preface

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PREFACE
On connaît l’importance des interactions de l’environnement
physique, social et familial sur le développement et le devenir de
l’enfant.
Les difficultés du couple parental, ses dysfonctions, ont de
fréquentes répercussions sur les fonctionnements psychiques,
intellectuels, comportementaux et sociaux de l’enfant.
La famille constitue un dispositif groupal qui perpétue, de
génération en génération, ses habitudes, parfois ses secrets, des règles,
des “non-dits” ou encore des représentations qui peuvent avoir un
certain retentissement sur les comportements actuels et futurs de
l’enfant et aussi la façon dont il va s’approprier les apprentissages ou
les refuser symboliquement.
Actuellement, les théories explicatives des troubles du
comportement par des modèles de type biologique ou génétique sont
favorisées ; les troubles présentés par les enfants relèveraient plutôt de
déterminismes pré-établis, immuables.
Cependant, l’Histoire et l’expérience montrent bien qu’au cours des
crises sévères que peut traverser une société, et, avec l’endurcissement
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sous-jacent des mentalités au cours de ces périodes, certaines sciences
humaines peuvent être décriées, voire subir des attaques dures et
injustifiées. Parmi elles, la psychanalyse peut être singulièrement et
cycliquement montrée du doigt, tel un bouc émissaire, alors que, par
ailleurs, ses apports à la psychopathologie de l’enfant, de l’adolescent,
de l’adulte ou du couple humain sont incontournables grâce aux
travaux reconnus d’auteurs comme Freud, Mélanie Klein,
D. Winnicott, F. Dolto, R. Spitz, D. Anzieu, et bien d’autres…
C’est dans le cadre de la soutenance d’un mémoire et de la
validation d’un diplôme de praticien en psychosexologie que l’auteur
s’est employé à formuler puis à vérifier l’hypothèse d’une corrélation
importante entre d’une part la structuration du couple parental et
d’autre part les troubles présentés par l’enfant à travers leur
symptomatologie.
L’école est l’un des endroits où l’enfant est susceptible de manifester
sa souffrance ou son mal être ; ce lieu implique l’inévitable séparation,
exige un fort investissement, suggère la sublimation, interpelle le
narcissisme et l’image de soi ou encore d’autres potentialités et
capacités comme celle de se projeter dans l’avenir…
Pour étayer son hypothèse, l’auteur s’est basé sur un important
recueil de données constitué par plus de 170 bilans psychologiques
d’enfants en souffrance à l’école (l’anonymat des enfants et adultes
concernés ayant, bien entendu, été strictement respecté et garanti).
Un recensement et une étude très détaillée des facteurs pouvant
induire des troubles de l’apprentissage et du comportement ont donc
été réalisés dans le but de mettre en évidence de possibles liens entre
les perturbations du fonctionnement psychique et intellectuel de
l’enfant et les interactions avec son environnement et sa biographie.
L’auteur soulignera également la fréquence d’apparition de certaines
perturbations de l’appareil cognitif de l’écolier, notamment par rapport
aux multiples “dys…” (dysphasies, dyspraxies, dyscalculies,
dysorthographies, dyslexies,…), de nature à interpeller bien au-delà
des simples explications génétiques ou neurologiques.
Cependant, sur ce point, seules des recherches multifactorielles,
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portant sur des études à la fois transversales et longitudinales,
pourraient donner des indications valables sur l’incidence des
dimensions psychologiques et cliniques.
L’enjeu d’une telle recherche serait pourtant de taille, car s’il devait
s’avérer que les troubles des apprentissages, pour beaucoup
d’enfants, seraient d’origine psychogène, cela aurait probablement des
incidences sur les thérapies proposées qui se limitent actuellement le
plus souvent à la sphère instrumentale.
La question serait alors de savoir s’il ne vaut pas mieux s’attacher à
traiter les causes de la souffrance et du trouble, au moyen de thérapies
ou d’aides appropriées, plutôt que de se pencher simplement et
uniquement sur les effets, à coup de remédiations, de rééducations
spécialisées ou encore de traitements pharmacologiques…
Tout comme pour ces adultes vivant en couples sur le mode
dysfonctionnel, y compris dans le registre de leur intimité, et qui
recherchent un mieux-être par des demandes de prises en charge
psychothérapiques, ne faudrait-il pas aussi viser à prendre en charge
d’une manière plus soutenue ces enfants qui souffrent parfois
gravement (dépressions, phobies scolaires, conduites à risques,
automutilations, installation dans des pseudo-déficiences ou au
contraire des intellectualisations effrénées,…) dans le cadre de nos
écoles où ils sont pourtant sensés se construire ?
