnel borélien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Calcul fonctionnel continu 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 3 Théorème spectral 3.1 3.2 3.3 3.4 4 Annexe Théorème Théorème Théorème Théorème de Hahn-Banach . . . . . . de l'application ouverte . . d'isomorphisme de Banach . de prolongement par densité . . . . . . . . . . . . . . . . Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 5 6 7 8 9 10 10 11 12 13 16 16 18 19 20 20 20 22 23 25 25 26 27 28 30 31 31 31 31 31 32 1 Introduction La théorie spectrale généralise en dimension quelconque le théorème bien connu d'algèbre linéaire qui arme qu'une matrice hermitienne M ∈ Mn (C) peut être exprimée sous la forme M = U DU −1 où U est une matrice unitaire et D une matrice diagonale dont les éléments diagonaux sont les valeurs propres de M . Nous nous intéresserons dans ce travail qu'aux opérateurs autoadjoints. Explicitons ce que pourrait signier un opérateur diagonalisable. Fixons β = {e1 , e2 , ...} une base orthonormée de H, un espace de Hilbert. On peut dénir alors un opérateur unitaire U : `2 → H tel que U x = x1 e1 + x2 e2 + ... Évidemment, un tel opérateur unitaire induit une base orthonormée, il y a donc équivalence entre xer une base pour H et xer un opérateur unitaire `2 → H. Supposons maintenant que T est un opérateur normal qui a pour valeurs propres les éléments d'une base orthonormée {αk }k xée. Donc T ek = αk ek . En reprenant l'opérateur U déni précédemment, on trouve que M = U −1 T U est un opérateur de multiplication : (M x)k = αk xk Ainsi, un opérateur sur H est diagonalisable dans une base orthonormée s'il est conjugué à un opérateur de multiplication de `2 . Cette dénition n'est valable que pour les opérateurs normaux, en eet l'une de dicultés du passage à la dimension innie est le fait que le spectre d'un opérateur linéaire n'est pas uniquement composé de valeurs propres. On la généralisera et pour cela on s'intéresse donc dans un premier temps brièvement aux algèbres de Banach, et on donne quelques résultats importants au sujet de la décomposition du spectre d'un opérateur borné sur un espace de Hilbert. La deuxième partie est une introduction à la théorie du calcul fonctionnel. Si on considère f une fonction continue et T un opérateur borné, le calcul fonctionnel permet de donner un sens précis à l'expression f (M ). Par exemple, on parle fréquemment du carré d'une matrice M 2 sans justier l'utilisation de cette notation algébrique. L'idée serait donc ici de prolonger la fonction f : x 7→ x2 aux opérateurs. On va construire un homomorphisme isométrique C(X) → B(H) puis énoncer quelques résultats à propos des opérateurs de multiplication. L'homomorphisme déni grâce au calcul fonctionnel sera en fait déni pour les fonctions continues sur le spectre d'un opérateur autoadjoint. Ainsi, on pourra introduire la notion de mesure spectrale et enn énoncer le théorème spectral pour les opérateurs autoadjoints, l'objet de ce TER. 2 1 Décomposition du spectre d'un opérateur borné 1.1 Spectre d'un élément d'une algèbre de Banach On dénit dans un premier temps la notion d'algèbre de Banach qui est la structure de l'ensemble des opérateurs bornés sur un espace de Hilbert H. On donne ensuite quelques propriétés du spectre d'un opérateur avant d'en étudier la décomposition. Dénition 1.1. Une algèbre A sur C est un C-espace vectoriel muni d'une application bilinéaire et associative A × A → A appelée multiplication. Dénition 1.2. Une algèbre de Banach (A, k.k) est une algèbre A sur C munie d'une norme k.k vériant kxyk 6 kxk.kyk ∀x, y ∈ A et telle que A soit un espace vectoriel complet pour cette norme. Cette dénition assure que l'opération de multiplication est continue. A est dite commutative si la multiplication est commutative, unitaire s'il existe un élément neutre pour la multiplication. Exemples d'algèbres de Banach : 1. Soit E un espace de Banach et considérons B(E) l'ensemble des opérateurs bornés sur E . Muni de la multiplication d'opérateurs, c'est une algèbre de Banach unitaire. 2. L'espace vectoriel Mn (C) des matrices carrées d'ordre n à coecients complexes est un espace de Banach pour la norme k(aij )k = n X |aij | i,j=1 et ainsi en particulier une algèbre de Banach unitaire mais non commutative pour la multiplication des matrices. 3. L'espace vectoriel C(X, C) des fonctions continues dénies sur un ensemble X à valeurs dans C muni de la norme de la convergence uniforme k.k∞ ainsi que de la multiplication de fonctions est une algèbre de Banach commutative unitaire. 4. Algèbre du disque. Soit D = {z ∈ C; |z| 6 1} le disque unité fermé du plan , C(D) l'ensemble des fonctions continues sur D et H(D) le sous espace de C(D) constitué des fonctions holomorphes sur l'intérieur de D. Le théorème de Weirstrass pour les fonctions holomorphes implique que H(D) est fermé dans C(D) qui est complet pour la norme k.k∞ d'après l'exemple précédent, donc H(D) est une algèbre de Banach commutative unitaire. 5. Algèbre de Wiener. On note T le cercle unité du plan complexe. Alors l'ensemble des fonctions continues sur T dont la série des coecients de Fourrier est absolument convergente forment une sous-algèbre de Banach de (C(T), k.k∞ ). On l'appelle algèbre de Wiener et on la note W (T). Dorénavant, A sera une algèbre de Banach unitaire d'élément neutre noté 1 et tel que k1k = 1. Dénition 1.3. Un élément x ∈ A est inversible s'il existe un élément y ∈ A tel que xy = yx = 1. On notera GL(A) l'ensemble des éléments inversibles de A. Théorème 1.4. 1. GL(A) est un ouvert de A. 2. L'application x 7→ x−1 dans GL(A) est continue. 3 Lemme 1.5. Si x ∈ A vérie kxk < 1, alors 1 − x est inversible d'inverse la série de Neumann : X (1 − x)−1 = xn n>0 De plus, on a les majorations : 1 1 − kxk kxk k1 − (1 − x)−1 k 6 1 − kxk (1) k(1 − x)−1 k 6 (2) Démonstration. Puisque kxn k 6 kxkn pour tout n entier positif, la série dénie par z := est absolument convergente et en utilisant la continuité de la multiplication, on a : z(1 − x) = (1 − x)z = lim (1 − x) N →∞ N X X xn n>0 xk = lim (1 − xN +1 ) = 1 k=0 N →∞ 1 − x est donc inversible d'inverse z . L'inégalité (1) est donnée par : kzk 6 X kxn k 6 n>0 Enn, puisque 1 − z = − X X kxkn = n>0 1 1 − kxk xn = −xz on a ||1 − z|| 6 kxk.kzk et l'inégalité (2) se déduit de n>1 (1). Démonstration du Théorème 1.4. Soit x ∈ GL(A). Pour prouver que GL(A) est ouvert on montre qu'il existe r > 0 tel que pour tout h ∈ A, si khk < r alors x + h ∈ GL(A). En eet (x + h) = x(1 − (−x−1 h)) et d'après le lemme précédent x + h est inversible si kx−1 hk < 1 1 1 c'est à dire si ||h|| < −1 . Donc en posant r = −1 , pour tout x ∈ GL(A) on peut trouver un kx k kx k h ∈ A tel que x + h ∈ GL(A) si khk est susamment petit. Supposons qu'on ait choisi un tel h. Alors (x + h)−1 − x−1 = [x(1 + x−1 h)]−1 − x−1 = [(1 + x−1 h)−1 − 1]x−1 Puisque ||h|| < 1 ||x−1 || on a par l'inégalité (2) du lemme : ||(x + h)−1 − x−1 || 6 ||(1 + x−1 h)−1 − 1||.||x−1 || 6 ||x−1 ||.