Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
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dossier thématique
Hormones
et relations humaines
chez des patients dépressifs ont révélé une diminution
des taux circulants d’OT alors que les taux d’AVP sont
plus élevés. La signication psychophysiologique de
cette diminution a été mieux précisée par l’observation
d’une relation inverse entre les scores d’anxiété et la
concentration en OT circulante dans une population
de déprimés majeurs. Connaissant les actions yin et
yangdes peptides neurohypophysaires sur la sécrétion
d’ACTH et indirectement sur celle de cortisol, on peut
émettre l’hypothèse que la diminution de l’OT couplée
à une augmentation de l’AVP pourrait être en partie
responsable de l’ostéoporose, plus marquée chez les
femmes ménopausées dépressives que chez les femmes
non dépressives.
L’ocytocine en pratique clinique
Sur le plan pharmacologique, plusieurs cliniciens ont
testé l’administration d’OT, soit sous forme de perfusion
intraveineuse, soit sous forme de spray nasal (16). La
molécule apparaît dans le liquide céphalo-rachidien
15 minutes après son insuation. L’OT traverse la bar-
rière hémato-encéphalique vraisemblablement par
un phénomène d’endocytose et un passage à travers
la lame criblée de l’éthmoïde. De nouveaux agonistes
et antagonistes non peptidiques du récepteur de l’OT
récemment mis au point présentent l’avantage d’être
administrables per os (17). Ces ligands se xent aussi
bien sur les récepteurs périphériques que sur les récep-
teurs centraux. L’atosiban, un antagoniste de nature
peptidique, est actuellement utilisé dans la prévention
de l’accouchement prématuré. Au vu de l’impact de
l’OT sur le développement des interactions sociales,
il convient d’être prudent et de suivre le devenir des
enfants dont la mère a été traitée par cet antagoniste
en n de grossesse. Du fait de l’importance des phé-
nomènes épigénétiques en début de vie, il est indis-
pensable que les équipes de néonatologie favorisent le
rapprochement physique du nouveau-né avec sa mère,
en particulier au cours de l’allaitement maternel lorsque
celui-ci est possible, pour renforcer la sécrétion d’OT
chez l’enfant. La pratique du massage du nouveau-né
dans cette même optique fait l’objet d’études dans mon
université. Toutefois, il sera long et dicile de tirer des
conclusions raisonnablement valides quant à son eet
sur le long terme.
Considérant les propriétés prosociales et anxiolytiques
de l’OT chez l’adulte, on peut raisonnablement penser
que les agonistes non peptidiques administrés per os
feront prochainement l’objet d’études psychopharma-
cologiques. Il serait souhaitable de privilégier avant
tout l’étude de l’activation du système ocytocinergique
endogène (par contact cutané, massage, méditation,
sexualité épanouie…) dans le cadre d’une médecine
douce à fondement psychophysiologique sérieux.
Un polymorphisme du gène codant pour le récepteur
de l’OT a été trouvé avec une fréquence de 0,77 et 0,23
dans une cohorte de 70 patients d’origine caucasienne,
qui se traduit par une variation de la sensibilité du
récepteur (18). Des études récentes montrent que des
variants moléculaires du récepteur sont associés à une
prédisposition à l’autisme, aux troubles anxiodépressifs
et à la schizophrénie (19). Dans l’objectif de dépister et
de prendre en charge précocement des prédispositions
aux troubles psychiatriques, une analyse génétique du
récepteur de l’OT chez des enfants de familles présen-
tant un comportement anxio dépressif (essentiellement
les formes bipolaires) et/ou des conduites autistiques,
voire une schizophrénie, permettrait vraisemblable-
ment d’identier les enfants chez lesquels il faudrait
renforcer la sécrétion endogène d’OT. Il faudrait éga-
lement être particulièrement attentif à la mise en
place de leurs interactions sociales dès les premières
semaines de vie.
On peut craindre chez certaines personnes que les cir-
constances de la libération physiologique d’OT prennent
une allure addictive. La brusque révélation du sentiment
amoureux, communément appelée “coup de foudre”,
n’est pas nécessairement bénigne, mais peut être dévas-
tatrice. Elle peut conduire à une sensation d’élation
irraisonnée et irraisonnable, parfois à des comporte-
ments proches de l’état maniaque. Le développement
de l’attachement interindividuel peut transformer la
relation passionnelle en un équilibre chaleureux de
longue durée, favorable aux deux partenaires et à leur
descendance éventuelle (7, 20).
On peut aussi se demander si l’activation du système
ocytocinergique induite par l’alcoolisme chez l’homme
(21) ne tendrait pas à rétablir une défaillance du sys-
tème endogène qui prive l’individu des eets empa-
thique et anxiolytique de l’hormone. Il pourrait en
être de même pour certains états d’hypersexualité
chronique.
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R é f é r e n c e s
R E M E R C I E M E N T S
L’auteur remercie Madame Estelle Louiset et son équipe pour les conseils rédactionnels qui ont contribué à l’élaboration de ce texte.