Il s’agit aussi de se poser la question de savoir si une
surmédicalisation du trouble du comportement et de la difficulté
scolaire représente la solution unique et la plus judicieuse pour une
problématique qui touche au domaine de la santé psychique de nos
jeunes générations.
Ne s’agit-il pas d’un problème d’équilibre psychique et de santé
publique en général concernant toute une population ?
Si notre but est d’éviter la répétition intergénérationnelle des
dysfonctions et d’apporter le bien être à des individus en situation de
souffrance, il y a sans doute lieu de s’interroger encore et toujours sur
la nature, les modalités des prises en charge, leur fréquence, le lieu et
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le niveau de formation et de compétence des professionnels ayant à
intervenir, qu’ils soient soignants, thérapeutes ou éducateurs…
Le présent ouvrage cherche avant tout à permettre de faire une sorte
d’état des lieux autour de la symptomatologie de l’enfant en difficulté
et en souffrance dans le cadre scolaire mais aussi à s’interroger sur ce
qu’il donne à voir par rapport à ce qu’il a vécu en amont ou à ce qu'il
vit parallèlement à sa scolarité.
Docteur Robert Gellman
Psychiatre des Hôpitaux
Directeur d’Enseignement au Diplôme Inter-Universitaire
de Sexologie de Paris V, René Descartes.
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INTRODUCTION
Le sujet de cette étude trouve son origine dans l’observation,
l’analyse, l’examen clinique et la prise en charge, dans le cadre
scolaire et notamment du Réseau d’Aides Spécialisées aux Enfants en
Difficultés, dont le psychologue à l’école est une composante,
d’enfants dont les troubles du comportement constituent un obstacle
majeur aux apprentissages scolaires et à la socialisation.
L’examen psychologique complet de l’enfant comporte, entre
autres, un ou plusieurs entretiens cliniques avec les parents.
Dans de nombreuses situations et à travers ces entretiens, il
apparaît que la nature des difficultés trouve souvent des éléments
explicatifs qui sont en rapport avec la dynamique familiale, des
troubles de la parentalité ou des dysfonctions du couple qu’il est
possible, pour un psychologue d’orientation “clinique et
pathologique”, de décoder.
Toutefois, pour le psychologue à l’école , le cadre scolaire ne
saurait constituer le lieu de la thérapie familiale et il se trouve donc
dans la nécessité d’orienter la famille et l’enfant vers des structures ou
des professionnels extérieurs (psychiatres et pédopsychiatres, centres
médico psychologiques, centres médico psycho - pédagogiques,
hôpitaux de jour, CAMPS, sophrologues et relaxologues
institutionnels ou libéraux...) avec, bien souvent, les réticences que
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cela implique de la part des familles qui ne veulent pas se reconnaître
comme dysfonctionnelles même si à l’évidence, pour le psychologue,
l’enfant apparaît comme le “porte-symptôme”.
Ce travail de recueil et d’analyse de données tient compte de
l’apport de nombreux auteurs et de psychothérapeutes de terrain qui se
sont penchés sur le problème de la structuration du couple humain et
dont l’approche souvent kleinienne se prête fort bien au sujet traité ici.
Il nous sera également donné d’aborder quelques considérations
portant sur les avantages et les inconvénients d’une approche
exclusivement psychanalytique ou encore des autres approches visant
à éliminer tout autre orientation.
Précisons encore qu’une grande partie du contenu de la présente
étude avait fait l’objet d’une soutenance, en novembre 2005, à l’issue
d’une formation post universitaire, en trois ans, de thérapeute en
psychosexologie (Ecole Française de Sexologie, Paris).
Dans cet ouvrage on trouvera également l’apport de Geneviève
Djenati, portant sur les troubles de la parentalité et le passage
adolescence - vie adulte, psychothérapeute familiale, vice présidente
de PSYFA (Psychanalyse et Famille), chargée d’enseignement à
l’Université René Descartes / Paris V et anciennement responsable de
la formation des psychologues scolaires.