||x−1 h|| 1 − ||x−1 h|| Le terme de droite tend vers 0 lorsque ||h|| tend vers 0. L'application est donc bien continue sur GL(A). Dénition 1.6. Soit a ∈ A. Le spectre de a est l'ensemble Sp(a) = {λ ∈ C ; x − λ1 ∈ / GL(A)} On notera dorénavant x − λ à la place de x − λ1. Dénition 1.7. Soit a ∈ A. La résolvante est l'application dénie par ( C\Sp(A) −→ A Res(a) : λ 7−→ Rλ (a) = (a − λ1)−1 4 Théorème 1.8. Pour tout élément a de A, Sp(a) est une partie compacte non vide de C. Démonstration. Sp(a) est une partie bornée de C. En eet, soit λ ∈ C tel que |λ| > kak. D'après le lemme 1.5, 1 − λ1 a ∈ GL(A), d'où a − λ = −λ(1 − λ1 a) ∈ GL(A), donc λ ∈ / Sp(a). Finalement, pour tout λ ∈ Sp(a), |λ| 6 kak. Montrons que Sp(a) est fermé dans C. Soit (λn )n∈N une suite d'éléments de Sp(a) qui converge vers λ ∈ C. On a a − λ = lim a − λn et pour tout n > 0, a − λn ∈ A\GL(A) qui est fermé d'après n→∞ le théorème 1.4. Donc a − λ ∈ A\GL(A), c'est à dire a − λ ∈ Sp(a) et ce dernier est bien fermé, et nalement un compact de C. Montrons que Res(a) est dérivable sur l'ouvert C\Sp(a). Pour tout λ0 ∈ / Sp(a), on a alors (a − λ0 )−1 [(a − λ0 ) − (a − λ)](a − λ)−1 Res(a)(λ) − Res(a)(λ0 ) = lim lim λ→λ0 λ→λ0 λ − λ0 λ − λ0 = lim (a − λ0 )−1 (a − λ)−1 λ→λ0 et par la continuité du passage à l'inverse, prouvée par le théorème 1.4 = (a − λ0 )−2 Supposons maintenant que Sp(a) = ∅, et montrons que Res(a) est bornée. Soit λ ∈ C. Supposons dans un premier temps que |λ| > 2kak. Alors 1 − X an 1 (1 − a)−1 = d'où, par l'inégalité (2) du lemme 1.5 : λ λn 1 λa est inversible et n>0 k(1 − kak 1 −1 a) − 1k 6 <1 λ |λ| − kak Donc k(1 − λ1 a)−1 k < 2 et par conséquent : k(a − λ)−1 k = 1 2 1 k(1 − a)−1 k < |λ| λ |λ| et le terme de droite tend vers 0 lorsque |λ| → ∞. Res(a) est donc bornée. Prenons f une forme linéaire bornée sur A. La fonction f ◦ Res(a) est holomorphe sur C\Sp(a), donc elle est entière et bornée. Par le théorème de Liouville elle est constante. Donc on a pour toute forme linéaire continue f sur A : f ((a − 1)−1 ) = f ((a − 0)−1 et par le théorème 4.1, a−1 = (a − 1)−1 c'est à dire a = a − 1 ce qui est absurde. 1.2 Opérateurs injectifs à image fermée Théorème 1.9. Soient E, F des espaces de Banach, et T : E → F un opérateur borné. On a équivalence : 1. T est injectif à image fermée 2. Il existe c > 0 tel que pour tout x ∈ E , kT xk > ckxk. 3. Il n'existe pas de suite (xn ) ∈ E de norme 1 telle que kT xn k → 0. Démonstration. 1. ⇒ 2. Si T est injective, alors par le théorème 4.5, T induit un homéomorphisme T : E → Im(T ). 1 .kxk et on conclut Donc pour tout x ∈ E , kT −1 T xk 6 kT −1 k.kT xk c'est à dire kT xk > kT −1 k 1 en posant c = . kT −1 k 2. ⇒ 3. En raisonnant par l'absurde, l'implication est évidente. 3. ⇒ 2. Si 2. est fausse, alors il existe pour tout n > 0 un vecteur yn ∈ E , yn 6= 0 tel que yn 1 n kyn k > kT yn k. En posant xn = ky k on construit une suite (xn )n>0 d'éléments de E de n norme 1 vériant kT xn k < n1 . On obtient une contradiction en passant à la limite. 5 2. ⇒ 1. L'injectivité de T est évidente. Montrons que Im(T ) est fermé. Soit (yn )n>0 une suite de Im(T ) convergeant vers l'élément y . En posant yn = T xn , on a : kyn − ym k = kT xn − T xm k = kT (xn − xm )k > ckxn − xm k Donc 1 kyn − ym k c et (xn ) est de Cauchy donc converge vers x ∈ E . Finalement y = T x donc y ∈ Im(T ) et Im(T ) est fermé. kxn − xm k 6 Corollaire 1.10. Soient E, F des espaces de Banach, et T : E → F un opérateur borné. T est inversible si et seulement si T est à image dense et il existe c > 0 tel que pour tout x ∈ E , kT xk > ckxk. Démonstration. (⇒) Si T est surjectif on a T (E) = F et en particulier T (E) = F . Donc puisque T est injectif à image fermée le théorème 1.9 nous permet de conclure. (⇐) La deuxième hypothèse prouve que T est injectif à image fermée et si son image est en particulier dense, T est surjectif donc nalement inversible par le théorème 4.5. 1.3 Opérateur transposé Soient E, F des espaces de Banach. On note E 0 , F 0 leurs duaux. Dénition 1.11. Soit T : E → F un opérateur borné. On note t T : F 0 → E 0 tel que t T (φ) = φ ◦ T l'application transposée de T . Théorème 1.12. On a les résultats suivants : 1. kt T k = kT k 2. t T est injectif ⇔ T est à image dense 3. t T est à image dense ⇒ T est injectif 4. t T est inversible ⇔ T est inversible Démonstration. 1. Soit f ∈ F 0 . On a kt T f k = kf ◦ T k 6 kf k.kT k, donc kt T k 6 kT k. Soit x ∈ E tel que kxk 6 1 et T x 6= 0. D'après le théorème 4.1 il existe f ∈ F 0 telle que kf k = 1 et f (T x) = kT xk d'où kt T f k > |t T f (x)| = |f (T x)| = kT xk. Soit ε > 0, tel que ||T x|| > ||T || − ε. Alors kt T f k > ||T || − ε donc ||t T || > ||T || − ε. Alors en faisant tendre ε vers 0 on obtient : ||t T || > ||T || Finalement :||t T || = ||T || 2. (⇒) Si Im(T ) n'est pas dense alors par le corollaire 4.1 il existe φ ∈ F 0 non identiquement nulle mais s'annulant sur Im(T ). Alors pour tout x ∈ E , t T (φ)(x) = φ(T x) = 0 donc t T (φ) = 0 et t T n'est pas injectif. (⇐) Si t T est non injectif, alors il existe une forme linéaire φ ∈ Ker(t T ) non identiquement nulle. On a alors pour tout x ∈ E , φ(T x) = 0 donc Im(T ) ⊆ Ker(φ) et Im(T ) ⊆ Ker(φ). Mais Ker(φ) 6= F . Donc Im(T ) n'est pas dense dans F . 3. Soit x ∈ E . Si T x = 0 alors t T (φ)(x) = φ(T x) = 0 pour tout φ ∈ F 0 donc ψ(x) = 0 pour tout ψ ∈ Im(t T ). Puisque Im(t T ) est dense dans E 0 , pour tout ψ ∈ E 0 il existe une suite (ψn )n>0 d'éléments de Im(t T ) telle que ψ = lim ψn . Donc ψ(x) = 0 pour tout ψ ∈ E 0 et n→∞ par le théorème 4.1, x = 0, donc T est injectif. 4. On sait par le Corollaire 1.10 qu'un opérateur T est inversible s'il vérie les deux conditions : 6 (*) T est à image dense (**) il existe c > tel que pour tout x ∈ E , ||T x|| > c||x|| (⇐) Supposons T inversible. Puisque T T −1 = 1F et T −1 T = 1E , on a t T t (T −1 ) = 1E 0 et t (T −1 )t T = 1F 0 . Donc t T est inversible d'inverse (t T )−1 = t (T −1 ). (⇒) Par contraposée, supposons que T n'est pas inversible. Si la condition (*) n'est pas vériée, t T n'est pas injectif d'après le résultat 2. Si la condition (**) n'est pas vériée, il existe d'après le Théorème 1.9 une suite (xn )n>0 de norme 1 telle que T xn → 0. Posons pour tout n > 0 l'opérateur Rn : C → E déni par Rn (λ) = λxn . Sa norme est égale à kxn k = 1 et T ◦ Rn → 0. En transposant, on remarque que t Rn ◦ t T → 0 par continuité de l'application T 7→ t T . Mais kRn k = 1 donc t T ne peut pas être inversible, car on aurait alors t Rn → 0. Corollaire 1.13. Sp(T ) = Sp(t T ). Démonstration. D'après 4. du théorème précédent : λ ∈ Sp(T ) ⇔ (T − λ1B(E) ) ∈ / GL(B(E)) ⇔ (t T − λ1B(E 0 ) ) ∈ / GL(B(E 0 )) ⇔ λ ∈ Sp(t T ) Corollaire 1.14. Soit H un espace de Hilbert et T ∈ B(H). Alors λ ∈ Sp(T ∗ ) ⇔ λ ∈ Sp(T ) . Démonstration. L'application T 7→ T ∗ est une application anti-linéaire et T ∗ − λ est inversible si et seulement si (T ∗ − λ)∗ est inversible. Donc λ ∈ Sp(T ∗ ) ⇔ T ∗ − λ ∈ / GL(B(H)) ⇔ (T ∗∗ − λ) ∈ / GL(B(H)) ⇔ T − λ ∈ / GL(B(H)) ⇔ λ ∈ Sp(T ) 1.4 Quelques résultats sur les opérateurs normaux Dénition 1.15. Soit H un espace de Hilbert et T ∈ B(H). T est normal si T ◦ T ∗ = T ∗ ◦ T Théorème 1.16. Si T ∈ B(H) est normal, alors Ker(T ) = Ker(T ∗ ). Démonstration. Pour tout x ∈ H on a : ||T x||2 =< T x, T x >=< T ∗ T x, x >=< T T ∗ x, x >= ||T ∗ x||2 Donc en particulier : ∀x ∈ H, ||T x|| = ||T ∗ x|| et on en déduit l'égalité. Corollaire 1.17. Si T ∈ B(H) est normal, alors Ker(T )⊥ = Im(T ). Démonstration. Ker(T ∗ ) = {y ∈ H ; T ∗ y = 0} = {y ∈ H ; ∀x ∈ H < x, T ∗ y >= 0} = {y ∈ H ; ∀x ∈ H < T x, y >= 0} = Im(T )⊥ D'après le théorème précédent, Ker(T ) = Im(T ) donc nalement Ker(T )⊥ = Im(T )⊥⊥ = Im(T ) 7 Corollaire 1.18. Si T ∈ B(H) est normal et injectif alors T est à image dense. Démonstration. Puisque T est normal, alors d'après le théorème précédent on a H = Ker(T ) ⊕ Im(T ) et comme T est injectif alors Ker(T ) = {0} et nalement H = Im(T ) donc T est à image dense. Théorème 1.19. Soit T ∈ B(H) un opérateur normal. S'il existe c > 0 tel que pour tout x ∈ H, ||T x|| > c||x||, alors T est inversible. Démonstration. D'après le théorème 1.9, T est injectif et à image fermée. Le précédent corollaire arme que T est à image dense, donc Im(T ) = Im(T ) = H donc T est surjectif. Finalement T est inversible. 1.5 Rayon spectral Dénition 1.20. Soit A une algèbre de Banach unitaire et a ∈ A. On appelle ρ(a) = max {|λ|; λ ∈ Sp(a)} le rayon spectral de a. Théorème 1.21. ρ(a) 6 kak. Démonstration. Cet énoncé est démontré dans la preuve du Théorème 1.8. Théorème 1.22 : Beurling . 1 ρ(a) = lim kan k n n→∞ Théorème 1.23. Soit H un espace de Hilbert et T ∈ B(H) un opérateur normal. Alors ρ(T ) = kT k Démonstration. Montrons d'abord que ce résultat est vrai pour un opérateur auto-adjoint. En eet, si T ∈ B(H) on a kT ∗ ◦ T k = kT k2 et si T est auto-adjoint, kT 2 k = kT k2 . On déduit par récurrence n n −n n 1 la relation pour tout n > 0, kT 2 k = kT k2 . Donc ρ(T ) = lim kT n k n = lim kT 2 k2 = kT k n→∞ n→∞ par le théorème précédent. Supposons maintenant que T est normal. Par récurrence, pour tout n > 0 on a (T ∗ ◦ T )n = (T ∗ )n ◦ T n = (T n )∗ ◦ T n donc k(T ∗ ◦ T )n k = kT n k2 . 1 ρ(T ) = lim kT n k n n→∞ q 1 = lim k(T ◦ T ∗ )n k n n→∞ p = ρ(T ◦ T ∗ ) = kT k 8 1.6 Décomposition du spectre Dénition 1.24. Soit E un espace de Banach et T ∈ B(E). Le spectre ponctuel est Spp (T ) = {λ ∈ C ; T − λ est non injectif} . Le spectre résiduel est Spr (T ) = {λ ∈ C ; T − λ est injectif et t (T − λ) est non injectif} . Le spectre continu est Spc (T ) = {λ ∈ C ; T − λ est injectif à image dense} . Théorème 1.25. Soit T ∈ B(E). Alors 1. Spp (T ), Spr (T ), Spc (T ) forment une partition de Sp(T ). 2. Spr (T ) = Spp (t T )\Spp (T ) 3. Spc (t T ) ⊆ Spc (T ). Si E est réexif, on a égalité. Démonstration. 1. Soit λ ∈ Sp(T ). Si T − λ n'est pas injectif, alors λ ∈ Spp (T ). Si T − λ est injectif, deux cas sont possibles : soit T − λ est à image dense et λ ∈ Spc (T ), soit T − λ n'est pas à image dense et par ce même théorème t T − λ n'est pas injectif et nalement λ ∈ Spr (T ). 2. λ ∈ Spr (T ) ⇔ T − λ est injectif et t T − λ est non injectif ⇔ λ ∈ / Spp (T ) et λ ∈ Spp (t T ) c'est t à dire λ ∈ Spp (T )\Spp ( T ) 3. On sait que λ ∈ Sp(T ) par le Corollaire 1.13 et de plus si λ ∈ Spc (t T ) alors t T − λ est injectif à image dense donc par le Théorème 1.12, T − λ est injectif à image dense donc Spc (t T ) ⊆ Spc (T ). Si E est réexif, alors E est isomorphe à son bidual E 00 par l'isomorphisme J et T est conjugué avec t (t T ) par J . On a Spc (t (t T )) ⊆ Spc (t T ) ⊆ Spc (T ). Soit λ ∈ Spc (T ) alors T − λ est injectif à image dense et T − λ = J −1 (t (t T ) − λ)J donc J(T − λ)J −1 = t (t T ) − λ, ce qui implique que le membre de droite est aussi injectif à image dense, donc λ ∈ Spc (t (t T )) et Spc (t (t T )) = Spc (T ). Ainsi on a nécessairement Spc (t T ) = Spc (T ). Théorème 1.26. Soit H un espace de Hilbert et T ∈ B(H). 1. λ ∈ Spr (T ) ⇔ λ ∈ / Spp (T ) et λ ∈ Spp (T ∗ ) 2. Si T est normal alors Spr (T ) = ∅ 3. Si T est auto-adjoint, alors Sp(T ) ⊆ R 4. Si T est positif, alors Sp(T ) ⊆ R+ 5. Si T est unitaire, alors Sp(T ) ⊆ {λ ∈ C ; |λ| = 1}. Démonstration. 1. Montrons d'abord que si t (T − λ) est injectif alors λ ∈ Spp (T ∗ ). En eet : t (T − λ) injectif ⇔ Im(T − λ) est dense ⇔ Ker(T ∗ − λ)⊥ = {0} ⇔ λ ∈ Spp (T ∗ ) Ceci nous permet donc d'écrire : λ ∈ Spr (T ) ⇔ T − λ non injectif et t (T − λ) injectif ⇔ λ ∈ / Spp (T ) et λ ∈ Spp (T ∗ ) 2. Si T est normal alors T − λ est aussi normal. Soit λ ∈ Spr (T ). Alors T − λ est injectif, donc à image dense d'après le Corollaire 1.18 c'est à dire λ ∈ Spc (T ). Donc Spr (T ) = ∅. 9 3. Supposons T autoadjoint. Notons que pour tout x ∈ H, < T x, x >∈ R. En eet < T x, x >=< x, T x >= < T x, x >. Soit λ ∈ Sp(T ). Le spectre résiduel est évidemment vide. Si λ ∈ Spp (T ) alors il existe x 6= 0 tel que T x = λx. On obtient λkxk2 =< T x, x >=< x, T x >= λkxk2 donc λ = λ c'est à dire λ ∈ R. Puisque pour tout n ≥ 0, < T xn , xn >∈ R alors λ ∈ R. 4. Un opérateur positif T est en particulier autoadjoint et pour tout x ∈ H, < T x, x >∈ R+ . Si λ ∈ Sp(T ) par le même raisonnement que précédemment, λ ∈ R+ . 5. Supposons T unitaire. Le spectre résiduel est évidemment vide. Si λ ∈ Spp (T ) alors d'une part < T ∗ T x, x >= kT xk2 = kxk2 |λ|2 et d'autre part < T ∗ T x, x >=< x, x >= kxk2 donc |λ| = 1. Si λ ∈ Spc (T ) alors par le théorème 1.9 il existe une suite (xn )n>0 de norme 1 telle que kT xn − λxn k → 0. On sait par 3. et 4. que < T xn , xn >→ λ. Alors kT xn − λxn k2 = kT xn k2 + |λ|2 − 2<e < T xn , λxn >= 1 + |λ|2 − 2<e(λ < T xn , xn >). En passant à la limite on obtient 0 = 1 + |λ|2 − 2|λ|2 c'est à dire |λ| = 1. 1.7 Étude d'exemples 1.7.1 Un opérateur de décalage Soit T : `1 (N) → `1 (N) tel que pour tout n ∈ N on a (T x)n = xn+1 . On dénit la suite δi = (0, 0, ..., 0 , 1, 0 , ...) pour tout i ∈ N. 0 1 i−1 i i+1 kT xk1 = X |(T x)n | n∈N = X |xn | n∈N∗ 6 X |xn | = kxk1 n∈N xk1 1 Donc T est continue et ||T || 6 1. De plus kT k > kT kxk1 pour tout x ∈ ` (N) non nul, en particulier kT k > kT δ1 k = 1 donc kT k = 1. Le dual topologique de `1 (N) est isométriquement isomorphe à `∞ (N). Soit χ ∈ `1 (N)∗ . Il existe donc y ∈ `∞ (N) tel que pour tout x ∈ `1 (N) : X t T (χ)(x) = (χ ◦ T )(x) = (ϕy ◦ T )(x) = xn+1 yn n∈N On a donc pour tout n ∈ N : t T (χ)(en ) = yn−1 0 si n > 1 sinon On sait que kT k 6 1 donc ρ(T ) 6 1. On en déduit donc : Sp(T ) ⊆ D(0, 1) Déterminons le spectre ponctuel de T . T n'est pas injectif car T (1, 1, 0, ...) = T (0, 1, 0, ...) = (1, 0, ...) et (1, 1, 0, ...) 6= (0, 1, 0, ...) donc 0 ∈ Spp (T ). Soit λ ∈ Spp (T ). Alors il existe x ∈ `1 (N) tel que : T x = λx P n Mais alors x = (λn )n∈N et x ∈ `1 (N) ⇔ λ < ∞ ⇔ |λ| < 1 Finalement on obtient que : n∈N Spp (T ) = D(0, 1) 10 Comme Sp(T ) est un fermé et D(0, 1) ⊆ Sp(T ) ⊆ D(0, 1) on a nécessairement Sp(T ) = D(0, 1) Déterminons maintenant Spp (t T ). Soit λ ∈ C, et supposons que λ ∈ Spp (t T ). Alors il existe 1 t ϕ ∈ `1 (N)∗ non nullePtelle que pour qu'il existe Ptout x ∈ ` (N), T (ϕ)(x) = λϕ(x) c'est à dire ∞ z ∈ ` (N) vériant xn+1 zn = λxn zn . On a λ 6= 0 car λ ∈ Spr (T ) = Spp (t T )\Spp (T ) et n∈N n∈N 0 ∈ Spp (T ) alors en particulier si x = δ0 on obtient que z0 = 0, si x = δ1 alors z1 = z0 = 0 et par récurrence on obtient z = 0 ce qui contredit le fait que ϕ est non nulle. Donc Spp (t T ) = ∅ et par le théorème 1.25 on a Spr (T ) = Spp (t T )\Spp (T ) ⇔ Spr (T ) = ∅ Enn, Spc (T ) = ∂D(0, 1) 1.7.2 Spectre presque vide Soit H un espace de Hilbert et {en }n∈N une base hilbertienne. Soit T un opérateur déni par n+1 T en = en+1 Pour tout x ∈ H on a X | < x, en > |2 kT xk2 = (n + 1)2 n∈N X 6 | < x, en > |2 n∈N = kxk2 Donc kT k 6 1 et T est un opérateur borné. Réciproquement, kT k > kT e0 k = 1 donc kT k = 1. Déterminons maintenant le rayon spectral de T. Soit p ∈ N, on a pour tout x ∈ H : X xn en+p T px = p Q n∈N (n + k) k=1 Ainsi kT p xk2 = n∈N X |xn |2 1 ≤ ≤ 2 kxk2 2 2 p (n + p) p Q n∈N (n + k) |xn |2 X k=1 Donc pour tout T est borné et kT k ≤ p p 1 p On en déduit donc par théorème 1.22 : ρ(T ) = 0 Puisque le spectre est non vide, on en déduit directement : Sp(T ) = {0} Déterminons T ∗ . Pour tout x, y ∈ H on a : ∀k, p ∈ N ek+1 δk+1,p , ep >=< ek , T ∗ ep >= k+1 k+1 ek ∗ ⇔ ∀k ∈ N T ek+1 = k+1 < T ek , ep >=< ek , T ∗ ep > ⇔ ∀k, p ∈ N < De plus pour tout n ∈ N, < T ∗ en , e0 >=< en , T ∗ e0 > donc T ∗ e0 = 0 ce qui implique que T ∗ n'est pas injectif donc 0 ∈ Spp (T ∗ ). Comme ρ(T ) = ρ(T ∗ ) = 0 donc : Sp(T ∗ ) = Spp (T ∗ ) = {0} 11 Par ailleurs, T est injectif, en eet pour tout x, y ∈ H : T x = T y ⇒ (0, x0 , x1 xn y1 yn , ..., , ...) = (0, y0 , , ..., , ...) ⇒ x = y 2 n+1 2 n+1 Donc 0 ∈ / Spp (T ), d'où : Spp (T ) = ∅ On en déduit donc : Spr (T ) = Spp (T ∗ ) \ Spp (T ) = {0} Il s'ensuit alors : Spc (T ) = ∅ 1.7.3 Opérateur de décalage unilatéral Soit T : `2 (N) → `2 (N) déni par (T x)n = 0 xn−1 si n = 0 sinon 21 Soit x ∈ `2 (N). On a : kT xk2 = X |xn−1 |2 = 21 X |xn |2 = kxk2 n>0 n>1 T est un opérateur borné, isométrique donc kT k = 1, et ρ(T ) 6 1 , d'où : Sp(T ) ⊆ D(0, 1) Commençons par calculer le spectre ponctuel. T est clairement injectif, donc 0 ∈ / Spp (T ). Supposons qu'il existe un autre élément λ dans Spp (T ). Alors on peut trouver x = (xn )n∈N ∈ `2 (N) non nulle telle que T x = λx, c'est à dire (0, x0 , x1 , ...) = λ(x0 , x1 , x2 , ...) mais alors pour tout n ∈ N si λ 6= 0 on a xn = λn x0 et x = 0 car x0 = 0. Si λ = 0 alors x = 0. Contradiction ! Donc : Spp (T ) = ∅ Calculons l'adjoint de T . Soient x, y ∈ `2 (N) alors : X X < T x, y >=< x, T ∗ y >⇔ xn−1 yn = xn (T ∗ y)n n>1 On en déduit que n>0 (T ∗ y)n = yn+1 Déterminons son spectre ponctuel. Soit λ ∈ Spp (T ∗ ) alors il existe une suite x = (xn )n∈N ∈ `2 (N) non nulle telle que T ∗ x = λx, autrement dit (x1 , x2 , ...) = λ(x0 , x1 , ...) donc pour tout n ∈ N, xn = λn x0 avec x0 6= 0. Mais x ∈ `2 (N) donc X X X |xn |2 = |λn x0 |2 = |x0 |2 |λ|2n < +∞ n>0 n>0 n>0 Cette série converge si et seulement si |λ| < 1. Donc Spp (T ∗ ) = D(0, 1). Par le théorème 1.25, Spr (T ) = D(0, 1) et puisque D(0, 1) ⊆ Sp(T ) ⊆ D(0, 1) et Sp(T ) est un compact, Sp(T ) = D(0, 1) et enn Spc (T ) = ∂D(0, 1) 12 1.7.4 Opérateur de Volterra On note dt la mesure de Lebesgue. On considère l'opérateur linéaire 2 L [0, 1] → L2 [0, 1] Rx T : u 7→ x 7→ 0 u(t) dt T est borné, en eet : 2 ∀u ∈ L [0, 1], kT uk22 Z 1 |(T u)(x)|2 dx = 0 2 u(t)dt dx 0 0 Z 1 Z 1 2 |u(t)| dt dx (par inégalité de Cauchy-Schwarz) 1[0,x] 6 Z = 1 Z 1[0,x] 0 1 0 = xkuk22 √ Donc T est borné et kT k 6 x. Ceci étant prouvé, nous allons maintenant déterminer le rayon spectral. Soit u ∈ C[0, 1], alors pour tout n ∈ N, x ∈ [0, 1] Z x (x − t)n−1 (T n u)(x) = u(t) dt (n − 1)! 0 On démontre cela par récurrence. Si n = 0 c'est évident. On suppose le résultat vrai jusqu'au rang n. Alors pour tout x ∈ [0, 1] : T n+1 (u)(x) = T n (T u)(x) Z x (x − t)n−1 = (T u)(t) dt (n − 1)! 0 x Z x (x − t)n (x − t)n = (T u)(t) + u(t) dt (par IPP puisque Tu est C 1 ) n! n! 0 0 Z x (x − t)n u(t) dt = n! 0 Ce qui termine la récurrence. Donc T coïncide avec l'opérateur borné ( 2 L [0, 1] → S: u 7→ 2 L [0, 1]R x x 7→ 0 (x−t)n−1 (n−1)! u(t) dt sur C[0, 1] qui est dense dans L2 [0, 1]. Donc T n ≡ S . Mais alors pour tout u ∈ L2 [0, 1] et tout n > 1 : kT n uk22 = Z 0 1 2 (x − t)n−1 u(t) dt dx (n − 1)! 0 Z 1 n−1 |x − t| dt kuk22 (par inégalité de Cauchy-Schwarz) Z 1[0,x] 1 1 (n − 1)!2 0 2 ≤ kuk22 (n − 1)!2 ≤ Qui tend vers 0 en +∞. 13 En notant ρ(T ) le rayon spectral on a d'après le théorème 1.22 : 1 ρ(T ) = lim kT n k n n→+∞ ≤ lim n→+∞ 1 (n − 1)! n1 Qui tend vers 0. Il en résulte que ρ(T ) = 0. Par conséquent Sp(T ) = {0} car le spectre n'est jamais vide. A présent, l'adjoint T ∗ de T est le seul ingrédient qui manque à l'appel an de déterminer le spectre. On a pour tout u, v ∈ C[0, 1] qui s'annulent en 0 et 1 : < T u, v > =< u, T ∗ v > Z 1 = (T u)(x)v(x) dx 0 1 h i1 Z = (T u)(x)(T v)(x) − 0 u(x)(T v)(x) dx 0 par IPP car T u, T v ∈ C 1 [0, 1] Z 1 = (T u)(1)(T v)(1) − u(x)(T v)(x) dx 0 1 Z Z 1 u(x)(T v)(1) dx − = 0 1 Z = u(x)(T v)(x) dx 0 Z 1 u(x) 0 Finalement on obtient v(t)dt dx x Z1 ∗ (T u)(x) = u(t) dt x Donc T ∗ coïncide avec l'opérateur borné ( 2 L [0, 1] W : u 2 → L [0, 1]R 1 7→ x 7→ x u(t) dt sur l'ensemble des fonctions continues à support compact. On en déduit donc T ∗ ≡ W Remarquons que si u est une fonction de C 1 [0, 1] qui s'annule en 0 et 1, alors u = −T ∗ (u0 ) Montrons que 0 ∈ / Spp (T ). Supposons qu'il existe u ∈ L2 [0, 1] tel que T u = 0. Alors pour tout v ∈ C[0, 1] tel que v(0) = v(1) = 0 0 =< T u, v 0 >=< u, T ∗ >= − < u, v > donc u ⊥ {v ∈ C 1 [0, 1] ; v(0) = v(1) = 0} := E . Or E est dense dans C 1 [0, 1], donc E ⊥ = {0} d'où u = 0. D'où Spp (T ) = ∅ T ∗ est injective. On va appliquer la même méthode utilisée pour T . En eet soit u ∈ L2 [0, 1] tel que T ∗ u = 0, alors pour tout v ∈ C[0, 1] tel que v(0) = v(1) = 0. 0 =< T ∗ u, v 0 >=< u, T v 0 >=< u, v > 14 donc u ⊥ {v ∈ C 1 [0, 1] ; v(0) = v(1) = 0} = E . On en déduit par densité de E dans C 1 [0, 1], u = 0. Donc Spp (T ∗ ) = ∅ Il s'ensuit immédiatement On en déduit alors Spr (T ) = Spp (T ∗ ) \ Spp (T ) = ∅ Spc (T ) = {0} 15 2 Calcul fonctionnel continu On commence par introduire la notion de polynôme d'opérateur avant de prolonger naturellement les résultats obtenus aux fonctions continues. L'objectif est de dénir un homomorphisme isométrique C(X) → B(H) où X sera le spectre d'un opérateur autoadjoint T . Cet homomorphisme aura des propriétés intéressantes, en particulier appliquées aux opérateurs de multiplication. Soit A une C-algèbre de Banach et a ∈ A. 2.1 Calcul fonctionnel polynômial Étant donné P ∈ C[X], tel que P (X) = n X αk X k , on dénit P (a) = k=0 n X αk ak , où a0 = 1. k=0 Théorème 2.1. Il existe un unique homomorphisme d'algèbre ϕ : C[X] −→ A tel que ϕ(X) = a. Démonstration. L'application ϕ tel que pour tout P ∈ C[X] ϕ(P ) = P (a) est bien dénie et il est facile de vérier que ϕ est un homomorphisme d'algèbre. n X Il est unique, en eet si P (X) = αk X k est un polynôme alors par les propriétés d'homomork=0 phisme de ϕ on a : ϕ(P ) = n X αk ϕ(X)k = k=0 n X αk ak k=0 S'il existait un autre homomorphisme ψ vériant ψ(X) = a on aurait nécessairement ϕ(P ) = ψ(P ) pour tout polynôme et donc ϕ = ψ . Proposition 2.2. Soient a, b ∈ A tels que ab = ba, alors 1. Pour tout P, Q ∈ C[X] P (a) et Q(b) commutent. 2. Si ab est inversible, a et b le sont également. Démonstration. 