Un recueil de données, portant sur 172 enfants dont les troubles du
comportement et les difficultés d’apprentissage sont à l’origine des
demandes d’intervention du psychologue scolaire via le Réseau
d’Aides, constitue le matériel d’étude et d’analyse qui va permettre de
confirmer, d’infirmer ou de nuancer notre hypothèse de départ, à
savoir :
“On devrait observer une forte corrélation entre les
dysfonctions du couple parental et les troubles de l’enfant”.
D’autre part, si l’on peut supposer que des facteurs relatifs à la
transmission transgénérationnelle sont susceptibles de favoriser la
répétition des comportements et des attitudes dysfonctionnels de par
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les liens de filiation, il serait également possible d’admettre que
d’autres variables, d’ordres plutôt biographiques et
environnementales (école, prise en charge analytique, rencontres de
personnes et de situations fortuites, groupe des pairs, thérapies...) et
pouvant échapper à l’emprise du système familial, pourraient
permettre à certains individus de s’écarter d’un possible “syndrome
de répétition”.
La nature des troubles, des souffrances et des difficultés des enfants
constituant cet échantillonnage va nous conduire, en outre, à aborder,
d’une façon quasi incontournable, des thèmes aussi divers que :
- le groupe, la famille en tant que dispositif groupal, les processus à
l’œuvre dans le groupe, les pulsions dans le lien de groupe, le groupe
comme lieu de la relation, d’appel et d’emplacements psychiques, la
dynamique de groupe...
- l’échec scolaire en tant que symptôme, la fonction de la
dépression chez l’enfant, l’origine des manifestations anxieuses et de
l’angoisse chez l’enfant et les mécanismes de défense mis en œuvre
(agitation motrice, troubles de l’attention, comportements clastiques et
violents, auto dépréciation, automutilation...)
- la focalisation de la famille “actuelle” sur l’enfant, la dimension
narcissique de l’amour, l’amour dans la famille et les relations
précoces mère - enfant, la notion d’enfants - rois et tyranniques qui
“poussent à bout…”
- les problématiques à l’adolescence, notamment par rapport aux
identifications...
- des éléments explicatifs de psychologie et de psychopathologie de
l’enfant...
Si l’échantillonnage d’étude concerne essentiellement des enfants
de quatre à douze ans et se trouvant donc au stade pré-opératoire et au
stade des opérations concrètes pour la plupart (selon Piaget) ou encore
dans la période du conflit œdipien et la période de latence (Freud), il
semble toutefois intéressant d’aborder également les problématiques
liées à l’adolescence, ne serait-ce que pour les repositionner par
rapport à la relation d’objet et au lien à l’objet qui concernent
l’individu à tous les stades de la vie : enfance, adolescence, âge adulte,
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maturescence, sénescence...
L’enfant dans sa famille
Dans le cadre du travail thérapeutique avec l’enfant en souffrance
beaucoup de praticiens ont acquis leur conviction que les méthodes
exclusivement d’orientation psychanalytique montrent leurs limites :
l’enfant est extrêmement dépendant de son environnement, et le
milieu familial, souvent de manière inconsciente, ressent
l’intervention sur l’un de ses membres comme une remise en question
de l’ensemble de son équilibre groupal.
La tendance familiale consiste bien souvent à éviter toute prise en
charge psychologique qui risquerait de déboucher sur une remise en
cause de son fonctionnement groupal.
En effet, ce qui empêche les parents de venir consulter avec leur
enfant, ce ne sont pas des objections d’ordre théorique, mais beaucoup
plus une blessure narcissique ou une réaction affective inconsciente
qui leur fait redouter l’accès de l’enfant à l’autonomie par
l’intermédiaire de la thérapie.
Il y a souvent des partenaires qui masquent leurs fragilités et leurs
difficultés personnelles en formant un couple. Pour ceux-ci, il y a une
réelle difficulté à supporter la moindre évolution du lien conjugal,
dont par ailleurs l’enfant souffre, parfois au point d’en devenir le
porte-symptôme, car si la structuration de tels couples a un effet
stabilisateur pour les parents, elle peut avoir un effet perturbateur,
voire pathogène, pour l’enfant issu de parents dont il est pourtant
aimé.
Nous verrons dans les pages qui suivent et notamment dans la
partie interprétative des données toutes les symptomatologies qui
peuvent être manifestées par ces enfants, notamment dans le cadre
scolaire, qu’il s’agisse d’apprentissages ou de “savoir être”...
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