1. P (a)Q(b) = n X ! m n X m n X m X X X αi ai β j bj = αi βj ai bj = αi βj bj ai = Q(b)P (a). i=0 j=0 i=0 j=0 i=0 j=0 2. Remarquons tout d'abord que si a et b commutent alors a et (ab)−1 commutent. En eet on a par hypothèse a(ab) = (ab)a, donc en multipliant à gauche puis à droite chaque membre de l'égalité par (ab)−1 on obtient a(ab)−1 = (ab)−1 a. On fait de même pour b. L'élément a vérie a[b(ab)−1 ] = (ab)(ab)−1 = 1 car ab est inversible, puis b(ab)−1 a = (ba)(ab)−1 = 1 donc a est inversible d'inverse b(ab)−1 . Le raisonnement est identique pour b. Théorème 2.3. Soit (P, a) ∈ C[X] × A, alors P (Sp(a)) = Sp(P (a)) Démonstration. Soit λ ∈ C \ P (Sp(a)) alors a − λ1 est inversible. P − λ ∈ C[X] et C est algébriquement clos , donc il existe β1 , β2 , ..., βn tel que : P (X) − λ = αn n Y (X − βi ) i=1 16 mais alors pour tout i ∈ {0, 1, ..., n}, P (βi ) = λ, on en déduit donc que pour tout i ∈ {0, 1, ..., n} , a − βi est inversible, ce qui est équivalent à P (a) − λ est inversible. Donc : λ∈ / Sp(P (a)) D'où : Sp(P (a)) ⊆ P (Sp(a)) Soit λ ∈ P (Sp(a)). Alors il existe µ1 ∈ Sp(A) tel que λ = P (µ1 ). Donc µ1 est une racine du polynôme P − λ. Et comme µ1 ∈ Sp(a), a − µ1 est non inversible et puisqu'il existe µ2 , µ3 , ...µn tels que : n Y P (a) − λ = αn (a − µi ) i=1 on en déduit que P (a) − λ est non inversible d'après le lemme précédent. Donc : P (Sp(a)) ⊆ Sp(P (a)) Finalement : P (Sp(a)) = Sp(P (a)) Étant donnée f : C → C, on notera f : C −→ C telle que pour tout z ∈ C, f (z) = f (z). Proposition 2.4. Soient H un espace de Hilbert et T : H → H un opérateur borné. Soit P ∈ C[X]. Alors on a les propriété suivantes : 1. P (T )∗ = P (T ∗ ). 2. Si T est normal alors pour tout P ∈ C[X], P (T ) est normal. 3. Si T est autoadjoint et si P est à coecients réels, alors P (T ) est autoadjoint. 4. Si T est normal alors, kP (T )k = kP k∞ , où k.k∞ désigne la norme de la convergence uniforme sur les fonctions continues sur le compact Sp(T ). Démonstration. 1. Par les propriétés de l'application T 7→ T ∗ on a : !∗ n n n n X X X X k ∗ k αk (T k )∗ = αk (T ∗ )k = αk T ∗ = P (T ∗ ) P (T ) = αk T = k=0 k=0 k=0 k=0 2. Supposons T normal, c'est à dire T et T ∗ commutent. Alors d'après 1. de la Proposition 2.2 P (T ) et P (T )∗ commutent donc P (T ) est normal. 3. Supposons T autoadjoint. Puisque P est à coecients réels on a P = P et donc par la propriété 1. P (T )∗ = P (T ). 4. D'après le théorème 2.2.2, P (Sp(a)) = Sp(P (a)). Puisque le spectre de T est compact et que T est normal, on a : kP (T )k = |ρ(P (T ))| = max {|z| ; z ∈ Sp(P (T ))} = max {|λ| ; λ ∈ P (Sp(T ))} = kP k∞ 17 2.2 Homomorphismes isométriques C(X) → A Soit X un compact non vide de C. Posons ϕ : C(X) → A un homomorphisme isométrique d'algèbres de Banach unitaires complexes. Lemme 2.5. Soient f ∈ C(X). Alors f est inversible si et seulement si f ne s'annule pas. Démonstration. Supposons f inversible. Il existe alors g ∈ C(X) tel que f g = 1 c'est à dire pour tout x ∈ X f (x)g(x) = 1, donc f (x) 6= 0. Si f ne s'annule pas, alors la fonction f −1 est bien dénie et continue, donc f est inversible. Lemme 2.6. Soit f ∈ C(X). Alors Sp(f ) = f (X) Démonstration. En utilisant le lemme précédent, on a : λ ∈ Sp(f ) ⇔ f − λ ∈ / GL(C(X)) ⇔ ∃x0 ∈ X, f (x0 ) = λ ⇔ λ ∈ f (X) Théorème 2.7. Soit f ∈ C(X) une fonction continue non identiquement nulle. Alors f est inversible dans C(X) si et seulement si ϕ(f ) est inversible dans A. Démonstration. Premièrement si f est inversible alors il existe f −1 ∈ C(X) tel que f f −1 = f −1 f = 1 donc ϕ(f f −1 ) = ϕ(f )ϕ(f −1 ) = 1A et ϕ(f −1 f ) = ϕ(f −1 )ϕ(f ) = 1A donc ϕ(f ) est inversible. Supposons désormais f non inversible. Soit ε > 0 et posons Ωε = {x ∈ X ; |f (x)| < ε}. Soit gε : X → C dénie par gε (x) = d(x, X\Ωε ). Cette fonction est continue, en eet pour x, y ∈ X on a: |gε (x) − gε (y)| = |d(x, X\Ωε ) − d(y, X\Ωε )| 6 d(x, y) Donc gε est 1-lipschitzienne. Montrons maintenant que gε n'est pas identiquement nulle. Puisque f est non inversible, 0 ∈ Sp(f ) et d'après le lemme précédent, 0 ∈ f (X) donc il existe x0 ∈ X tel que f (x0 ) = 0, et de plus x0 ∈ Ωε . Notons que Ωε est un ouvert, en eet Ωε = ψ −1 (] − ∞, 0[) où ψ(x) = |f (x)| − ε est une application continue. Donc son complémentaire X\Ωε est fermé dans C. Supposons que gε ≡ 0, c'est à dire pour tout x ∈ X d(x, X\Ωε ) = 0. Cela signie que tout x ∈ X est adhérent à X\Ωε qui est fermé donc X ⊆ X\Ωε ce qui implique que Ωε = ∅ ce qui contredit le fait que x0 ∈ Ωε . Si x ∈ X\Ω alors g(x) = 0 donc nalement gε est continue non identiquement nulle mais nulle en dehors de Ω . g2−n Prenons maintenant ε = 2−n et considérons la suite hn = . On a : kg2−n k∞ kf hn k∞ = sup |f (x)hn (x)| x∈X sup |f (x)hn (x)| = x∈Ω2−n 6 2−n sup |h(x)| x∈Ω2−n −n =2 Puisque ϕ est isométrique on a kϕ(f )ϕ(hn )k 6 2−n donc ϕ(f )ϕ(hn ) → 0. Si ϕ(f ) était inversible on aurait lim ϕ(hn ) = lim ϕ(f )−1 ϕ(f )ϕ(hn ) = 0 ce qui est absurde car kϕ(hn )k = 1 donc n→+∞ ϕ(f ) est non inversible. n→+∞ 18 Corollaire 2.8. Soit f ∈ C(X). Alors Sp(ϕ(f )) = Sp(f ). Démonstration. Soit λ ∈ Sp(f ). Par le théorème précédent, on a : f −λ∈ / GL(C(X)) ⇔ ϕ(f − λ) ∈ / GL(A) ⇔ ϕ(f ) − λ1A ∈ / GL(A) ⇔ λ ∈ Sp(ϕ(f )) 2.3 Théorème du calcul fonctionnel continu Soit T un opérateur borné autoadjoint sur un espace de Hilbert H. Soit X le spectre de T . Théorème 2.9. Il existe un unique homomorphisme isométrique d'algèbres de Banach unitaires complexes ϕT : C(X) → B(H) tel que ϕT (id) = T . On notera ϕT (f ) par f (T ). Démonstration. Notons A la sous algèbre des fonctions polynômiales sur X . D'après le théorème de Stone-Weirstrass A est dense dans X . Montrons l'existence de ϕT . Soit ψ : A → B(H) un homomorphisme déni par ψ(f ) = P (T ) où P est un polynôme représentant f . La dénition de ψ ne dépend pas du choix de P , en eet si f = P = Q alors d'après la proposition 2.4 on a kP (T ) − Q(T )k = kP − Qk∞ = 0 donc P (T ) = Q(T ). On a de plus kψ(f )k = kf k∞ . Puisque A est dense dans C(X) et que ψ est un homomorphisme isométrique, par le théorème 4.6 ψ se prolonge en une application linéaire continue ϕT : C(X) → B(H). Il reste à prouver que ϕT est bien un homomorphisme. Soient (Pn )n et (Qn )n deux suites de polynômes convergeant respectivement vers f et g , on a par la continuité de la multiplication et de ϕ, ϕT (f )ϕT (g) = f (T )g(T ) = lim (Pn Qn )(T ) = (f g)(T ) = ϕT (f g). n→+∞ Montrons l'unicité de ϕT . Par dénition de ϕT on a que pour tout n ∈ N ϕT (idn ) = T n et puisque ϕT est linéaire pour tout P ∈ A ϕ(P ) = P (T ). On en déduit que ϕT est déterminé de manière unique sur A et par densité, si f ∈ C(X) et (Pn )n est une suite d'éléments de A convergeant vers f alors ϕT (f ) = lim ϕT (Pn ) = lim Pn (T ) = f (T ) donc ϕT est aussi déterminé de manière n→+∞ n→+∞ unique dans C(X). Enn, si (Pn )n converge vers f la suite (Pn (T ))n converge en norme vers f (T ) et on a en utilisant la proposition 2.1.2 et la continuité de la norme : kf (T )k = lim kPn (T )k = lim kPn k∞ = kf k∞ n→+∞ ce qui montre que ϕT est isométrique. n→+∞ Théorème 2.10. L'opérateur f (T ) déni précédemment possède les propriétés suivantes : 1. f (T )∗ = f (T ) 2. f (T ) commute avec tout opérateur qui commute avec T 3. Sp(f (T )) = f (Sp(T )) = Sp(f ) 4. Si f est une fonction réelle continue sur X et g une fonction continue sur f (X) alors (g ◦ f )(T ) = g(f (T )) 5. Si f est une réelle continue positive alors f (T ) est autoadjoint positif Démonstration. 1. Soit φ : C(X) → B(H) un morphisme d'algèbres déni par φ(f ) = f (T )∗ . Alors φ(id) = id(T )∗ = id(T )∗ = T ∗ = T et par unicité de ϕT on a nécessairement φ = ϕT donc f (T )∗ = f (T ). 2. Soit S ∈ B(H) tel que ST = T S . Soit (Pn (T ))n une suite qui converge en norme vers f (T ). Alors pour tout n ∈ N Pn (T )S = SPn (T ) et ainsi f (T )S = Sf (T ) par continuité du produit. 3. Cette relation provient du corollaire 2.8 et du lemme 2.6 19 4. Notons que f (T ) est autoadjoint, en eet d'après 1. f (T )∗ = f (T ) = f (T ). f (X) = Sp(f (T )). Notons f (X) par Y . Soit l'application θ : C(Y ) → C(X) dénie par θ(g) = g ◦ f . C'est un homomorphisme d'algèbres et θ(idY ) = idY ◦ f = f donc l'homomorphisme ϕ ◦ θ envoie idY sur f (T ). Par unicité on a ϕT ◦ θ = ϕf (T ) et nalement pour tout g ∈ C(Y ), g(f (T )) = (ϕT ◦ θ)(g) = ϕ(g ◦ f ) = (g ◦ f )(T ). √ 5. On sait d'après le point 4. que f (T ) est autoadjoint. Si on pose g = f alors par les propriétés d'homomorphisme de ϕT , f (T ) = g 2 (T ) = g(T )2 donc f (T ) est le carré d'un opérateur autoadjoint. On obtient pour tout x ∈ H < f (T )x, x >=< g(T )2 x, x >=< g(T )x, g(T )x >= kg(T )xk2 > 0 2.4 Quelques applications du calcul fonctionnel continu Puissance d'un opérateur positif : Soient T ∈ B(H)+ et α, β > 0 et notons X le spectre de T . Soit fα : X → X l'application dénie par fα (t) = tα . On pose T α = fα (T ) = ϕ(fα ) et on a d'une part T α+β = ϕ(fα+β ) = ϕ(fα fβ ) = T α T β et d'autre part (T α )β = fβ (ϕ(fα )) = ϕ(fβ ◦ fα ) = ϕ(fαβ ) = T αβ Racine carrée d'un opérateur : Un opérateur T est positif si et seulement s'il existe un unique opérateur borné S positif tel que T = S2. 1 Comme précédemment, posons S = T 2 . Montrons maintenant que S est unique. Si R est un opérateur borné positif vériant R2 = T alors son spectre Y est inclus dans √ R+ . Soient f et g deux fonctions respectivement dénies sur Y et f (Y ) par f : t 7→ t2 et g : t 7→ t. On a g ◦ f = id donc 1 R = (g ◦ f )(R) = g(f (R)) = g(R2 ) = g(T ) = T 2 À l'inverse s'il existe un tel S alors pour tout x ∈ H on a < T x, x >=< S 2 x, x >∈ R+ donc T est positif. 2.5 Opérateurs de multiplication 2.5.1 Un opérateur diagonal Soit H un espace de Hilbert séparable et (en )n∈N une base de H. Soit a ∈ `∞ (N) et Ta : H → H tel pour tout n ∈ N : Ta en = an en Ta est borné, en eet pour tout n ∈ N : kTa en k = kan en k = |an |ken k 6 kak∞ Donc kTa k 6 kak∞ . De plus pour tout ε > 0 il existe n0 ∈ N tel que |an0 | = kTa en0 k > kak∞ − ε, donc pour tout ε > 0, kTa k ≥ kak∞ − ε, et en faisant tendre ε vers 0 on obtient kTa k ≥ kak∞ . D'où : kTa k = kak∞ 20 Son adjoint vérie pour tout n, m ∈ N : < en , Ta∗ em >=< Ta en , em >= an < en , em >= an On en déduit donc : ∀n ∈ N, On a pour tout n ∈ N, Ta∗ en = an en Ta∗ Ta en = Ta∗ an en = |an |2 en et Ta Ta∗ en = Ta an en = |an |2 en Donc Ta est normal. Par conséquent ρ(Ta ) = kTa k = kak∞ , Spr (Ta ) = ∅ et Sp(Ta ) ⊆ D(0, kak∞ ). Pour tout n ∈ N, Ta en = an en . Donc : {an |n ∈ N} ⊆ Spp (Ta ) Réciproquement soit λ ∈ Spp (Ta ) alors ∃ x ∈ H non nul tel que : Ta x − λx = 0 c'est-à-dire, pour tout n ∈ N an xn = λxn . Mais puisque x est non nul, il existe n0 ∈ N tel que λ = an0 . Donc Spp (Ta ) ⊆ {an |n ∈ N}. D'où : Spp (Ta ) = {an | n ∈ N} Posons A = Spp (Ta ) alors A ⊆ Sp(Ta ) Soit b ∈ `∞ . Alors Tb est inversible si, et seulement si pour tout n ∈ N, bn 6= 0 et 1b `∞ (N). On vérie alors que son inverse est T 1b . Soit maintenant λ ∈ / A. Alors pour tout n ∈ N, |an − λ| ≥ d(A, λ) > 0, car λ ∈ / A. Donc n ∈ N 1 1 1 ∞ 6 . D'où ∈ ` (N) . Mais T − λ = T , donc T − λ est inversible d'inverse a a−λ a |an −λ| d(λ,A) a−λ T(a−λ)−1 . On en déduit donc : Sp(Ta ) ⊆ A Finalement : Sp(Ta ) = A À présent nous allons déterminer f (Ta ) pour f ∈ C(Sp(Ta )). On se place tout d'abord dans le cas p X où f est un polynôme qu'on dénit par f = αk X k . k=0 Alors pour tout n ∈ N : f (Ta )en = p X αk Tak en = k=0 p X αk akn en = f (an )en k=0 où f (a) ∈ `∞ (N) On a donc f (Ta ) = Tf (a) Soit maintenant f ∈ C(Sp(Ta )), alors il existe (Pn )nN une suite de polynômes de Sp(Ta ) qui converge uniformément vers f . On veut montrer que f (Ta ) = Tf (a) On a pour tout n ∈ N kf (a) − Pn (a)k∞ = sup |f (t) − Pn (t)| = t∈Spp (Ta ) sup |f (t) − Pn (t)| t∈Sp(Ta ) D'où Pn (a) → f (a) De plus ϕ(Pn (a)) → ϕ(f (a)) c'est-à-dire Pn (a) → Tf (a) par continuité de ϕ. Or Pn (Ta ) → f (Ta ). On conclut alors par unicité de la limite. 21 2.5.2 Multiplication par une fonction de C[0, 1] Soit g ∈ C([0, 1], R). On dénit l'opérateur de multiplication par 2 L [0, 1] → L2 [0, 1] Mg : h 7→ gh Mg est borné en eet on a pour tout h ∈ L2 [0, 1] : kMg (h)k22 Z1 = |g(t)h(t)|2 dt 0 6 kgk∞ khk22 (g étant continue sur le compact [0,1]) Donc kMg k 6 kgk∞ Soit ε > 0. Posons Aε = { t ∈ [0, 1] ; kgk∞ − ε < |g(t)| }, alors c'est un ouvert de [0, 1] puisque g est continue. Et de plus Aε est non vide par dénition de la norme de la convergence uniforme. Donc Aε est de mesure de Lebesgue strictement positive. En posant h := √ 1 1Aε , on a : µ(Aε ) kMg hk22 Z = 0 1 2 Z 1 1 1Aε dt = |g(t)|2 dt > (kgk∞ − ε)2 g(t) p µ(Aε ) Aε µ(Aε ) On en déduit donc kMg k = kgk∞ On souhaite à présent déterminer le spectre de Mg . Pour cela, nous allons d'abord calculer l'adjoint T ∗ de T . On a pour tout f, h ∈ L2 [0, 1] : Z 1 < Mg h, f > = gf h dµ 0 Z 1 f gh dµ = 0 =< f, Mg g > On a donc : Mg∗ = Mg On vérie facilement que Mg est normal. Ainsi on obtient Spr (Mg ) = ∅ et ρ(Mg ) = kgk∞ On souhaite à présent déterminer le spectre de Mg . Soit λ ∈ / Im(g). Alors g − λ ne s'annule pas sur [0,1]. On sait alors que Mg − λ = Mg−λ est inversible. Donc λ ∈ / Sp(Mg ). On en déduit donc : Sp(Mg ) ⊆ Im(g) Réciproquement soit λ ∈ Im(g), alors il existe t0 tel que λ = g(t0 ) Montrons alors que Mg−λ est non inversible. Soit ε > 0. Alors puisque g est continue, il existe η > 0 tel que |t − t0 | < η ⇒ |g(t) − λ| < ε 22 Posons Aε = {t ; |g(t) − λ| < ε}. On a µ(Aε ) > 2η > 0 car µ est invariant par translation. On dénit alors : 1A fε = p ε ∈ L2 [0, 1] µ(A ) Et kfε k2 = 1, donc kMg−λ fε k22 6 ε2 On se place maintenant dans le cas particulier où ε = n1 pour n ∈ N∗ . Alors il existe fn ∈ L2 [0, 1] de norme 1 tel que kMg−λ fn k2 6 n1 . Mais alors si Mg−λ était inversible on aurait pour tout n ∈ N : 1 = kfn k = k(Mg−λ )−1 Mg−λ fn k ≤ qui tend vers 0. Contradiction ! Donc Finalement 1 k(Mg−λ )−1 k n Im(g) ⊆ Sp(Mg ) Sp(Mg ) = Im(g) On se place dans le cas où g est réelle et donc où Mg devient autoadjoint, ce qui nous assure par le théorème de calcul fonctionnel continu que f (Mg ) est bien déni pour f ∈ C(Sp(Mg )). On cherche à présent à donner une forme explicite à f (Mg ). Soit donc f ∈ C(Sp(Mg )) Par théorème de Weirstrass, on sait qu'il existe une suite de polynômes (Pn )n∈N qui converge uniformément vers f , et dénis pour tout n ∈ N par : Pn (X) := qn X αk,n X k k=0 Mais alors pour tout n ∈ N et h ∈ L2 [0, 1] on a : Pn (Mg )h = qn X αk,n Mgk h = k=0 qn X αk,n g k h = Pn (g)h = MPn (g) h k=0 Mais Pn (Mg ) → f (Mg ) par continuité de ϕMg et Mg est isométrique, donc par linéarité de g 7→ Mg : kMPn (g) − Mf (g) k = kMPn (g)−f (g) k = kPn (g) − f (g)k∞ → 0 D'où par unicité de la limite : f (Mg ) = Mf ◦g Remarquons que dans cet exemple, comme celui de l'opérateur diagonal on obtient alors aisément Sp(f (Mg )) dans le cas où f ∈ C(Sp(Mg )) qui est Im(g). 2.5.3 Multiplication par une fonction de L∞ Soit (Ω, B, µ) un espace mesuré σ -ni et g ∈ L∞ (Ω, B, µ). On note comme précédemment Mg l'opérateur de multiplication par la fonction g , et par les mêmes raisonnements on trouve que kMg k 6 kgk∞ et Mg∗ = Mg . Montrons que le spectre de Mg est l'ensemble, appelé image essentielle de g : Imess (g) = {λ ∈ C ; ∀ε > 0 µ{x ∈ Ω ; |g(x) − λ| < ε} > 0} Soit λ ∈ / Imess (g). Supposons qu'il existe ε > 0 tel que µ(Aε ). Dénissons alors la fonction h sur Ω \ Aε par h(x) = (g(x) − λ)−1 et h(x) = 0 sinon. Alors on a |h(x)| 6 ε−1 pour µ presque tout x ∈ Ω, et h(x)(g(x) − λ) = 1 donc h ∈ L∞ (Ω, B, µ). On en déduit : Mh (Mg − λidL2 (Ω,µ) ) = (Mg − λidL2 (Ω,µ) )Mh = idL2 (Ω,µ) On a montré que λ ∈ / Imess (f ) ⇒ λ ∈ / Sp(Mg ) 23 Inversement, prenons λ ∈ C et supposons que pour tout ε > 0 les parties Aε = {x ∈ Ω ; |g(x)−λ| < ε} vérient µ(Aε ) > 0. Posons une fonctions h ∈ L2 (Ω, µ) nulle en dehors de Aε et de norme 1. On a alors k(Mg − λidL2 (Ω,µ) )(h)k 6 ε ce qui implique que Mg − λidL2 (Ω,µ) ne peut être inversible, car en faisant tendre ε vers 0 et par continuité de la norme, on obtiendrait une contradiction. Donc si λ ∈ Imess (f ) alors λ ∈ Sp(Mg ). 24 3 Théorème spectral Avant d'énoncer le théorème spectral, on donne un exemple explicite de diagonalisation d'un opérateur. 3.1 Diagonalisation d'un opérateur de décalage à gauche Soit T : `2 (Z) −→ `2 (Z) tel que pour tout x ∈ `2 (Z) (T x)n = xn−1 , dx ) dénie pour tout n ∈ Z, t ∈ [0, 2π] par On considère (en )n∈Z une base hilbertienne L2 ([0, 2π], 2π int en (t) = e . dx Par ailleurs notons g ∈ L2 ([0, 2π], 2π ) tel que pour tout t ∈ R, g(t) = eit et (δn )n∈Z une base 2 hilbertienne de ` (Z). dx ) tel que : Pour nir soit U : `2 (Z) → L2 ([0, 2π], 2π U δn = e n U est une isométrie bijective, donc U est unitaire. dx En eet l'image de la base hilbertienne (δn )n∈Z par U est la base (en )n∈Z de L2 ([0, 2π], 2π ). On −1 −1 vérie alors facilement que l'inverse U de U est dénie pour tout n ∈ Z par U en = δn Remarquons alors pour tout x ∈ `2 (Z) : U −1 Mg U x = U −1 X xn gen = U −1 n∈Z X xn en+1 = U −1 n∈Z c'est à dire : X (T x)n en = U −1 n∈Z X U ((T x)n δn ) = T x n∈Z U −1 Mg U = T On peut alors en déduire le spectre de T , en eet : λ∈ / Sp(T ) ⇔ U −1 Mg U − U −1 λidU ⇔U −1 (Mg − λid)U ⇔ Mg − λid est inversible est inversible est inversible ⇔λ∈ / Sp(Mg ) D'où : Sp(T ) = Im(g) Soit maintenant φ: B(`2 (Z)) S → B(`2 (Z)) 7→ U −1 SU un homomorphisme d'algèbres de Banach. Posons ϕ := φ◦ϕMg où ϕMg est le morphisme d'algèbres dx ) tel que ϕMg (id) = Mg . C(Sp(Mg )) → B(L2 ([0, 2π], 2π On vérie que ϕ est un homomorphisme d'algèbre vériant ϕ(id) = T et Sp(Mg ) = Sp(T ), on a donc par unicité de l'homomorphisme ϕT d'après le théorème du calcul fonctionnel continu : ϕ = ϕT et donc f (T ) = ϕ(f ) = φ ◦ ϕMg (f ) = φ(f (Mg )) = U −1 Mf ◦g U 25 3.2 Dénitions et préliminaires Étant donné un opérateur autoadjoint T , le théorème spectral montre l'existence d'un espace mesuré σ -ni sur lequel T est conjugué à un opérateur de multiplication. On a donc besoin de quelques outils de théorie de la mesure, et les résultats prouvés précédemment nous permettent de dénir une mesure spectrale associée à un opérateur. L'idée de la preuve est de décomposer notre espace H en espaces deux à deux orthogonaux tels que sur chacun d'entre eux notre opérateur est conjugué à un opérateur de multiplication, et on recolle le tout en dénissant un nouvel opérateur unitaire déni sur un espace mesuré. Dans cette partie H est un espace de Hilbert séparable et T ∈ B(H) un opérateur autoadjoint. Mf désigne l'opérateur de multiplication par la fonction f . Théorème 3.1 : et dénition . Soit x ∈ H. Alors il existe une unique mesure de Borel µx sur Sp(T ) telle que pour tout f ∈ C(Sp(T )) : Z f (t) dµx (t) =< f (T )x, x > Cette mesure est appelée mesure De plus µx (Sp(T )) = kxk2 . Sp(T ) spectrale associée à x et T . Démonstration. Considérons φ : C(Sp(T )) → C dénie par φ(f ) =< f (T )x, x >. C'est une forme linéaire positive d'après le théorème 2.3.2 donc Z d'après le théorème de Riesz-Markov il existe une unique mesure de Borel µx telle que φ(f ) = Si f : x 7→ 1 alors φ(f ) = µx (Sp(T )) = kxk2 . Sp(T ) f (t) dµx (t). Dénition 3.2. Soit x ∈ H et Ex = Vect{T k x ; k ∈ N}. On dit que x et un vecteur cyclique pour T si Ex = H. Théorème 3.3. Si T admet un vecteur cyclique x, kxk = 1, alors il existe une mesure spectrale µx sur X := Sp(T ) et un opérateur unitaire u : L2 (X, µx ) → L2 (X, µx ) tels que T = uMidX u∗ Démonstration. L'existence de µx est prouvée par le théorème 3.1 et puisque kxk = 1, µx est une mesure nie. Soit y = f (T )x, où f ∈ C(X), alors Z 2 kyk =< f (T )x, f (T )x >=< x, f (T )f (T )x >=< x, (f f )(T )x >= |f |2 dµx = kf k22 X Ceci montre que l'application u0 : C(X) → H f 7→ f (T )x est une isométrie, en considérant C(X) ⊆ L2 (X, µx ). De plus µx est une mesure nie ce qui implique que C(X) est dense dans L2 (X, µx ), donc u0 est prolongeable en une application isométrique u : L2 (X, µx ) → H d'après le théorème 4.6. Soit k ∈ N. Le vecteur T k x appartient à l'image de u car T k x = u(idkX ) donc Ex ⊆ Im(u). Or Ex = H donc H ⊆ Im(u) ce qui prouve que u est à image dense, donc unitaire. 26 Soit f ∈ L2 (X, µx ), on a : T (u(f )) = T f (T )x = f (T )T x = f (T )idX (T )x = (f idX )(T )x = MidX (f )(T )x = u(MidX (f )) Donc nalement T = uMidX u∗ 3.3 Décomposition cyclique Lemme 3.4. 1. Il existe des sous espaces vectoriels fermés En ⊂ H, n ∈ N deux à deux orthogonaux et des opérateurs unitaires un : L2 (Kn , µn ) → En où Kn ⊂ C sont des compacts et µn des mesures boréliennes sur Kn tels que M En = H n∈N et T|En = un MidKn u∗n 2. Soit y ∈ H et notons yn sa projection orthogonale sur En , n ∈ N. Alors la Xfamille (yn )n∈N est sommable et de plus yn = y n∈N Démonstration. On note (H)1 l'ensemble des vecteurs de norme 1 dans H. On dénit O = {I ⊂ (H)1 ; Ex ⊥ Ey ∀x, y ∈ I} On applique le lemme de Zorn à (O, ⊂). Si E = {Ik ; k ∈ K} est un sous ensemble totalement ordonné de O alors on dénit [ J = Ik k∈K J ∈ O, en eet : x, y ∈ J ⇒ ∃k, k 0 ∈ K, x ∈ Ik , y ∈ Ik0 ⇒ ∃l ∈ K, x, y ∈ Il ⇒ Ex ⊥ Ey Donc J est un majorant de E et O admet donc un élément maximal que l'on notera M. On va maintenant montrer que l'espace vectoriel engendré par les Ex pour x ∈ M est H. Posons M K= Ex x∈M et supposons par l'absurde que K 6= H. Il existe alors y ∈ H tel que y ∈ K ⊥ , K ⊥ 6= {0}, puisque K est fermé, donc y ∈ Ex⊥ pour tout x ∈ M. Quitte à normaliser y on peut le supposer de norme 1 et évidemment y ∈ / M. On pose M0 = M ∪ {y}. M0 ∈ O d'après le lemme 1, mais M M0 ce qui contredit la maximalité de M. Finalement K = H. 27 Pour nir, on prouve que M est dénombrable. Soit y ∈ H, on note yx sa projection orthogonale sur Ex , x ∈ M. La famille (kyx k2 )x∈M est sommable, en eet si J ⊆ M est un sous ensemble ni de M alors on a par l'inégalité de Bessel : X X kyx k2 = k yx k2 6 kyk2 x∈J x∈J Dans un espace de Banach toute famille absolument sommable est sommable donc (yx )x∈M est sommable. Remarquons que X y− yx ⊥ Ex ∀x ∈ M x∈M ce qui implique y− X yx ∈ K ⊥ x∈M Mais K = H, donc y − P yx ∈ H = {0}, c'est à dire y = ⊥ x∈M P yx . x∈M Le support d'une famille sommable est dénombrable, donc on peut désormais indexer les éléments de M par N, et ainsi on a montré qu'il existe des sous espaces (En )n∈N deux à deux orthogonaux sur chacun desquels Tn := T|En admet un vecteur cyclique. Par le théorème 3.3 il existe des unitaires un : L2 (Kn , µn ) → En tels que Tn = un Midn u∗n où on prend Kn = Sp(Tn ) et µn la mesure spectrale sur ce compact. 3.4 Théorème spectral pour les opérateurs bornés autoadjoints Théorème 3.5 : Théorème spectral . Soit T un opérateur borné autoadjoint sur un espace de Hilbert séparable H. Alors, il existe un espace mesuré σ -ni (X, B, µ), une application f ∈ L∞ (X, B, µ) et un opérateur unitaire u : L2 (X, B, µ) → H tel que T = uMf u∗ Démonstration. On conserve les mêmes notations que précédemment. Posons Xn = Kn × {n} et G X= Xn n∈N On considère la tribu B = {B ⊆ X ; B ∩ Xn est un borélien de Xn } Les éléments de B sont donc de la forme Bn × {n} où Bn est un borélien de Kn . Soit g ∈ L2 (X, B, µ). On note gn : Kn → C l'application dénie par gn (x) = g(x, n) On pose u : L2 (X, B, µ) → H un opérateur déni par X u(g) = un (gn ) n∈N On dénit donc la mesure µ sur B par : µ(B) = X µn (Bn ) n∈N • Étape 1 : Calcul général Z XZ Montrons d'abord que f dµ = X fn (x) = f (x, n). n∈N fn dµn où f est une fonction mesurable positive et Kn 28 Premièrement, prenons la fonction indicatrice sur la partie A, où A = Z 1A dµ = µ(A) = X X µn (An ) = n∈N XZ n∈N 1An dµn Kn Soit maintenant f une fonction étagée positive sur X , alors f = p X λi 1Ai où Ai ∈ B , λi ∈ C pour i=0 tout i ∈ {1, 2, ..., n} et p ∈ N. Z f dµ = X = = = p X i=0 p X i=0 p X i=0 p X Z λi 1Ai dµ X λi µ(Ai ) λi X µn (Ai,n ) n∈N λi i=0 F An ×{n} et An ∈ B(Kn ), n∈N notée 1A . où Ai = F XZ n∈N 1Ai,n dµn Kn Ai,n × {n} et Ai,n ∈ B(Kn ) n∈N = p X XZ n∈N | = XZ n∈N λi 1Ai,n dµn Kn i=0 {z fn } fn dµn Kn Finalement, si f est une fonction mesurable positive sur X , alors il existe une suite croissante (fk )k∈N de fonctions étagées positives telles que fk → f simplement. Alors on a : Z Z f dµ = X lim fk dµ Z = lim fk dµ par convergence monotone k→∞ X XZ = lim fn,k dµn X k→∞ k→∞ = n∈N XZ n∈N Kn fn dµn car fn,k → fn et par convergence monotone Kn • Étape 2 : Montrer que u est unitaire Montrons d'abord que si g ∈ L2 (X, B, µ) alors gn ∈ L2 (Kn , µn ). En eet |g|2 est une fonction mesurable positive et par ce qui précède, on a : Z XZ X 2 |g| dµ = |gn |2 dµn = kgn k22 < +∞ X n∈N Kn n∈N Si la somme est nie alors ses termes sont tous nis ce qui signie que gn ∈ L2 (Kn , µn ) pour tout n ∈ N. 29 On obtient de plus que g ∈ L2 (X, B, µ) ⇔ X kgn k22 < +∞ (∗) n∈N Il faut maintenant prouver que u est unitaire. C'est une isométrie, en eet si g ∈ L2 (X, B, µ) alors ku(g)k2 = X kun (gn )k2 = n∈N X kgn k22 = n∈N XZ n∈N |gn |2 dµn = Kn Z |g|2 dµ = kgk22 X Il est de plus surjectif : prenons y ∈ H, X on cherche une fonction h ∈ L2 (X, B, µ) telle que y = u(h). On sait par le lemme précédent que y = yn où yn est la projection orthogonale sur En , et puisque n∈N les opérateurs un sont unitaires on dénit les fonctions Hn ∈ L2 (Kn , µn ) vériant yn = un (Hn ). Si on pose h : X → C une application dénie par h(x, n) = Hn (x) on obtient que hn = Hn . De plus X X X khn k22 = kun (hn )k22 = k un (hn )k2 = kyk2 < +∞ n∈N n∈N n∈N donc h ∈ L2 (X, B, µ) et nalement d'après (∗) X X u(h) = un (hn ) = un (Hn ) = y | {z } n∈N yn • Étape 3 : Conclusion Soit enn f : X → C telle que f (x, n) = x et prenons g ∈ L2 (X, B, µ) . Alors : uMf (g) = u(f g) X = un ((f g)n ) n∈N = X un (idKn gn ) n∈N = X un MidKn (gn ) n∈N = X T un (gn ) par le lemme précédent n∈N =T X un (gn ) n∈N = T u(g) Donc enn T = uMf u∗ 3.4.1 Calcul fonctionnel borélien Grâce au théorème spectral on peut dénir un calcul fonctionnel borélien. On note K le spectre de T et L∞ (K) l'ensemble des fonctions boréliennes bornées sur K . Théorème 3.6. Il existe un unique homomorphisme d'algèbres de Banach unitaires ϕ : L∞ (K) → B(H) tel que ϕ(idK ) = T vériant la propriété suivante : pour toute suite gn ∈ L∞ (K) convergeant simplement vers g ∈ L∞ (K) on a lim kϕ(gn )(x) − ϕ(g)(x)k = 0 n→+∞ Enn, si g ∈ C(K) alors ϕ(g) = g(T ). 30 Démonstration. Soient (X, µ) l'espace mesuré σ -ni, l'opérateur unitaire u : L2 (X, µ) → H donnés par le théorème spectral et f ∈ L∞ (X, µ) tels que T = uMf u∗ . Dénissons l'application : ∞ L (X, µ) → B(H) ϕ: g 7→ uMg◦f u∗ C'est un homomorphisme d'algèbre unitaire et ϕ(idX ) = uMf u∗ = T . Soit (gn )n∈N une suite de L∞ (K) qui converge simplement vers g ∈ L∞ (K), elle est donc bornée par un réel M > 0. Alors pour tout x ∈ H, la suite (gn ◦ f ) × (u∗ )(x) converge simplement vers (g ◦ f ) × (u∗ )(x) et de plus vérie |(gn ◦ f ) × (u∗ )(x)| 6 M |u∗ (x)|. Or M u∗ (x) ∈ L2 (K) donc par le théorème de convergence dominée (gn ◦ f ) × u∗ (x) converge vers (g ◦ f ) × u∗ (x) en norme k.k2 . On obtient alors : kϕ(gn )(x) − ϕ(g)(x)k = ku(gn ◦ f ) × (u∗ )(x) − u(g ◦ f ) × (u∗ )(x)k = ku(gn ◦ f − g ◦ f ) × (u∗ )(x)k 6 kuk.k((gn ◦ f ) − (g ◦ f )) × u∗ (x)k ∞ = k((gn ◦ f ) − (g ◦ f )) × u∗ (x)k −→ 0 Si g ∈ C(K) alors d'après le résultat obtenu dans la partie 2.5.3 : g(T ) = ug(Mf )u∗ = uMg◦f u∗ = ϕ(g) L'unicité de ϕ est admise. 4 Annexe Théorème 4.1 : Théorème de Hahn-Banach . Soit E un espace de Banach et M un sous-espace de E . Si f est une forme linéaire continue sur M , alors il existe φ ∈ E ∗ telle que φ(x) = f (x) pour tout x ∈ E et ||f || = ||φ||. Corollaire 4.2. Soit F un sous espace dense de E . Alors toute forme linéaire nulle sur F est nulle sur E . Démonstration. Soient f ∈ E ∗ nulle sur F et x ∈ E . Alors par densité de F , il existe une suite (xn )n>0 de E telle que xn → 0. Puisque f est continue, f (x) = lim f (xn ) = 0 donc f ≡ 0. n→∞ Corollaire 4.3. Pour tout x ∈ E il existe φ ∈ E ∗ telle que ||φ|| = 1 et φ(x) = ||x||. Démonstration. Soit x ∈ E . Si x = 0 alors toute forme linéaire convient. Supposons x 6= 0. Posons M = Vect {x} le sous espace engendré par x et ψ une forme linéaire sur M dénie par ψ(λx) = λ||x|| pour λ ∈ C. Alors ||ψ|| = 1 et le théorème de Hahn-Banach nous donne un prolongement sur E . Théorème 4.4 : Théorème de l'application ouverte . Soient E , F deux espaces de Banach et T ∈ B(E, F ). Si T est surjective alors T est une application ouverte. Théorème 4.5 : Théorème d'isomorphisme de Banach . Si f est une application linéaire continue bijective entre espaces de Banach alors f est un homéomorphisme. Théorème 4.6 : Théorème de prolongement par densité . Soient X un espace vectoriel normé, Y un espace de Banach, et E un sous-espace vectoriel de X dense. Si T : X → Y est une application linéaire continue, alors T se prolonge de manière unique en une application linéaire continue T 0 : X → Y . De plus, on a kT k = kT 0 k. 31 Références [1] William Arveson, A Short Course on Spectral Theory, Graduate Texts in Mathematics 209, Sprin- ger. [2] Nawfal El Hage Hassan, Topologie générale et espaces normés, DUNOD [3] Walter Rudin, Analyse fonctionnelle, Ediscience International [4] Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [5] Ronald G. Douglas, Banach Algebra Techniques in Operator Theory, matics 179, Springer. Graduate Texts in Mathe- [6] Daniel Li, Cours d'analyse fonctionnelle, Ellipses [7] Bernard Maurey, Analyse fonctionnelle et théorie spectrale, cours du magistère de Cachan 2004 [8] E. Kowalski, Spectral theory in Hilbert spaces, cours de l'ETH Zürich 2009 32